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mercredi 12 août 2015

Musée Soulages

L'acier Corten du musée SoulagesSi vos pieds ne vous conduisent pas d'eux-même jusqu'à Rodez, préfecture du département de l'Aveyron, provoquez le voyage ! J'y suis allé pour visiter le musée Soulages, j'y ai découvert une ville charmante et riche en lieux à découvrir. Peut-être que je vous reparlerai de la ville un autre jour mais, pour aujourd'hui, je vais essayer de vous donner l'envie d'aller visiter le musée Soulages où je compte revenir dès qu'il me le sera permis. Inauguré en 2014, ce musée connaît un succès mérité et permet, dans un cadre magnifique, de découvrir ou de redécouvrir l'œuvre de l'un des artistes contemporains majeurs.

Je pense me souvenir avoir rencontré Soulages dans un livre alors que j'étais en classe de troisième. Je n'avais pas compris l'intérêt. La reproduction, assez petite, représentait une sorte d'aplat noir imparfait. Quelques années plus tard, j'ai vu au centre Pompidou une œuvre de Soulages de mes yeux et j'ai compris.
Inauguré l'an dernier, le musée Soulages se situe à Rodez, préfecture de l'Aveyron et ville natale de l'artiste. C'est une merveille architecturale qui laisse une large place à l'acier Corten, un acier auto-patiné très utilisé par les architectes. Ce musée se dresse à l'emplacement de l'ancienne place du foirail. Pierre Soulages a effectué une donation au musée et ce sont environs 500 œuvres qui sont disponibles dans le fonds du musée. Il est possible d'y voir des premières œuvres comme les travaux préparatoires à la réalisation des vitraux de l'abbatiale de Conques avec des esquisses et des essais de verres, des eaux fortes, des sérigraphies, des brous de noix ou des gouaches sur papier et des peintures représentantes de la période "Outrenoir" qui a fait la renommée de l'artiste.

Entrée du musée Soulages
A quelques centaines de mètres de la cathédrale de Rodez, le musée ouvre une vue sur les proches collines et officie à la manière d'un promontoire invitant à découvrir la région. Après une longue polémique et un refus assez massif de ce projet de musée par la population, la première pierre est posée en 2005 en présence de l'artiste. Il sera inauguré en 2014 en présence du président de la République François Hollande et de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti. Sur un an, ce sont 250000 personnes qui franchiront le seuil de ce musée détenteur du label des musées de France.

Esplanade du musée Soulages à Rodez
Pour neuf euros en tarif plein, le droit d'entrée au musée Soulages donne accès aux deux autres musées de la ville, le musée Fenaille et le musée Denys-Puech. Le billet est valide pour un mois. Il existe un tarif réduit pour les demandeurs d'emploi, les groupes, les membres de sociétés savantes et autres et l'entrée est gratuite pour les jeunes de moins de 18 ans ainsi que pour les étudiants. Evidemment, pour l'occasion vous êtes invités à découvrir la vieille ville de Rodez qui vaut vraiment le détour.

cathédrale de Rodez

Depuis le hall d'entrée où se trouvent la billetterie et la boutique, vous descendez à l'étage inférieur où se trouve le musée par lui-même. Dans une obscurité contenue, vous découvrez les premières œuvres et c'est le choc. Vous pouvez les observer à quelques centimètres de distance, les yeux dans les yeux oserai-je dire. Une salle lumineuse est consacrée aux travaux des vitraux de Conques représentés par de grands panneaux de bois couverts de ruban adhésif venant figurer les dessins des plombs des vitraux. Dans des vitrines, des essais de verres voisinent des outils de verrier tandis qu'un film défile sur un écran.

Travaux préparatoires pour les vitraux de Conques
Il est possible de visiter le musée comme on le souhaite. On peut choisir l'ordre chronologique du cheminement de l'artiste ou se laisser porter par l'instinct. Une salle est consacrée aux premières peintures, celles de la fin des années 40 et du début des années 50. S'il est intéressant de voir ces premières œuvres qui osaient le figuratif et la couleur, je dois reconnaître que ce n'est pas la partie que j'ai su le mieux apprécier. Etait-ce la période qui le voulait ? J'ai trouvé les couleurs tristes et fades, comme salies. La période suivante, celle durant laquelle Pierre Soulages s'essaie à la gouache et au brou de noix sur papier est, à mon sens, fondamentale et marque durablement la suite des recherches artistiques de l'auteur. Pierre Soulages entre délibérément dans l'abstraction en semblant s'inspirer de l'idée de l'idéogramme.

Gouaches et brous de noix sur papier
S'il est bien un pan du travail de Pierre Soulages que j'ignorais totalement, c'est celui qui concerne les impressions. Lithographies, sérigraphies mais aussi et surtout, les eaux fortes. Plusieurs pièces sont exposées d'une manière très didactique, avec la pièce de cuivre ou de bronze et le résultat imprimé sur papier. J'ai trouvé cela vraiment très intéressant.

Eau forte - épreuve d'artiste
Ce que le grand public connaît le mieux de l'œuvre de Pierre Soulages, ce sont les peintures et, plus particulièrement, la série "Outrenoir". C'est cette dernière qui a beaucoup amusé les humoristes et a conduit à faire croire que Pierre Soulages peindrait en noir sur du noir pour donner, à la fin du bout, une toile toute noire. Bon. Ma foi. J'invite juste les gens à aller voir. Pour moi, c'est encore la partie la plus passionnante de l'ensemble de l'œuvre. D'abord, il n'est pas vrai de dire que Pierre Soulage n'utilise systématiquement que le noir. Ensuite, bien évidemment, ces peintures ne se limitent pas à un infâme barbouillage de mauvaise peinture sur un méchant support. Comme souvent, il est absolument nécessaire de connaître le cheminement de l'artiste dans la recherche de son art pour en comprendre la teneur. Pour cela, oui, il est intéressant de visiter le musée en suivant la chronologie. On comprend alors que Pierre Soulage est allé au plus pur, à l'essentiel, qu'il a enlevé le gras et le superflu pour ne garder que ce qui est important. Et c'est magique et c'est beau.

Œuvre sur quatre panneaux
Musée Soulages
Outrenoir
Lorsque l'art est sorti du rôle dans lequel on l'avait cantonné qui consistait, du moins pour l'art occidental, de représenter le réel ou le réel très imaginaire (on peut faire entrer toutes les peintures à caractère religieux là-dedans comme pas mal de portraits de puissants et aussi, pour faire bon compte, une belle quantité de paysages), il a gagné en liberté. Avec l'abstraction, il est entré dans le magique total. Dès lors, alors que l'on paraissait octroyer à l'artiste le droit de faire n'importe quoi n'importe comment, on a pu craindre qu'il aille sur le chemin de l'escroquerie intellectuelle caractérisée. Cela aurait été sans compter sur le fait que l'artiste n'est pas nécessairement un escroc. Je ne suis pas autorisé à m'exprimer avec légitimité sur le sujet mais je suis persuadé que l'exercice de l'art n'est pas quelque chose de serein et de facile. On ne peut pas penser un instant qu'un artiste comme Pierre Soulages réalise ses peintures en balançant des coups de brosse plongée dans un pot de peinture sans réflexion, sans doute, sans intention. Enfin si, on peut le penser mais alors on se trompe. Ou on prend un malin plaisir à se tromper, comme ça, juste par goût de la beaufitude affirmée et revendiquée. Un peu comme on peut porter un jogging et un bob pour affronter le monde du dehors. On peut très bien ne pas aimer le travail d'une vie, celui de Pierre Soulages. On peut ne pas y être sensible. Cela est très légitime et ne demande pas d'explication. On n'a pas le droit d'insulter l'artiste au motif que l'on refuse l'effort de se confronter à son œuvre. C'est bien trop simple et bien trop proche des idéaux fascistes qui font frisotter les poils du cul de certains. C'est vrai quoi. Merde ! Il y a un quart de million de personnes à être venus voir les œuvres de Soulages dans ce musée en un an, des personnes venues du monde entier, des personnes de tous les âges. Elles ne peuvent pas toutes s'être trompé de porte. Osez la curiosité, que diable ! Ayez le courage d'être bouleversé, d'être étonné, d'être surpris, d'aimer ou de détester.

Si le musée Soulages est une réussite architecturale, c'est aussi parce qu'il est fort agréable à vivre. Je le prouve ici, les photographies semblent être autorisées. Il est possible de profiter des bancs placés un peu partout pour se reposer ou pour se plonger dans une peinture durant un instant. L'accès au musée est bien évidemment facilité pour les personnes à mobilité réduite et les visiteurs peuvent profiter d'un système de guide dans leur cheminement avec une application à charger sur un téléphone intelligent. Une salle qui a bien retenu mon attention est celle dédiée aux peintures sur toile. Une salle lumineuse, quasi clinique, un véritable écrin pour les peintures.

Musée Soulages
Musée Soulages
Comme une vague
Musée Soulages

Le musée dispose d'une grande salle pour les expositions temporaires. Elle est actuellement occupée par une installation de Claude Lévêque intitulée "Le Bleu de l'Œil". Je parlais de magie tout à l'heure et cela prend tout son sens ici. Des ombres et des lumières. L'art n'est finalement qu'un subtil dosage de l'un et de l'autre. De l'ombre, de la lumière, de la couleur. On pénètre dans la salle et on perd pied, on perd aussi ses repères et la notion d'espace, de distance, de profondeur. Il est à noter que l'exposition de Claude Lévêque va du musée Soulages jusqu'au musée Fenaille en passant par le centre de la ville.

Le bleu de l'œil - Claude Lévêque

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