Concert du vendredi soir

Pas facile, la vie d'artiste, de musicien, lorsque l'on n'est pas une star mondiale. Hier soir, vendredi 23 novembre, Gerry Garstein jouait au Médiéval, bar-restaurant à Hautefort, en Dordogne.
J'ai rencontré Gerry Garstein il y a des années de cela. A l'époque, dans la première moitié des années 90, j'étais correspondant de presse pour le journal Sud Ouest. Nous étions le 21 juin et je cherchais un sujet pour écrire quelque chose à propos de la fête de la musique. Gerry jouait à la terrasse d'un bar de Terrasson en compagnie du contrebassiste Michael Stoll qui, entre autres mérites, peut se targuer de jouer avec le groupe allemand "Faust". J'avais été intéressé par la musique du duo, un mélange de blues, de folk et de quelque chose de bien plus "bizarre" apporté en majeure partie par Michael Stoll.
Avec mon amie de l'époque, nous nous étions installés à cette terrasse et nous avions écouté le concert. Nous étions ensuite allés discuter avec Gerry et j'avais pondu un papier pas trop mauvais. Du coup, Gerry m'avait contacté après la parution de l'article, nous nous étions revus chez lui à l'occasion d'une très agréable soirée et ça a été le début de quelque chose que l'on peut sans doute appeler amitié même si je n'ai jamais vraiment bien compris ce que recelait ce terme.
Depuis cette époque, nous sommes donc restés en contact, Gerry et moi. Dans nos vies respectives, des choses ont changé mais nous sommes restés proches. Lui vit sa vie entre sa petite maison de Villac, en Dordogne, et des séjours chez son amie du moment, en Allemagne ; moi j'ai laissé tomber Sud Ouest, je suis devenu salarié aux revenus confortables, je suis redevenu célibataire et j'ai déménagé en passant au passage du statut de locataire à celui d'accédant à la propriété. A 66 ans, il est retraité aux revenus modestes et essaie de jouer autour de chez lui, majoritairement dans des bars, modestement. Loin du show-biz qui d'ailleurs ne veut peut-être pas de lui, Gerry promène ses guitares et banjo et joue la musique qu'il aime ; chante les chansons qu'il aime. Cette musique, ces chansons, sont puisées dans le large répertoire du blues et du folk américain que reprend Gerry ou dont il s'inspire pour ses compositions.

Bref...
Hier soir, donc, c'était à Hautefort que jouait Gerry. Je ne vais pas systématiquement à ses concerts mais là, il m'avait demandé de passer pour faire des photos. J'ai un peu hésité à accepter et puis je me suis dit que ça me donnerait une occasion de sortir. L'idée de la soirée était de proposer un repas musical. Un buffet libre pour manger, Gerry pour la musique. Un concert dans un bar-restaurant à Hautefort, ça ne donne pas à penser que ça va être une soirée inoubliable, soyons honnête. Mais bon, je promets d'y être, j'y vais. C'est la vie, c'est comme ça.
J'arrive à Hautefort un peu avant 20 heures. Je gare la voiture, j'attrape le sac photo et je m'approche. J'aperçois Gerry attablé près de l'entrée devant un ballon de rouge. Je rentre, on se dit bonjour, je prends une bière et on discute un peu de nos vies. Peu de monde pour le moment. Au comptoir, quelques habitués qui semblent accrochés là comme des moules à leur rocher. Il y en a un, petit, gros, le crâne dégarni qui ne dit pas un mot mais qui écluse ses pastis avec une belle constance. Il y en a un autre, plus grand, plus sec, plus titubant qui parle. Il aperçoit mon sac photo et vient me voir. Il m'apprend que lui aussi fait de la photo. Il n'habite pas loin et il file chercher son matériel et quelques exemples de ses travaux. Un compact Nikon et quelques photos pas si mauvaises que ça de couchers de soleil sur Hautefort. Je le complimente. Ça le conforte dans l'idée que je suis un chic type et il commence à m'expliquer longuement qu'il n'aime pas la photo numérique (il dit électronique) et que, pour preuve que l'argentique c'est bien mieux, on a choisit ses photos de champignons devant des photos prises en numérique pour une exposition mycologique à Hautefort il y a quelques années. Parce que ça donne soif de parler, il retourne d'un pas hésitant s'accrocher au comptoir et commande un nouveau ballon de rosé. Je commence à me demander dans quelle soirée je me suis laissé embarquer.
Il est facilement 20h30 et nous ne sommes pas plus d'une douzaine dans le bar. Pour le moment, c'est un CD de Aznavour qui met l'ambiance. On demande à Gerry d'aller chercher une guitare et de jouer quelques morceaux. Il hésite, Gerry. Je sens bien qu'il ne la sent pas trop lui non plus, cette soirée. Il vide son ballon et va chercher une guitare. Quelques morceaux que personne n'écoute vraiment. Bon.
21 heures. On comprend qu'il n'y aura pas beaucoup plus de monde et on invite les personnes présentes à se rendre dans la salle de restaurant pour passer au repas. Sur une grande table, un amoncellement de salades, de charcuteries, de tranches de rôti de porc et d'autres victuailles du genre. Le principe est simple. On prend une assiette, on se sert à volonté et on mange. Je pensais que Gerry allait jouer tout de suite mais non. Il prend une assiette et commence à se servir. Du coup, on se retrouve tous les deux à une table pour manger. De toutes les façons, nous ne sommes que 6 à s'être décidés de manger... Les autres sont encore trop occupés par les discussions du bar. Je ne sais pas trop combien de personnes on espérait attirer pour cette soirée mais il semble certain, au vu des quantités, on en attendait au moins quatre ou cinq fois plus. Pour ma part, je décide de voir le bon côté des choses et je me dis que je vais pouvoir manger plus qu'à ma faim.
On vient voir Gerry et on lui demande d'aller au boulot, d'empoigner l'une ou l'autre de ses guitares et de chanter. Il est là pour ça, après tout. Il finit de manger ses moules, s'essuie les mains et va officier. Je ne saurais pas dire si c'est la musique ou la faim qui décide les personnes à venir. Depuis tout à l'heure, il y a eu de nouveaux arrivants et on est bien une vingtaine, maintenant !
A la table à côté de la mienne, un couple et leurs deux gosses. Tous moches quoi que la petite fille soit la moins désagréable. Elle, elle est du type "grosse vache bourrée". Lui, c'est plutôt du type "gros con saoul". Le fiston est gras et laid en plus de sembler bien con. Ce ne serait pas bien grave si ces braves gens se contentaient de boire, manger et écouter. Mais il faut que la madame décide de gueuler, de demander que le musicien joue de la "couneterie" ou du Michel Sardou (parce que Gerry a le malheur de parler de l'Irlande et du Connemara...), de vouloir faire de l'humour très lourd. Il arrive heureusement un moment où quelqu'un lui demande de se taire. Contre toute attente, ça marche au-delà de mes plus folles espérances ! Peu de temps après, le troupeau se lève et s'en va après une halte au comptoir où il paie son dû. Bon débarras !
Le concert se poursuit. Quelques personnes s'en vont après leur repas mais d'autres restent à écouter. Dopé par l'ambiance qui est devenue plus agréable, Gerry rentre dans sa musique. Ça y est, il devient bon ! Il chante en fermant les yeux et enchaîne blues sur morceaux de Pete Seeger, alternant musique nostalgique et musique entraînante. Le charme opère et les applaudissements viennent le remercier. Une pause pour boire un peu de vin et fumer une cigarette et il revient pour une dernière série encore meilleure. Les personnes qui sont encore présentes ne sont là que pour Gerry et sa musique et Gerry le sent. Il a retrouvé la confiance en lui et ça s'entend.
Le concert se termine par un chant a capella, Gerry salue son public et va se servir un verre de vin. Nous parlons un peu du concert. Gerry est fatigué. Il est près de 1 heure du matin. J'aide Claude (un autre de ses amis) à ranger le matériel, ampli, guitares, pieds, micros... On range tout cela dans la voiture. La soirée est terminée. Je paie mon repas, je dis au-revoir à Claude et à Gerry et je rentre me coucher.

gerry garstein

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