Je vous ai trompé. J'ai choisi sciemment une histoire clivante, provocatrice, et je vous l'ai racontée. Vous avez plus ou moins mordu à l'hameçon et avez donné votre avis sur cette prétendue étude scientifique américaine, avez pesté contre l'art abstrait, défini ce qu'était et n'était pas l'intelligence, ce qu'était et n'était pas l'art. C'était juste ce que j'attendais et espérais. Je vous ai trompé.
Ce que je cherchais, c'était de voir si quelqu'un allait demander les sources, les preuves, l'origine de cette étude américaine. En vous proposant un sujet qui fera polémique, j'espérais bien que vous alliez réagir plus sur le propos que sur l'authenticité de l'information. Ça a fonctionné. C'est de la manipulation et je n'ai rien inventé. La manipulation est utilisée par plein de personnes, les politiques, les publicitaires, les journalistes… Dès lors que l'on veut conduire des personnes à penser d'une manière ou à agir d'une façon, on manipule. Le mensonge peut être plus ou moins important.
Au début de la Grande Guerre, on faisait croire aux soldats que les balles allemandes ne pouvaient rien contre la solidité du corps des Français.
« L'inefficacité des projectiles ennemis est l'objet de tous les commentaires. Les shrapnels éclatent mollement et tombent en pluie inoffensive. Quant aux balles allemandes, elles ne sont pas dangereuses : elles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure. » - L'Intransigeant, 17 août 1914
Et pourquoi me suis-je amusé à vous tromper ainsi ? Par pure méchanceté ? Oui, sans aucun doute mais aussi parce que j'ai envie de parler d'un truc depuis quelque temps, parler de la vérité, de l'esprit critique, de la zététique, de la traque à la désinformation, au mensonge, au "fake".
Il me semble que l'Homme a besoin de croire. Depuis qu'il est tout petit, il ne cesse d'expérimenter, d'essayer de comprendre le monde qui l'entoure, de déduire des trucs et des machins et d'imaginer les raisons de tout ça. Il n'a pas fallu attendre Newton pour que l'on ait l'intuition bien chevillée au corps que tout a tendance à tomber par terre si on le lâche ou le pousse. Seulement, avant Newton, ce n'est pas un savoir mais une croyance. Une croyance n'est pas nécessairement contraire à la vérité scientifique.
D'abord, la science a posé ses principes suite à l'observation. Ensuite, il y a eu l'expérimentation. Parfois, il y a eu l'intuition. On a longtemps eu l'intuition de l'atome avant de réussir à en voir un. On peut considérer que la science gagne ses lettres de noblesse à partir du dix-huitième siècle. De plus en plus, elle a réussi à expliquer, à prouver, notre monde, notre univers. La science a permis de soigner, de construire, de prévoir et on a fini par penser qu'elle était toute puissante. Aujourd'hui, certains pensent encore que rien n'est bien grave et que la science finira par trouver une solution à nos problèmes, aux problèmes à venir. Plus de pétrole à mettre dans nos voitures d'ici deux ou trois décennies ? Bah ! La science trouvera bien une parade !
Or, la science ne devrait pas être une croyance. L'un des principes de la science telle qu'elle est vue aujourd'hui, c'est qu'elle ne dit pas la vérité mais qu'elle propose une vision et qu'elle demande à ce que cette vision soit réfutée. La démarche scientifique est bien de chercher à casser les théories qu'elle propose.
La suite plus tard…