C'est le 9 juillet 1789 que naît la première assemblée constituante française. Cent vingt ans plus tard, un neuf juillet également, naissait Paul Ricard. Et en ce neuvième jour de ce mois de juillet 2018, sur ce blog, je mets en ligne un de mes tous meilleurs dessins de motocyclette[1].
Peut-on conclure quelque chose de ces trois événements ? Apparemment pas. Quel rapport entre un dessin contemporain, la naissance d'un bienfaiteur de l'humanité et un fait historique anodin ? Aucun. Oui. Aucun, comme ça s'écrit[2] Cependant, il est assez cocasse de constater une chose qui ne manque pas de m'étonner depuis que j'en ai pris conscience. L'événement le plus ancien, la naissance de l'assemblée constituante française, est encore dans les mémoires quant on parle encore de Paul Ricard et que mon dessin sera déjà oublié demain. Je vois là la preuve irréfutable d'un sentiment étrange qui me fait bouillir les neurones. C'est certain, le temps d'hier n'est pas celui d'aujourd'hui et on peut constater que ce temps se fait de plus en plus rapide. La faute à quoi ? Au réchauffement climatique ? A la fonte des glaces ? Je ne sais pas.
J'ai fait ce dessin pour passer le temps. Je ne suis pour rien ni dans la naissance de Paul Ricard ni de la création de l'assemblée constituante. Dans un cas comme dans l'autre, je n'étais pas né. Mes arrière grand-mère maternelle, la mère de mon grand-père, née en 1895 et mon grand-père paternel, né en 1906, auraient pu avoir connaissance de la naissance de Paul Ricard mais en aucun cas avoir une quelconque responsabilité de ce fait historique. Oui, j'ai connu une personne née au XIXe siècle. Ça ne me rajeunit pas. Comme je ne peux pas demander à mon arrière grand-mère de se débrouiller pour naître plus tard[3], je dois accepter de ne plus être tout neuf. J'ai beau faire des efforts conséquents pour conserver une certaine jeunesse d'esprit, je ne trompe plus grand monde. Remarquez, Paul Ricard est mort et ne doit plus être très beau à voir. Je ne sais pas quelle gueule il pouvait avoir de son vivant, j'ai vu la gueule de buveurs de son apéritif délétère. Ça donne pas envie de s'y mettre. Ceci dit, lui a droit à la postérité quant moi je dois me contenter à rien, question reconnaissance. Je ne m'explique pas ce qui se sera passé mais j'ai dû merder quelque part dans l'application du protocole qui devait me conduire à la célébrité. Ce qui me console un tout petit peu, c'est qu'il y a encore plus anonyme que moi. Il y a des milliards d'êtres humains qui me sont totalement inconnus, c'est dire qu'ils sont nombreux, les gens de peu, sur notre planète. On peut parier que des milliards de ces personnes pourraient disparaître sans que ça me fasse lever un sourcil. Quand on y pense, ça donne le vertige.
Normalement, quand je dessine une moto, c'est que je ne sais pas quoi dessiner. En fait, c'est juste une forme d'exercice destiné à vérifier que je suis encore capable d'utiliser un crayon. Pour dire la vérité, quand je dessine une moto, c'est que ça va mal, c'est que la cervelle est vide, que je n'ai plus rien dans le ciboulot, que la machine à imaginer est enrayée, qu'elle se coince. La capacité d'imaginer est proche du néant. Je me demande s'il y a un rapport avec l'âge. Peut-être que je suis au début du processus de liquéfaction du cerveau. Je le sens bien que je suis moins vif et moins apte à comprendre qu'il y a ne serait-ce que quelques mois. C'est le début de la fin.
Et donc, je dessine une moto. Sans but précis. Je sais que ça pourra toujours servir à alimenter ce blog. Je regarde ce dessin terminé hier et je me demande ce qu'il vaut. J'ai fait pire. J'ai peut-être fait mieux, aussi. Pour autant, je ne le trouve pas si mauvais. Quand je me demande ce que ce dessin vaut, je ne parle pas d'une potentielle valeur monétaire. Juste de son intérêt "artistique". Si je me demandais combien je pourrais vendre ce dessin, j'ai la réponse. Il m'arrive de vendre des dessins et je sais combien j'en demanderais le cas échéant. Est-ce que ça vaut ce que j'en demanderais ? Peu importe. C'est l'histoire de l'offre et de la demande. Il m'est arrivé d'avoir honte de vendre des dessins au prix que j'en demandais. L'impression (un peu désagréable) d'être un escroc. Vous, vous l'avez gratuitement, ce dessin. Pour vous, il ne vaut donc rien. Pour le voir, vous avez payé votre ordinateur ou tablette ou smartphone. Vous avez payé votre connexion Internet. Vous avez accepté de donner de votre temps (et le temps, c'est de l'argent). Mais si je vous demandais de payer pour voir le dessin, comment vous me renverriez dans les cordes !
Il y a quelques années, Manu Larcenet (dessinateur de talent) arrêtait son blog. Il expliquait qu'il avait cru au respect d'une sorte de contrat moral entre lui, l'auteur, et les lecteurs et visiteurs du blog. On regarde mais on ne touche pas, on ne copie pas, on ne partage pas. Il en a eu marre de voir ses dessins s'afficher sur d'autres sites, sur les "rézossocios". Il a fermé son blog. Et alors, je m'étais demandé pourquoi Larcenet avait ouvert un blog. Il devait bien se douter que ses dessins allaient être copiés, enregistrés, réutilisés. C'est la "règle" sur Internet. C'est tellement simple ! N'empêche, Internet n'est pas une zone de non-droit. Le droit de la propriété intellectuelle d'une œuvre de l'esprit vaut aussi sur Internet. Ainsi, les dessins de Larcenet comme les miens restent la propriété de leur auteur.
La fermeture de mon blog n'est pas d'actualité. Si je partage mes dessins ici, c'est en parfaite connaissance des risques. Et puis, franchement, si je montre mes dessins ou mes photos, c'est surtout et avant tout pour mon plaisir à moi, hein ! C'est juste pour tenter de glaner un peu de compliments ou de reconnaissance. En fait, je vous utilise à mon propre profit. Tenez, combien vous pariez que si vous ne venez plus du tout le blog s'arrêtera ? On fait un test ?
Avant hier, un presque ami artiste m'a appelé pour me proposer que l'on réalise une œuvre commune. Il m'a complimenté pour mes dessins et ça m'a fait du bien. Jusque là, il ne m'en avait jamais trop parlé. Il les avait vu mais il ne m'avait jamais dit ce qu'il en pensait. Peut-être considérait-il que ça allait de soi ? Ce type, cet artiste, a déjà eu l'honneur du CAPC de Bordeaux. Ce n'est pas un obscur artiste incompris. Ça m'a vraiment étonné qu'il me dise du bien de mes dessins.
A mon âge, je sais bien que je ne me débarrasserai jamais de ce problème. Qu'est-ce que ça vaut, mes dessins ? Moi, je vois tous leurs défauts, je vois tous les dessinateurs qui dessinent mieux que moi. Je pense que je ne suis pas trop prétentieux. Ce n'est pas non plus de l'humilité ou de la modestie, c'est plutôt de l'abattement et du découragement. Pour moi, c'est clair, mes dessins ne valent pas grand chose. Parfois, je suis surpris de revoir un dessin oublié et de me dire que, tout de même, il n'est pas si mauvais. Ça pourrait me rasséréner mais j'en conçois plutôt encore un peu plus de dépit. Pourquoi ai-je su faire un dessin correct il y a quelques années et que je ne parviens plus à rien de valable aujourd'hui ? Putain ! Ce que j'aimerais être un peu sûr de moi, avoir confiance en moi. Ça doit être cool de se dire que l'on est le meilleur, hein ?
Notes
[1] C'est une appréciation personnelle qu'il convient de relativiser en tenant compte de ce que je ne me souviens plus très bien des dessins précédents traitant de ce sujet.
[2] D'ailleurs, je trouve que ça s'écrit assez mal. On m'aurait demandé, j'aurais proposé une autre orthographe. On ne m'a pas demandé…
[3] à cause du risque de paradoxe temporel et tout ça
1 De Sax/Cat - 09/07/2018, 09:51
Et vous oubliez l'évènement historique du jour, le Roi de France s'adressant à a Cour à Versailles.
En voyant cette moto, tout ce que je peux dire c'est que son Pilote (mâtin quel journal), visuellement britannique, a intérêt à se dépêcher d'arriver avant d'être complètement à plat.
2 De Liaan - 09/07/2018, 10:10
Le pilote de la moto ? Je lui trouve un petit air de ressemblance avec le Comte de Champignac. Une réminiscence d'une lecture des aventures de Spirou par Franquin ?
Ah, le dessin. Que de questionnements peuvent arriver dans la tête du dessinateur. Suis-je bon ? J'ai été bon, le suis-je encore ? Suis-je, surtout, compris des bonnes gens qui regardent mon dessin(*) ? Les bonnes gens spectateurs apprécient-ils le dessin, dont je suis pas peu fier, à sa juste valeur ? Le dessin en question résistera-t-il au temps qui passe inexorablement ? Le dessin ne sera-t-il pas daté ? Bref, que de questions.
(*) ''On dit qu'un bon dessin vaut un long discours,
vous avez fait les deux ce jour, Maître.''
3 De Maitre Lépouin-Surlézy - 09/07/2018, 10:28
Comme ça vaut sûrement plus, l’idéal serait d’en demander plus d’autorité.
Et même beaucoup plus. Si vous proposez un dessin à 10 €, les gens vont considérer que c’est un dessin de piètre valeur, puisque l’artiste estime que ça ne vaut pas plus. Si d’emblée vous demandez, allez, on va dire 1.635 €, par exemple. Bon, là, les visiteurs de la galerie d’art vont regarder de plus près, chercher à comprendre ce qu’il y a derrière le dessin (alors qu'il suffit de le retourner, mais ils n’oseront pas), et si de surcroît, vous mettez à côté trois ou quatre dessins (voire 5) beaucoup plus chers (disons dans une fourchette (normale, pas à huitres ou à escargots) de 2.885 € à 17.423 €), les acheteurs potentiels vont se dire qu’ils font une bonne affaire en achetant le moins cher, surtout si c’est celui que vous trouvez le plus beau.
Il faut avoir confiance en soi (déjà dit x fois n fois) et ne pas hésiter à y aller au bluff ! Regardez César (le compresseur, pas l’empereur), Picasso qui signait des nappes en papier pour payer ses notes de restaurant, et bien d’autres dont la notoriété a fait le talent.
Bon, vous, il ne vous reste plus que la notoriété à acquérir, alors courage...
4 De Tournesol - 09/07/2018, 10:55
Quand on se demande si on est bon,c’est qu’on l’est.Les mauvais ne se posent pas ce type de questions.
5 De Le prof Turbled - 09/07/2018, 10:57
@Sax/Cat :
Tttttt....! Britanique, une machine dont l'immatriculation est ? Allons, vous enjolivez, cher ami. Le 5 à 7 d'un britannique, si la formule existait là-bas, consisterait à absorber de l'eau chaude en prenant une mine extatique, pour ensuite se soulager la vessie en compissant l'arrière-cour du pub jusqu'à 7 h. Il n'y a qu'en France, Monsieur, que l'on emploie son temps d'agréable façon, de 5 à 7.
De plus, cette machine archaïque est une Favor, fabriquée à Clermont-Ferrand entre 1927 et 1932.
Quand aux états d'âme du Maître, comme tout un chacun, j'en comprends la raison, mais le dessin n'entrant pas dans le domaine varié de mes immenses compétences, je ne puis ni l'orienter, ni le rasséréner.
6 De Michel - 09/07/2018, 11:02
@Sax/Cat : Qu'on lui coupe le cou !
J'imagine que notre motocyclettiste estime que le pneumatique a suffisamment de réserve d'air pour l'amener à bon port.
@Liaan : C'est vrai qu'il y a un faux air avec Champignac. Quelque chose dans le regard, peut-être ?
Que de questions ! Vous vous les posez aussi ?
@Maitre Lépouin-Surlézy : Attention ! Vous vous engagez un peu trop sur ce coup. Vous ne pourrez pas refuser l'acquisition d'un dessin à un prix fantaisiste à moins de vous dédire. Faut être prudent avec ce que l'on avance.
@Tournesol : J'ai plutôt tendance à me demander si je ne suis pas mauvais. Du coup…
7 De Michel - 09/07/2018, 11:05
@Le prof Turbled : Une Favor ? Je n'en suis pas si sûr que vous. Ça pourrait, je ne dis pas, mais j'identifie mal le modèle exact. Je penche plutôt pour une production artisanale obscure.
8 De Sax/Cat - 09/07/2018, 11:45
@Le prof Turbled :
Il y a pourtant un indice qui ne trompe pas.
Le Pilote (quel journal !) est Sir Isaac Newton peu de temps après qu'une collision avec une pomme lui ait fait perdre l'esprit. La pomme en question pousse le vice jusqu'à l'accompagner à l'asile le plus proche.
9 De arielle - 09/07/2018, 12:48
Vous êtes un gros nul mon cher ami. Comme vous ne croyez jamais un mot de ce que je dis, ça devrait, logiquement, faire office de compliment.
Je n'aime pas le pastagua, c'est bizarre non ?
10 De Michel - 09/07/2018, 13:07
@Sax/Cat : Ce ne peut pas être Isaac Newton, ce dernier porte une perruque et est toujours accompagné d'une coccinelle bavarde et incohérente.
@arielle : Vous croyez que je ne vois pas clair dans votre jeu ? Pour que votre astuce fonctionne il aurait fallu que vous vous absteniez de la seconde partie de votre message.
Je ne sais pas si vous n'aimez pas le pastaga mais j'ai un document qui prouve que vous avez dû en boire une quantité fabuleuse. Ce document photographique m'a été communiqué par une personne qui vous veut du bien.(fin du mode "langue de pute").
11 De arielle - 09/07/2018, 13:14
@Michel : Je pouffe ! ;-)
12 De Michel - 09/07/2018, 13:15
@arielle : hihihi !
13 De Sax/Cat - 09/07/2018, 14:23
@Michel :
Tout l'esprit d'Isaac Newton était dans la perruque qu'il vient de perdre.
14 De Michel - 09/07/2018, 15:37
@Sax/Cat : Ce pourrait-il que vous voyiez juste ? Suffirait-il que je porte perruque pour qu'enfin de l'esprit j'aie ?
"Que la force avec toi soit" — Isaac Newton (vers la fin de sa vie)
15 De Liaan - 09/07/2018, 17:33
Nous oublions de nous pencher sur la phrase suivante écrite par Michel :
@Michel : Vous ressentez, vous aussi, cette impression de mal-à-l'aise lorsque l'on parle du temps qui passe ? Je crois savoir d'où ça vient. C'est l'âge qui nous rattrape. Nous faisions les fanfarons depuis toujours, surtout lors de l'enfance et l'adolescence. Nous avions tout le temps. Mais plus les années passent, plus ce temps semble se rétrécir. Nous n'avons plus guère le temps de faire grand chose.
(À meilleure preuve : malheureusement, je ne suis pas encore en mesure de fournir la page, tant attendue, du feuilleton dessiné du mardi, je n'ai pas eu le temps disponible pour cet exercice)
16 De Le prof Turbled - 09/07/2018, 19:16
@Liaan :
Pas mal, la rhétorique! Tout ça pour en arriver là: pas de feuilleton à cause du temps qui passe. Ma foi, ça me plaît bien.
Avez-vous observé comme les vieux sont toujours pressés? Cette notion de temps limité doit les stresser un maximum.
De combien de temps disposais-je encore pour ridiculiser Proust? Pour devenir le Hergé du vingt et unième siècle? Pour réussir à cultiver des cèpes? Pour voir Syracuse et les îles-sous-le-vent? Hein, de combien de temps?
17 De Sax/Cat - 09/07/2018, 20:24
@Le prof Turbled : Et pour voir le nombril de la femme d'un agent de police.
18 De Tournesol - 09/07/2018, 21:06
Celui qui veut faire un emploi sérieux de la vie doit toujours agir comme s’il avait à vivre longuement,et se régler comme s’il lui fallait mourir prochainement.....j’etais à peu près parvenu à l’impression de la moitié de ce supplément,lorsqu’une grave maladie,m’înterrompant,rappela à ma mémoire le vers que Virgile met dans la bouche d’Enée:Heu,nilil invitis fas quemquam fidere divis.
N’était ce pas en effet aller contre la volonté des dieux que de commencer à 73 ans un travail de quelque durée ?
Émile Littré préface au supplément de son dictionnaire.Juin 1877.( mort en 1881) la citation dit à peu près;hélas il n’y a pas de victoire sans l’accord des dieux.
19 De Tournesol - 09/07/2018, 21:07
Jamais baisser les bras,jamais.
20 De Agent Laribotte - 09/07/2018, 21:36
Puisqu'on évoque Brassens et le temps qui passe...
21 De Tournesol - 09/07/2018, 22:46
@Agent Laribotte : très bon choix!
22 De fifi - 09/07/2018, 23:49
@Michel : Nous serons encore là longtemps à admirer vos dessins, par exemple celui du jour. Ce stoïque motard n'aurait il pas un rendez vous avec Catherine ?
Et puis, il n'y a pas que vos dessins qui nous plaisent dans tout ce que vous nous pondez chaque jour, ne vous prenez pas le chou, écoutez les conseils d' Arielle, les femmes sont de bons conseils, même si ça fait chier de le reconnaître .
23 De Le prof Turbled - 10/07/2018, 05:35
@fifi :
Vous avez souvent vu un coach entraîner son poulain vers la pente vertigineuse de la dépression, vous?
24 De Le prof Turbled - 10/07/2018, 08:04
Un presque ami-artiste peut-il vous mieux aider qu'un ami presque artiste? Professionnellement, bien sûr! Il va activer ses réseaux, battre la campagne , porter au pinacle, trompetter la renommée, chanter les louanges, arranger les bidons, graisser les pattes, secouer le cocotier, pousser des portes, porter la bonne parole, être dans les bonnes grâces, avoir l'oreille de, avoir le bras long, exiger des renvois d'ascenseur, faire pression...Alors que l'ami presque artiste, à part descendre vos chopines de
25 De Agent Laribotte - 10/07/2018, 10:38
@Le prof Turbled : descendre des chopines c'est aussi parfois faire pression (en référence au jeu du 9 juillet).
26 De Tournesol mijo - 10/07/2018, 13:27
Mais non t es pas nul !!! Pour donner plus de force à cette affirmation c'est une femme qui te le dit !!!!