Mettre un peu d'imprévu dans nos vies pour rompre la monotonie responsable de ce sentiment d'ennui qui trop souvent nous accable d'un lourd voile noir

Il fonctionnait pourtant très bien, cet ordinateur. Huit ans qu'il me rendait de bons et loyaux services sans jamais faiblir, fidèle et toujours disponible. Au long de toutes ces années, il m'a accompagné pour bien des travaux et aussi pour des activités plus récréatives. C'est grâce à lui que je pouvais voir des films enregistrés sur des DVD, que j'allais dire des bêtises sur Internet. Il n'a jamais eu la moindre panne, son disque dur est celui d'origine et il en a vu passer, des dizaines de milliards d'octets ! Sans dire que je le pensais immortel ou infaillible, j'en étais pleinement satisfait et espérais bien qu'il allait me rendre service durant encore bien des années.
Samedi[1], en fin d'après-midi, il y a eu une première alerte que j'ai traitée par dessus la jambe, sans trop y faire attention. J'avais beaucoup de fichiers ouverts, j'étais en train de le faire travailler fort, il a planté. Ça m'a bien un peu agacé parce que j'ai rapidement compris que j'avais perdu mon travail non enregistré. Mais, confiant malgré tout, j'ai accusé le surcroît de ressources demandé à la machine. Je suis allé me faire du café et ai abandonné ce travail en cours. Il était temps de penser à réfléchir à me faire à manger, je reprendrai ça le lendemain.
Le soir venu, j'ai redémarré le iMac pour regarder la deuxième partie d'un DVD retraçant l'apparition et l'évolution d'Homo Sapiens. Je glisse le DVD dans la fente du lecteur et m'installe confortablement dans le lit. Automatiquement, le film reprend là où je l'avais arrêté la veille. Ce film ne parvient pas à me satisfaire totalement. Il cherche à montrer l'évolution de l'Homme depuis Habilis et Erectus pour arriver à Neanderthal et Sapiens. Tout cela est traité comme une gentille fiction qui prétend expliquer la vie de nos ancêtres, le chemin vers la découverte et la maîtrise du feu, la création des premiers outils, la naissance de l'art et de l'agriculture, la sédentarisation, la domestication du loup et l'élevage.
Ce récit fictionnel est entrecoupé d'interventions de scientifiques qui donnent des précisions, explicitent plusieurs points, donnent leur avis. Et finalement, c'est peut-être ce qui constitue les meilleures parties de ce film. Je pense que j'aurais préféré un long documentaire plutôt qu'une fiction. Je ne suis absolument pas sûr que le fait de voir des act·eurs·rices grimés en humains préhistoriques apporte quoi que ce soit à une bonne compréhension de cette longue histoire débutée il y a plus de deux millions d'années quelque part en Afrique. Par exemple, on voit à un moment ces acteurs affichant des maquillages, des scarifications, des ornements qui ne se sont pas conservés dans le temps et qui ne sont donc que des "visions d'artistes", des extrapolations sans doute bien cavalières des us et coutumes de nos ancêtres basées plus ou moins sur ce que l'on a pu voir chez des groupes humains bien moins anciens, beaucoup plus proches de nous et de notre époque.
Mais bon, j'en étais justement au moment où Sapiens commence à décorer les parois des grottes et à domestiquer le loup. Ça m'agaçait un tout petit peu parce que, peu avant, on essayait de nous faire croire que l'Homme a eu l'idée de semer du blé parce que l'un d'eux, parti voler des œufs pour sa belle qui en rafole, tombe d'une paroi rocheuse et meurt alors qu'il avait la besace pleine de graminées sauvages. Il est tombé de haut, il est mort, le groupe n'a pas que ça à faire que d'aller le chercher. On comprend bien, ces gens-là ne sont tout de même pas encore tout à fait comme nous. Ce sont encore des sauvages sur bien des aspects, disons-le clairement[2].
Les mois passent et il est de nouveau temps d'aller récolter le blé sauvage là où il pousse, au même endroit que l'été passé. Et là, mince ! Voilà ti pas que, par le plus grand des hasards, on tombe sur le squelette du voleur d'œuf de l'an dernier. C'est bien lui puisque l'on trouve son collier. Sauvages mais perspicaces ces populations d'antan. Et là, on s'aperçoit aussi d'un truc incroyable auquel on n'aurait pas pensé. Les épis de blé sauvage que le malheureux avait avec lui au moment de sa chute ont germé et crû. Là où, tout de même, faut pas avoir que du fromage blanc dans la boîte crânienne, c'est que l'on fait le rapport de cause à effet entre le grain apporté par le camarade et les épis nouveaux ! Excusez mais tout de même, quoi ! Personnellement, et bien que je sois vachement plus évolué, je ne suis pas sûr que je comprendrais aujourd'hui que le blé que Marcel (appelons-le Marcel) avait dans ses poches au moment de son trépas est à l'origine des gerbes de blé qui à présent l'entourent. Mais passons.

Où en étais-je, moi ? Ah oui, ça me revient. L'invention de l'agriculture et paf ! Le film s'arrête là et le iMac commence à émettre une série assez exaspérante de sons ressemblant un peu — mais il est difficile de retranscrire la chose à l'aide de mots — à des "plops"[3]. Une série de "plops" bien réguliers. Manquait plus que ça.
Je suppose un problème de lecture du DVD. Normalement, l'image se fige ou tressaute, toutefois. Là, non, pas d'image qui tremble ou boucle. Tout simplement plus d'image. Que ces "plops" qui vous tapent sur le système. Bon. Je me lève et appuie sur les touches "command" et "q" pour quitter l'application de lecture de DVD. L'ordinateur s'éteint.
Qui c'est qui lui a demandé de s'éteindre, lui ? Bon. Je presse d'un index décidé sur le bouton de démarrage. Le iMac laisse exploser un beau et réjouissant "boing" de démarrage. J'entends le lecteur de DVD qui entre en rotation, le disque optique qui prend de la vitesse et s'arrête. L'écran, lui, reste noir. Je me dis aussitôt que le problème doit venir de ce satané DVD qui doit foutre un gros bordel dans la machine. J'éteins et redémarre aussitôt en tenant appuyée le bouton de la souris. Le disque je s'éjecte pas. Mince. Ça aurait dû, pourtant. Nouvelle tentative. Cette fois, je redémarre en tenant la touche d'éjection du clavier. Ce n'est pas beaucoup plus probant. Diable ! Cette fois-ci, il faut sortir les grands moyens. Je m'équipe d'une fine carte en carton rigide et l'introduit dans la fente du lecteur de DVD pour bloquer le disque le temps du démarrage. Normalement, l'ordinateur doit comprendre que ce disque pose problème et va l'éjecter de son dedans sans attendre. Ça marche ! Youpi ! Joie ! Champagne !
Euh… Non. Pas Champagne. Le DVD est bien sorti mais le iMac ne se décide pas pour autant à démarrer. L'écran reste noir. Oh que je commence à m'énerver là ! Je le laisse faire et vais vérifier depuis un autre ordinateur si je trouve ce iMac horripilant sur le réseau. Oui parce que, à ce moment, je me dis qu'il est possible que ce soit l'écran qui soit en panne. Mais non, il n'apparaît pas sur le réseau. C'est au moins le signe qu'il ne démarre effectivement pas.
J'essaie de démarrer en mode "single user" sans trop y croire. Evidemment, ça ne donne rien de plus mais, néanmoins, ça me permet de remarquer quelque chose de bien étrange à mes yeux ébahis et assez incrédules. Si la souris est bien alimentée par le port USB — elle s'éclaire — le clavier, lui, ne semble pas alimenté. Ce pourrait-ce ? Je me mets en quête d'un autre clavier et le branche à la place de celui déjà en place. Et rien. Enfin, rien de mieux. Le clavier n'est pas alimenté. Un port USB défaillant ? Je les teste tous, rien à faire.


A ce moment très précisément, je décide qu'il est déjà fort tard et que, la nuit portant conseil, je verrai tout ça le lendemain matin[4]. Ce matin, je bois mes cafés et je repousse le moment de m'occuper de cet ordinateur récalcitrant. De cette nuit, nulle idée nouvelle est née. Par acquis de conscience, j'essaie de trouver une solution à un problème semblable sur Internet. Bien entendu, rien de bien réjouissant. Ou c'est la carte-mère ou c'est autre chose mais pas de solution miracle à me mettre sous la dent.
Il faudrait que je démonte, que j'essaie de trouver l'origine du mal. Seulement, je n'ai pas envie de m'atteler à ce démontage tout de suite. Je réfléchis à ce que je pourrais faire en attendant. Des ordinateurs, ce n'est pas vraiment ce qui manque. J'hésite entre deux possibilités. Soit j'utilise le portable soit j'installe le gros Mac Pro. Finalement, je privilégie cette deuxième solution. D'abord, il est dommage de ne pas l'utiliser plus, ensuite il a plein de mémoire et de disques durs. Il sera mieux tailler pour travailler. Mais d'abord, faire de la place !
Je débranche tout, le iMac, le scanner, l'imprimante, les disques durs externes, le clavier, la tablette graphique. Le bureau est vide. Bien. J'en profite pour nettoyer. Après, je choisis la meilleure place pour ce Mac Pro, je place l'écran Apple 20"[5], le clavier, la tablette, le scanner, le hub USB, les disques durs externes. Je branche tout ça et je démarre l'ordinateur. Bon, ça fonctionne. Il me faut encore récupérer le pilote pour le scanner et une sauvegarde de mon profil Firefox. Ça commence à prendre tournure. Pour tester, je fais un dessin rapide et je le numérise avant de le mettre en couleurs.
Pour ce qui est du iMac, je ne suis pas très optimiste. Je doute que ça ne puisse être "que" le disque dur qui soit à l'origine de ce blocage. Ce n'est pas impossible mais je ne suis pas très confiant. Je m'occuperai de ça plus tard. Mes finances ne me permettent pas vraiment d'envisager l'achat d'une machine de remplacement. Ceci dit, ce n'est pas comme si j'étais totalement dépourvu d'ordinateur. Ce qui m'ennuie, c'est que je vais sans doute avoir perdu quelques trucs, les derniers boulots qui n'ont pas été sauvegardés principalement. Bon. Il y a bien plus grave que ça.

Notes

[1] Ce billet est écrit dimanche

[2] On n'ose plus trop traiter des groupes humains de sauvages, de nos jours

[3] Ou peut-être des "pops"

[4] Donc, dimanche matin

[5] Acheté en 2005, je crois me souvenir

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