De la nature d'art dans la nature

Un jardin, ce n'est pas la nature. C'est ce que je me dis en tentant de réfléchir à ce que j'ai pu voir de la biennale d'art contemporain qui se propose d'investir des jardins autour de Ligueux avec des œuvres artistiques. Le jardin n'est pas la nature et l'art non plus. Dans un cas comme dans l'autre, c'est l'humain qui façonne, qui transforme, qui arrange à son goût. Le jardinier et l'artiste agissent finalement de pareille façon. Une différence notable, tout de même, c'est que le jardinier travaille le vivant. Son œuvre, si l'on peut parler d'œuvre, n'est jamais finie. Elle est changeante, mouvante, vivante mais aussi mortelle. L'artiste, lui, peut-être pas dans tous les cas mais souvent, produit un travail pérenne. Une sculpture ou une peinture peuvent être considérées comme terminées, prêtes à affronter l'éternité. Ainsi, je me dis que l'idée de confronter l'art et le jardin est peut-être une idée intéressante.


Si l'on peut noter une communauté d'intention entre le jardinier et l'artiste plasticien, une intention de faire du beau, les moyens mis en œuvre sont bien différents. C'est peut-être parce que les deux pratiques sont complémentaires, qu'elles visent le même but, qu'elles peuvent s'allier aussi bien. Parmi les jardins mis à contribution, nous pouvions trouver des jardins d'agrément comme un jardin maraîcher. D'une manière intuitive, on différencie ces deux types de jardins en en jugeant un plus utilitaire que l'autre. De fait, une terre cultivée pour produire des fruits et des légumes laisse moins de place à la poésie et au hasard. Il y a bien là un but pragmatique à atteindre : la récolte. Et alors, on peut considérer que c'est une idée bien étrange que de vouloir placer de l'art parmi des tomates, des radis ou de quelconques plantes potagères.


Je le dis au départ, le jardin n'est pas la nature. Du coup, on ne peut pas voir dans la démarche une simple confrontation entre le jardin qui serait naturel et l'art qui serait artificiel. Ça serait tentant et reposant de voir cela sous cet aspect, notez bien. Le jardin est aussi artificiel que l'art. L'un comme l'autre sont le fruit d'un travail de création. Mais, tout de même, dans le cas du jardin, pas toujours je le concède, on peut chercher à faire croire au naturel. Le mythe de la nature a encore de beaux jours avec toutes ces personnes qui pensent se rapprocher de la nature en mangeant bio. Un fruit ou légume bio est le résultat de patientes sélections qui ont conduit à détacher de plus en plus ces branches du vivant de l'état de nature originel.
Et dès lors, on peut s'amuser à se demander si l'art ne peut pas être au moins aussi naturel que le jardin. Dans ces jardins, on pouvait découvrir de nombreuses céramiques. Des pièces réalisées à partir de terre, d'oxydes métalliques, de silice, d'autant de matériaux inorganiques qui, finalement, sont bien plus naturels que les plantes.


En passant d'un jardin à un autre, en utilisant l'automobile parce que ce n'est tout de même pas la porte à côté, j'ai parfois eu quelque difficulté à décider s'il fallait regarder les jardins ou les œuvres artistiques. Sans doute fallait-il voir l'ensemble comme un tout. Ou peut-être pas. Je ne sais pas. Un jardin comme lieu d'exposition est moins neutre, moins cadré qu'un musée ou une salle d'exposition. Parce que, il faut bien le reconnaître, le jardin est souvent en extérieur, on n'est pas limité par les murs, plancher et plafond d'une salle. La vue s'étend jusqu'au paysage lointain, jusqu'au ciel et ses nuages. L'art peut paraître perdu dans l'immensité environnante.
Ceci dit, je vous raconte tout ça mais la biennale se termine aujourd'hui et je sais bien que la plupart d'entre-vous n'aura pas fait l'effort d'aller voir les expositions quand elles seront rangées. Peut-être aurez-vous l'idée d'aller du côté de Ligueux dans deux ans.

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