L'humanité libérée de l'homme

Alors que l'intelligence artificielle nous émerveille chaque jour un peu plus, que l'on apprend qu'un ordinateur est désormais capable de bluff et de battre les meilleurs joueurs de poker, on entend aussi que des chercheurs réfléchissent à la mise au point d'un utérus artificiel à même d'accueillir un embryon, de le faire croître et grandir, à lui donner la vie, en libérant le corps de la femme de cette tâche pesante et envahissante.
Convient-il de se réjouir de tout cela ? Oui, sans aucun doute ! Libéré de l'obligation qui lui est faite de devoir réfléchir un peu et baiser beaucoup pour perpétuer son espèce, l'homme et la femme pourraont s'adonner à ce qu'ils savent le mieux faire. Vautrés dans leurs canapés et fauteuils, l'œil rivé à l'écran qui leur délivrera un flot continu de programmes de télé-réalité et de fictions affligeantes, ils pourront s'empiffrer de pop-corn et de soda sans plus se poser la moindre question. Accessoirement, ils pourront également faire la guerre ou l'amour grâce à leurs casque et combinaison de réalité virtuelle aptes à reproduire les sensations les plus folles.
Déjà, le genre humain n'a plus que faire de sa mémoire, tout écrite qu'elle est à travers Internet. Plus besoin d'avoir lu les poussiéreux bouquins des temps passés tant il suffit de faire une recherche dans cette mémoire collective pour en connaître l'essentiel. Qui aujourd'hui s'inquiète de l'orthographe à l'heure des correcteurs autographiques ? Bientôt, l'ordinateur sera en mesure de choisir au mieux les phrases adéquates lors de la rédaction d'un sms et les philosophes seront remisés sur les étagères oubliées des bibliothèques enfouies au profit de la pensée numérique omnisciente.
Mais dès lors, me demanderez-vous, à quoi bon préserver l'existence charnelle et biologique de ce genre humain si la machine fait mieux ? On peut bien se poser la question faute de pouvoir y apporter une réponse. Et si l'on ne peut pas répondre, c'est qu'il n'y a pas de réponse. Un fait est certain, l'espèce humaine ne sera pas présente sur cette planète jusqu'à la fin des temps. Cette planète a connu son lot d'extinctions de masse, il est plus que probable que la tectonique des plaques, la dérive des continents, ne s'arrêtera pas de sitôt, il est certain qu'un cataclysme violent finira par provoquer une nouvelle extinction de masse. Alors, adieu veau, vache, cochon, couvée ! Quelques bestioles subsisteront et la logique de l'évolution des espèces poursuivra son petit bonhomme de chemin. Jusqu'à la fois ultime où rien ne subsistera, pas même la plus ridicule bactérie mono cellulaire. La Terre sera déclarée morte et elle pourra attendre l'esprit tranquille l'explosion de son étoile pour disparaître tout à fait.
Le scenario est clairement établi, nous mourrons tous et tous nos enfants pareils. Alors à quoi bon continuer alors que la fin est écrite ? Pourquoi ne pas déléguer tout ce pataquès sans queue ni tête à des machines informatiques robotisées ? Laissons-les jouer aux cartes sans nous, laissons-les créer des chimères sans plus nous occuper de ces questions et quittons cette énorme blague sur la pointe des pieds sans sembler nous soucier de l'avenir plein de larmes et de sang.
On peut bien se cacher les yeux et faire mine de ne rien voir ou comprendre mais l'avenir tiendra ses promesses. Et il ne sera pas rose. Il semble assez certain que l'on va au devant de conflits importants, de crises majeures. Il y a d'un côté les problèmes d'ordre écologique qui vont entraîner d'autres problèmes bien plus graves. L'interdiction à la circulation des véhicules polluants dans les villes des pays riches paraîtra bien ridicule à l'heure où nous ne pourrons plus nous nourrir et que nous serons plus de huit milliards d'individus à vouloir goûter une miette du gâteau restant. Avec la Révolution Industrielle, nous nous sommes rendus dépendants de l'énergie. Aujourd'hui, sans énergie nous ne sommes plus en mesure de vivre. J'imagine assez mal des armées d'ouvriers agricoles armées de bêches et de houes partir à l'assaut des grandes terres pour faire pousser du blé en remplaçant tout le machinisme agricole. D'autant plus que, "veganisme" aidant, il sera inconcevable d'en revenir à la traction animale.
Bien entendu, la science et la technique seront là pour nous aider. Il n'est pas totalement illusoire de penser que le génie humain trouvera le moyen de créer des nutriments standardisés à partir de molécules puisées dans la nature et que ceux-ci pourront être distribués à toutes et tous sur la planète. Des unités de production alimentées en énergie renouvelable et inépuisable permettront à faire disparaître la faim dans le monde et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Sauf que si ça va trop bien, la population augmentera encore. Peut-être faudra-t-il limiter la population ? Il faudra définir des critères précis pour savoir qui a le droit de procréer. Quoi que non. On sait désormais que la procréation passera par des machines qui auront une base de gamètes et qui combineront tout ça selon un programme très élaboré visant à perpétuer l'espèce tout en la gérant en temps réel. Une petite modification génétique simple à faire assurera bien sûr que ces êtres d'un nouveau genre seront stériles. L'avenir est plein de promesses folles.
Et à quoi bon ? Si les machines peuvent jouer au poker entre-elles sans intervention humaine, pourquoi perpétuer le genre humain ? Pour appuyer sur les boutons et corriger des bugs informatiques ? Peut-être. Nous serions alors au services de l'ordinateur. Ça n'a aucun sens. L'ordinateur sera en mesure depuis belle lurette de programmer lui-même ce qu'il lui faudra de lignes de code. Non. L'avenir de l'humanité est de disparaître. Point.
Quoique l'on cause d'essaimage. L'homme irait conquérir de nouveaux territoires au-delà des galaxies. Je vous rassure, ni vous ni moi ne serons là pour vivre cette aventure palpitante. Par contre, et l'on peinera à y trouver matière à réjouissance, il n'est pas impossible que nous soyons encore là lorsque les peuples entreront dans une guerre colossale pour la survie. Combien de temps nous reste-t-il avant le grand chaos ? Une dizaine ? Une vingtaine d'années ? Cultivons notre jardin, qu'il disait...

Procréation déléguée

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