La presse quotidienne et la modernité

En lisant les actualités sur Internet, je me suis souvenu que je ne lisais plus la presse quotidienne "papier" depuis belle lurette.

A quoi sert la presse ? Changement de paradigme. En quelques années, des choses que l'on pensait gravées dans le marbre, inamovibles, éternelles et indispensables sont devenues caduques et moribondes. Le courrier postal a été remplacé par le courrier électronique ; la machine à écrire par l'ordinateur ; le CD (et le disque vinyle avant lui) rangé au rang d'antiquité par les "lecteurs MP3" et les services d'écoute de musique en ligne ; pareil pour les cassettes VHS, les DVD vidéo et les disques Blue-Ray qui cèdent ou cèderont la place à des services de location. La bonne vieille pellicule photo est morte. Qui l'aurait seulement imaginé il y a une quinzaine d'années ? La disquette informatique, le tube cathodique et, bientôt, l'ordinateur, remplacés par la clé USB, l'écran plat et la tablette numérique. Vous verrez que la voiture, l'automobile, disparaîtra elle aussi. Du moins sous la forme actuelle. C'est presque certain.

Dans tout cela, il convient de distinguer ce qui meurt sans être remplacé et ce qui disparaît pour laisser la place à des objets qui font la même chose autrement. Si le tube cathodique imposant a laissé la place à l'écran LCD ou à plasma ou LED (ou autre), c'est globalement transparent pour l'utilisateur. On connecte son écran plat de la même manière que le vieux écran à tube à son ordinateur, avec peu ou prou la même connectique et le même nombre de câbles. On regarde les mêmes émissions sur sa vieille télé ou sur sa nouvelle terriblement high-tech. Les nostalgiques de la photo argentique peuvent utiliser leur appareil photo numérique en retrouvant les réglages et les repères d'autrefois. Le passage de l'argentique au numérique n'a rien changé à la technique de prise de vue. Il s'agit toujours de faire entrer de la lumière dans une chambre noire à travers des lentilles pour inscrire une image sur une surface sensible.
Par contre, la modernité fait parfois qu'il faille réapprendre. Autrefois, le téléphone était relié au réseau téléphonique par une paire de fils et on composait le numéro de l'appelé en insérant son doigt dans des trous d'un cadran que l'on faisait tourner jusqu'à une butée. C'était assez intuitif. Encore avant, on demandait à une opératrice le numéro que l'on souhaitait contacter. Là, il pouvait y avoir des soucis de compréhension. Aujourd'hui, le téléphone est majoritairement sans fil et requiert une solide connaissance du modernisme pour être utilisé. Si vous n'avez pas une formation conséquente et une intelligence nettement supérieure, vous ne parviendrez certainement pas à joindre votre correspondant. Il faut trouver le bon menu, celui qui permet de composer le numéro, et le bon bouton, celui qui permet de se connecter au réseau. Je n'aime pas le téléphone. Qu'il soit avec ou sans fil. N'empêche qu'à chaque nouveau téléphone portable, j'attrape des suées pour tenter de comprendre le principal. Il m'arrive assez souvent de me tromper de bouton lorsque je reçois un appel et de le refuser plutôt que de décrocher. Bon, ok, je ne suis pas doué.

Mais le sujet que je souhaite traiter est celui de la presse papier. La presse quotidienne. Je me suis demandé pourquoi les gens n'achètent plus cette presse papier. J'ai réfléchi à la question et j'ai trouvé quelques pistes.
On met souvent en avant le coût de cette presse papier. D'abord, je ne suis pas certain qu'à prix constant, la presse d'aujourd'hui soit beaucoup plus chère que celle d'autrefois. Ensuite, si même cela est, il faut bien convenir que cette presse s'est améliorée. La qualité d'impression est bien meilleure, on a de la couleur partout, des photos compréhensibles, des mises en page mieux faites. A mon sens, la presse d'aujourd'hui (hors contenu) est de meilleure qualité que celle d'hier.
A mon avis, la raison du prix du quotidien ne tient pas vraiment. Alors, peut-être est-ce une question de temps ? Je me souviens d'une époque où je prenais plaisir à acheter le journal avant d'aller au bistro pour le lire ou le parcourir en buvant un café. Parfois, je pouvais m'abstenir d'acheter le journal et je lisais celui qui était mis à disposition de la clientèle dans le café. Je prenais le temps d'ouvrir le journal et de lire un ou deux articles. Aujourd'hui, je ne fréquente plus les cafés. C'est devenu cher et on m'empêche de lire le journal en diffusant de la musique ou en me distrayant avec une télévision.
Je pourrais acheter le journal et le lire chez moi. Je pourrais sauf que, nonobstant le fait que je ne pourrais acheter que Sud-Ouest, chez moi, je n'ai pas le temps de lire le journal. Il y a Internet qui est connecté en continu, la radio branchée sur France Inter, les courriers électroniques qui tombent et auxquels il me faut répondre dans l'instant, les sites que je dois absolument aller visiter... Lire le journal, c'est simple, je n'en ai pas le temps.
Si je ne lis plus la presse quotidienne, c'est aussi sans doute que je n'en ressens pas le besoin. L'information, je l'ai par la radio, mise à jour chaque heure. Je l'ai aussi par Internet, d'une façon sommaire et résumée. Mais je suis tout de même au courant de la marche du monde dans les grandes lignes. Par contre, cela ne me permet pas de dire ce qui a changé et qui fait que je ne ressente plus cette envie de lire le journal.
Autrefois, la presse papier se portait bien. Il y avait pléthore de titres. Pour tous en fonction de leurs goûts. De la presse de gauche et de la presse de droite, de la presse comme-ci et aussi de la presse comme-ça. Il serait un peu trop facile d'accuser Internet d'avoir tué la presse papier. Le déclin a commencé bien avant l'apparition du web. Il me semble que le déclin a commencé au début des années 80. Du moins en France. Il existait une vraie presse d'opinion née de la Libération. Les journaux se vendaient pour ce que l'on y trouvait à lire. La finance a fourré son sale nez dans les organes de presse et les journaux sont devenus peu à peu des supports de publicités. Il convenait de vendre pour que la publicité soit vue. Pour cela, on a fait des efforts dans la présentation afin que les journaux soient plus attrayants. Du coup, le lecteur a compris qu'on se foutait de sa gueule et il a arrêté d'acheter. Des titres ont disparus.
Il y a aussi sûrement que la presse a perdu de sa probité. On a commencé à mettre en doute ce que les journalistes disaient. Le public est devenu plus critique et n'avalait plus tout ce qu'on pouvait lui raconter. Sans doute la crise débutée avec les chocs pétroliers des années 70, la fin des "trente glorieuses" et le développement du chômage n'ont pas aidé la presse papier. Les années Mitterrand, la privatisation de TF1, l'arrivée de nouvelles chaînes de télévision, l'ouverture des ondes hertziennes aux radios privés, ont peut-être aussi eu leur effet. Personnellement, je pense que ces années ont été néfastes à la crédibilité de la presse papier. Pourquoi ? Je ne le sais pas vraiment mais il me semble que j'ai commencé à ne plus faire confiance aux journalistes vers cette époque.

journal ordures

Autrefois, le journal faisait partie de la vie quotidienne. On l'utilisait pour envelopper la salade ou la botte de carottes au marché ; on tapissait les poubelles de ces pages pour que les ordures ne collent pas. Il était aussi là pour emballer et protéger verres et bibelots à l'occasion d'un déménagement. On l'achetait comme on achète son pain. On ne le lisait jamais complètement mais on l'achetait et on le lisait dans les grandes lignes.
Aujourd'hui, la presse quotidienne va mal et elle tente de négocier le virage vers la presse numérique. C'est un pari. Elle n'a pas encore trouvé son modèle économique et le moins que l'on puisse dire est que Internet a changé la donne. Aujourd'hui, tout le monde peut jouer à être journaliste. Tout le monde peut pour trois fois rien ouvrir son blog et dire ce qu'il pense de la marche du monde. Avec son téléphone portable, on peut faire une photo et écrire un article qui sera lisible sur l'ensemble de la planète dans la minute. La presse quotidienne livre-t-elle un combat d'arrière-garde ?

Spécial dédicace à Hergé

Parmi les bouleversements engendrés par la presse numérique, il y a le fait que le "journal" devient de facto un journal limité à son usage personnel. On ne prête pas son ordinateur ou sa tablette numérique si facilement. On ne va pas non plus aller envelopper sa batavia dans un iPad. Quant à la poubelle, elle n'existe carrément plus, remplacée par le sac poubelle. Des sites d'information comme mediapart ou Rue89 ou encore bakchich sont nés ex nihilo et semblent connaître une certaine forme de succès. Les titres de la presse traditionnelle tentent de raccrocher les wagons en se doutant qu'à plus ou moyen terme, le papier sera mort.
Ce qui est sûr pour ma part, c'est que je ne suis pas convaincu par la presse en ligne que je ne lis pas plus que la presse papier. Et vous, vous pensez quoi de tout ça ?

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