Fin 1944, la France presque libérée cherche à remettre son administration sur les routes. L'occupation allemande a laissé des ateliers relevant diverses pièces permettant dans un premier temps de monter des BMW et autres machines. Le CMR est créée pour s'occuper de ce stock et reconstruire des motos. Le CMR, c'est le Centre de Montage et de Réparation. Il remonte des R12, des R71 et quelques R75 de chez BMW jusqu'au moment où les pièces viennent à manquer pour monter des motos selon les types officiels de chez BMW. Qu'à cela ne tienne, on adapte et on crée une BMW qui n'a jamais existé, la R73, un bricolage de pièces hétéroclites qui affichera un écusson BMW modifié, respectant l'hélice mais plaçant du bleu et du rouge et sur lequel s'inscrit le nom du CMR en plus de celui de BMW.
Cette moto, j'en avais entendu parler mais ne l'avais jamais vue. C'est désormais chose faite puisqu'il s'en trouvait une à Limoges, au salon de la moto organisé par la FFMC locale.
Parce que la pénurie de pièces menace, le CMR n'a bientôt plus raison d'être et en 1945 c'est la création du CEMEC, le Centre d'Étude des Moteurs à Explosion et à Combustion. Ses ingénieurs s'inspirent des BMW et autres Zündapp pour imaginer une nouvelle moto mais tout est de l'ordre de la création originale. C'est à dire qu'il n'y a aucune pièce interchangeable avec une moto allemande de l'époque. La première moto sera la L7 pour Latérales et 750cc. Le moteur est donc un 750cc à soupapes latérales délivrant ses bons et loyaux 18cv. C'est peu sur le papier mais ces chevaux sont de braves percherons qui sont endurants. Dans la première version, il n'y a qu'un carburateur réchauffé par deux tubulures conduisant de l'air chaud capté directement en sortie d'échappement. La L7 connaîtra quelques améliorations au long de sa carrière. Celle présente à Limoges n'est pas une CEMEC mais une Ratier. Le réservoir n'est pas le même et cette Ratier est équipée de deux carburateurs.
En 1954, Ratier rachète les activités de CEMEC, l'entreprise spécialisée dans la production d'hélices pour l'aviation conçoit une version largement améliorée de la L7 en rendant le moteur culbuté, ce sera la C8. Est-ce que cette moto a existé en dehors de quelques modèles de pré-série, je l'ignore. Je n'en ai jamais vu. Mais Ratier a de l'ambition et planche sur un modèle plus moderne. On abandonne le moteur à soupapes latérales et la suspension coulissante pour une distribution culbutée et un bras oscillant. La moto est donnée pour 35cv et 160km/h. Mais il semble qu'il faille attendre le rachat de Ratier par Thomson CSF pour que la production débute réellement en 1960. Ces motos ont équipé les CRS et la garde républicaine qui, paraît-il, étaient satisfaits.
Pour conclure, on notera que ni les motos du CMR ni celles du CEMEC ou de Ratier n'ont été pensées pour le grand public. Toutes celles qui ont connu une seconde vie dans le "civil" ont été achetées au domaines. C'est dommage que ni CEMEC ni Ratier n'aient fait l'effort de s'intéresser à cette clientèle potentielle. La Ratier C6S avait bien des atouts à faire valoir face à son principal concurrent qu'était BMW à l'époque. Cela aura été une occasion ratée de plus dans l'histoire de la moto française. Avec la disparition des 600cc Ratier en 1962 débutera une très longue période de vaches maigres pour la production de moto française de grosse cylindrée.
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1 De Liaan - 22/05/2016, 09:10
Bref, mais cet historique est, ma foi, tout à fait exact.
De mémoire, on peut rappeler une officine, chez CRUPDA, du côté de Montrouge, qui passait des annonces chaque semaine dans Moto-Revue, pour tous ceux qui cherchaient des pièces des motocyclettes "de récupération" des Domaines. Annonces visibles jusqu'aux années 1980, si je ne m'abuse. Grande époque, avec les Établissements Corbeaux (ou Corbeau ?) dans le dix-huitième à Paris, où l'on trouvait vraiment TOUT pour les machines anglaises, et aussi pour ces machines achetées aux Domaines. Ce magasin "Corbeau" était souvent caricaturé dans Moto-Journal par le dessinateur J.Vivant (avec l'augmentation de 50% traditionnelle du mois d'août et ses fameux boulons carrés introuvables qui coûtaient bonbon !)
2 De Liaan - 22/05/2016, 09:27
Précision concernant la Cemec-Ratier 750 latérale.
Vous dites "Dans la première version, il n'y a qu'un carburateur réchauffé par deux tubulures conduisant de l'air chaud capté directement en sortie d'échappement", précisons que ce système de réchauffage était installé pour éviter le givrage du mélange air-essence arrivant dans les cylindres, notamment en hiver. La tubulure venant de l'unique carburateur étant très longue, avait tendance à givrer lorsque la température était trop basse et que la motocyclette se déplaçait, refroidissant encore plus cette longue tubulure. Je me demande si les carbus des deux-pattes n'étaient pas équipées d'un système, en gros, analogue : permettre de préchauffer le mélange air-essence. En effet, la 2CV a un unique carburateur au-dessus du bicylindre et possède un système de tubulure à quatre branches pour 2 cylindres... Un mécano technicien pourrait sans doute confirmer.
D'ailleurs, pour les 2CV et analogues, il existe un "cache-nez", un écran à poser devant la calandre lorsque la température est trop basse pour éviter le givrage du carburateur. Pour ceux qui ont mécaniqué l'hiver sur des carburateurs, vous devez vous souvenir du froid intense que vous ressentez dans les mains lorsque vous manipulez de l'essence !
3 De Liaan - 22/05/2016, 09:38
Un rappel à propos des latérales Cemec-Ratier :
leur propension à prendre feu, lors du démarrage (au kick) !
Sans doute par un retour de flamme au carburateur.
Mais ce défaut était partagé avec d'autres motocyclettes, je pense aux Anglaises...
La motocyclette classique (devenue désormais ancienne) c'est toujours un peu l'aventure que les moins de quarante ans ne connaissent plus.
- Allez, Pépé, reprend un peu de tisane ! Et t'oublies pas tes cachets !
4 De jojo - 22/05/2016, 10:01
Merci pour l'historique. C'est beau une ratier C6 , miam.
ps: J'ai essayé hier matin une guzzi Le Mans V11, p'tain, ça tracte fort et ça cogne dans les bracelets. Avec les pots mivv, ça fait Broooaap quand on rentre une vitesse (comme un rot de tricératop ?) . Avec le bruit et les odeurs (siffle), ça prend au ventre, j'ai la banane...mais au bout de vingt bornes, j'ai mal au cul (confort trés moyen) et de l'huile coule par un joint de culasse, ça suinte par un joint d'embase, ça ne sera pas celle là qui remplacera mon vieux flat...snif
5 De Liaan - 22/05/2016, 20:42
Toujours de mémoire, il y a eu des publicités pour la C6S dans Moto-Revue (et peut-être la revue Motocyclisme) pour vendre aux "civils" ces grosses motocyclettes françaises.
6 De michel - 22/05/2016, 21:21
@Liaan : Tout à fait. CRUPDA était bien connu de ceux qui voulaient faire rouler des machines issues des Domaines.
@Liaan : Une boîte permet aux gaz d'échappement de réchauffer la tubulure d'admission sur les deux chevaux Citroën.
@Liaan : La L7 avait encore un dispositif permettant (et obligeant) de régler l'avance à l'allumage manuellement. Je n'ai jamais entendu parler de ces Ratier qui prenaient feu.
@jojo : Il faudra bien qu'un jour mon frangin remonte la sienne. J'ai encore un sacré souvenir de son rapatriement depuis la région nantaise. Frisquet, le retour !
@Liaan : Exact. Il y a aussi eu quelques publicités pour le marché américain (des USA) avec un modèle légèrement modifié. De ce que j'ai pu entendre à propos de la C6S, elle était bien meilleure que la BMW sur quelques points. Les points faibles étaient sans doute le freinage et le fait qu'elle nécessitait la présence d'une batterie là où la 600 "serie 2" se débrouillait bien avec sa magnéto.