Roulez bourré

elephant.pngC'est un projet qui me tient à cœur depuis longtemps et que je m'en vais vous exposer ici même. Je sais que ce sujet est propre à susciter la polémique et qu'il n'est absolument pas "politiquement correct". Pour autant, je reste persuadé que c'est une idée terriblement lumineuse.

Chaque jour, des gens meurent dans des accidents de la route. Chaque fois, on cherche à expliquer l'accident et, lorsque l'on ne trouve rien, on accuse une vitesse excessive. C'est simple. Si l'on ne trouve pas vraiment de raison mais que l'on détecte des traces d'alcool chez la personne considérée comme responsable de l'accident, on incrimine l'alcool. De nombreuses études montrent que la consommation d'alcool diminue largement la capacité d'une personne à conduire en pleine conscience de ses actes. Ainsi, avec le champ de vision réduit et les réflexes à la ramasse, on réagit moins bien. Une personne sous l'emprise de l'alcool pourra aussi, par l'euphorie causée par la boisson, imaginer pouvoir rouler vite sans risque. Tout cela et bien d'autres choses encore est prouvé, validé, incontestable. Nous ne reviendrons pas sur ces questions et ne chercherons pas à faire croire que l'on peut bien conduire avec un sévère "coup dans le nez". Pour avoir expérimenté la chose, je peux certifier que lorsque l'on ne comprend même plus à quoi peuvent bien servir ces pédales que l'on a au bout des pieds et pourquoi la route a une fâcheuse (mais amusante) manière de se gondoler et de louvoyer en tous sens, on est un vrai danger public ! Croyez-en mon expérience. Boire ou conduire, il faut choisir.
Mais voilà. Il est de notoriété publique que certaines personnes (et même des gens bien) ne peuvent concevoir une journée réussie sans qu'elles aient ingurgité une quantité non négligeable de boisson alcoolique. Un nombre encore plus important de personnes peuvent se retrouver à devoir prendre le volant, ne serait-ce que pour rejoindre leur lit, après un repas ou une occasion festive un peu trop arrosée. La sagesse voudrait que ces personnes aient le réflexe de se raisonner et de refuser de prendre le volant. Mais voilà, là, il y a comme un problème. En effet, il est établi que, sous l'emprise de l'alcool, nous ne sommes plus tout à fait maître de notre réflexion qui est passablement perturbée et faussée.
"Mais bien sûr que je peux prendre le volant ! J'ai presque rien bu. D'ailleurs, tiens, je vais me laisser tenter par un dernier digeo". Qui n'a pas assisté à cette triste scène une fois dans sa vie ? Le tonton rigolard qui a émaillé le repas de baptême de ses blagues hilarantes et pour qui l'on s'inquiète tout de même un peu au moment où il va annoncer qu'il rentre au volant de sa DS est dans bien des mémoires. La plupart du temps, le tonton aura réussi l'exploit de rejoindre son pavillon de meulière sans problème particulier. Mais il peut aussi arriver que ce soit justement ce soir là que le tonton s'est tué ou, pire encore, qu'il a tué. C'est bien triste. Le problème est que, comme je l'ai dit plus avant, il est admis que la personne bourrée n'est plus capable de jugement clair. L'alcool détraque la cervelle plus sûrement qu'il rend intelligent et clairvoyant. Mais alors, dès lors, la personne bourrée peut-elle être considérée comme responsable, elle qui n'est pas dans son état normal ? Bien sûr que non !
Après une bonne et belle bouteille de vodka ou quelques chopines d'un bon vin de Moselle, l'infâme poivrot n'a plus la maîtrise de ses actes présents ou à venir. Il s'imaginera être en mesure de conduire pour peu qu'il y aille prudemment en empruntant des routes désertées par les forces de l'ordre. Parce que même fin rond, l'ivrogne sait que son ennemi, bien avant la phynance, c'est le gendarme. Il tient à conserver encore un peu quelques points sur son permis de conduire, ne serait-ce que pour pouvoir aller au boulot lundi matin, quoi.

Dans un monde idéalisé, on pourrait imaginer que, dans chaque circonstance, il pourrait y avoir quelqu'un qui n'aurait pas bu et qui pourrait raccompagner les soiffards invétérés ou qui empêcherait les picoleurs de tous poils de prendre la route. On pourrait aussi espérer de nos vœux une intervention divine de la technologie qui empêcherait à un véhicule de daigner bouger si le conducteur n'est pas à jeun. Enfin, et pourquoi pas ? On pourrait légiférer de telle sorte qu'il y aurait des représentants des forces de l'ordre partout et toujours et jusqu'à la plus petite vicinale insignifiante. Cela fait des années que l'on essaie la répression et les campagnes de prévention avec les résultats que l'on sait. On a baissé le taux d'alcoolémie acceptable et on le baissera encore. Il ne me semble pas raisonnable de militer pour une interdiction pure et simple de la vente d'alcool. L'idée pourrait sembler frappée au coin du bon sens. Ça n'a pas trop bien fonctionné aux Etats-Unis d'Amérique du temps de la prohibition, ça ne sera pas bien accepté en France, pays grand producteur de ce poison qu'est l'alcool. Le problème, c'est que l'idéal n'est jamais accessible.

Et si l'on envisageait ce problème sous un autre angle ?

Le conducteur sous l'emprise de l'alcool est un danger public. Pour lui comme pour les autres. C'est un fait. Mais en quoi est-il un danger pour les autres, au juste ? J'ai beaucoup réfléchi à cela et je pense avoir bien réfléchi. Le gros problème de l'automobiliste bourré, c'est que rien ne le distingue des autres automobilistes. Voilà, c'est tout. Comme souvent, on ne voit pas le plus simple. On cherche une solution en creusant dans le compliqué, le complexe, alors qu'il suffit de rester dans le simple, dans l'évident.
Prenons un exemple. Dans un espace ouvert, une grande étendue quelconque, il y a tout un tas de personnes. Vous êtes dans cette foule dispersée. Parmi toutes ces personnes, une tient une arme et affiche un air agressif. Gageons que la foule va se méfier de cette personne peu amène et s'en écarter. Pourquoi ? Parce que le danger est identifié, tout simplement.
Sur nos routes, les passages dangereux sont identifiés par un système de signalisation routière. "Attention ! Virage dangereux à gauche !", nous dit un panneau. "Attention ! Intersection !", nous dit un autre. Mais il n'y a pas de panneau pour nous dire "Attention ! Passage d'automobilistes bourrés !". Et c'est là que la bât blesse. On ne sait pas identifier un conducteur saoul d'un autre sobre. Du coup, on ne se méfie pas. On roule sans s'imaginer que le type qui arrive en face en zigzaguant quelque peu est rond comme une pelle et c'est l'accident fatal.
Alors, voilà ce que je propose à nos dirigeants. En préambule, je précise que pour que mon système fonctionne, il ne faut tout de même pas que la personne bourrée le soit trop. S'il l'est vraiment trop, ce n'est pas grave. Il tombe dans un coma éthylique et ne conduit pas. Du coup, on pourrait aussi inciter les gens à boire toujours plus au nom de la sécurité routière. Mais là n'est pas le propos.
Pour que ça fonctionne, il faut encore être en état de savoir que l'on est bourré. Le but de l'idée géniale et ingénieuse, c'est de signaler aux autres usagers de la route que l'on est un danger potentiel. Du coup, les automobilistes font se méfier des réactions du chauffard et prendre leurs précautions. C'est pas intelligent, ça ?
Pour se signaler, je suggère que chaque automobiliste, chaque véhicule, ait à sa disposition un système lumineux visible et facilement identifiable, de belle taille qui indiquerait aux autres que l'on est pas bien sûr de pouvoir conduire sans causer une regrettable catastrophe. Ce panneau pourrait représenter un éléphant rose. C'est ce que j'ai trouvé de mieux pour le moment. Ça dédramatise la situation, ça ne jette pas l'opprobre, ça fait rire plutôt que susciter la vindicte populaire. J'aime bien.
Evidemment, il faudrait peaufiner le système. Par exemple, on pourrait créer une charte du conducteur alcoolisé qui lui permettrait de conduire sur une relativement courte distance, pour lui permettre de rentrer chez lui, par exemple, à une vitesse contenue (pas plus de 70 km/h), en empruntant uniquement et de préférence les routes peu fréquentée et lui interdisant les autoroutes. Les gendarmes auraient pour mission d'escorter et accompagner ces personnes et à veiller que les autres usagers facilitent le passage du convoi. En gros, ça reviendrait à ce que la société accompagne le fêtard, le bon vivant, le joyeux drille.

Bien entendu, je ne compte pas gagner de l'argent avec mon idée. J'en fais don aux politiques intelligents qui sauront l'exploiter !
Hips !

Elephant rose et sécurité routière

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