Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (16)

La mission était périlleuse, la tâche ardue, le défi difficile à relever. Arielle nous propose la suite des aventures incroyables de Roland, Robert, Colette, Gérard et toute la clique !

Robert, bouche ouverte, regarda Roland d'un air éberlué.

- Oui. Ma cousine Gaëlle de Pont-Aven vient d'assommer ton beau-frère.

- Gérard ? Mais que fait-il là-bas ? C'est quoi ce foutu bazar ?

- Si seulement je le savais ! Gérard était chargé de me transmettre les papiers bleus des huissiers. Colette m'a envoyé les flics en m'accusant de t'avoir tué dans l'escalier. Quand j'y pense, c'est louche. Même l'accident, c'est à se demander si… Et Gérard, hein, comment a-t-il su pour l'enveloppe ?

- Colette ? Ma sœur ? Les huissiers ? L'enveloppe ?

- Oui ! Colette ta sœur justement ! Sait-elle quelque chose au sujet du Nautilus ? demanda Roland inquiet.

- Pas que je sache. Enfin je ne pense pas à moins que...

- Messieurs, la visite a assez duré. Ce n'est pas raisonnable, dit l'infirmière rousse d'une voix douce mais ferme. D'autant plus qu'une autre personne a demandé à vous voir prétextant que c'était urgent et important et donc...

- Qui est-ce ? demanda, soupçonneux, Roland en se relevant.

- Il se prétend huissier.

Roland s'affaissa, le teint blafard, sur son oreiller. Robert ne cessait de répéter «c'est quoi ce foutu bazar». L'infirmière s'approcha de Roland. Il lui saisit le poignet et lui demanda :

- C'est quoi votre prénom ?

- Alice...

- Alice, il faut absolument nous aider. C'est une question de vie ou de mort. Il faut nous sortir de là.

- Mais vous n'y pensez pas, pas dans votre état !

Roland lui serra plus fort le poignet et planta son regard dans le sien.

- Croyez-moi c'est important ! Eloignez cet homme, il est dangereux ! Sans vous nous sommes cuits !

Huissier. Colette. Faux huissier ? Accident. Nautilus. Tableau. Gérard. Pont-Aven. C'est quoi ce foutu bazar ! C'est quoi ce foutu bazar ! Trop de coïncidences pensait Robert qui intervint :

- Alice, euh mademoiselle, pardon, dit-il en rougissant. M. Verne a raison, ce serait trop long à vous expliquer mais il faut nous sortir de là.

Alice dégagea son bras et d'un geste machinal releva une de ses boucles rousses tout en réfléchissant. Par déontologie, elle aurait dû alerter le médecin de garde mais elle ne l'avait pas fait. Roland et tout cette affaire l'intriguaient. Elle avait bien envie de l'aider. Elle sentait bien qu'elle allait au devant des ennuis. Oui mais après tout, c'était peut-être le moment ou jamais, l'opportunité de tout envoyer valdinguer. Elle avait beaucoup donné en s'oubliant elle-même. Elle ne savait plus trop quoi penser, que faire.

- Je vais lui dire que votre état s'est aggravé, dit-elle. Au fait, j'y pense, une dame a téléphoné pour prendre de vos nouvelles en refusant de dire son nom.

Roland et Robert échangèrent un regard.

- Et si nous n'étions pas les seuls sur la piste du Nautilus dit Robert pensif.

- Voilà c'est fait dit la rousse Alice en ouvrant la porte. Je lui ai dit de repasser demain. Il a insisté mais j'ai tenu bon.

- Vous pouvez compter là-dessus répondit Roland, même avant tiens donc ! Qui vous dit qu'il ne s'est pas juste éloigné ? Demain, vous me retrouverez réduit à l'état de macchabée oui!

- Mais ce serait fou de partir dans votre état M. Verne, dit-elle, de nouveau rattrapée par ses scrupules, je ne peux pas vous laisser faire... Pourquoi ne pas appeler la police ?

- Ah non pas la police! s'écrièrent en cœur les deux hommes.

- Bien dit Alice... soit ! Et pourquoi pas après tout. J'ai une idée. Je reviens.

- Tu crois que nous pouvons lui faire confiance, dit Robert et si elle est partie prévenir quelqu'un ?

- Nous le saurons bien assez tôt. Je t'ai connu moins rabat-joie hein mon pote. De toutes les façons, nous n'avons pas le choix !

Sa décision prise, Alice échafauda avec pragmatisme «un plan d'évasion». Elle se mit à sourire. Enfin il se passait quelque chose. Elle se sentait tout excitée. Elle était bien décidée à aller jusqu'au bout de l'aventure. Digne personnage échappé d'un bon thriller. Moteur, on tourne !

Dix bonnes minutes s'écoulèrent. Robert faisait les cent pas. Roland aurait donné n'importe quoi pour un clope et un bon café. La porte s'ouvrit.

- Passez-ça, dit Alice énergiquement, en collant un uniforme blanc dans les bras de Robert qui s'exécuta. Elle ouvrit la porte en grand et fit passer le brancard dans la chambre.

C'est ainsi que le trio fit son entrée dans le parking du premier sous-sol - celui réservé aux ambulances. Elle sortit un trousseau de clés de sa poche et avisa un véhicule de la marque aux chevrons. Roland fut installé à l'arrière sur son brancard.

- Robert ? C'est bien Robert votre prénom ? dit-elle en lui tendant les clés. Allez, à vous l'honneur. Je monte à l'arrière pour prendre soin de Roland. Au diable les "monsieur-mademoiselle" place aux Jules et aux Jims ! Plan-séquence sur une ambulance qui file dans la nuit.

Ils se retrouvèrent à la sortie donnant sur le boulevard de l'Odyssée. Robert regarda d'un côté puis de l'autre, passa la première puis la seconde, accéléra. L'ambulance atteignit le carrefour dans un vrombissement de moteur. Il ralentit, s'engagea dans le rond-point, donna un coup de volant sur la droite. Les pneus crissèrent. L'ambulance prit la direction de la sortie de la ville à vive allure.

- Eh, oh! Nous avons quelques heures avant que l'hôpital découvre la disparition de l'ambulance, inutile de prendre le risque de se faire arrêter ou de nous envoyer dans le décor, dit Alice. Mais, au fait, où va-t-on ?

- Direction Pont-Aven et ne vous faites pas de souci, Robert est un excellent conducteur répondit Roland calé sur son brancard. Bien meilleur que moi ! Je n'ai jamais passé mon permis. On en a de la chance, hein Robert, que je ne sois pas en état de conduire dit-il goguenard. En attendant qu'est-ce que je ne donnerais pas pour un bon café !

Ni une, ni deux, une Alice magicienne sortit d'un sac le thermos qu'elle avait pris soin de remplir dans la salle de repos et tendit, avec son joli sourire mutin, un gobelet à Roland qui se sentit revivre.

Pont-Aven, six heures de route. Si tout allait bien. Ils seraient là-bas pour les douze coups de minuit. La nuit commençait à tomber et la pluie se mettait de la partie. Déjà qu'entre chien et loup la visibilité laisse à désirer, avec la pluie c'était le pompon ! Il décida à contre-cœur de ralentir. Ils roulaient depuis une heure et demi. Roland s'était assoupi, exténué par toutes ces péripéties et Alice se relaxait en silence. Il lui était reconnaissant de ne pas l'abreuver de questions et de le laisser se concentrer sur la conduite et sur ses pensées. Ah conduire ! Tante Etzelle avait raison. Ils avaient tous une marotte dans cette famille. Lui, ce n'était ni le tricot, ni la peinture à l'huile mais les vieux tacots. Il avait même eu la chance de pouvoir participer, de par le monde, à plusieurs croisières automobiles. Héritages de la fameuse croisière jaune. A présent, il n'en avait plus les moyens et mettre la main sur le Nautilus, c'était l'assurance de pouvoir remonter un projet de croisière.

Il se demandait bien ce que Colette et Gérard venaient faire dans cette histoire. Colette dénonçant Roland. Gérard chez la cousine Gaëlle. On ne pouvait plus parler de hasard. Il se souvient. Colette lui avait téléphoné lors de sa convalescence chez tante Etzelle et il lui avait vaguement dit avoir été à la recherche de vieux papiers ayant appartenu au grand oncle. Colette, toujours insatisfaite. Traitant Gérard, qui n'était pas un mauvais bougre, comme un moins que rien, exactement comme elle avait traité les précédents. Colette que l'argent ne laisse pas indifférent. Que savait-elle ?

Alice sortit Robert de sa réflexion et se pencha vers lui. Son profil se dessinait dans le rétroviseur. Il pouvait sentir son parfum. Elle avait ôté sa coiffe et rendu leur liberté à ses boucles rousses. Il l'a trouvée jolie, pas d'une beauté parfaite, non, ce n'était pas cela. Elle avait du chien comme on dit. Elle l'intimidait. Mais face à l'assurance de Roland, lui et sa timidité n'avaient aucune chance. Pour le tour de manège avec la belle Alice, ce n'était pas demain la veille.

- Il y a une voiture derrière nous depuis un bon moment dit-elle. Gyrophare éteint mais gyrophare quand même.

Il décida d'en avoir le cœur net. Avec ce temps, pas question d'accélérer. Il ralentit. Le gyrophare fit de même. Il passa à la vitesse supérieure sans exagérer son allure. Il avisa un poste à essence - c'est ce qu'il lui fallait - il donna un coup de volant et s'engagea dans l'allée. Le gyrophare continua son chemin.

- Que se passe-t-il ? dit Roland réveillé en sursaut.

- Rien, dit Robert. On a cru être suivi. Par prudence, on va s'arrêter un moment. Je vais me dégourdir les jambes.

- Achète-moi des clopes je n'en ai plus s'il te plaît.

- Inutile, j'ai ce qu'il faut dit Alice qui alluma deux cigarettes et en tendit une à Roland. Leurs yeux échangèrent un sourire complice.

Robert s'approcha de l'enseigne qui diffusait une pâle lumière jaune dans la brume qui avait succédé à la pluie. Il se dirigea vers les toilettes, fit ce qu'il avait à faire, se lava les mains et en sortant il s' enquit auprès du veilleur de nuit, vêtu d'une combinaison crasseuse, s'il pouvait acheter à manger. Dans l'automate répondit l'homme en bâillant.

- C'est vous l'ambulance ? dit l'homme. Histoire de dire.

- Oui, répondit Robert. Pas besoin d'essence juste une pause. La route est longue.

- C'est grave ? Vous allez loin ? dit l'homme machinalement.

- Non, non rien de grave. Nous transportons le malade à P... à Paimpol dit Robert en se ravisant, méfiant.

- Bonne route dit alors l'homme en lui rendant la monnaie dans un énième bâillement tout en se grattant l'intérieur de l'oreille.

Il y avait longtemps qu'il n'éprouvait plus que de l'ennui à veiller. Il regrettait l'époque où la station faisait encore office de snack-bar. L'ambiance conviviale et enfumée. Le bruit des conversations hautes en couleur. Tout le monde se connaissait, s'apostrophait, échangeait des nouvelles. A présent, avec leurs maudites autoroutes presque plus aucun routier n'empruntait la nationale. Tout foutait le camp, la bonne humeur avec.

Robert revint vers l'ambulance et distribua sandwiches et boissons. Ils se restaurèrent. Roland sortit son portable et téléphona à Gaëlle pour l'informer brièvement de leur arrivée tardive, ce jour même.

L'équipage reprit la route.

L'homme sortit de l'hôpital et décida de se rendre directement à la Fabrique plutôt que de passer un coup de fil. Il savait que le patron n'allait pas être content mais c'était trop risqué. Il valait mieux revenir plus tard dans la nuit.

Robert négocia le tournant un peu trop vite. La rousse Alice poussa un cri. Le café de la thermos coulait chaudement le long de ses jambes. Enfin, elle se retrouva projetée contre Roland qui lui s'accrocha à elle comme il put. C'est le genre de méli-mélo qu'il aurait appelé de tous ses vœux dans d'autres circonstances mais là ! Calmos Roland. Calmos. Ressaisis-toi ! Bon sang c'est pas le moment.

- Robert ! tu déconnes ou quoi, s'écria-t-il.

En abordant la ligne droite, l'ambulance se trouva pris au piège de deux puissants phares aveuglants.

Un commentaire à ajouter ?

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : https://glob.michel-loiseau.fr/index.php?trackback/1855

Haut de page