Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (18)

Roland, Robert et Alice, la belle rousse d'infirmière filent à bord d'une ambulance volée vers Pont-Aven pour aller à la rencontre de Gaëlle, l'excentrique tante. Quand tout d'un coup soudainement, des phares apparaissent dans la nuit !

On attendait Grouchy, ce fut Blücher.

En matière de Robert, c’était Colette qui faisait face à Gaëlle. Colette et un homme à la mine renfrognée et au poing armé d’un pistolet automatique de fort calibre.

- Robert est dans l’ambulance. Vous allez le rejoindre gentiment, déclara Colette.

- Qui c’est que vous êtes, vous ? questionna Gaëlle.

- Je suis l’épouse de Gérard. Nous allons chercher Gérard ensemble, bien gentiment. Vous allez nous guider. Marcel nous suivra avec la Mercedes.

Colette sortit une ravissante petite arme à crosse nacrée de son sac afin d’aider Gaëlle à obéir. Gaëlle estima qu’elle avait fait une boulette en ne prenant pas l’un ou l’autre des Lüger avec elle en sortant de la berline allemande. Elle se mordit un peu la lèvre inférieure. Elle n’avait pas du tout envie de chanter.

Après que l’on lui avait passé des menottes aux poignets, on la fit monter à l’avant de l’ambulance, à la place centrale. Colette prit place à son tour sur la banquette et dit à l’homme qui tenait le volant de prendre la route de Pont-Aven. La Mercedes avait fait demi-tour et suivait.

Comprenant que cela ne conduirait à rien, Gaëlle ne chercha pas à donner de mauvaises instructions. Elle indiquait la route de sa maison la mort dans l’âme et en tentant vainement de se concentrer sur un plan B. Elle avait comme un brouillard poisseux dans la tête et les idées s’engluaient dans une mélasse embrouillée.

Le convoi arriva rapidement devant la maison de Gaëlle. On fit sortir Roland, Robert et Alice de l’arrière et tout ce petit monde pénétra dans la cuisine. On questionna Gaëlle qui indiqua la porte qui menait à la cave. Quelques minutes plus tard, Gérard, le visage tuméfié, apparut. Il lançait un œil mauvais à sa tortionnaire et dut subir l’engueulade de sa femme qui le traita à tour de rôle d’incapable, de gros nul et d’âne bâté. Les épaules affaissée et la tête basse, il prenait l’air le plus honteux dont il était capable et, une fois l’orage passé, tenta une question.

- Et maintenant, on fait quoi ?

Cela lui valut une nouvelle bordée d’injures et de reproches. Puis, comme si elle avait fini de vider son sac, Colette attrapa une chaise et s’assit. Elle resta silencieuse quelques minutes avant de faire le point de la situation à voix haute, comme si elle se parlait à elle-même. Où en étions-nous ? Cet incapable de Gérard était libéré mais le papier bleu n’existait plus, les documents de Roland étaient détruits et il y avait quatre témoins à faire taire. Un échec total, sur toute la ligne. Un fiasco de toute splendeur. Le bide qui n’allait certainement pas rester sans conséquence. Les trois hommes de main de l’organisation secrète étaient debout, chacun surveillant l’une des issues de la cuisine. Roland était allongé par terre, Alice et Robert étaient menottés au radiateur. Gaëlle, elle, n’avait toujours pas envie de pousser la chansonnette. Probablement en raison de son âge, plus certainement encore à cause de l’amateurisme des membres de la Fabrique, on n’avait pas pris soin de trop s’occuper d’elle. On la surveillait du coin de l’œil comme on surveille le lait dans sa casserole mais on ne semblait pas la considérer comme réellement dangereuse. Pour tout dire, on la sous-estimait beaucoup.

- Quelqu’un veut du thé ? tonitrua Gaëlle

Tous les regards se tournèrent vers elle. Comment s’était-elle libérée de la chaise où elle était menottée ? Les regards bifurquèrent alors vers la chaise où pendait la paire de menottes. Sous l’effet de la surprise, les mâchoires pendirent et les yeux s’exorbitèrent. Elle avait déjà une casserole à la main lorsque Colette commença à beugler comme quoi il fallait l’attraper, la menotter, la capturer, l’empêcher de nuire, la soumettre, l’abattre, la contraindre et toutes ces choses peu aimables.

L’un des hommes, le plus vif et le plus proche de Gaëlle s’élança l’arme au poing et fut accueilli par un bon coup de casserole à l’occiput tandis que, d’un pied vigoureux, Roland faisait trébucher le deuxième malfaisant qui s’éclata le nez et le maxillaire inférieur sur le carrelage. Il y eut comme un flottement dans les troupes. Colette et Gérard décidèrent d’agir en même temps et ils n’auraient pas dû. Dans son élan, Gérard culbuta Colette qui tomba la tête la première sur le coin de la table avant de décider de tomber dans les vapes. Gérard, lui, mal remis des sévices causés par Gaëlle, dérapa et s’affala au sol en se démettant l’omoplate gauche en poussant un poignant cri de douleur qui n’avait rien de feint, du moins en apparence. Il restait le troisième homme qui eut le temps de tirer un coup de feu juste au moment où Gaëlle avait décidé de lui faire parvenir la lourde casserole en pleine face. La balle se perdit dans la bouteille de gaz butane qui se trouvait à côté de la cuisinière et qui prit sur elle d’exploser, mettant un terme à l’algarade dans quelque chose qui ressemblerait beaucoup à un ‘’deus ex machina’’ facile et improbable s’il n’était pas un strict reflet de la vraie vérité bien réelle dans la réalité la plus absolue.

Couverts de débris de plâtre et de poussière indéterminée, Gaëlle, Roland, Robert et Alice n’en revenaient pas. Ils avaient tous les oreilles qui bourdonnaient, quelques écorchures, plaies et bosses mais ils étaient bien vivants. On ne pouvait pas en dire autant des membres du camp d’en face ! Colette et Gérard Moyeux respiraient encore mais les trois hommes dont le lecteur ne saura jamais rien de plus avaient fait veuves et orphelins pour peu qu’ils avaient été mariés et pères. Il y en avait même un qui n’était plus en un seul morceau. Déchiqueté, il était. Et ses morceaux étaient dispersés dans toute la cuisine et ce n’était pas beau à voir.

Gaëlle se baissa pour ramasser sa casserole cabossée et s’excusa qu’en raison de la panne de gaz consécutive à l’explosion de la bouteille, elle n’allait pas pouvoir faire chauffer de l’eau pour le thé.

- Quelqu’un voudrait un verre de chouchen, risqua-t-elle ?

On trouva les clés des menottes dans les poches des victimes défuntes et on libéra Alice, Robert et Roland.

- Eh beh ! dis Robert

- Incroyable, continua Alice

- Putain ! conclut Roland.

Gaëlle avait le sourire. Elle était un peu peiné pour sa cuisine qui était toute à refaire mais, dans l’ensemble, elle était plutôt satisfaite. Elle rajeunissait de soixante ans d’un coup. Si les acouphènes ne la perturbaient pas sur l’instant, elle se serait peut-être mise à chanter quelque chose.

- Et on fait quoi ? demanda Robert en se massant les poignets ?

- Il faudrait aller acheter une bouteille de gaz, proposa Gaëlle.

- Il faudrait appeler les flics, estima Roland

- Il faudrait surtout passer les menottes à Colette et à Gérard. Ils ont l’air de se réveiller.

Robert s’exécuta sous la surveillance bienveillante de Gaëlle qui veillait au grain la queue de casserole bien en main. Pendant ce temps, Alice ramassa les armes dispersées dans la pièce et les posa à côté de Roland. Alors, reprenant son rôle d’infirmière, elle s’occupa de Roland, le redressant en lui plaçant un coussin dans le dos, avant de nettoyer les plaies de Colette et Gérard. Gaëlle lui avait donné tout le contenu de sa pharmacie, une bouteille bien entamée d’alcool à 90°, une boîte vide de pansements et un tube d’aspirine périmée de longue date. Alice alla chercher ce dont elle avait besoin dans l’ambulance et en profita pour s’assurer que tout était calme dans la nuit de Pont-Aven. Dans la nuit, au loin, un chien aboyait. Mis à part cela tout semblait bien endormi. Elle revint avec une trousse de premier secours et pansa les blessures des fâcheux époux Moyeux qui reprenaient leurs esprits.

- Crétin ! lâcha Colette à l’intention d’un Gérard tout penaud.

- J’ai pas fait exprès, plaida ce dernier.

- Tu n’as que ça à dire pour ta défense ? Si on s’en sort, je ne donne pas cher de tes os, abruti ! Ma mère avait bien raison. Un imbécile, un sombre incapable, un débile profond !

- Mais Colette ! J’ai pas fait exprès, je t’assure !

- Tais-toi. S’il te plaît, tais-toi !

- Taisez-vous tous les deux, trancha Robert. On va discuter un peu.

- Si on se tait, on ne discutera pas beaucoup, rétorqua Gérard, non sans raison et humour.

Gaëlle donna un bon coup de casserole sur la tête de Gérard.

- Aïe ! Mais elle est folle celle là ! Ça fait mal, merde !

- Ta gueule, Gérard, éructa Robert en lui donnant une baffe.

- Aïe ! Mais j’en ai marre, moi !

-Quelqu’un veut du thé ? Demanda Gaëlle. Il faudrait aller chercher du gaz.

- Il fait nuit, Gaëlle, tenta de la calmer Alice. On ira demain matin. Il est tard, Gaëlle. Vous devriez aller vous coucher et reprendre des formes.

- Je suis en pleine forme, moi ! Et puis, j’ai pas sommeil. Ça me fait penser à quand j’attendais mon Yannick. Ah ! Mon Yannick ! Il aimait quand je lui chantais des chansons. « Je t’attendrai à la porte du garage... Boum ! Quand votre cœur fait boum ! ». Il aimait bien Trénet. Et pas que dans les bars, qu’il ajoutait toujours.

Sans raison particulière, elle leva la casserole et l’abattit sur la tête de Gérard qui se plaignit du sort qu’on lui faisait subir.

Robert avait remis une chaise sur ses pieds et s’était assis à l’envers sur elle, reposant ses avant bras sur le dossier et fixant le couple Moyeux dans les yeux.

- Bon. Finie la comédie. On va causer. Vous allez nous dire tout ce que vous savez. On décidera après de votre avenir. D’abord, une première question à toi, Colette. Comment as-tu pu me faire ça à moi, ton frère ? Dans quelle coupable organisation baignes-tu ? Que cherches-tu ? Que sont devenus tes maris ?

- Je ne dirai rien, crâna Colette en esquissant un sourire tuméfié et partiellement édenté.

Boum ! La casserole venait d’opérer, sur le crâne de Colette, cette fois-ci.

- Bien fait, jubila Gérard.

Et boum de nouveau, sur la tête de Gérard, cette fois.

- Aïe !

- Colette, tu vas parler, je te l’assure. Nous avons tout notre temps, nous sommes armés et Gaëlle a des arguments choc.

- Je ne sais rien de rien à tout cela, tenta Gérard, lâchement.

- Lâche, grinça Colette à son égard. Bien sûr que tu ne sais rien ! Tu ne penses pas que l’on allait dévoiler le fond de cette opération à un Charlot dans ton genre, pauvre mec !

- Ah ! Vous voyez ! Je ne sais rien. Laissez-moi m’en aller. Je ne dirai rien. C’est elle la coupable ! Rien qu’elle !

Une sonnerie de téléphone se fit entendre. Une sonnerie de portable. Robert lança un regard interrogateur vers Alice qui en fit de même à l’endroit de Roland qui en jeta un vers Gérard qui dit :

- C’est le téléphone à Colette...

Alice chercha dans les poches de Colette, elle trouva le téléphone, appuya sur la touche pour accepter l’appel.

- Allo ? Colette ? L’affaire est réglée ?

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