Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (23)

Quelle affaire ! Non mais vraiment, quelle affaire ! Gérard est pris en stop par un chauffeur routier mélomane, Gaëlle rêve à son Yann, les gendarmes jouent les duettistes burlesques et le Nautilus ne fait toujours pas surface. Cette semaine, Liaan se propose d'éclaircir quelques points. Mais y parvient-il seulement ? A vous de vous faire votre idée dans le vingt-troisième épisode de ce feuilleton.

Dans les ruines de la maison de Pont Aven.

Je rêve... Des coups sourds, des voix, une déflagration, des flammes froides, j'ai du mal à respirer, des voix, encore, cauchemar, une autre explosion... Un bombardement, la guerre ? De quel côté suis-je ? Ma petite voix intérieure me chuchote : C'est l'heure de te lever pour aller marner, allez ! Je sens mon corps comme engourdi, je vais me réveiller et réalise que je ne suis pas dans mon lit familier. Le fameux "où suis-je", des bandes dessinées, surgit. J'ouvre les yeux, rien, et ce n'est pas la nuit d'une pièce sombre, je sens sur mon visage comme une couverture, un drap : je suis à la morgue ! Je suis morte ! Une nuée d'angoisse m'envahit. Non ! Pas ça ! Pas maintenant ! Je veux hurler cette méprise, mais aucun son ne sort. Je veux bouger, je ne suis pas morte ! mes bras sont en plomb ! Je fais un effort qui me parait démesuré et mon bras bouge enfin, je cherche à dégager ce voile, ce linceul plein de poussières. J'arrive à dégager mon visage, et je vois une plaque de bois ! Le couvercle du cercueil ! Je suis enterrée vivante ! Je veux encore crier, mais impossible d'émettre le moindre son. Je me sens moins ankylosée et me dégage complètement. Je suis sous une table dans une pénombre qui me semble irréelle.

Avec difficultés, je dégage des gravats (?), plein de gravats. Que s'est-il passé ? Un effondrement ? Un bombardement ? Mon rêve/cauchemar est encore là.

Si je comprends bien, cette table m'a protégée contre toutes ces chutes ! Je réussis à me dégager complètement et me mets debout. Tous ces gravats, des pierres, des bouts de bois, une casserole, et eeeerk ! Un bras humain ! J'observe attentivement ce bras : c'est un bras artificiel !

Et tout brusquement me revient à l'esprit : la Fabrique, la Fabrique de Bébés, "Lafleur", les Autres, et cet échec, ici, à Pont Aven ! Nous croyions maîtriser toute cette bande d'amateurs, de petits joueurs, les Roland Verne, mon frère Robert, ces autres, la bagarre.

Ah mais ! Nous avons perdu une bataille, mais...Ça va barder !

Tout d'abord, faire le point, ensuite contacter "Lafleur"...Ah ah ah ! sacré "Lafleur" ! Je lui dois une fière chandelle avec son conseil de porter un gilet pare-balles !

Secouée, mais pas morte, ma Colette, ah non !

Si Gäelle, Alice, Roland et Robert avait pu assister à ce spectacle d'une Colette, debout, s'époussetant avec rage, donnant des coups de pied dans les débris de vaisselle, nos amis auraient tremblé d'effroi.

Le jour se levait et dans cette lumière rasante, Colette dégage un cadavre, l'observe et comme par un soufflet, laisse retomber le corps, et cherche un autre macchabée pour assouvir je ne sais quel instinct ! Après avoir dégagé des morceaux de bois ayant eu l'apparence d'un beau buffet breton, Colette sourit : Ah ! Hans ! Tu as l'air en meilleur état que Günther ! Viens vers ta Maman, Mein Hans ! Et Colette approche le visage du cadavre, le place sur sa poitrine et d'une main experte, écarte délicatement les cheveux sur le haut du crâne...

Quelques minutes plus tard, après son lugubre travail, Colette, satisfaite, s'écarte des gravats et se mets en marche vers les ruines de l'appenti, en partie effondré sur "sa" Mercedes. Les chiens ! lance-t-elle, en tapant du pied sur un seau métallique, sales clébards ! Tiens ? Je ne vois plus l'ambulance. Ce sont ces cloportes, accompagné de ce cafard de Gérard. Elle ne retient pas le gros glaviot quelle lance à terre.

Arrivée dans la remise, elle repère vite le poste de radio émetteur-récepteur, constate qu'il est débranché, le raccorde et le manipule avec dextérité.

- Appelle Q.G.... Appelle Q.G. ... Colette appelle Q.G. Colette appelle Lafleur...

- Lafleur écoute, cinq sur cinq, Colette, à vous...

La conversation dura moins de cinq minutes, et Colette sortit. Barfleur ? Ce n'est pas la porte à côté, ça, et je n'ai plus de bagnole... Un coup strident d'avertisseur interrompt sa pensée : ça, c'est une Renault 4, je parie !

...

La cantatrice (chauve) termina son air des bijoux de Gounod, la voix du speaker désannonce l'extrait de l'œuvre, en n'omettant surtout pas la célèbre évocation de la non moins célèbre cantatrice Blanche d'Italie.

- Et tu vas où, comme ça, mon joli ? interroge d’une voix douce le chauffeur routier, qui propose en même temps une Philip Morris, paquet ocre, à son passager.

Gérard sursauta à cette question.

- Tu ressembles à un vieil ami : Robert !

- Ah non ! Ça ne va pas recommencer ! crie presque Gérard.

- Oh, mollo ! Je ne suis pas dur de la feuille, et ce camion n'est pas trop bruyant pour que tu te permettes de parler si fort, reprit le camionneur, je te demande simplement où tu comptes aller avec cette dégaine de punk déjanté avec ce T-shirt qui donne soif, ton apparence de clodomir assermenté chez Fourien, et que t'as de la chance que je t'ai ramassé, j'aurais pu te laisser comme un débris au bord de la route, sacré Robert ! Si je t'appelle aussi familièrement, c'est que tu lui ressembles furieusement, au Robert ! Ne m'en veux pas, j'suis comme ça !

- Vous êtes comment ? demande hargneusement Gérard, vous n'êtes pas de la jaquette flottante, au moins ?

- Oh ! Tout de suite on monte sur ses grands chevaux, tu dois avoir, contre les gens qui s'aiment, des idées arrêtées au dix-neuvième siècle ? Tu n'aimes pas les tarlouses ? Tu ne veux des hommes, des vrais, des tatoués ? Je ne suis pas tatoué, mon grand, mais les bergères, je les aime bien, surtout la sœur à Robert, la Colette ! Rien que de penser à la tête de son mari tous les jeudis entre 3 et 4 heures !

La colère, jusque là contenue, de Gérard tente d'exploser, mais, vu le gabarit du camionneur, il demande :

- Votre Robert à une sœur prénommée Colette ? Moi, ma femme, son prénom, c'est Colette.

Le routier reprend :

- ce serait marrant que vous soyez le mari de cette Colette, mais non, ce n'est pas possible ! Ha ha ha, trop tordant !

Le camion gravit péniblement les lacets de la nationale 24, entre Locminé et Josselin, toujours suivi par la Land-Rover noire.

...

C'est bien une Renault 4, du jaune inimitable des PTT, le facteur en descendait, rigolard :

- Ma doué ! Y'a eu comme un gros coup de vent, c'te nuit, ma parole, les portes ont dû sacrément claquer ici ! La Mâme Labornez n'est pas là ? Parce que j'ai son Nous-Deux ! Voui, et vous, sauf vot'respect, Mâme, vous êtes restée endormie dans un champ de chardons, vu les trous que vous avez sur le poullover ?

- Si tu ne veux pas de trous identiques sur ton bel uniforme, facteur, tu fermes ton grand clairon et tu m'écoutes, lance Colette en exhibant un révolver si énorme que le facteur se demande où la dame au pull troué l'avait caché... Le facteur lève les bras.

- Si c'est pour un holdoup, j'ai que les mandats de Ker-Menez et de Ker-Bronnec, ça va pas faire lourd, dans les...

- Ta gueule ! J'aime pas trop les bavards ! Tu me suis et tu la fermes ! reprend Colette, Vous n'avez que des 4L par ici ?

- Euh, je la ferme ou je l'ouvre ? tente le fonctionnaire des Postes.

- Tu la fermes gentiment ! conclut Colette.

Colette, suivie du facteur, s'approche du corps de Hans et le facteur, effaré voit Colette coller ses lèvres sur la bouche de Hans et souffler très fort. Là dessus, le corps de Hans est pris d'un tremblement vite disparu, et se lève, en maugréant :

- Donnerwetter ! Was ist los ?

- Ça, c'est du shleu, dit rapidement le facteur.

Colette se retourne et d'un œil noir, fixe le regard du facteur qui ne rajouta rien du tout.

- Monte dans l'auto demande Colette à Hans.

Ce grand gaillard tout plein de poussière et de muscles qui se lève tout doucement...

- Jawohl, Colette !

Il se dirige vers la fourgonnette jaune, ouvre la porte arrière et s'assoit sur les sacs et les colis situé dans la 4L.

- Mais ? beugle le facteur qui observe la scène.

- Tu as compris ce que je t'ai demandé ?

- Voui, voui Mâme !

Colette se glisse aussi à l'arrière de la Renault 4.

- Prends le volant et décolle, facteur ! intime Colette en montrant du canon la direction à prendre.

Un cyborg, Nom de Dieu, un cyborg jette le facteur en observant Hans.

- Ah! T'es moins ballot que tu en a l'air, facteur, un bon point pour toi, Hans est effectivement une créature artificielle qui sort de la Fabrique ! Tu vas nous emmener avec ta camionnette à Barfleur !

- Mais ? tente une dernière fois, anéanti, le facteur, ma tournée, mes Ouest-France !

- Ce ne sera pas une grosse perte pour les bonnes gens, s'ils ne lisent pas ce torchon, conclut Colette.

Et la Renault 4 fourgonnette de cette brave Administration des Postes se lança sur le chemin menant à la Grande Route, vers le Nord-Ouest.

Arrivé en bas de la pente, le véhicule des PTT, conduit par le facteur droit comme un I, qui ne jette pas un regard aux deux pandores, alignés le long de leur 4L réglementaire, tourne à droite sur la route nationale 783 en direction de Quimperlé.

- Déjà chaud à cette heure, le facteur, remarque le brigadier Chapraut à son homologue Chapraud.

- Oui, et il donne soif, ajoute ce dernier, on passe contrôler le stationnement du côté de celui "des Sports" ?

- Affirmatif ! lance le brigadier Chapraut.

À bord de la 4L jaune, Colette remarque :

- Ce qu'il y a de bien, c'est qu'avec une voiture des PTT, on passe partout sans se faire contrôler, Nous pouvons traverser la France entière sans être inquiétés !

Ma tournée ! pense à ce moment le facteur...

Parvenus à cinq cents mètre du panneau d'agglomération de Quimperlé, un homme en costume, à côté d'une Renault 4 berline de ce jaune inimitable des PTT, fait signe à la fourgonnette de s'arrêter. À moitié dissimulés sous les sacs postaux et les colis, Colette demande :

- Qui est ce pékin ? Un de vos collègues ?

Le facteur répond :

- C’est la bête noire des facteurs : un inspecteur-vérificateur, il doit s'étonner de voir que je ne suis pas sur la tournée régulière ! Je stoppe ?

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