Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (27)

Soyons honnête, au moins pour une fois. Au terme de l'épisode précédent, nous n'avions pas beaucoup avancé dans l'histoire rocambolesque qui nous mène, semble-t-il, vers la Normandie sur les traces ténues d'un sous-marin très hypothétique. Nous apprenions néanmoins que les cyborgs savaient piloter une moto allemande et que les gendarmes savaient apprécier le jus de pomme.
C'est Arielle, aujourd'hui, qui nous promet d'avancer à pas de géants vers un début de dénouement. Mais sans plus de bavardage, sachant les lecteurs pressés de connaître la suite, les nerfs tendus, je laisse la place à l'épisode de la semaine !

Un peu plus tôt à La Fabrique…

Inquiet de se faire doubler par Colette, Lafleur avait donc pris ses précautions. Il avait gardé un atout dans son jeu sous les traits de son fidèle technicien, Maurice Lenoir. Ce dernier lui était tout dévoué.

Nous ne savons grand chose sur le passé de ce taiseux qui travaille et vit à La Fabrique. Sans doute devait-il une fière chandelle à Lafleur qui l'avait probablement sorti du pétrin.

Lafleur décida donc d'expédier Maurice à Barfleur mais pas seul. Uma l'accompagnerait. Ce cyborg femelle de dernière génération, ils l'avaient conçu ensemble. Ils l'avaient conçu plus robot que cyborg. Après avoir tenté sans succès de vendre le brevet aux services secrets israélien, Lafleur avait réussi à le caser aux services secrets boldave. Le prototype fut donc ressorti du placard et dépoussiéré.

Faite d'un alliage de métal et de chair ultra léger, Uma, à l'opposé de la carrure "char d'assaut" d'un Hans ou d'un Günther, était la grâce même. D'aucun dirait sexy en diable. Lafleur l'avait dotée de tous les attributs qui vous posent une espionne et une voleuse. Déplacement rapide et feutré. Agilité des prothèses des mains. Chacune munie d' outils de précision, genre Leatherman pour souris d'hôtel. Magnétophone-enregistreur embarqué, indispensable. Caméra et appareil photo implantés dans ses yeux de porcelaine bleue. Lesquels étaient dotés d'un système de zoom ultra sophistiqué qu'Uma déclenchait par le seul pouvoir de "la pensée",en exorbitant les yeux. Lafleur, passionné de photo, n'utilisa que de l'optique Leitz miniaturisée. Pour parfaire son chef-d'œuvre, il lui installa un logiciel de Krav-Maga qui permettait à Uma de se débarrasser de ses adversaires avec un minimum de bruit. Seul le logiciel du langage fut réduit au strict minimum.

Maurice en était fou. Il avait particulièrement soigné et les mensurations, et le revêtement en plastique mou qui imitait à la perfection la chair blanche et laiteuse. Après avoir ajusté la perruque brune frangée, il lui enfila une combinaison style treillis et laça les rangers. Il appuya sur le bouton "on". Uma était fin prête.

- Prends le Land , dit Lafleur. Vous passerez plus facilement pour un couple de baroudeurs en quête d'un séjour "nature". Méfie-toi de Günther, il vient de réapparaître sur la console de gestion des cyborgs mais pour l'instant je n'arrive pas à reprendre le contrôle.

- Bien, répondit Maurice.

- Débrouille-toi pour tout récupérer avant l'arrivée de Colette. Qu'elle ne se doute de rien quand elle arrivera après vous. Pas de morts. Faites-vous passer pour des agents d'un service secret étranger. Un truc dans ce genre.

- Boldave ? demanda naturellement Uma.

- Non Uma. Je ne veux pas de problème avec eux. Nous sommes en affaire. D'ailleurs au fait, Maurice, nous avons rendez-vous avec le Colonel Amisovscu, la semaine prochaine, service après vente oblige. Ton logiciel t'autorise toutes sortes d'accents Uma. Tiens Russe, ça fera l'affaire.

Ils quittèrent La Fabrique et prirent la direction de Barfleur.

...

Si nous ne savons pas grand chose sur Maurice, il en est de même pour le routier mélomane, volage et gouailleur, censé emmener Gérard au Mans. Retour dans la cabine du Renault truck.

La sonnerie du portable du camionneur retentit sur l'air du toréador.

- Allo oui... Ok patron. Mais prévenez au Mans que j'aurai du retard. Il raccrocha et s'adressa à Gérard. Mon ptit gars, détour obligé par Caen pour récupérer un colis urgent. Alors, ou tu restes, ou je te dépose à la prochaine station-service. Mais avec ton allure déjantée, pour faire du stop hein, tu vois ce que je veux dire.

Gérard, l'air abattu, ne répondit pas. Le fric. Le magot. L'avion. Partir. Se sortir enfin de tout ce merdier. Soupirs.

- Fais pas cette tronche. Au fond je t'aime bien.

"si tu ne m'aimes pas, si tu ne m'aimes pas, je t'aime...". Il se mit à rire.

Gérard eut envie d'allonger son poing dans la gueule du camionneur. Il se retint. Cet enfoiré était sans doute sa seule chance de rejoindre Le Mans.

- Ben quoi ? Oublie-là ta bergère. Allez on va s'en jeter un à la prochaine station-service et faire le plein. Tiens, prends une goldo, c'est pas toi qui raque.

- Merci. Au fait, c'est quoi ton nom ? demanda Gérard.

- Frédérique Lang. Freddy pour les intimes. Pour Colette, c'était Fred et quand...

- Oh, ça va hein ! Rien ne dit que ce soit la même après tout.

- Ouais, regarde-moi ça un peu...

Ils venaient d'arriver en vue de la station. Force est de constater qu'elle avait brûlé de fond en comble. Explosée , anéantie, volatilisée.

- Ben merde ! reprit Freddy. Ok, on va pousser jusqu'à la station Shell où bosse ma copine Marie. Ça fait une trotte, mais au moins là, c'est sur qu'ils sont ouverts sauf s'ils ont explosé. Ah, ah, ah.

Ils reprirent la route. La radio diffuse l'acte II des Contes d'Hoffmann :

"Voyez-la sous son éventail
tourner, baisser, lever la tête,
ouvrir ses yeux d'émail
Et dire d'un air bête:
Oui, oui, oui, halte-là!
C'est la belle Olympia! "

- Ah, ah, ah. Quel couillon cet Hoffmann avec les femmes, il n'a rien vu et c'est bien fait avoir !

- Ouais. Bon, je vais faire un somme, répondit Gérard excédé. Il se fichait pas mal d'Hoffmann et de ses histoires de bonnes femmes. Les siennes lui suffisaient amplement.

Pas très loin de Caen, ils atteignirent enfin la station-service convoitée. Freddy rangea son bahut derrière une 4L jaune qui faisait le plein. Au moment même une femme en descendit. Un land noir les dépassa et se gara face au libre-service.

Gérard et Freddy s'exclamèrent en chœur en regardant la femme : " Oh putain, Colette ! "

Francis et Pedro claquèrent les portières du Land et allumèrent une cigarette.

Arthur Conan remit le pistolet de distribution en place et se tourna vers Colette dont le visage exprimait une rage contenue de très mauvaise augure.

- Maame que se passe-t-il ? hasarda Arthur pas très rassuré.

...

Villa "La Falaise". Uma et Maurice viennent de faire irruption dans le salon.

- Mains en l'air. Vite ! déclara Maurice sèchement en pointant son 44 magnum vers l'assemblée.

Gaëlle, Etzelle, Alice et Robert, médusés, s'exécutèrent.

- Gaëlle, murmura Alice. Tout à l'heure je vous ai menti à propos de...

- Fermez-là. D'un signe de tête Maurice montra à Uma les documents étalés sur la table.

- Da Boris. Moi compris.

Uma s'approcha de la table. Ses yeux sortirent de leur orbite. Une fine spirale en métal transconducteur les reliait au cerveau qui stockait les informations. Ils photographièrent et filmèrent tout ce qu'il y avait sur la table. Le spectacle était hallucinant.

Tante Etzelle faillit tourner de l'œil. Gaëlle retomba assise sur sa chaise. Robert semblait gober l'air. Alice fut prise de petits rires hystériques.

- Hi, hi, hi. Ils ont dormi ensemble. Hi, hi, hi, mon dieu ces yeux. Sinon, j'aurais dû dormir avec l'un deux. Hi, hi, hi. C'est tout. Ils ne couchent... Mais c'est quoi, cette chose ! Alice au bord de la crise de nerfs agitait ses mains comme des marionnettes au-dessus de sa tête.

Robert la regarda l'air ahuri et ouvrit la bouche encore plus grand.

- Mais qu'est-ce qu'elle raconte ? C'est quoi tout ce bazar.

Tante Etzelle, ayant retrouvé ses esprits, fixait machinalement le tableau.

- Vous pas parlez, vous pas bougez, déclara Uma après avoir remis ses yeux en place. Sinon, Boris taratatata. Vous tous garder mains en l'air.

Elle plia soigneusement la carte et s'approcha du tableau. Un cutter jaillit de son index. Elle s'apprêtait à découper la toile.

Robert avala sa salive et s'écria :

- Non ! Non ! Qui êtes-vous ? Vous êtes envoyés par La Fabrique ? On peut peut-être s'arranger...

- Pas arrangement. Quoi fabrique ? pas comprendre.

AZ.AZ... mais non ce n'est pas un Z, pensait Etzelle.

C'est un S... AS ! Et là on devine un A, puis RAT. Une coiffe en forme de cône... une femme... Sorcière ? Démone ? Mais où l'ai-je vue ? D'associations d'idées en associations d'idées, un nom surgit de sa mémoire: Astarat. Astarat ou Astarté.

Elle en était certaine à présent, la goélette portait le nom de la déesse égyptienne. L'Aphrodite des grecs. Et le village en haut de la falaise. Ça lui disait quelque chose. Elle se retint de crier.

- Dépêche-toi, dit Maurice.

Uma découpa la toile. Ensuite elle ficela tout ce petit monde à la table en prenant soin de les baillonner. Ficelle et baillons jaillissaient de ses mains à la demande.

Et Roland lui ? Où est-il passé ? Vous seriez en droit de vous le demander.

Roland, que tout le monde avait oublié, était planqué derrière la porte de la chambre. Arme à la main, il ne savait plus à quel saint se vouer. La situation était critique et le discours d'Alice pour le moins étrange. Le choc sans doute. Comment faire ? Seul, il ne faisait pas le poids. Il fallait pourtant qu'il agisse.

Un bruit de moto se fit entendre. Maurice eut juste le temps de se retourner pour voir Günther défonçant la porte d'entrée. Uma bondit en position d'attaque. Roland surgit de la chambre arme au poing.

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