Cavanna le disait. A eux tous, la bande de Hara-Kiri, ils ont fait le plus beau journal du monde. Et c'est vrai, et ça n'existe plus et ça n'a jamais été égalé. Que de talents ! Que d'irrévérencieux humour ! Il n'y a rien de meilleur. L'âme, l'esprit de ce journal, a été pillée. On a essayé de s'en inspirer, de porter la flamme longtemps après la mort du journal. Certains s'en réclament et disent ce qu'ils doivent à cette équipe. D'autres picorent des idées pour tenter de se donner un air irrespectueux. Si l'on peut reconnaître une certaine légitimité à l'équipe de Groland, la plupart du temps on est abattu par la retenue qu'affichent d'autres personnes en appelant à l'humour bête et méchant.
C'est qu'il faut le vouloir et le pouvoir pour arriver à faire du Hara-Kiri. Il faut oser. Il faut n'avoir aucune limite, taire l'auto-censure, fermer son clapet à la morale, à la peur de déplaire, ne jamais craindre de mettre un pied dedans et à dire que ça pue. Rire de tout tout le temps, c'est l'un des fondamentaux. Rire pour rire mais aussi et surtout rire pour dénoncer.
Aujourd'hui, il semble qu'il soit interdit et impossible de se moquer des handicapés, des femmes, des noirs, des gros, des chômeurs, des riches, des homosexuels, des juifs, des asiatiques, des américains, des militaires et des pacifistes, des cons et des intellectuels. On ne peut pas à moins d'accepter qu'un procès ou un autre vous colle au cul. Des procès, des interdictions administratives ou judiciaires, Hara-Kiri a eu à en subir son lot. Ce n'est pas ça qui l'a tué. Hara-Kiri est mort faute de lecteurs. Et pourquoi ? Parce que les temps avaient changé ? Peut-être.
On remarque souvent qu'il n'y a plus ni de Hara-Kiri ni de Coluche. Les temps ont changé, c'est une certitude. Ce qui fait rire aujourd'hui n'est pas ce qui faisait rire autrefois. Des fois, je me demande simplement si on aime encore rire. On aime vachement se prendre au sérieux. Tout devient très sérieux en ce bas monde. Il faut s'amuser sérieusement. On ne fait plus de repas pantagruéliques, on ne se bourre plus la gueule, on ne fait plus la course sur les petites routes, on ne se massacre plus la gueule à la sortie du bal. 0n mange "moléculaire" en dégustant un grand vin rare aux parfums étranges, on roule électrique, on écoute religieusement un adagio d'Albinoni. On n'ose plus offusquer et on ne supporte plus de s'offusquer. Malheur à qui passe les bornes ! Sans entrer dans le fond de l'affaire, il n'est qu'à voir le traitement infligé à Dieudonné récemment. On ne cherche pas à combattre, on assigne en justice. Il n'y a plus d'humour, ma pauv' dame.
Je cherchais des informations sur Chenz qui était un photographe de grand talent. Il enseignait la photographie, il a écrit des ouvrages de référence sur le sujet mais il faisait aussi les photographies bêtes et méchantes de Hara-Kiri. C'est un déferlement de trouvailles, de combines, de trucs insensés. C'est génial, tout simplement. Ce qu'il parvenait à faire à une époque où l'on n'imaginait même pas les trucages réalisables aujourd'hui par un mouflet de 12 ans avec son Photoshop piraté, ça laisse pantois. Il devait y avoir une sacrée émulation au sein de l'équipe du journal. Le succès de Hara-Kiri tenait certainement au fait que le journal était fait d'abord pour faire rire les membres de l'équipe. J'imagine une course effrénée à la surenchère débridée. Cabu a osé ça ? Tu vas voir la réponse que je lui prépare !
Avec l'arrivée de Internet, on aurait pu penser ou espérer que tout un tas de talents nouveaux allaient se laisser aller à faire des sites dans l'esprit de Hara-Kiri. Peut-être y en a-t-il. Le principal souci est sans doute d'ordre financier. Comment faire pour payer les dessinateurs, les écrivains, les photographes dans un journal en ligne ? Travailler gratuitement, ça ne fait pas bouillir la marmite. La presse connectée n'a rien trouvé d'autre que la publicité pour se financer. La publicité ou l'abonnement, certes, mais on compte sur les doigts d'une main les réussites.
Le blog qui nuit (très) grave n'a personne à payer et il refuserait, si besoin était, d'ouvrir ses pages à la pub. Alors pourquoi diable le tenancier de ce blog ne se laisse-t-il pas aller à l'humour qu'il aime plus que tout ? Un humour noir, sale, crade, qui tape sur les flics, les militaires, les curés, les politiciens et tout le reste de l'humanité ? La bonne, c'est que je n'ai pas le talent pour ça. Je ne suis ni Reiser ni Cavanna ni Delfeil de Ton ni Choron. Je suis trop mou, trop consensuel, trop froussard. C'est un peu dommage, ça aurait pu être un putain de bon blog !
Faut-il hara-kiriser le blog qui nuit (très) grave ?
Nostalgie quand tu nous tiens ! Par un heureux hasard dirigé, je cherchais des renseignements sur Chenz, photographe de Hara-Kiri entre autres choses, je suis arrivé sur un site dédié à Hara-Kiri et au professeur Choron. Je me suis plongé avec bonheur, avec le rire toujours prompt à éclater, dans ces pages. J'ai découvert ou redécouvert des photos, des planches de BD, des dessins, des écrits.
1 De Sax/Cat - 09/07/2014, 08:31
Oui vite, du cul, du cul, des gros mots, du cul, des baffes dans la gueule et surtout du cul !!!
2 De Liaan - 09/07/2014, 08:43
@Sax/Cat : Il y a le Nlle Observateur pour cela, ils ne devraient pas tarder à sortir leur n° "spécial sexe" de l'été.
Comme tous les ans.
J'ai remarqué, en cette période, qu'il y avait, au moins, deux albums de bandes dessinées pornos qui sont sortis. (l'une est "Alraune" par Toni Greis et Robi, l'autre dont je ne sais plus le titre, par Varenne : toutes deux s'inspirent de "Le déclic" de Manara, mais n'ont pas sa qualité graphique, loin de là pour Varenne).
3 De Liaan - 09/07/2014, 08:54
Pour celles et ceux qui sont curieux :
"Alraune" et "La molécule du désir".
Voilà deux bd sexy pour l'été qui m'ont l'air (très) bassement commerciales.
De toutes façon, la bande dessinée est, vraiment désormais, une affaire de "marketing".
J'ai vu ce qu'était devenues les "Nouvelles aventures d'Achille Talon", c'est à pleurer. Dans une interview de l'auteur, dans le magazine DBD de ce mois, ce dernier parle comme si c'était un cadre d'une entreprise.
4 De Liaan - 09/07/2014, 08:59
Pour moi, Hara-Kiri, c'est effectivement une bande de talentueux personnages, qu'ils soient écrivains ou dessinateurs. Je me souviens aussi de leurs publicités vraiment géniales comme celle où l'on voit un autobus avec sur les flancs cette affiche avec des flèches montrant les passagers et cette accroche : "ne faites pas comme ces cons, achetez vous une bagnole".
5 De arielle - 09/07/2014, 10:56
@Sax/Cat :
"jveux du cuir" !
6 De arielle - 09/07/2014, 11:01
Ils ont du mal, mais ils sont toujours là
7 De Liaan - 09/07/2014, 17:17
Je suis allé faire un tour sur le site du professeur Choron comme vous l'indiquez, Michel, site très intéressant car on peut retrouver des reproductions de dessins de Cabu, Gébé, Reiser, Fournier, etc.
Et parmi les "publicités", une qui date de janvier 1967, dans le n°65 d'Hara Kiri qui semble ressembler à votre illustration avec le texte :
"Mangez des œufs à la coque
mais bien frais
Sachez reconnaître un œuf frais :
si l’œuf tombe au fond de la lunette, il n’est pas frais."
8 De michel - 09/07/2014, 18:34
@Sax/Cat : Fort heureusement, Hara-Kiri, ce n'était pas cela du tout.
@Liaan : Voilà. Ça c'est l'esprit Hara-Kiri.
@arielle : Hara-Kiri n'était pas un journal satirique.
@Liaan : Incroyable ! J'ai vu, oui. Décidément, je suis sacrément en retard sur mon temps.
9 De Liaan - 09/07/2014, 18:56
@michel : C'est toujours le même problème avec les génies : ils ont déjà réalisé toutes ces idées géniales qui peuvent nous passer par la tête.
C'est devenu très difficile à notre époque de trouver une idée qui n'aurait pas été déjà exploitée: il est difficile de faire du dessin animé après vu ce qu'a réalisé Tex Avery, par exemple. C'est peut être pour cela que les arts bégaient à notre époque.
10 De fifi - 09/07/2014, 21:49
Voui, voui, voui, elle est triste à pleurer cette vie qu'il nous font mener, nous sommes enchaînés dans notre beau pays libre, c'est une réalité, nous ne pouvons plus rire sur quoi ou qui que ce soit, cette vie est glauque et je mis ennui à crever, tu ne peux plus rien entreprendre pour t'éclater sans voir radiner (la maison ch't'arpogne et j'te lache plus). C'est pourquoi je me revendique être un obsédé qui ne parle que de cul, parce que ça " mes Z' Amis ", ça, ils ne pourront jamais nous le retirer.
11 De shanti - 09/07/2014, 23:43
Beau coup de gueule !
J'irai voir toutes ces références demain, il faut bien que je m'instruise un peu.
Un oeuf d'autruche ! J'ai cru en voir un, même deux, ce jour, mais ils ne siégeaient pas.
Oui, hara-kiriser le blog !
C'est votre blog, faites-vous plaisir !
Si certains ne suivent pas (j'en fais partie) tant pis pour eux.
12 De Sax/Cat - 10/07/2014, 07:54
@michel :
AU début des années 70, mes seules occasions de lire Hara-Kiri étaient mes attentes chez le coiffeur.
J'arrivais toujours en avance :-)
Plus tard j'ai essayé plusieurs fois de lire Charlie, je n'ai jamais accroché.
13 De michel - 10/07/2014, 08:42
@Sax/Cat : Pareil. Je ne vais plus chez le coiffeur depuis qu'il n'y a plus Hara-Kiri.