Y aller avec le dos

Ça n'a aucune sorte de lien avec quoi que ce soit qui a pu être dit auparavant, ici ou même ailleurs, dans un passé récent ou nettement plus ancien, mais il me plaît d'en parler et c'est comme ça, il faudra vous y faire. Comme je le dis souvent pour dire combien il convient de se plier au fatalisme, « C'est la vie. »
Hier, j'avais rendez-vous avec une personne relativement importante et l'on m'avait briefé, histoire que je ne commette pas d'impair. Alors, je prenais mon meilleur pantalon troué au genou, me décrassait un peu pour paraître propre et filait en automobile vers le lieu du rendez-vous que je garderai secret. J'arrive juste bien à l'heure comme il faut, me fait annoncer à l'accueil et attend que l'on vienne me chercher. On me demande de patienter un instant. Quelques dizaines de minutes durant lesquelles je songe sérieusement à revenir chez moi passent et une sorte de freluquet vient me saluer et m'explique deux trois bricoles dont je n'ai rien à foutre. Une employée parvient au haut de l'escalier et nous dit bonjour. Bises pour le freluquet, poignée de main pour moi. On me présente à elle, elle feint d'être ravie de me rencontrer et file dans son bureau. Le freluquet la suit, pousse la porte et commence à l'engueuler, l'accusant de ne pas travailler. Le ton monte, elle lui demande de ne pas lui parler ainsi, il en rajoute une couche, elle lui demande de la laisser tranquille, il finit par sortir et traverse le hall pour entrer dans un autre bureau et se plaindre de l'attitude de la personne qu'il venait d'un peu malmener. Il explique qu'il ne peut pas travailler dans ces conditions, menace de partir et il revient vers moi le sourire aux lèvres. Il me dit quelque chose mais je n'ai pas trop envie de l'écouter.
Une jeune femme arrive. La trentaine, jolie, brune. Elle me demande si je suis bien M. Loiseau, j'acquiesce. Elle me propose de la suivre dans son bureau. Le freluquet m'emboîte le pas. Elle m'explique que la personne importante ne peut pas être présente. Je me demande encore un peu plus ce que je suis venu foutre ici. Le désagréable décide qu'il est tout à fait nécessaire que je commence par me présenter. C'est absolument ridicule, ils savent bien qui je suis, mais bon, je commence. Il m'interrompt et se lance dans une biographie bien approximative et réductrice. Je m'en fous. Une fois fait, il m'invite à présenter mon travail. Le truc, c'est que je n'ai qu'une base à présenter, une sorte de brouillon incomplet. Lui le sait bien. Bon, j'indique l'adresse où l'on peut voir le travail en l'état. Le jeune femme lance son navigateur et commence à saisir l'adresse dans le champ de recherche de Google. Je lui fais remarquer qu'il serait plus sûr de la saisir dans la barre d'adresse. Elle me regarde avec l'air de la personne désolée de ne pas comprendre une langue très étrangère à elle. Je montre du doigt et dicte avec patience. La page s'ouvre. Quelques critiques bien naturelles, je précise de nouveau que rien n'est terminé. Une critique plus insistante concernant la position d'un élément. Je me tourne vers le freluquet qui reconnaît être à l'origine de ce choix.
Il y a quelques semaines, nous avons eu une prise de bec à ce sujet. J'affirmais que son idée était idiote et ridicule, il m'a fait comprendre que c'était lui le chef. Je me suis exécuté. Il va falloir que je reprenne tout. Pas bien grave mais un peu agaçant. On parle un peu couleurs et trucs du genre et voilà, c'est fini. On me donne tout de même un logo "validé" en m'expliquant qu'il ne faut pas le rendre public (?) et qu'il ne doit être utilisé que pour ce site. On ne me demande pas de jurer sur la bible que je détruirai le document après usage mais nous n'en sommes pas loin.
Alors que je vais pour prendre congé, on me rattrape avec une question d'ordre technique incompréhensible. Un mélange de termes et de notions asses savoureux. Je tente de mettre de l'ordre dans les esprits et finis par expliquer simplement que oui, ce qui est demandé est déjà prévu.

Dans l'idée, le freluquet dont je parle est le responsable de la communication et la jeune femme semble occuper le poste de secrétaire de direction. Il ne sont pas vieux et je suis vraiment étonné qu'ils ne soient pas plus à l'aise que ça avec l'outil informatique. J'ai vraiment eu le sentiment que l'usage fait de cet outil doit être très spécifique à leur domaine strict et j'imagine que le tableur et le traitement de texte sont les logiciels les plus utilisés. Je n'ai rien contre mais je ne comprends pas que l'on puisse encore trouver des personnes de cette génération si mal formés à utiliser un navigateur et un moteur de recherche. Ça fait bizarre.

Sinon et pour passer à autre chose, je vous présente sur le document qui suit l'une des pires inventions du XXe siècle, invention qui a causé la ruine financière de son créateur. Cet ingénieur opportuniste, comme tant d'autres, s'est inspiré d'une invention plus ancienne et couronnée de succès pour imaginer la sienne, nettement inspirée et, paraît-il, plus dans l'air du temps, plus moderne, plus aboutie.
Un soir qu'il mangeait sa soupe au vermicelle, il observe la cuillère à potage qu'il tenait dans sa main droite et la fait tourner en affichant une lueur de joie et d'excitation jusque dans son regard. Ni une ni deux, il file dans son labo où il s'enferme pour deux nuits et un jour d'agitation frénétique. Au matin du deuxième jour, il sort avec sa dernière invention et s'empresse de déposer un brevet. Sans doute trop en avance sur son temps, croit-il, il ne parvient pas à convaincre les industriels contactés et alors, parce que notre homme est entreprenant, il met ses dernières économies dans son usine à lui, une usine avec ce qu'il faut de machines et de pointeuse et de cheminée qui pointe vers le ciel ! C'est le début de la gloire et de la fortune !
Sauf que non et c'est à n'y rien comprendre. Alors que la cuillère creuse a connu un beau succès au point que l'on peut la trouver dans toute ménagère normalement constituée, que l'on en trouve dans les foyers modestes comme chez les plus grands de la planète, la cuillère bombée n'aura pas su trouver sa clientèle et a été comme snobée de tous. Une bien triste histoire à la vérité !

Cuillères bombées

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