La bavaroise

Je me rends compte que, si je vous parle beaucoup du PCR je ne dis pas grand chose de la BMW. Certes, le sujet n'est pas d'une capitale importance et vous vous direz qu'il en est qui mériteraient bien plus que je me penche dessus, des sujets. Néanmoins, et sans chercher le moins du monde à vous être désagréable, j'ai envie de vous causer de cette 525iX Touring à moi que j'ai.

Cela fait maintenant quelques années et quelques kilomètres que nous nous côtoyons, la bavaroise et moi. Tout a commencé un soir de solitude durant lequel je discutais par messagerie instantanée avec Gerry, un ami. Dans la discussion, celui-ci me demande si, par hasard, je ne cherchais pas une voiture. Je n'en cherchais pas spécialement et le lui disais. Je vivais en parfaite harmonie avec la Renault 19 TS (dont je ne saurais que trop vous conseiller d'aller la découvrir au gré du petit site hilarant que je lui ai consacré) et, le cas échéant, je pouvais toujours utiliser (avec parcimonie) la 2cv AZU de 1956 qui dort habituellement au garage. Or donc, si je dis à mon ami que je ne cherche pas de voiture, la curiosité vient me titiller les neurones et je ne peux m'empêcher de lui demander de quoi il en retourne. Je me dis que, tout de même, pour que l'on me propose une automobile, comme ça, de but en blanc dans une conversation qui n'avait aucun rapport avec les bagnoles, il fallait que ce soit quelque affaire exceptionnelle ou, tout du moins, une bonne plaisanterie.
Donc, je demande, je questionne. C'est quoi, cette voiture ? Une BMW. Ah ? Une BMW ? Hum... A cet instant, je m'en souviens très bien, il y a une devinette célèbre qui m'est venue à l'esprit :

Qu'y a-t-il comme différence entre une BMW, un téléphone portable et des hémorroïdes ?
Aucune, il n'y a que les trous du cul qui en ont.

Pour ainsi dire, c'était mal barré pour que je daigne un jour rouler en BMW. En plus, bon, BMW... Comment dire... C'est vrai que je ne connaissais pas mais dans mon esprit, c'était synonyme de plein de choses pas forcément très agréables. Dans le même temps, il ne faut pas le cacher, il y avait une sorte de fascination à l'égard de ces bagnoles réputées puissantes et solides, terriblement allemandes et chères. On a beau dire, on a beau faire, on est tout de même vachement conditionnés. Bref, je rigole un instant et répond que, une BMW, ce ne doit certainement pas être pour moi. Pas assez riche et tout ça. Pourtant, encore une fois, je cherche à en savoir plus.
J'apprends qu'elle est de 1992, qu'elle affiche 196 000 km au compteur et qu'elle est puissante. Bon. Puissante. Oui mais ça veut dire quoi, puissante ? Gerry ne sait pas répondre à cette question, mais par contre, il m'apprend qu'il s'agit d'un break à quatre roues motrices. Jamais entendu parler de ça, moi ! C'est vrai qu'en matière de BMW, je sais à peine décoder leur appellation. Juste, je sais que le premier chiffre indique la série et les deux suivants la cylindrée. Là, c'est une 525iX. Série 5 et 2,5l de cylindrée. "i" pour injection et, je l'apprends, "X" pour transmission intégrale. Diable !
Là, je sens un truc pas bien défini venir me titiller l'intérieur du crâne. Un véhicule puissant, break et doté de quatre roues motrices, voilà ce qui est de nature à éveiller mon intérêt pour les engins bizarres. Oui mais bon, c'est bien joli tout ça. Et le prix, c'est quoi ? Gerry m'explique que c'est là la voiture de son fils (en fait de la femme de son fils) et qu'il ne la vend pas trop cher. Oui ? Et c'est combien, pas trop cher ? 3000 euros.

Là, il faut que je vous explique que l'ami en question, Gerry, est Allemand et que, même s'il se débrouille très bien avec le français, il peut lui arriver de faire quelque petite faute vénielle. Persuadé qu'il s'est emmêlé les pinceaux avec les chiffres, je lui fais répéter. 3000 euros encore une fois. Je fais un rapide calcul de tête. Ça fait pas si cher que ça. A partir de là, je crois que j'ai commencé à me dire que, peut-être bien, ce ne serait pas si mal d'aller faire un petit voyage en Allemagne pour ramener un break BMW.

Les jours qui ont suivi, j'ai fait des recherches sur Internet, j'ai questionné des copains et j'ai appris un tas de choses sur cette automobile. Par exemple qu'elle développait 192cv et qu'elle était relativement rare. Un ami m'a trouvé des photos de modèles similaires et j'ai pu me faire une idée plus précise de ce que c'était. Honnêtement, je la trouvais bien belle, cette voiture. Ce qui me faisait peur, c'était le coût de l'entretien, la consommation du six cylindres, les frais d'assurance, toutes ces sortes de choses qui touchent de près au portefeuille.
Quelques jours passent et je retrouve mon ami sur Internet. Je lui annonce que, si la voiture est toujours disponible, je pourrais bien être intéressé. Cependant, j'aimerais assez avoir des photos de l'engin et, surtout, pouvoir acquérir la certitude que je ne suis pas en train de m'enflammer pour une épave, pour une BMW en fin de course qui tourne sur 3 cylindres et demi, consomme plus d'huile que d'essence et qui a un châssis vrillé. Les photos vont être faites et m'être envoyées et on me garantie le bon état général de la voiture. Mieux, on m'envoie par courrier une photocopie (traduite) de la visite au TÜV. Bon. J'attends.
Il se passe bien une semaine avant que le courrier attendu arrive. Je peux enfin voir la BMW. Les photos ne sont pas excellentes mais elles donnent une assez bonne idée de l'état extérieur et intérieur. Tout me semble en bien meilleur état que toutes les voitures que j'ai pu avoir jusque là. Il y a une photo du compartiment moteur. Pas de traces d'huile suspectes. Le rapport du TÜV indique qu'il faudrait changer des silent-blocs d'une barre (stabilisatrice ?) avant et que les amortisseurs avant sont fatigués. Pour les silent-blocs, la réparation sera faite avant la vente. Pas pour les amortisseurs, mais ça, je comprendrai pourquoi un peu plus tard.

Les choses sont claires. J'ai envie d'avoir cette voiture. J'ai les moyens de l'acheter. J'ai bien envie aussi d'aller visiter Stuttgart et ses environs, de revoir mon ami et son amie. Tous me poussent plus ou moins à me persuader que c'est là une super bonne affaire. Je décide donc d'acheter cette automobile. Avant tout, je prends contact avec la préfecture, avec le centre des impôts et avec la DRIRE pour savoir à quoi m'attendre pour l'immatriculation en France. Je vais voir mon assureur, je me renseigne sur les horaires de train et achète un billet aller Brive-la-Gaillarde - Stuttgart via Paris et Strasbourg. Une fois les bagages faits, les quelques cadeaux emballés, je pars avec un peu plus de 3000 euros en liquide dans le porte-feuille. Vive l'aventure !
Brive-la-Gaillarde - Paris. Pas de souci et rien de particulier à raconter. De la gare d'Austerlitz, j'ai juste le temps de gagner la gare de l'Est d'où part le train pour la capitale alsacienne. J'arrive à Strasbourg dans la nuit. Nous sommes en février, il ne fait pas bien chaud et j'ai près de cinq heures à attendre pour prendre le train de Stuttgart. Je tue le temps en bouquinant, en visitant les alentours de la gare... en me faisant un peu chier, aussi. Enfin, je monte dans le train allemand. Je note que ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout, comme les voitures de la SNCF. D'abord, on y parle beaucoup plus allemand, dans les trains allemands. Je continue la lecture du bouquin. Je crois me souvenir que c'était un bouquin de Sepulveda. En quelques heures, j'arrive à la gare de Stuttgart. Normalement, on doit venir m'y chercher. Je parcours un peu le vaste hall sans voir mes amis. Je sors, il ne sont pas là non plus. Je fatigue et je commence une sorte de délire paranoïde. Jamais on ne viendra me chercher, je suis perdu en terre étrangère ! Au secours ! Je reviens dans le hall de la gare et entreprend de l'arpenter méthodiquement, de long en large voire en diagonale. Et puis, soulagement, j'entends une voix familière (quoi que nettement teutonne dans ses inflexions) me héler. Je me retourne, Silvie et Gerry sont là. Ouf ! J'ai eu peur !
Embrassades, exclamations. On me demande si j'ai fait un "pon foyache". On décide de ne pas rester beaucoup plus longtemps dans cette gare sinistre (toutes les gares sont sinistres) et d'aller à la maison. Moi, ce que j'ai envie, c'est de voir la BMW. Je sais qu'ils sont venus me chercher avec. Dans la nuit, je suis un peu déçu. Je la voyais plus noire que ça. En fait, elle est gris foncé. Sale. Bon. Pas sale mais un peu poussiéreuse, quoi. Et puis il fait nuit et je suis fatigué. Silvie me propose les clés. Je dis que je préfère voyager en passager, à l'arrière. Je m'installe dans la voiture. On démarre. Quel beau bruit ! Je me souviens bien avoir apprécié le son du six cylindres. Un feulement voluptueux, si vous voyez le genre.
En route. On sort de Stuttgart, on prend une portion d'autoroute. Je regarde le compteur qui titille les 150 km/h sans que l'on s'en rende compte. J'apprécie. Pas de vibrations bizarre, la BMW semble avoir un comportement très sain. On arrive dans la grande maison de Silvie. Je descends mes affaires, Gerry me propose une bière et quelque chose à manger. Je ne sais plus vraiment quelle heure du matin il est, mais il est tôt. Je suis crevé. On parle un peu en buvant et en grignotant. Silvie est déjà allée se coucher. Gerry me montre ma chambre. Je ferme les yeux. Bonne nuit.
Vous pensez bien que, au réveil, je suis un peu dans l'état de l'enfant qui veut avant toute chose se précipiter au pied de l'arbre de Noël, histoire de voir si le Père Noël est bien venu durant la nuit. Tout le monde est déjà debout et un solide petit-déjeuner m'attend. Café, thé, jus de fruit, pains de toutes sortes, charcuteries diverses, confitures, beurre... Comme j'ai faim, je mange. Par la fenêtre de la grande pièce, je vois l'arrière de la BMW. Sitôt le petit-déjeuner englouti, je sors avec Gerry, histoire de fumer une cigarette et de voir la voiture. Je m'installe au volant, j'ouvre le capot moteur, j'inspecte les lieux. Tout me semble parfait. Je vais même jusqu'à démarrer. Je suis un peu impressionné par la puissance que je sais avoir sous le pied droit et je n'ose pas passer une vitesse et avancer de peur de me retrouver dans le jardin, en contrebas. Qu'est-ce que je suis con, des fois !
Nous rentrons parce qu'il ne fait pas chaud. Il doit être aux environs de 11 heures. Gerry me propose une bière. J'accepte et puis on commence à parler de l'achat proprement dit de la voiture. Je vais dans ma chambre chercher les papiers à remplir. Je donne les 3000 euros, on complète les documents... A partir de ce moment, je peux dire que je suis possesseur d'une BMW 525iX Touring. Yeah !

BMW 525iX Touring

Au cours des quelques jours passés en Allemagne, j'ai eu l'occasion de rouler avec la BMW. Nous sommes allés visiter quelques lieux touristiques (très jolis), nous sommes allés dans quelques brasseries (très sympathiques), nous sommes allés manger dans une sorte de ferme-auberge (très authentique) où j'ai pu constater ma faible capacité à différencier le rotwein du qualität rotwein et où j'ai mangé une sorte de choucroute allemande accompagnée de saucisses.
Un jour, sur une autoroute, près de Stuttgart, alors que je m'esquintait à rouler aux alentours de 130 km/h, Gerry me dit que je peux rouler plus vite si je le souhaite. Je lui demande si l'on est sur l'un de ces tronçons où la vitesse est libre, il me répond que oui. Bon... Ben va falloir y aller alors. Pour vous raconter un peu, je suis sur une autoroute avec cinq voies. Grosso-modo, la file la plus à droite est le domaine des poids-lourds. La deuxième est celle des voitures chargées et/ou poussives. La troisième, celle où je me trouve, est celle des voitures qui ne peuvent décemment pas prétendre rouler à plus de 140-150 km/h. Mon challenge est de gagner ma place dans la quatrième voie. Je regarde dans le rétroviseur, mets mon clignotant, accélère et déboîte. J'accélère toujours. Là, je passe à 170 km/h puis 180... Les voitures devant moi s'éloignent et je sens que je gêne un peu celles qui me suivent. J'exerce donc une pression plus soutenue sur la pédale d'accélérateur. L'aiguille s'envole vers les 200 km/h pour atteindre les 210. Je sens que je peux encore aller plus vite mais bon. Et puis, alors que, franchement, j'ai la sensation de rouler déjà beaucoup trop vite, mon attention est attirée par des phares qui apparaissent dans le rétroviseur gauche. Je donne un coup d'oeil, je reviens à ce qu'il se passe devant moi, je donne un nouveau coup d'oeil, je vois distinctement une grosse Mercedes Benz, je regarde de nouveau devant, je vois la Mercedes me dépasser puis s'éloigner comme si de rien n'était. Je ne sais pas à combien elle roulait, mais c'est assez étonnant. Du coup, ça m'a coupé l'envie de faire la course. J'étais monté aux environs de 210 km/h, je me contentais largement de cela et regagnait la troisième file.
Au matin de mon départ, Silvie m'avait préparé tout un tas de sandwiches, une bouteille isotherme pleine de café, des bouteilles d'eau. Je ne savais pas trop comment la remercier. Et, après avoir consulté les cartes routières une dernière fois, je prenais la route pour Azerat. J'avais près de 1200 kilomètres devant moi. Grandes embrassades, remerciements chaleureux, et je démarre, passe la première et pars.

Que dire de ce voyage retour si ce n'est que jamais je n'avais roulé longtemps dans d'aussi bonnes conditions ? Aucun souci pour rejoindre la frontière française. Je descends sur Mulhouse puis je continue l'autoroute jusqu'à Mâcon. Après, j'aviserai. Et là, il y a un moment où je n'ai pas dû très bien aviser. Je ne sais pas comment j'ai merdé, mais j'ai merdé. Je me rends compte que je file sur Lyon alors que j'aurais dû bifurquer bien avant. Je m'arrête sur une aire de repos, en profite pour boire un café, me dégourdir les jambes, manger un peu et téléphoner à mes parents pour leur dire où je suis et que ce n'est pas sûr du tout que je sois rentré avant tard dans la nuit.
Sur ma carte routière, je comprends que le mieux que j'ai à faire est de traverser une partie du Massif-Central pour rejoindre Clermont-Ferrand puis Ussel, Tulle et Brive. Nous sommes en plein hiver et je prends des petites départementales partiellement enneigées. Je peux tester la tenue de route de cette quatre roues motrices. Efficace. D'autant plus que je ne respecte les limitations de vitesse qu'avec un certain relâchement. Mais c'est sans doute dû à la fatigue qui me gagne. Je roule, j'évite Clermont-Ferrand, rejoins Ussel. A partir de là, je connais bien la route. En un peu plus de douze heures, je me suis enfilé 1200 bornes. Belle moyenne. J'arrive chez moi, je vais me coucher. Au cours de la journée suivante, j'irai faire voir mon acquisition à mes frangins et à mes parents.

Aujourd'hui, après 70 000 kilomètres de bons et loyaux services, la BMW roule toujours très bien. Depuis l'achat, en 2003, j'ai changé les amortisseurs avant (gloups !), l'embrayage et fais les opérations de maintenance habituelles (plaquettes de frein, pneus, batterie, vidanges...). Il est certain que l'entretien d'une voiture comme celle-ci revient plus cher que celui d'une voiture plus modeste. Le prix des pneus, la qualité des lubrifiants, ne sont pas les mêmes que, par exemple, pour la Renault 19. La consommation est importante mais pas trop catastrophique. On peut tabler sur une moyenne approximative de 11 à 12 litres aux cent kilomètres. A 286 000 kilomètres passés, il y a bien des petits détails énervants. La vitre du hayon qui ne s'ouvre plus, par exemple. Je sais qu'il faudrait que je songe à faire un gros entretien général. Mais la question, après trois années passées en compagnie de cette bavaroise reste : et si c'était à refaire, reprendriez-vous une BMW ? Et là, je n'en suis pas si sûr. C'est certainement une bonne voiture avec des qualités indéniables mais tout de même, je sens confusément que ce n'est pas vraiment le genre de véhicule qu'il me faut. Pas assez rustique pour moi. Il est plaisant de savoir qu'il suffit d'accélérer pour effectuer un dépassement rapide, je ne dis pas qu'il n'est pas agréable (grisant) de rouler vite parfois, mais c'est aussi une automobile un peu trop grosse, un peu trop voyante, un peu trop onéreuse à l'utilisation. Il y a des jours où, à son volant, juste en la conduisant, parce qu'il me semble qu'elle fonctionne particulièrement bien, je suis simplement heureux. C'est vrai. Mais tout de même, je ne pense pas que j'aurai une autre BMW après celle-ci. Toutefois, il ne faut jurer de rien...

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