Il se trouve que, sans le chercher, j’ai lu deux livres très différents qui, à leur façon, traitent de guerre. La Grande, pour l’un, la seconde pour l’autre.
Le premier livre, je l’avais commencé et abandonné. J’ai retrouvé un marque-page glissé dans le premier quart du bouquin. Cette fois-ci, je l’ai repris et lu jusqu’au bout. Je comprends pourquoi je l’avais reposé. Je n’aime pas le style mais je dois reconnaître que ce que j’ai lu est une traduction. Qu’en est-il pour le texte original ? Je ne peux pas le savoir. Je ne lis pas la langue allemande.
Ce dont j’ai compris, c’est que je ne devais absolument avoir rien compris du fond de l’histoire lors de ma première tentative de lecture. Du coup, je le sais aujourd’hui, j’avais loupé une histoire intéressante, pas subjugante, pas impérissable, mais honnête et intéressante.
L’histoire se déroule après la seconde guerre mondiale quelque part en Allemagne. Un jeune garçon (un jeune homme ?) d’une quinzaine d’années rencontre une femme de peut-être vingt ans son aînée. Il va tomber amoureux de cette femme, ils vont faire l’amour de façon répétée sur une période que j’estime à quelques années, peut-être deux ou trois.
Plus tard, le jeune homme suit des études de droit alors que la femme a disparu. Il la retrouve au banc des accusés d’un tribunal jugeant des faits s’étant déroulés dans l’Allemagne nazie. Il comprend alors que cette femme dont il était amoureux était gardienne d’un camp d’extermination et qu’elle a causé la mort de plusieurs dizaines de femmes déportées en refusant d’ouvrir la porte d’une église en flammes où elles étaient tenues captives lors de la débâcle de 1945.
Ceci, la femme l’avait gardé secret à son jeune amant mais ce n’est pas son seul secret. Elle est analphabète. Ça, il en avait eu l’intuition. Durant leur vie amoureuse, le jeune homme lisait des ouvrages à la femme qui prenait plaisir à l’écouter.
Honteuse de ne pas savoir lire, la femme ne se défend pas suffisamment face à ses juges. Elle pourrait se disculper d’une partie des accusations en le faisant mais elle préfère son honneur à la vérité. Elle est condamnée à 18 ans de prison.
Vers la fin du roman, le jeune homme se décide enfin à aller revoir son amour de jeunesse à la prison. Depuis des années, il lui a envoyé des cassettes audio de lectures de livres. Elle a fini par apprendre à lire et écrire en détention. Ils se retrouvent, elle a vieilli. Le jour de sa libération, elle se pend dans sa cellule. L’histoire se termine là.
De l’amour et du drame sur fond de culpabilité du peuple allemand après la barbarie nazie, l’auteur avait en mains les cartes pour un roman prenant. Pour moi, c’est raté. Je n’ai pas conçu d’amitié particulière ni pour le garçon ni pour la femme, je n’ai été triste ou ému ni par elle ni par lui. L’auteur a apparemment choisi de rester dans le récit factuel de la vie de ses deux personnages. J’ai été un peu agacé par quelques invraisemblances et par le manque de profondeur des personnages. Sans doute veut-on nous dire là que rien n’est simple, que les coupables peuvent aussi être des victimes, que l’Allemagne a été enfermée dans l’indicible, qu’il a fallu reconstruire le pays avec les bourreaux d’hier et leurs victimes ou opposants. Je n’ai pas trouvé d’élan, je n’ai pas plus trouvé de leçon à tirer de tout cela. Ce n’est pas un « mauvais » livre mais ce n’est pas, pour moi, un chef-d’œuvre.
Bernhard Schlink — Le Liseur
C’est un rat. C’est la guerre de 14. Pas encore de 14-18 parce que l’on ne peut décemment pas savoir alors qu’elle va durer si longtemps. C’est un rat qui vit du côté français dans les tranchées sur le front. Ce nuisible va être « incorporé » dans l’armée française et se faire baptiser Ferdinand par son maître, le soldat Juvenet.
Le livre est donc le livre de la Grande Guerre vue par ce rat Ferdinand. Il s’agit, bien évidemment, d’une dénonciation de la guerre, d’une description de la vie dans les tranchées, de la bêtises des gradés et de la peur des soldats. Mais c’est aussi un livre plein d’humour.
L’auteur, le vrai auteur, ce n’est pas un rat mais un écrivain du nom de Pierre Chaine. Un rapide passage par wikipedia m’informe que Chaine Pierre Marie Jean-Baptiste est né en 1882 à Tenay dans l’Ain et est mort à Lyon en 1963. Il était dramaturge.
« Les Mémoires d’un Rat » sont écrites à partir de 1915 par le lieutenant Chaine. Elles paraissent en feuilleton dans l’Œuvre en 1916. Avec beaucoup d’ironie et d’humour, le lieutenant parvient à brosser une peinture joyeuse de l’horreur de cette guerre. Il dit l’incompréhension de ceux de l’arrière et l’impossibilité pour ceux du front à le raconter.
On apprend beaucoup sur le quotidien du soldat des tranchées, on apprend et on comprend sans jamais se départir de son sourire.
Je ne peux pas le cacher, j’ai eu du plaisir à lire ce livre dans une belle édition augmentée d’une notice et de notes explicatives. Ce n’est sans doute pas le livre qui explique le mieux la guerre et les conditions de vie dans les tranchées. On pourra reprocher à l’auteur de ne pas mettre assez en avant les horreurs, les blessés, les morts. D’un autre côté, ce n’est pas le but et, il faut en tenir compte, il a été écrit dans l’instant. On peut imaginer une certaine censure si ce n’est une auto-censure certaine.
Pierre Chaine — Les Mémoires d’un Rat
1 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 07:47
Ach, la guerre gross malheur!
La guerre grande inspiratrice de romans, BD, films, défilés, monuments, discours, émissions, documentaires...Et même chez certains...nostalgie. Quelle belle aventure!
Songeons s'il y a cent ans,
à l'est, à l'ouest, au nord, au sud...rien de nouveau.
Ici, chez nous, Claude Duneton a écrit . Pas mal, et il a servi à réhabiliter un poilu. Mais il y en a tellement eu, de ces bouquins.
2 De Tournesol - 06/03/2018, 08:09
J’aime bien votre résumé du liseur: on comprend le thème et les raisons pour lequel on peut ne pas le lire...
L’autre je le connais et il a l’originalite d’être pris sur le vif,ce ne sont pas des souvenirs.Il fallait être costaud mentalement pour se distancier ainsi de son quotidien.
3 De Michel - 06/03/2018, 08:36
@Le prof Turbled : J'ai comme l'impression que la guerre est en quelque sorte la norme pour le genre humain. On peut rêver d'une époque lointaine qui ne connaissait pas le conflit mais je me réserve le droit de cultiver le doute.
Les guerres ont fait dire, écrire, peindre, dessiner, filmer, rêver. On dit que certaines étaient nécessaires sinon justes, on dit les centaines, les milliers ou les millions de morts pour mieux cacher les drames et souffrances individuelles. On contemple aujourd'hui les guerres lointaines (ou pas) et nous réjouissons de la paix d'ici en souhaitant qu'elle perdurera, cette paix.
A Biron, le monument aux morts de la commune a été rebaptisé "monument vivant de Biron". Ailleurs, on a souvent tenté, parfois maladroitement, de glorifier les combattants et de crier victoire. Toute la difficulté est de se remettre dans l'état d'esprit de l'après-guerre. L'historien sait aujourd'hui dérouler la pelote qui a conduit à la première guerre mondiale puis à la seconde. Il sait dire ce qu'il aurait fallu faire et ce qui aurait mérité d'être suspendu. A mon avis, l'envie de guerre est consubstantielle à l'homme. Elle va avec l'esprit de compétition, on la retrouve dans le sport et dans l'économie. Nous prétendons ne pas vouloir de guerre chez nous mais sommes fascinés par celle de chez les autres. Il me semble que nous l'espérons et agissons pour la voir débouler. On saura bien trouver une raison pour la rendre acceptable et indispensable.
@Tournesol : Oui, selon moi ce livre, "Le Liseur" est très dispensable. Pour autant, ce n'est pas un mauvais livre et il fait "un peu" réfléchir.
Pour la distanciation, je me suis dit que Pierre Chaine était un officier et qu'il n'a peut-être pas souffert de la même façon que l'homme de troupe. Cela n'empêche pas qu'il a connu la guerre, qu'il y a été blessé et que son livre est digne d'intérêt.
4 De Tournesol - 06/03/2018, 08:40
Mon grand père,engage volontaire à 16 ans en 1914, trois fois blessé,agent de liaison sur le chemin des dames disait: il y en a qui se plaignaient.Moi pas ,j’avais des chaussures aux pieds et je mangeais tous les jours.
N’empêche qu,il a renvoyé toutes ses médailles à Charles de Gaulle,Élysée,quand ce dernier a décoré B.B. de la légion d’honneur.
5 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 08:42
Dans le genre dantesque, et montrant un autre aspect du conflit, sur la seconde guerre mondiale, il y a
, de Pierre Closterman. Pour les férus d'aviation et de récits de guerre réalistes.Attention, ça décoiffe. Fallait être bien givré pour grimper dans ces engins. Un taux de pertes ahurissant, des zincs mis "sur le marché" pas toujours aboutis, notamment les machines amerloques hâtivement conçues, des adversaires méchants équipés de matériel supérieur à partir de 1941 (Focke-Wulf 190 et ses évolutions) et, de plus, équipé de la meilleure DCA de l'époque (la flack) grâce entre autres au fameux canon de 88 (dixit l'auteur); le tout vécu et narré par un officier français engagé dans la RAF.
@Michel :
"Un jour ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre
On le sait bien
On n'aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire
On dit c'est le destin"
Merci Nino!
6 De Tournesol - 06/03/2018, 08:44
Dans son autobiographie Frédéric Dard raconte qu’il avait un ami mutilé de guerre .Alors qu’il était assis dans un autobus à une place réservée aux mutilés et aux femmes enceintes on lui fait remarquer qu’il reste assis devant une femme enceinte .Sa réponse ,en exhibant son moignon :j’ai gagné le droit de m’asseoir ici dans une tranchée et ça m’a fait mal alors qu’elle l’a gagné au fond d’un lit en jouissant comme une vache .
7 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 08:44
@Tournesol :
Oui, c'est injuste! Si quelqu'un méritait la légion d'honneur, ce n'était pas BB, c'étaient ses parents. ;-))
8 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 08:57
Voui, bon, Clostermann ça prend deux N. Y a très (trop) longtemps que je l'ai lu.
9 De Pollusque sans Kasstor - 06/03/2018, 08:59
@Le prof Turbled : Plus de "haine", c'est dans le ton.
10 De arielle - 06/03/2018, 09:50
J'aime l'idée du rat... conteur. Hi,hi. Mais le livre ne me tente pas pour autant, pas plus que le premier.
Mon grand-père aussi a devancé l'appel mais pas assez pour avoir été expédié au front. Pour la deuxième, il était trop vieux. Il a donc été affecté aux troupes d'occupation de Baden-baden. Il doit y avoir pire.
C'est qui se "on" dont vous parlez ? Je continue à espérer ne jamais la connaître... Ce qui se passe ailleurs me donne envie de vomir chaque jours un peu plus... C'est absurde, tellement absurde...
11 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 10:11
@arielle :
"On", ce doit être l'Homme (avec une grande hache). C'est Nino Ferrer qui a écrit la chanson.
Toujours dans les déclinaisons dues au dernier conflit, et parce-qu'il faut bien que nous rigolions un peu, écoutez
, de Renaud.Cherchez vous-mêmes, vu que je ne suis pas foutu de joindre un lien à mes messages.
12 De Liaan - 06/03/2018, 10:30
Les Ricains, pastiche 51 : j'ai trouvé ça...
J'avoue que je ne connaissais pas. Mais il n'y a pas de quoi se lever de bon matin quant aux paroles...
Quant aux bouquins, boâf. Connais pas non plus, ni l'un, ni l'autre.
Le premier, avec ses invraisemblances, ne me parait pas passionnant (comme le dit M'sieur Tournesol)
Le second, comme le dit Michel, est censuré et auto-censuré.
Tout ça me fait songer aux palanquées de bandes dessinées qui veulent péter plus haut que leurs culs, je veux dire qu'il en sort de plus en plus, et que les commerciaux favorisent les récits vendeurs, souvent les deux guerres mondiales, très porteuses, la première surtout, nous sommes tout juste cent ans après. Le bouquin Le liseur devrait intéresser un de ces fabricants créateurs de BD molassones.
J'attends les nombreuses nouvelles bandes dessinées sur 1968 qui ne devraient pas tarder à sortir, par exemple en mai, tiens.
13 De A. Lebussat - 06/03/2018, 10:35
@Liaan : Et nous, à propos de BD, on attend la suite du feuilleton...
14 De Paul Lux - 06/03/2018, 11:05
Ce soir, match PSG-Real. Ça va être la guerre et Neymar ne sera pas là. On va se prendre une belle déculottée.
15 De Tournesol - 06/03/2018, 11:13
@Paul Lux : on?Je ne me sens pas concerné.
16 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 12:08
@Liaan :
Ben moi, j'ai bien aimé les deux bouquins de Tardi, sur la guerre de son paternel.
Bien sûr c'était un engagé, et ça m'a un peu dérangé. Mais quand même, c'est un sacré témoignage.
17 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 12:11
@Paul Lux :
Vous voulez dire "ils". Quand "on" perd, c'est "ils", quand ils gagnent, c'est "on"!
(le foot, quelle rigolade!) Presque aussi loufoque que la politique.
18 De Liaan - 06/03/2018, 14:10
@Le prof Turbled : Ah, mais Tardi ! C'est Tardi ! ( pardi )
@Paul Lux : Remplacer les guerres par du fouteballe ? La foule des supporters est toujours aussi idiote.
19 De Po, Po, Po, Luxe - 06/03/2018, 15:04
@Tournesol : Toutes mes excuses, j'ai par erreur cru que l'on avait droit à la pratique de l'humour céans.
20 De Tournesol - 06/03/2018, 15:36
@Po, Po, Po, Luxe : y’a pas de mal,humour et sport sont si rares...
Mais il reste vrai que n’etant ni qatari,ni parisien,ni footeux,je reste peu concerné.Pour tout vous dire je ne suis même pas supporter du club de hockey subaquatique de la Dordogne !
21 De Le prof Turbled - 06/03/2018, 16:20
@Po, Po, Po, Luxe :
Hé, mais cher Pollux, votre tentative est méritoire. Notez qu'en stratégie, le général Neymar, aussi médiocre soit-il, aurait sans doute pu en remontrer aux badernes qui composaient l'état-major en 1940.
Avez-vous remarqué comme tous nos présidents affectent de se passionner pour le foot? Ils ne négligent aucun secteur ni aucun client. On imagine bien ces cocos là, (sauf Sarkozy, qui ne savait pas lire) dans une main, la télécommande dans l'autre, suivant frénétiquement la coupe d'Europe tout en méditant sur la vacuité de l'existence, suite à un sévère revers de fortune électoral post-dissolution (par exemple).
22 De Sax/Cat - 06/03/2018, 20:20
@Le prof Turbled :
Allons donc vous médisez (médites ?) là. N.S. a affirmé récemment qu'il avait toujours un livre en train, qu'il connaissait par cœur tout Balzac et tout Stendhal. Nous sommes priés de le croire.
23 De Maurice La Grammaire - 06/03/2018, 21:36
@Sax/Cat : normal qu'il ait toujours un livre en train, il ne lit que des romans de gares.
24 De Liaan - 07/03/2018, 09:19
@Maurice La Grammaire : Bien vu.
Mais je voudrais parler d'un problème sinon mondial,tout du moins européen. J'espère que Michel va nous faire un papier là-dessus. Je pense qu'il y a urgence : le problème des horloges d'appareils électroménagers qui prend du retard !
Je dis que l'heure est grave (sans jeu de mots)
25 De Sax/Cat - 07/03/2018, 09:24
@Liaan : Ce n'est pas bien grave, à la fin du mois on ajoute une heure ...
26 De Inspecteur Latulipe - 07/03/2018, 10:17
@Sax/Cat : "On" nous enlève une heure.
Ma cafetière a pris du retard, moi de même pour me rendre au bureau.
C'est ainsi que des civilisations entières peuvent s'effondrer, pour un truc qui parait anodin.
27 De Sax/Cat - 07/03/2018, 10:46
@Inspecteur Latulipe :
@Liaan :
Ce qui explique sans doute aussi le retard du feuilleton.
28 De Liaan - 07/03/2018, 10:54
@Sax/Cat : Il y a peut-être de ça.