Petit tracas de la vie quotidienne #1

Lundi - 19h12
Comme chaque lundi, à l'heure où retentit la volée de cloches marquant l'angélus, j'ai mis à chauffer l'eau dans la casserole pour assurer la cuisson des pâtes du lundi. J'ai réglé la flamme pour qu'elle lèche de la meilleure des façons qui soit le cul de la casserole. Je suis passé maître en la matière. Il faut que l'eau atteigne son point d'ébullition le plus vivement possible avec le moins de déperdition énergétique. Il faut veiller à ce que la flamme soit assez large sans trop sortir du cercle formé par le fond de la casserole. Bien sûr, avec une casserole à fond carré, triangulaire ou d'une autre forme, il serait plus difficile d'optimiser le dispositif. Habituellement, les casseroles ont un fond rond. Des siècles et des siècles d'expérimentation empirique ont conduit à considérer que c'était là la meilleure des formes à donner à un fond de casserole. Par expérience, je sais qu'il me faut compter une dizaine de minutes pour que l'eau bouille avec une belle pétulance enthousiaste.
Je suis revenu devant l'ordinateur pour terminer un travail tandis que le journal du soir de France Inter se termine sur des nouvelles maussades qui peinent à me mettre en joie. Soudain, je me rends compte que je n'entends pas le couvercle taper sur le sommet de la casserole comme il devrait le faire si l'eau, par l'effet magique de l'ébullition mis en évidence par Denis Papin, avait atteint cet état tant attendu. Je m'en étonne et quitte l'écran et le clavier pour me mouvoir avec quelque difficulté liée à un âge qui, alors, n'a jamais été aussi avancé vers la cuisine. Mon esprit vif et prompt à analyser une situation quelle qu'elle soit — et même les plus improbables — me permet de comprendre qu'il n'y a plus suffisamment de gaz dans la bouteille pour produire une flamme convenable.
Il est trop tard pour que j'envisage de désolidariser la bouteille de son détendeur et que je me résolve à affronter le monde extérieur en la descendant, ahanant et suant, par l'escalier rude et malaisé qui seul saurait me permettre de rejoindre la Ford Mondeo verte qui est mon principal véhicule et pourrait me permettre de me rendre à Thenon en empruntant la route départementale (ancienne route nationale) afin d'aller l'échanger contre une semblable mais pleine contre le paiement d'une somme à mon sens bien trop élevée.
Il est trop tard, j'en suis certain, et en plus, il pleut. Rapidité et efficacité sont des caractéristiques parmi les plus reconnues de mon esprit. J'envisage avec célérité les solutions qui me sont ouvertes face à cette situation de crise. Puisqu'il n'est pas envisageable de partir à l'aventure au volant de mon véhicule à la recherche d'un éventuel dépôt de gaz, à moins d'aller au moins jusqu'à Boulazac ou Trélissac, et que cette perspective est clairement à écarter tant elle nécessiterait que j'accepte de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour récupérer une bouteille de gaz, qu'en outre cela demanderait que je consacre à cette opération, au bas mot, une bonne heure de mon temps et plusieurs litres de carburant, il me faut trouver une solution qui soit tout à la fois acceptable et réalisable dans un délai court voire immédiat.

Lundi - 19h23
J'ai fait le tour des solutions envisageables. J'ai écarté la possibilité de manger mes pâtes du lundi crues et aussi celle consistant à placer la casserole dans le petit four électrique Moulinex offert il y a de nombreuses années par ma grand-mère maternelle après qu'elle en avait acheté un nouveau, à chaleur tournante, plus moderne. D'abord, j'ai vérifié, la casserole ne rentrerait pas dans ce four. J'aurais pu, c'est vrai, laisser la porte dudit four ouverte afin de laisser la queue de la casserole à l'extérieur. Je me suis dit que cela nuirait certainement à l'obtention d'une température optimale.
Là, il faut tout de même que j'apporte une précision qui a toute son importance pour la bonne compréhension de ce récit. Si je suis en train de tomber en panne de gaz, la bouteille n'est pas pour autant totalement vide et une faible flamme, déjà mourante, en fin de vie, proche de l'extinction, est encore présente. Dans la casserole, l'eau est chaude faute d'être bouillante. Vais-je oser quelque chose que j'ai vu faire et qui m'avait horrifié alors que je devais avoir une petite vingtaine d'années, un jour que j'avais été invité à déjeuner par un copain de l'époque et que c'était sa grand-mère qui œuvrait à réaliser ce repas auquel j'étais convié ? Elle avait l'intention de nous faire des pâtes et elle avait mis de l'eau à chauffer sur le feu. Un peu comme tout le monde, elle avait mis un couvercle pour que l'eau chauffe plus rapidement et jusque là, je ne voyais rien à y redire. Lorsque l'eau eut atteint la bonne température, elle avait soulevé le couvercle et ajouté du gros sel à l'eau. Cela me semblait très correct. Alors, elle préleva la quantité de pâtes qu'elle jugeait convenable pour nourrir trois personnes (elle comptait déjeuner avec nous) et les mis à baigner dans l'eau bouillante. Rien à dire non plus. Et là, horreur sans nom ! Voilà que l'ancêtre repose avec autorité le couvercle sur la casserole et qu'elle éteint le feu avant de poser un torchon plié sur le couvercle. J'avais, je m'en souviens bien, le souvenir est encore présent dans ma mémoire comme s'il avait créé un traumatisme dont jamais je ne pourrai me libérer, réprimé un cri. « Mais qu'est-ce qu'elle est en train de foutre, la vieille ? », me dis-je in petto en mon for intérieur.
Poli et victime d'une trop bonne éducation, je ravalais mon désarroi et cachait mon intense désolation du mieux que je le pouvais. Je me souviens vaguement de ce qui suivit alors. Peut-être, mais sans certitude, avons-nous eu des sardines à l'huile pour entrée. Peut-être avons-nous mangé ces pâtes et, même, peut-être y avait-il quelque chose pour les accompagner. Peut-être aussi y avait-il quelque chose pour simuler un dessert. Je ne sais plus rien de tout cela, j'étais bien trop effondré, ébranlé, pour pouvoir encore inscrire quoi que ce soit dans ma mémoire. Je pense aujourd'hui, en revenant sur cette dure période de ma vie, avoir été victime d'un véritable choc émotionnel qui aura agi à la manière d'un barrage de ma conscience. Je ne souhaite cela à personne.
Et pourtant, ce souvenir douloureux remontait à la surface et je ne pouvais rien faire pour l'écarter, pour l'empêcher de survenir. J'étais terriblement mal à l'aise, en crise de panique caractérisée, je sentais des gouttes de sueur perler à mon front. Il me fallait prendre une décision et je n'en trouvais pas de meilleure. Je me sentais désemparé comme rarement cela m'était arrivé, j'hésitais et tentais de tempérer dans l'espoir que je savais vain d'en trouver une plus acceptable. La mort dans l'âme, mettant ma fierté de côté, je me résolvais à agir, soulagé d'être seul, qu'il n'y eût pas de témoin. Je salai l'eau, versai deux poignées de pâtes et, détournant le regard, plaçai le couvercle sur la casserole. Tout de même — j'ai ma dignité — je n'allai pas jusqu'à poser un torchon sur cette triste affaire.
La mine triste, la tête basse, les épaules effacées, abattu et honteux au possible, je tentais de me calmer en fumant une cigarette face à la lecture des derniers commentaires laissés sur ce blog.

Lundi - 19h39
J'ai osé soulever le couvercle. Au fond de la casserole, un agglomérat informe gît tristement, lamentablement. Du bout d'une fourchette chancelante, je pique dans l'amas désolant de pâtes sans vie. J'en extirpe une pâte que, au bord de la nausée, je porte à la bouche. C'est cuit. Il me faut passer outre le dégoût. Nous sommes lundi, je dois manger ces pâtes. Je dois me convaincre que ce sont bien des pâtes. Il le faut. Je verse le contenu de la casserole dans la passoire. Une eau trouble et tiède s'échappe dans l'évier. Je sens venir les larmes, j'en chialerais presque. Je remets ces pâtes dans la casserole, ajoute un peu de beurre qui peine à fondre, mélange et verse dans l'assiette. C'est un euphémisme de dire que je me dirige alors sans joie à ma table pour manger. J'avale en essayant de penser à autre chose. Je pense à ce que le Christ a dû supporter et cela me donne la force et le courage.

Lundi - 19h44
J'ai posé l'assiette vide dans l'évier. Je ferai la vaisselle demain. Je n'ai vraiment pas le cœur à cela ce soir. Au-dessus du lavabo, je me purifie la bouche au Signal©. Double dose sur la brosse à dents. Il convient de nettoyer la cavité buccale de fond en comble. Je reviens dans la pièce principale de ma petite maison l'âme sombre comme jamais. J'éteins la lumière, tourne la clé dans la serrure et vais me coucher. Il n'est pas encore 20 heures et j'essaie d'oublier cette terrible épreuve en me plongeant dans les dernières pages d'un bouquin. Si mes yeux suivent bien les lignes, je me rends compte que moi, je ne suis pas le texte. Je suis plus atteint encore que je pouvais l'imaginer. J'éteins la maigre ampoule et réussis à m'endormir. Il n'y a rien de mieux à faire et je compte sur le sommeil pour digérer (si je peux dire) ce choc traumatique.

Mardi - 14h11
Je me décide enfin à affronter la réalité en face. J'y travaille depuis ce matin. Je me suis levé tôt, un peu après 5 heures. Je dois me rendre à l'évidence, la bouteille de gaz ne se remplira pas d'elle-même et personne n'ira à Thenon à ma place pour la remplacer par une autre. J'ai envisagé toutes les solutions crédibles. J'ai imaginé appeler au secours, prétendre que je m'étais blessé à la jambe et que je n'étais pas en mesure de sortir de chez moi. J'ai dressé la liste des personnes susceptibles de pouvoir — et accepter — de me venir en aide. Je me suis effrayé à l'idée que l'on puisse découvrir que je n'étais pas blessé du tout. J'ai écarté la tentation d'aller me recoucher pour toujours, jusqu'au jour où une bouteille de gaz se déciderait de venir jusque chez moi par ses propres moyens pour je ne sais au juste quelle raison. Je me suis dit que, « Putain de bordel de merde, on est tout de même au XXIe siècle, quoi ! Pourquoi personne n'a pensé à des bouteilles de gaz connectées qui préviendraient un livreur qu'il est urgent de venir livrer tout de suite maintenant une nouvelle bouteille à mon domicile, surtout le lundi soir ! On est à l'heure d'Internet ou pas ? »
J'ai bu du café et fumé des cigarettes. Plusieurs fois, j'ai failli réussir. Je ne compte pas le nombre de fois où j'étais prêt à aller débrancher la bouteille et à la descendre jusqu'au coffre de ma voiture pour aller la changer. Autant de fois, j'ai repoussé. Je me demande si je n'ai pas un problème, quelque part. J'ai essayé de me raisonner. Ce n'est pas la mer à boire, je l'ai déjà fait. Il ne s'agit que de débrancher une putain de bouteille de gaz vide, d'enfiler ma parka, de descendre un escalier, de soulever le capot du coffre de la bagnole, de refermer le coffre, de prendre les clés dans la poche droite, de démarrer et de rouler sur cinq ou six kilomètres pour acheter une nouvelle bouteille et enfin revenir, sortir la bouteille du coffre, remonter l'escalier, mettre la bouteille en place, m'énerver sur le bouchon de plastique que je ne sais jamais enlever convenablement, rebrancher le détendeur et pousser la bouteille sous l'évier, quoi ! Je l'ai déjà fait autrefois, ça ne devrait pas me poser de problème majeur.
Oui, sauf qu'il pleuvait et que, finalement, je n'aurai sans doute pas besoin de gaz avant ce soir. Ça peut attendre encore un peu. « Encore un moment, monsieur le bourreau », aurait supplié Jeanne du Barry. Torturé comme jamais, j'ai longtemps hésité à glisser la tête dans la lunette de la guillotine. Si j'attendais trop longtemps, si, disons, j'attendais jusqu'au soir, je n'aurais pas plus de gaz pour préparer mon riz du soir (nous sommes mardi, je mange du riz le mardi). La lutte entre moi et moi-même est âpre. Une partie de moi dit qu'il est raisonnable de se faire violence et d'aller chercher cette foutue bouteille de gaz tandis que l'autre partie m'invite à reporter encore un peu cette épreuve.
Ça arrive, parfois, qu'il y ait la chance qui vienne glisser son nez dans une affaire que l'on pensait perdue. La chance, ça existe. Le problème, c'est que l'on ne peut pas compter sur elle. Il paraît que l'on peut la provoquer. En duel, même, si ça se trouve. On a tous entendu parler de ces personnes qui expliquent leur insolente réussite au fait qu'elles ont su saisir leur chance. On ne sait pas. Peut-être que quelqu'un allait venir me voir. J'allais expliquer que ce n'est vraiment pas de la mauvaise volonté mais que j'ai un boulot urgent à finir et que ce serait vraiment aimable de sa part qu'il aille à Thenon me changer la bouteille de gaz. Je n'ai pas eu de chance. Personne n'est venu.
Sur Internet, je suis allé aux renseignements pour connaître le prix d'une plaque de cuisson électrique. C'est encore dans mes moyens mais les délais de livraison sont incroyablement longs. Je ne la recevrai pas, au mieux, avant plusieurs jours. J'écarte aussi l'idée qui m'a traversé un instant de cuisiner dans la cheminée. Il me reste bien un peu de bois mais à terme il me faudrait en faire livrer d'autre et l'idée m'angoisse déjà rien que d'y penser.
J'en suis à une telle extrémité que j'envisage même de revoir les menus de la semaine, de ne plus manger et acheter que de la nourriture qui peut s'avaler sans cuisson : cassoulet en boîte, chocolat, saucisson sec, cacahuètes. J'ai entendu dire que l'on pouvait ne se nourrir que d'aliments liquides, bière et vin par exemple. Peut-être aussi des jus de fruits et des soupes en brique. Je n'ai rien trouvé de convainquant sur Internet à ce sujet. Je tergiverse, j'hésite, je repousse et porte loin la procrastination.
Ça y est, je me suis décidé. J'ai fait un gros travail sur moi-même. J'essaie d'agir sans réfléchir. Je passe aux actes, je mets de côté l'intellectuel que je suis, me force à ne plus être qu'un travailleur manuel. Je ne réfléchis pas, je dévisse le détendeur, je revisse la poignée de la bouteille, j'essaie même de siffloter comme un simple travailleur, je passe la parka, agrippe la bouteille, ouvre la porte devant moi et la referme derrière, descends les marches, balance la bouteille dans le coffre de la Ford, m'installe au volant, tourne la clé de contact, passe la première, m'arrête pour m'assurer que personne n'arrive à gauche et à droite, roule vers Thenon, passe la deuxième vitesse, la troisième, la quatrième, la cinquième, file vers Thenon, m'agace derrière un camping-car qui ne va pas assez vite, le double dès que possible, suis arrêté par le feu qui est au rouge au carrefour de Thenon, tapote d'impatience le cercle du volant, repasse la première, la deuxième, la troisième, la quatrième, arrive au dépôt de gaz, mets le clignotant pour tourner à gauche, attends qu'une bagnole ait fini de passer, tourne, vais me ranger à côté de la guérite de la station-service et constate, effaré, que celle-ci n'ouvre qu'à 15 heures. Je suis effondré.

Mardi - 14h57
La femme qui s'occupe de la caisse de la station-service arrive. Je sors de la voiture et la bouteille du coffre. Je vais la déposer à proximité de la guérite. J'estime que l'on doit comprendre ma demande sans que j'aie besoin de l'expliciter plus clairement. Normalement, me semble-t-il, une personne qui arrive chargée d'une bouteille de gaz et qui la pose comme je l'ai fait est simplement une personne qui vient la faire remplacer pour une autre, pleine. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir fait de longues études pour comprendre cela. Ceci dit, je ne sais rien de cette femme, si ça se trouve elle a fait de longues études et alors c'est triste qu'elle en soit réduite à exercer son métier bien qu'il soit utile et nécessaire.
Elle a compris et elle sort avec son trousseau de clés. Je la suis. Ma bouteille est une bouteille bleue foncé, elle l'a vu et elle va là où sont rangées les bouteilles de ce genre, dans leur casier antivol. Elle ouvre une grille qui forme une porte et sort une bouteille pleine. Parce que je connais les manières de faire bien, je renverse celle que j'ai amenée pour la présenter de telle manière que l'on comprenne qu'elle est vide et non pleine. J'ai droit à un sourire fugace pour ce geste bien venu.
En prenant d'autorité la bouteille pleine je me demande si cela ne peut pas être compris comme une marque de sexisme. Est-ce que mon geste ne peut pas être interprété comme celui du mâle qui se sent supérieur, plus fort, que la femme ? Intérieurement, je me mords les doigts de mon impulsivité que j'assure irréfléchie. J'hésite à me reprendre, à reposer la bouteille et à m'excuser en proposant à cette femme de porter la bouteille jusqu'à la guérite. Je me contente d'afficher un sourire un peu gêné. Je me maudis d'être tellement timide que je n'ose pas dire les choses en toute simplicité. Que la vie doit être simple pour les gens qui n'ont pas à souffrir de cette tare qui perturbe la vie sociale et les plus petits moments de la vie quotidienne.
Je paie mon dû et vais déposer la bouteille dans le coffre. Je m'installe au volant et souffle un bon coup. Le plus dur est fait. Il ne me reste plus qu'à revenir à Azerat et à monter la bouteille jusqu'à sa place. Je respire et me dis que tout va bien se passer et je démarre. La chance que j'appelais de mes vœux m'a sans doute entendu, je parviens à rejoindre Azerat sans la moindre embûche. Allez, encore un effort et ce sera terminé. J'ouvre le coffre, sors la bouteille de gaz, referme le coffre, porte la bouteille — plus lourde qu'à l'aller — jusqu'à l'escalier que je grimpe. Je la pose pour prendre la clé de la porte d'entrée que j'ouvre dans la foulée. Je pénètre chez moi chargé de la bouteille et dans le même élan vais jusqu'à la cuisine. Je n'ai pas fermé la porte et j'hésite à revenir sur mes pas pour la fermer. Dans le même temps, je me dis qu'il existe un risque pour que l'élan soit brisé et que je n'ai pas le courage par la suite de terminer l'installation de la bouteille de gaz. Ce serait trop bête, si proche du but ! Allez ! Haut les cœurs ! Je dévisse, j'enlève le bouchon en plastique que je ne parviens jamais à retirer convenablement, visse le détendeur, pousse la bouteille sous l'évier. C'est fait ! J'ai réussi ! Je ne suis pas peu fier, je peux vous le dire. Je me sens tellement fort d'un trop-plein d'exaltation que je vais jusqu'à tourner le robinet de la bouteille de gaz et de m'assurer que le gaz arrive bien aux brûleurs de la cuisinière que j'allume tous, les uns après les autres, d'une seule allumette. Ça fonctionne, je me sens bien, soulagé, comblé. Je ferme le robinet de la bouteille et vais fermer la porte d'entrée.

Mardi - 15h06
Assis devant l'ordinateur je sens mon enthousiasme me quitter à toute vitesse. Déjà, je redoute ce jour prochain où cette foutue nouvelle bouteille de gaz sera vide et qu'il me faudra revivre tout ça. Peut-être serait-il sage que j'achète cette plaque électrique que j'avais trouvée sur Internet tout à l'heure ? Je vais y réfléchir, j'ai déjà assez dépensé aujourd'hui. Combien de temps vais-je tenir avec cette bouteille ? Je vais essayer de l'économiser le plus possible, jamais plus d'un feu à la fois, faire durer, repousser l'échéance, ralentir le temps…

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