Dans la vie, il existe des moments où l'on a l'intuition que l'on doit se résoudre à réfléchir. La plupart du temps, dans nos petits actes du quotidien, on n'a pas à trop se soucier de cela, on n'a pas à faire appel à notre "capacité" de réflexion. Combien de fois doit-on vraiment s'en remettre à cette réflexion au cours d'une journée normale ? Pas beaucoup, j'en ai la certitude. Et c'est tant mieux.
Le matin, au réveil, ai-je besoin de réfléchir à mes actes et à la manière de les mener à bien ? Non. Je me lève et m'habille sans réfléchir, je fais le café d'une manière automatique, je le bois de même, je vais chier pareillement. De la même façon, je parcours les courriers électroniques arrivés durant mon sommeil, je prends une douche, je roule une cigarette que je fume. Le cerveau s'occupe de tout cela sans me demander mon avis, en autonomie complète. Le corps obéit et suit le cheminement habituel. Et c'est très bien ainsi.
Si, par exemple, j'ai besoin de prendre la voiture pour aller faire des courses, poster un courrier ou tout simplement me rendre quelque part, je vous assure que je conduis sans beaucoup réfléchir à ce que je suis en train de faire. Encore des automatismes, un conditionnement. Je passe les vitesses "à l'oreille", parce que le régime du moteur m'indique inconsciemment qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure ou, au contraire, de rétrograder. Si j'ai l'intention de me garer, j'ai déjà, comme programmée, une liste d'endroits possibles. La force de l'habitude supplée à la réflexion d'une fort belle manière le plus souvent. Et ma foi, c'est confortable et reposant.
A l'heure de me faire cuire les pâtes, vous croyez que j'ai besoin de réfléchir pour mettre ce qu'il faut d'eau dans la casserole, pour gratter une allumette et tourner le robinet d'arrivée de gaz, pour poser un couvercle et attendre que ça bouille ? Bien sûr que non ! C'est du domaine du conditionnement pavlovien ancré au plus profond de mon cerveau, de l'automatisme pur jus. Entre le café du matin et les pâtes du soir, j'ai la prétention de parvenir à ne pas avoir à réfléchir une seule fois. Et c'est une petite fierté intime qui me rend joyeux.
Si je suis plutôt contre la réflexion, c'est certainement parce que, en premier, ça fatigue. Et puis, ça a tendance à m'agacer, de réfléchir. Ça m'empêche de faire tout un tas d'autres choses bien plus passionnantes. Je préfère dessiner mes conneries plutôt que de réfléchir, je préfère écouter de la musique plutôt que de réfléchir, écouter la radio, regarder, à l'occasion, un film, lire de la BD plutôt que de réfléchir. Et c'est là, je le pense, un comportement normal, humain, bien compréhensible, auquel tout un chacun aspire.
Le plus gros reproche que je peux faire à la réflexion, c'est qu'elle n'assure en rien de déboucher sur une raisonnement "vrai" ou efficace ou satisfaisant. Ce con de cerveau est tout à fait capable de se satisfaire d'une réflexion de bas étage qui apporte un semblant d'explication à un problème qui lui est posé. Il n'aime pas rester dans l'incompréhension, le cerveau. Alors, pour se rassurer, pour se rasséréner, cet abruti de cerveau est prêt à accepter à peu près n'importe quoi qui fasse plus ou moins mine de tenir debout. Il est plein de réponses toutes faites qu'il est prompt à faire jaillir à la moindre amorce de question. En plus d'être con, le cerveau est une feignasse consommée.
Mais, à cause de notre vie moderne, en raison de toutes ces machines, toutes ces obligations nées de l'organisation de nos sociétés, il arrive que l'on se sente comme obligés à devoir s'abaisser à faire mine de réfléchir. Et c'est un gros problème parce que ça fait perdre du temps, ça empêche d'utiliser ce temps à agir réellement. Lorsque l'on en est réduit à devoir réfléchir, le cerveau se bloque et il n'est plus capable de faire autre chose de bien plus intéressant. Enfin entendons-nous bien, je ne préjuge en rien de votre cas personnel, je parle pour moi. Il est possible que vous soyez de ces êtres d'exception qui parviennent à réfléchir en menant à bien une action complexe. Moi, au mieux, j'arrive à me gratter les couilles ou à me foutre un doigt dans le nez pendant la réflexion. Ce n'est pas glorieux mais on fait ce qu'on peut.
Toutefois, et je ne me l'explique pas, je reconnais que l'on peut ressentir une certaine satisfaction à réfléchir. Il peut même arriver que l'on prenne la chose à la manière d'un jeu "intellectuel". Ce qui ne manque jamais de m'étonner, c'est que souvent on a la liberté de refuser de réfléchir, de repousser le problème que l'on se pose. Pourquoi au juste craignons-nous d'écarter la question d'un majestueux : « j'en ai rien à foutre » ou d'un définitif : « ce n'est pas mon problème » ? Je sais certaines personnes passées maîtres[1] dans l'art de refuser de réfléchir et qui, mieux que personne, sont capables de n'en faire qu'à leur tête, à leur idée. Je les envie.
Deux jours de suite, hier et aujourd'hui, j'ai eu à me faire violence et à réfléchir. Ces deux jours à cause de l'informatique et, plus précisément, de sites Internet. Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi un truc qui marche avant-hier ne fonctionne plus le lendemain ? Hein ? Lorsque ça m'arrive d'être confronté à un souci de cette espèce, à chaque fois j'essaie, en premier choix, de m'en sortir sans réfléchir. Honnêtement, il est assez rare que ça soit très probant, question résultat. Au mieux, ça ne marche pas moins bien, au pire, c'est encore pire. C'est pénible.
Ce que j'ai remarqué avec l'informatique et tout ce qui gravite autour, c'est que c'est bourré de méchanceté et de malveillance. De petitesses et de fourberies, aussi. On nous a tout de même vendu le truc en nous racontant que ça allait nous simplifier la vie, non ? Je me trompe ? On nous a dit que ça allait nous dégager de tâches rébarbatives et répétitives, que l'on aurait du temps pour regarder les fleurs pousser, les oiseaux voler, les glands tomber, l'eau des ruisseaux couler et le temps passer. Au lien de ça, c'est panne sur panne, problème après problème, réparation de fortune après bidouille approximative pour faire fonctionner tant bien que mal le bazar. Quelle perte de temps ! Quelle perte d'argent lorsqu'il faut faire appel aux professionnels grassement rémunérés !
Maintenant que nous sommes dans une époque qui n'a jamais été aussi moderne, on nous promet les robots domestiques, les assistants vocaux, les implants cérébraux. Ça nous promet du plaisir, ces affaires ! Entre les robots qui feront n'importe quoi, les assistants vocaux qui ne voudront plus reconnaître votre voix, les implants qui décideront de vos actions, merci bien. Définitivement, c'était mieux avant.
Avant, quand c'était mieux qu'aujourd'hui, en une époque d'avant la mécanisation, d'avant l'automatisation, la vie était, sinon plus confortable, au moins plus simple. Si le cheval refusait d'avancer, on sortait la hache, on lui coupait la tête, on le bouffait et on allait en pêcher un autre. Aujourd'hui, quand votre saloperie de bagnole[2] ne veut pas démarrer, vous pouvez bien sortir la hache, ça ne résoudra pas grand chose. Vous devez vous armer de patience, en appeler au savoir du technicien qui a la "valise" et qui sait s'en servir. Contre un pognon de dingue, vous pouvez espérer une réparation qui tienne quelque temps. C'est beau le progrès. Finalement, on peut se demander si on ne nous prendrait pas pour des cons.
Mais je m'égare. Le sujet est de savoir comment réussir à éviter de réfléchir. Je suis persuadé que le bonheur passe par cette libération. Enfin peut-être pas le bonheur comme on nous le raconte, ce bonheur plein d'objets à posséder, de produits culturels à consommer, de lieux à découvrir et de mets à consommer mais plutôt un bonheur fait de béatitude et d'instants présents dégustés sans attente particulière. Admettre une fois pour toute qu'il n'existe pas de solution permet d'écarter toute question provenant d'un problème. A quoi bon accepter le problème si l'on décide que la solution n'existe pas ? La mort, on sait tous qu'elle existe, non ? On sait aussi qu'elle passera par là un jour. Est-ce que ça nous empêche de vivre ? On arrive très bien[3] à pousser ce concept dans un coin et de nous rendre aveugle à lui. Enfin moi, je n'y pense pas tous les jours en tous cas. Ce serait invivable de vivre continuellement avec la conscience de la fin de la vie. Confusément, on sait que l'on n'y échappera pas, que la mort peut survenir là, maintenant, à tout instant, sous différentes formes. Bon. On parvient à faire abstraction de ça. Pourquoi n'arriverions-nous pas à faire de même avec ces putains de problèmes qui bouffent notre temps et notre santé ? On devrait instituer un droit au refus de la réflexion. Je ne doute pas qu'il existe des personnes qui n'ont rien de mieux à faire que de réfléchir, la diversité humaine conduit à ces comportements déviants, mais la plupart d'entre-nous, franchement, nous ne serions pas peinards si nous n'avions pas à réfléchir ? Bien sûr que si.
D'ailleurs, lorsque je lis les commentaires, je vois bien que vous n'êtes pas du genre à trop réfléchir. Ça me rassure quant à l'avenir du genre humain, tenez.
1 De Tournesol - 13/09/2018, 12:34
Ayyy,je m’excuse de bouffer le pain de Maurice la grammaire mais c’est plus fort que moi.Dans l’expression :passé maître,passé s’accorde en nombre et en genre,maitre ne s’accorde qu’en genre
Elles sont passées maîtres
Ils sont passés maîtres.
Pour le reste du texte,j’ai besoin de réfléchir.
Ah,au lien de ça...tsss,tssss,tsss.
2 De Bled lafindéfautes - 13/09/2018, 12:49
Après réflexion…
L’expression passer maître dans l’art de ou dans un métier signifie « être compétent, expert ». Il s’agit d’une expression figée. On ne peut donc pas remplacer le mot maître par maîtresse. Le verbe passer s’accorde en genre et en nombre et maître en nombre seulement :
• Elles sont passées maîtres dans l’art de négocier.
• Le lièvre arctique est passé maître dans l’art du camouflage.
• Elle est passée maître dans son métier; sa réputation n’est plus à faire en matière de bijoux.
On peut aussi employer les locutions passer maître en/dans pour parler d’une qualité ou d’un défaut :
• Elle est passée maître en décoration de gâteaux de fête.
• Les analphabètes sont passés maîtres dans l’art de cacher leur handicap.
• Elle est passée maître dans l’art de dorer les faits d’une manière qui l’arrange.
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3 De Tournesol - 13/09/2018, 13:21
En fait,j’aime bien réfléchir,mais pas longtemps,c’est un peu comme le cointreau: trop,ça écœure !
Je ne dirais rien du passé,qui était mieux avant depuis au moins vingt cinq siècles,mais Molière et Beaumarchais nous ont largement prouvé que les serviteurs humains étaient roués,fieffés faquins,hypocrites,fourbes,insolents finéants et voleurs.
Par contre,je suis d’accord avec vous,le principal défaut de la réflexion,c’est qu’elle fatigue,pour un résultat pas toujours probant.Un peu comme mâcher des chamallows,ça fatigue et ça nourrit pas.
4 De Le prof T. "The Brain-kebalant" - 13/09/2018, 13:26
Bah, l'Homme a inventé dieu et la religion, pour répondre à tout un tas de questions ennuyeuses, et pour enjoliver la perspective de la mort.
Cette difficulté à vraiment réfléchir doit être assez récente, puisque ma vieille patronne, lors de mon apprentissage au milieu des 70's, répétait inlassablement cette antienne: Ce qui sous entendrait qu'avant "nous les jeunes", les gens sollicitaient leurs méninges bien davantage.
Ce n'est pas une raison pour afficher cet ostracisme récurrent envers la régie nationale, laquelle s'est signalée en inventant de nouveaux concepts plus souvent qu'à son tour, et en dominant outrageusement les motoristes de la F1 des années durant, ce qui ne risque pas d'arriver sans réflexion tant cette discipline est ardue.
5 De nono - 13/09/2018, 14:16
aaaah les réflexions sur les réflexions sur la mort, tralala
Tant de mots et tant de chansons ont été écrits sur ce sujet inépuisable, avec plus ou moins de bonheur qu’on n’y prête plus cas.
Oh, chacun de nous un jour y a pensé, juste après avoir évité de justesse ce truc qui n’aurait pas dû être là, mais faut pas y penser, c’est comme ça…
Passé le temps où l’on se sent inmourable en vient un autre où la médecine vous dit de profiter de la vie.
…ça craint.
On doit être en avance sur le calendrier, car ce genre de jérémiade ne me prend d’habitude que vers la Toussaint, à moins que ce soit le fait de ce blog, qui nuit vraiment très grave.
6 De Maurice la grammaire - 13/09/2018, 16:26
@Tournesol : y a pas de mal.
Je trouve que l'exemple n'est pas pertinent. J'ai connu des Renault qui fonctionnaient très bien.
Je ne suis pas sûr du "attendre que ça boue"... bouille ? bout ?
Je vais y réfléchir...
7 De Michel - 13/09/2018, 16:29
@Maurice la grammaire : Bouille, bien sûr. Pardon et merci.
8 De Le prof T. "The Brain-kebalant" - 13/09/2018, 16:54
De la boue dans les nouilles? Pourquoi non? Maurice, vous ne seriez pas contre la cuisine expérimentale, des fois? Cela mérite réflexion. Je vais donc attendre que quelqu'un s'y colle, selon les préceptes défendus ce jour d'hui.
9 De Tournesol - 13/09/2018, 17:03
@Le prof T. "The Brain-kebalant" : de la colle dans les nouilles?Bouh!
10 De nono - 13/09/2018, 17:42
C’est pas pour me vanter mais, je comprends rien à vos contrepèteries, alors dès que ça parle de nouilles sur ce blog, ça me donne à réfléchir…
(sur la forme comme sur le fond)
11 De Maurice la grammaire - 13/09/2018, 18:11
Tout ce que je sais des nouilles, c'est qu'il faut bien les secouer pour enlever la boue. Et il n'y a pas besoin de réfléchir pour ça !
12 De Liaan - 13/09/2018, 18:54
Bien, je vais me remettre à relire Polite.
Il n'y avait pas que le miroir qui a de la réflexion.
13 De Liaan - 13/09/2018, 18:58
@nono :
@Maurice la grammaire :
Les fouilles pleines de boue ? C'est du propre.
Je repense à l'histoire de mots croisés dans le train, avec la jeune fille qui ne trouve pas la solution, le mot se termine par ouille, il ne lui manque qu'une lettre en début. La définition était se vide après avoir tiré un coup... Je crois que c'était sur le blog, ici même. la solution était bien sûr douille.
14 De Liaan - 13/09/2018, 19:00
@Liaan :
D'habitude, je rencontre plutôt des bonnes gens, des contrôleurs, etc.
Ce que c'est d'écrire sans réfléchir.
15 De arielle - 13/09/2018, 19:27
Le faire pour résoudre des problèmes matériels ou pas, oui c'est usant ! Mais le faire juste comme ça, juste pour la chose, c'est comme rêver les yeux ouverts... C'est du plaisir !
16 De Tournesol - 13/09/2018, 19:29
@Liaan : et,pour réfléchir -ou pas-savez vous pourquoi Pluto s’appelle ainsi?
17 De Laain - 13/09/2018, 19:33
@Tournesol :
18 De Liaan, amateur de BD, mais inculte - 13/09/2018, 20:26
@Laain : Je serais été incapable de répondre à cette question bleue.
19 De Rocky Siffredo - 13/09/2018, 20:31
Et les miroirs sans tain, pour mater la bella ragazza ?
20 De Le prof T. "The Brain-kebalant" - 13/09/2018, 20:38
Eh bé moi, j'aime bien le bricolage. Pas le bricolage ménager, qui consiste à monter des meubles Ikéa ou à déboucher des lavabos. Non, le bricolage passion, celui qui vous pousse à modifier, créer, adapter, chercher des solutions.
Là, il faut bien solliciter ses neurones, et je trouve ça particulièrement sympa. Par exemple se fabriquer une brouette motorisée, ou un système de récupération d'eau, ou rendre à un arbre sa verticalité mise à mal par une tempête. Enfin, des choses pas courantes, quoi. Refaire fonctionner une vieille pétoire peut aussi s'avérer bien compliqué.
Vous me direz, là, on est loin de la théorie de la relativité. C'est vrai. Il n'empêche, dans certain métier, on fait sans réfléchir le même boulot ennuyeux toute sa vie, alors que dans d'autres, à chaque chantier se présentent des problèmes nouveaux. C'est quand même plus valorisant, pour soi-même, d'être amené à résoudre des problèmes, petits ou grands, plutôt (non, pas le cabot) que de tuer le temps avec le cerveau en pause.
21 De Rocky Siffredo 1er authentico - 13/09/2018, 20:47
@Rocky Siffredo :
Ma! Tou croa qué Rocky sé cache pour mater la gent féminine? Rocky n'a qu'à sé prodouire, et le raggazes sé jettent à ses pieds, en hurlant son nom, et en sé frottant contré loui.
Comment oune imposteuré pourrait rétranscrire la vista dé Rocky?
Misérabolo, tou va mé faire passer pour oune pervers avec ton miroar sans tain! Ma!
22 De Rocky Siffredo fait comme un camembert - 13/09/2018, 21:03
@Rocky Siffredo 1er authentico :
Caramba, encoré raté !
23 De fifi - 21/09/2018, 21:52
Et le catadioptre, alors, il vous sert à quoi !
24 De fifi - 22/09/2018, 21:58
" Seul le miroir " : j'en reste muet - comme une carpe .