J'étais encore à peu près jeune et plein d'allant lorsque j'ai eu l'idée d'acheter un petit compresseur d'air. C'est un appareil toujours utile. On peut gonfler les pneumatiques de son auto ou de son vélo, on peut souffler les poussières dans un ordinateur, on peut aussi y brancher un aérographe. Parce que je n'avais pas l'intention de l'utiliser intensivement, j'avais porté mon choix sur un vulgaire petit compresseur de grande surface, équipé d'un petit moteur monophasé et d'une cuve de 50 litres. L'un dans l'autre et durant une dizaine d'années, il a fonctionné.
Et puis il est arrivé qu'un pneu de ma voiture soit à plat. Parce qu'elle était trop proche du mur pour que je puisse confortablement remplacer la roue, je me dis que je pourrais essayer de regonfler le pneu le temps de manœuvrer. Je cherche la rallonge électrique, je branche le câble du compresseur dessus puis la rallonge à la prise secteur. Je lève l'interrupteur du compresseur et le moteur se lance dans un vacarme agressif et désagréable. Il pompe l'air ambiant et le pousse dans la cuve et c'est son rôle. Tout va bien. Je vais chercher le pistolet de gonflage, le place là où il faut et regonfle le pneu. Enfin j'essaie. Je m'aperçois rapidement que l'air sort aussi vite qu'il entre dans l'enveloppe. La crevaison est importante. Tant pis.
Tant pis, oui. Je démarre la voiture et manœuvre pour l'éloigner du mur voisin. Une fois que cela est fait, je pars à la recherche du cric, de la manivelle, de la clé chargée de dévisser les goujons de roue et, bien entendu, de la roue de secours. Tiens ? Elle est à plat aussi, elle ! Ce n'est pas une vraie surprise, je savais qu'elle avait une petite fuite et je n'avais jamais pris le temps de la faire réparer. Je sais, c'est idiot d'avoir une roue de secours à plat. C'est la procrastination qui fait ça, c'est pas de ma faute.
Mais là, j'ai le compresseur à portée de main. Je m'en vais la gonfler suffisamment pour pouvoir gagner le premier garage disponible et faire réparer les deux pneus. C'est dit. Pour commencer, je place le cric à l'emplacement décrit par le constructeur et tente de lever la voiture. C'est un cric de très mauvaise qualité ou alors je n'ai pas compris comment il fonctionne. Il force et la manivelle commence à se tordre sous mes efforts virulents. J'abandonne. Je l'enlève et vais chercher un cric hydraulique bouteille récupéré dans un ancien Range Rover. Je commence à lever la voiture, finis de dévisser les goujons de roue, dépose la roue et m'apprête à regonfler la roue de secours.
Alors, oui, normalement j'aurais dû commencer par ça. C'est vrai qu'il faut laisser la voiture sur le cric le moins longtemps possible si l'on est un tant soit peu sensibilisé aux questions de sécurité élémentaire. Je sais mais, allez savoir pourquoi, j'avais choisi d'opérer dans cet ordre. Idiot, oui, je sais.
J'approche la roue de secours du compresseur et commence à gonfler. Rapidement, je m'aperçois que la pression fournie par l'appareil baisse et que le moteur ne se met pas en route. J'agis sur l'interrupteur, rien à faire, le compresseur ne se lance pas. Je vérifie les branchements à la rallonge et à la prise, rien à signaler. Je vérifie que la prise délivre bien du courant, c'est le cas. Fichtre et charogne de compresseur ! Il est en panne. C'est bien ma chance, ça.
Bon. Le pneu est presque assez gonflé. Je ne perds pas de temps et file faire réparer tout ça à Thenon (le garage de Azerat est fermé ce jour là). Lorsque je reviens avec mes deux pneus bien réparés, je m'occupe un peu de ce compresseur. Je regarde d'un œil torve la machinerie, tente de le faire démarrer à coups de pompe dans le cul (on ne sait jamais). Rien. Ça m'agace et je laisse tomber. Je vais me faire du café et penser à autre chose. Ça m'agace un peu, tout de même. Je commence à réfléchir à en acheter un nouveau, un jour, peut-être.
Aujourd'hui, j'aurais bien besoin d'air comprimé pour nettoyer un ordinateur que l'on m'a confié pour réparation. Il est plein de poussière et j'ai dans l'idée qu'elle doit perturber le refroidissement de ses composants. Ah ! Si seulement j'avais un compresseur ! La mine triste, je me lamente beaucoup, prenant mes semblables à témoin du cruel sort qui est le mien, pauvre homme qui n'a pas le moindre morceau de compresseur à se mettre sous la dent. Ah ! Si j'avais un compresseur, je ne manquerai pas d'air ! Je veux un compresseur. Je ne vais pas courir les commerces pour en acheter un alors que j'en ai besoin ici et maintenant. Agissons !
Et j'agis. Je vais quérir quelques outils et me prépare mentalement à démonter, examiner, diagnostiquer, supposer, supputer, hypothéser, vérifier, contrôler, tester, essayer, imaginer, chercher, comprendre. L'idée est de tenter de réparer l'appareil mais je n'exclus pas la possibilité d'avoir à faire usage d'une bonne masse bien lourde pour l'exploser s'il me casse trop les roubignoles. J'suis cap de lui foutre un coup fatal entre les deux yeux, à cette engeance chinoise (ou peu s'en faut). Tournevis plat. J'opère. J'ouvre. Pas besoin d'aller bien plus loin en fait. Je comprends tout de suite.
Un moment, j'ai presque cru qu'il pouvait s'agir d'un problème matériel, de mécanique, une sécurité enclenchée, quelque chose du genre. Mais là, le doute n'est pas permis, c'est bien l'électricité qui est en cause. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu un bordel pareil. Le principe est simple. Trois fils arrivent du secteur, passent par un interrupteur et repartent vers le bobinage du moteur. Ce que je vois me laisse perplexe. Tous les fils qui partent vers le moteur ont leur isolant qui part en miettes. Sitôt qu'on le touche, il s'effrite, se disloque. Incroyable. De plus, comme si cela ne suffisait pas, je m'aperçois que deux des câbles qui arrivent à cet interrupteur ne sont pas connectés. Alors là, d'accord, je veux bien que l'on m'explique que ce sont les vibrations qui auront fini par dévisser les bornes. Sauf que j'ai tout de même la très nette impression que ces bornes n'avaient pas été suffisamment serrées.
Pour m'assurer que l'origine de la panne est bien identifiée, j'écarte les fils pour être certain qu'ils ne se touchent pas, je revisse les câbles d'alimentation et vais brancher le compresseur. Il se lance immédiatement ! Bon.
Un temps, j'ai dans l'idée de remplacer les fils qui partent vers le moteur électrique. Le problème, c'est qu'ils semblent noyés dans le bobinage. J'y regarderai peut-être de plus près un jour mais pour l'instant, je me contente d'enrouler du ruban isolant (tout de la même couleur parce que je ne retrouve pas les autres rouleaux) autour des câbles. Il faut juste que je me souvienne que cet appareil est potentiellement dangereux.
Je termine de remonter les capotages enlevés pour l'opération, je sers tout bien comme il faut, je branche le compresseur, je le mets en route, ça fonctionne bien. La pression monte, j'en profite pour contrôler la pression des pneus de la voiture, je vais chercher le PC et le dépoussière à fond. Voilà une bonne chose de faite !
16 réactions
Ajouter un rétrolien
URL de rétrolien : https://glob.michel-loiseau.fr/index.php?trackback/3325
1 De waldo7624 - 13/08/2016, 14:02
Dans pareil cas, ne pas hésiter à me contacter. J'ai un petit compresseur, des rouleaux de scotch multi couleurs et un peu de fils de rechange.
Le temps de penser, de faire les photos, d'écrire la chronique et les légendes, et hop… le problème était résolu !
Et à la place, on aurait eu un beau dessin.
Je vais faire une liste des moyens de secours dont je dispose pour une prochaine fois.
2 De michel - 13/08/2016, 14:07
@waldo7624 : Le fil, j'en ai des dizaines de kilogrammes, de toutes couleurs et grosseurs. Le ruban adhésif de couleur, je sais que j'en ai. Où ? Mystère !
C'est un peu comme cet adaptateur pour prise jack (de la petite vers la grosse) que je sais avoir quelque part et qui reste introuvable. C'est agaçant parce que je voulais l'utiliser à quelque chose.
3 De arielle - 13/08/2016, 14:13
Ah ! Si j'avais un compresseur, je ne manquerai pas d'air ! etc...
On dirait du Vian.
Je n'ai pas lu jusqu'au bout votre billet. J'aime bien bricoler pourtant, mais là ça ne me branche pas. Je ne dois pas aimer être compressé par contre j'ai souri à la lecture de vos déboires.
Bien, il est l'heure de reprendre la lecture de mon polar écossais sur fond sonore cigalien ...
4 De Tournesol - 13/08/2016, 14:14
Huit bars!z'etes gonflé.
5 De michel - 13/08/2016, 14:15
@arielle : Je vous rassure, je n'ai pas lu votre commentaire jusqu'au bout non plus.
@Tournesol : Quand je teste, je ne fais pas semblant.
6 De Sax/Cat - 13/08/2016, 15:52
@[arielle|http://blog.michel-l
oiseau.fr/?post/A-la-p%C3%AAche-au-bar#c42233] :
On dirait aussi du Claude François, tant qu'à sortir des références cul-turelles.
7 De jojo - 13/08/2016, 16:09
Dépoussiérer le PC...houlà, y'a du boulot... quoique...un Marx et sa repart !
8 De arielle - 13/08/2016, 17:52
@Sax/Cat : Miséreu, ça le fait aussi ! Rires !!!!
@michel : Voilà une attitude que je vais qualifier de saine. Oui, je suis rassurée ;-)
9 De waldo7624 - 13/08/2016, 18:20
ça mérite un sous-répertoire :
Dans la série : comment réparer quelque chose qui ne sert presque jamais, dans la perspective illusoire de s’en resservir éventuellement dans longtemps.
Cela dit, l’état des fils révèle à l’évidence une négligence coupable du manufacturier responsable de la construction de cet appareil. Le quidam étant probablement Chinois, ou vaguement cousin d’un habitant d’une région voisine, il serait légitime d’entamer une procédure en attaquant l’état Chinois, responsable de la conformité du matériel exporté vers les pays développés, disposant heureusement de matériel de réparation adapté aux aléas les plus funestes (pinces, tournevis, rustines, marteau, frappe-devant, tractopelle, etc.) afin de surmonter toutes ces embuches, tendues par les perfides disciples de Bouddha ou autres fourbes taoïstes. Matériel fourni en grande majorité également par ces derniers.
Avec un bon avocat et quelques décennies de procédure, quelqu’un d’une santé solide et avec de sérieuses références bancaires peut envisager le remboursement de l’appareil défectueux.
Disposez-vous de ces atouts pour regimber officiellement ?
Si oui, vous avez vos chances. C’est vous qui voyez…
10 De Sax/Cat - 13/08/2016, 18:58
Cela dit au bout de 10 ans dans votre garage, que j'imagine non climatisé ni hygrocontrôlé ni souricidé, l'état de l'isolant bas de gamme n'a rien de bien surprenant.
11 De michel - 13/08/2016, 19:08
@Sax/Cat : Ah oui ? Vraiment ? Dois-je comprendre que vous refaites votre installation électrique tous les dix ans ? Je ne vois pas comment une souris aurait pu passer là où se situent les fils du compresseur.
J'ai du câble électrique qui doit avoir plus de trente ans et je vous garantis que bien qu'il ne soit pas conservé en chambre blanche à la température et hydrométrie contrôlées, ils sont encore en parfait état.
12 De Sax/Cat - 13/08/2016, 20:56
@michel :
Peut-être n'est-ce pas du câble "bas de gamme"
13 De Tournesol - 13/08/2016, 22:11
Ce blog fait voyager.Dans l'excellente thèse pour le titre de docteur en physique,Mr C.Guillermin s'intéresse à l'usure des isolants gainant les fils conducteurs des appareils électriques.Il appert que : Le=K x exp {-h(E-Eo)}
Le étant la durée de vie sous champ electrique.Vous en faites ce que vous voulez mais le vieillissement de l'isolant dépend de la température à laquelle il est exposé et de l'intensité du courant qui le traverse.Si vous êtes insomniaque,bonne lecture :-)
14 De michel - 13/08/2016, 22:33
@Sax/Cat : Donc, le câble du compresseur l'est, bas de gamme.
@Tournesol : Alors d'abord, s'il arrivait qu'il fasse trop chaud chez moi et qui plus est dans le sous-sol, je le saurais. D'autre part, la durée de vie sous champ électrique dépend déjà de la durée d'exposition à ce champ électrique. Sachant que le compresseur n'est pas toujours en fonction et que sur la dizaine d'années (un peu moins d'une quinzaine on va dire) la durée d'exposition, le temps durant lequel le compresseur a été branché au secteur et durant lequel le moteur tournait doit s'estimer à quoi ? Moins d'une centaine d'heures en voyant très large.
15 De Tournesol - 14/08/2016, 00:04
Wé.D'apres ce que j'ai lu,il ne s'agit pas de la température de la pièce mais de la chaleur dégagée par l'appareil quand il fonctionne ( entre 55 et 85° d'après cette thèse ) Mais c'est pas ça qui nous empêchera de penser que les Chinois vendent du matériel bas de gamme.
En
16 De fifi - 19/08/2016, 23:03
Je comprends mieux, sous la photo 2 : " la came isole ", en fait, c'est ce qu'il vous aurait été parfaitement : la camisole. Il faut être dingue pour avoir un con presseur chez soi, et dénudé par dessus le marché.