Pierre Lemaitre est un génie. Un écrivain génial. Après "Travail soigné", son premier roman paru en 2006, je me suis plongé dans son deuxième avec "Robe de marié" datant de 2009. Comment et pourquoi ne l'ai-je pas découvert à l'époque ? Mystère. Pourquoi a-t-il fallu attendre ce prix Goncourt pour "Au revoir là-haut" ? Re-mystère. Et dire que sans ce prix et sans la couverture médiatique qui l'a accompagné, je ne connaîtrais sans doute toujours pas cet auteur qui, pour le moment, est celui que j'ai le plus envie de suivre.
Dans ce thriller diablement efficace, nous rencontrons une jeune trentenaire, Sophie, à un moment de sa vie où tout ne va pas vraiment pour le mieux. Elle est folle. Elle se bat contre sa folie à laquelle elle ne comprend rien. Elle ne se souvient de rien, Sophie. Elle oublie tout et surtout le plus grave. Elle égare des objets, rend des livres à la bibliothèque avant de les avoir lus et ceci sans en avoir le moindre souvenir, elle perd sa voiture, elle ne retrouve pas les cadeaux d'anniversaire, elle perd son travail, sa belle-mère, son mari, sa tête, sa santé. Elle est folle, elle perd pied, elle fuit, change de vie, de nom, de ville.
Le roman est découpé en parties. La première se focalise sur Sophie, meurtrière inconsciente et perturbée. Les autres parties, je ne vous en parle pas. Il vous faudra lire le roman pour savoir.
C'est facile mais voilà. Je ne peux pas éviter d'affirmer que Pierre Lemaitre est un maître. J'ai un peu honte de ne pas avoir résisté à cela mais il n'avait qu'à prendre un pseudonyme. Je n'y suis pour rien. Ce serait-il appelé Pierre Tartempion, ça serait passé comme une lettre à la poste. Ce roman est ce que l'on peut appeler un modèle du genre en matière de thriller psychologique. On entre dès les premières pages dans la tête perturbée, dans le cerveau tourmenté de cette pauvre Sophie qui a bien des malheurs. Elle oublie tout, sent qu'elle devient folle. On compatit et on tourne les pages sans pouvoir lâcher le morceau. On veut savoir où cela va la mener. On se retrouve à avoir un sentiment très mitigé sur sa personne. On la pense folle à lier, dangereuse, bonne à enfermer mais il y a un petit quelque chose qui fait que l'on est tout de même de son côté. Il faut dire qu'elle est attachante, Sophie. Vraisemblablement jolie, visiblement intelligente, elle ne semble pas pleinement responsable de ses actes. Vraiment, on est pris d'une sorte d'empathie pour cette jeune femme et on voudrait pouvoir l'aider.
L'autre personnage clé de l'histoire se prénomme Frantz. Ce n'est pas tout à fait comme Kafka mais on a peine à ne pas y penser. Il me semble impossible de parler plus avant de ce type sans trop en dévoiler sur l'histoire. Ce serait dommage de vendre la mèche. Ceci dit, je peux tout de même vous apprendre qu'il a un rôle primordial dans le roman. Avec lui, on tombe dans le sadisme le mieux étudié. En tant que lecteur, j'ai navigué continuellement dans un mélange de fascination et d'exécration à son sujet. Mais je n'en dis pas plus.
Le roman est écrit dans un style très factuel. C'est l'une des forces de Pierre Lemaitre. Il écrit ce qui est utile à l'histoire, il ne se perd pas dans l'évocation de détails sans importance. Chaque mot est pesé, présent parce que parfaitement nécessaire. C'est un style d'apparence simple, clair et précis mais il est aussi d'une intensité et d'une profondeur remarquables. Pierre Lemaitre est, à mon sens, un écrivain majeur de ces dernières années. Une fois encore, je regrette de ne le découvrir que maintenant. Sitôt ce roman terminé, j'en ai ouvert un autre. Je pense sincèrement que je n'en ai pas fini avec Pierre Lemaitre !
Robe de marié ou les malheurs de Sophie
Pierre Lemaitre, je vous en ai déjà parlé. Il y a eu le prix Goncourt qui me l'a fait rencontrer et m'a donné l'envie d'en lire plus. Hier soir, je terminais la lecture de "Robe de marié", sans faute d'orthographe.
1 De shanti - 19/04/2014, 12:54
Bon bouquin apparemment ... à prêter ?
Les coquillages nous rappelle votre escapade dans le nord ... A quand la suite imagée du périple ?
Bonne journée !
2 De Liaan - 19/04/2014, 12:59
Voilà qu'il y a un libraire indépendant à Azerat.
Pourvu qu'il ne fasse pas bouffer par "Chapître" qui renaîtrait de ses cendres.
3 De michel - 19/04/2014, 13:20
@shanti : Oui à prêter, parfaitement. Sinon, ce n'est pas un coquillage mais une pierre. Pour la suite de l'épopée nordiste, ce sera à l'occasion. Bonne journée à vous également.
@Liaan : Ah oui, tiens. Je vais ouvrir une petite librairie. Comme ça, au moins, j'ai la garantie de ne pas faire fortune. Merci de l'idée.
4 De Juliet - 19/04/2014, 13:50
Amusant cet article car j'ai commencé hier la lecture de "Au revoir là-haut". Je suis totalement sous le charme ! Comme je pense que je vais dévorer ce bouquin et qu'il y a de fortes chances pour que j'ai encore de l'appétit après, tu me donnes la suite du menu :)
5 De michel - 19/04/2014, 13:56
@Juliet : Nous disions donc un plat, fromage, dessert, un café et l'addition. Vous voulez une facture ?
6 De fifi - 21/04/2014, 21:56
@Liaan : Chat pitre ! Je connaissais le chat luthier et le chat ours, mais celui-là ...@michel : Dommage qu'il sort en format de poche, merci encore et toujours pour vos trouvailles, c'est vrai que c'est un excellent auteur, Re-merci de nous l'avoir fait découvrir, je sais, je radote, ce doit dû à l'âge !
7 De michel - 22/04/2014, 08:44
@fifi : Vous n'aimez pas les livres de poche ? Je les aime bien, moi. J'aime aussi les livres plus grands mais le livre de poche me semble plus se consacrer à l'essentiel, au texte. Ils sont moins intimidant, aussi.
8 De fifi - 22/04/2014, 22:02
@michel : Les livres, bof , je lis très rarement, par contre ma Femme lit énormément, je l'ai vue plusieurs fois avec trois bouquins au pied du lit. Elle adorent les gros livres, et, " Au Revoir Là-haut " est un format qui lui conviendra. Donc, comme elle connait mes goûts, c'est elle qui me conseille. J'ai terminé Alex hier soir, plutôt très tôt ce matin, merci, sans vous, Pierre Lemaître serait inconnu et cela aurait dommage. Alex, est très prenant, déroutant et l'intrigue n'est dévoilé qu'à la fin ... je vous laisse le plaisir de le découvrir ... je vous laisse sur votre faim.