Société civile

A ce qu'il paraît, certaines personnes souhaiteraient en finir avec les professionnels de la politique pour placer à la tête du pays une personnalité de ce qu'elles appellent la "société civile". A ce qu'il paraît, selon des sondages, les Français seraient assez nombreux pour ne pas plus vouloir de Hollande que de Sarkozy ou la Peine en 2017. A ce qu'il paraît aussi, il y aurait une bonne proportion de Français qui ne croiraient plus "aux politiques" et penseraient que ces politiques seraient trop déconnectés des attentes et problèmes des citoyens de notre pays.
A ce qu'il paraît, Hollande se pense toujours capable de convaincre des électeurs à voter pour lui aux prochaines échéances présidentielles. Valls lui-même prétend soutenir notre président et croire en sa réelection. Pour l'autre droite, il est plus difficile de comprendre qui pourrait être en mesure, par malheur, de remporter des élections, ne serait-ce déjà qu'au terme des primaires[1].
Peu à peu, l'idée du "tous pourris" gagne du terrain et il faut bien reconnaître que les politiques ne sont pas étrangers à cela. Je lis et entends que le "peuple de gauche" est déboussolé et là aussi on peut reconnaître que, même si dans le fond on n'attendait pas grand chose de Hollande hormis nous débarrasser de Sarkozy et de sa vilaine clique, il a été efficace question déception. Pour tout dire, je ne comprends pas bien comment on pourrait encore prétendre que l'équipe au pouvoir serait de gauche. Ce libéralisme dont on nous dit qu'il est la seule solution envisageable ne me satisfait pas du tout. Je ne suis pas totalement opposé à une économie de marché, je ne pense pas qu'il faille abolir la propriété privée (quoique...), je ne suis même pas férocement hostile à un certain capitalisme mais là, j'ai tout de même la très nette impression que l'on pousse le bouchon un peu trop loin et j'en arrive à penser que l'on ne pourra mettre un terme à tout ça que par un très gros coup de colère[2].
Espérer qu'une personne issue de la société civile ferait mieux qu'un politique officiel, pourquoi pas ? Mais qui ? Réellement, on est légitime à se demander si la société civile n'a pas d'ores et déjà pris le pouvoir. Après tout, on nous rabâche que ce qui est important, c'est l'économie. Et l'économie, c'est l'entreprise, c'est le MEDEF, ce sont les GAFA[3]. J'ai vraiment le sentiment que le politique n'agit plus qu'à la marge de l'économie libérale, tentant de gérer comme il le peut, là où l'économie lui laisse la liberté d'agir. Bien sûr, l'économie libérale laisse aux états tout ce qui coûte ou ne rapporte pas.
Alors qui dans la société civile ? On entend parler de Jean-Marie Cavada, de Corinne Lepage ou d'Alexandre Jardin. Je veux bien mais, au moins pour les deux premiers, nous n'avons pas là affaire à des personnes vierges de toute activité politique au sein du système politique "orthodoxe". Certains en appellent à Nicolas Hulot quand d'autres proposent Dieudonné. Alors, on nous parle d'une primaire pour désigner un candidat issu de cette société civile. Bien ! Et on fait comment ? Et qui peut se présenter à ces primaires ? Et surtout, qui pourrait avoir assez de légitimité pour espérer remporter assez de voix ? Logiquement, ça ne pourra pas être un ou une inconnu(e). On pourrait se baser sur le sondage de l'IFOP qui désigne la personnalité préférée des Français. Alors, nous pourrions avoir Jean-Jacques Goldman comme nouveau président de la République. Avec Omar Sy comme premier ministre ? Franchement, ce ne serait pas si mal. Si l'on observe ce que nous enseigne l'histoire de ce sondage, on constate que Cousteau ou l'abbé Pierre auraient eu leur chance.
Et voilà qu'un mouvement gagne la France initié par les jeunes en but contre la loi travail [4]. Les Nuits Debout sont même arrivées à Bergerac ou Périgueux ! Si je n'ai aucune sympathie pour les jeunes je suis enthousiaste pour ce mouvement ! Je n'étais pas à Périgueux, je m'en veux un peu. J'aurais pu, j'aurais dû. Bien sûr, j'aurais eu du mal à me faire passer pour un jeune mais on ne sait jamais, sur un malentendu, peut-être ? Non, j'aurais aimé en être, ce cette nuit debout périgourdine. Au moins, j'aurais su ce qui avait pu s'y dire. Là, je suis limité aux articles de Sud-Ouest et aux commentaires stupides de certains. D'après ce que je comprends de ce mouvement, il est question de discuter et de proposer mais aussi et avant tout de protester. Et la protestation, c'est très sain. On entend parfois des vieux cons (et des jeunes aussi) affirmer du haut de leur certitude qu'il ne sert à rien de dire que l'on n'est pas d'accord si l'on ne propose rien. C'est ridicule !
Je n'aime pas les jeunes mais je suis certain que la solution viendra d'eux. J'aime le fait qu'ils semblent être ceux qui vont créer une nouvelle société. Ce sont eux qui se détournent du modèle que nous connaissons, que nous avons mis en place, que nous confortons par nos habitudes. Ah ! Je les hais, ces jeunes ! Ah ! Je regrette de ne plus l'être ! Ils sont encore plus dans la merde que nous autres, les vieux, mais ils ont l'énergie pour rebondir et pour lancer un grand coup de pied dans la fourmilière. C'est peut-être utopique. Tant mieux. J'ai la très nette impression qu'ils sont capables de faire bouger nos sociétés perdues dans leurs derniers soubresauts, dans leurs ultimes tremblements issus de l'après-guerre. Je pense qu'ils ont compris, ces jeunes, que la crise c'est du pipeautage complet, que nous ne sommes pas dans une crise mais que le système s'est cassé la gueule depuis des années, depuis des décennies.
Apparemment, le film "Merci Patron !" de François Ruffin sert de base à cette révolte (révolution ?) en marche. C'est un bon film et les idées qui pourraient germer de ce film ne peuvent être que bonnes. Que les jeunes prennent le pouvoir, on peut le souhaiter. Ils sont sensibles aux questions en lien avec l'environnement, ils savent encore se montrer solidaires, ils ont des valeurs neuves, des idées qui le sont également. On pourrait les croire (ou les espérer) "de gauche" mais ce n'est plus ce qui importe. On a montrer précédemment que le clivage entre droite et gauche n'est plus d'actualité tant la frontière entre les deux est fine voire inexistante. Aujourd'hui, si je continue bêtement à me dire de gauche, je suis de plus en plus anarchiste et ai de moins en moins envie de voter pour qui que ce soit de connu. Je pense qu'il y en a plus que marre des professionnels de la politique. Il n'y a plus personne qui trouve grâce à mes yeux dans le paysage politique français, pour tout dire.
A l'image du mouvement des Indignés qui n'avait pas réussi à percer en France, ces Nuits Debout commencent par protester et par dire "non". Un bon gros "non" massif. Qu'il n'y ait pas de propositions visibles pour créer une société nouvelle n'est pas un problème à mes yeux. Elles arriveront en leur temps. D'abord, il est nécessaire de refuser, de se révolter, de protester avec virulence. Il faut bloquer la machine, il faut en arriver à la grève générale, sans doute. Une insurrection populaire de cette société civile qui ne renverserait pas vraiment le pouvoir mais l'empêcherait de nuire. Dans une vision bien utopique, on pourrait rêver qu'alors les salariés prendraient les entreprises, que les citoyens prendraient les services publics. A quoi bon avoir des gouvernements lorsque les citoyens savent se gérer eux-mêmes ? Dans le fond, la Loi pourrait se limiter à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non ? Tout ce qui est réellement important pour une vie en société s'y trouve. Si l'on y regarde bien, on constate que l'anarchie existe déjà dans un modèle de société. Internet se gère grosso modo tout seul. Il suffirait de peu pour élargir cela au monde réel.
Alors évidemment, tout n'est pas si simple. Evidemment, nous sommes bien content qu'il y ait des politiques responsables, des ministres et des équipes ministérielles qui savent prendre des décisions, qui savent gérer, qui savent agir. Bien sûr tous les patrons ne sont pas à clouer au pilori et oui, sans doute (et c'est regrettable) on a besoin de flics et même (bêrk) de militaires. Et ça me coûte d'écrire ces énormités. Sans doute mais qu'en sait-on vraiment ? Les Nuits Debout et les jeunes vont peut-être continuer à discuter et à protester et peut-être des idées jailliront de tout cela et peut-être des propositions émergeront-elles ? Si ça se trouve, on va vivre des mois passionnants.

Nuit debout

Notes

[1] primaire, voilà un mot qui convient bien aux politiques de droite !

[2] ou par une guerre ou par un truc qui fait mal

[3] Google, Amazon, Facebook et Apple

[4] je profite d'ailleurs d'avoir la parole pour dire que ça m'agace beaucoup cette habitude d'accoler deux mots de cette manière pour sembler être super efficace.

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