Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (32)

Où nous mènera cette histoire ? On ne le sait pas vraiment. Pour le moment, elle semble bloquée quelque part entre la côte bretonne et celle normande. Peut-être Liann, qui propose l'épisode de la semaine, nous éclairera un peu ? Pas si sûr.

À la station-service, ouverte 24H sur 24, on ne savait s'il faisait jour ou bien nuit, tellement la fumée disputait la lumière aux divers feux et explosions. C'était un feu d'artifice créé par un technicien en pyrotechnie un peu dingo, montrant un spectacle sons et lumières où se confondent jeux d'étincelles, jets d'aérosols de peintures de retouche et claquements secs de petites et moyenne cartouches de Camping-Gaz qui explosaient en chapelets. Des fenêtres alentours s'ouvraient.



- Encore les Anglo-Américains lançait une voix.

Une autre voix lui répond, glapissante,

- Mais que fait la L.V.F. ?

Les Cyborgs, les "Hans" rivalisent de bêtise, l'un s'empare de l'embout du gonfleur de pneu, se le met dans la bouche et met la pression maximale pour exploser, jetant d'autres étincelles qui se rajoutent aux autres. Un autre Cyborg s'aspire les poumons avec l'appareil aspirateur modifié par ses soins, qui produit une dépression colossale, et fait s'imploser son thorax. Marie Cheulet (c'est son nom), la gérante de la station s'est enfuie, entraînant son mari vers plus loin où les flammes ne pourraient pas toucher ses beaux cheveux longs et roux incendiaire, alors de là à l'accuser d'avoir mis le feu aux poudres, il n'y avait qu'un pas, pas de ça, Lisette, on fiche le camp ! Le vacarme était assourdissant entre les cris des Cyborgs délirants et les explosions soutenues. Le camion de Frédéric sentait le brûlé, et ses pneumatiques devaient avoir une pression d'environ soixante kilos par la chaleur. Colette et Frédéric décident d'un commun accord de s'enfuir eux aussi et cavalent vers le 4X4, où Pedro au volant, regardait le spectacle pyrotechnique gratuit (il venait d'Ambert, riante cité d'Auvergne, où, parait-il, les livrets de caisse d'épargne sont les plus gras de France). Laissant toute cette animation, le Land-Rover s'élance sur la route, évite soigneusement les Cyborgs noyant la chaussée de leurs gestes parfois obscènes, freinent les nombreux véhicules qui voulaient échapper à cet enfer que représente une station-service en feu, les conducteurs gavés de films catastrophe disaient que ça va péter le feu de Dieu ! De nombreux Cyborg disparaissent ce jour-là, ou cette nuit là. Une perte pour la science et peut-être pour d'autres : le personnel rêvé pour un patron peu regardant… Un Cyborg explosait par ici, un autre se faisait écraser par un poids-lourd… Une dame à la fenêtre d'un immeuble voisin, avec des regrets dans les mains, dit :

- Si c'est pas malheureux de voir de si beaux hommes disparaître ainsi !

C'est vrai qu'il était beau, le "Hans" numéro 28, bien proportionné, de fins et longs muscles annonçaient des nuits enchantées aux dames, pétant tellement de santé, qu'il explosa à côté de la pompe 3, celle du SP98, à 1,78 le litre, cela faisait pitié à voir. La pauvre dame ne savait pas que les Cyborgs étaient asexués. Au loin, le pin-pon des pompiers se faisait entendre… Le Land-Rover roulait vers l'ouest, vers Barfleur.

- B.. de M.., les perdreaux ! Un barrage ! Qu'est-ce qu'on fait ? demande Pedro. On fonce ?

- Oh ! Nous n'avons qu'un Land, ce n'est pas une R8 Gordini ! répond Francis, et nos tôles ne sont pas à l'épreuve des balles des Manhurins des Roycos…

- Prenez l'air d'oisillons qui sont dans les nids des mésanges, au printemps, dit Colette.

- On fait "cui-cui" ? demande Frédéric.

- Faites-le , et on est "cuits-cuits" !

Le barrage, ce sont les C.R.S, des gars sérieux, quoi. Le 4x4 s'approche au ralenti. Sourire contrit des occupants… Le fonctionnaire avise le véhicule, l'observe avec toute l'attention requise à la définition des pages 24 à 26 de son manuel, potassé presque chaque jour (il prépare le concours pour le 29 mai qui lui permettrait de gravir plusieurs échelons d'un seul coup), et s'approche du conducteur qui à baissé sa vitre.

- Que se passe-t-il, monsieur l'agent ? demande Pedro.

Le fonctionnaire, obtus sur cette question d'un "pékin", regarde vers l'intérieur du véhicule.

- Vous êtes quatre dans un 4x4, c'est correct !

Pédro propose au fonctionnaire de présenter ses papiers, refus du C.R.S.

- Non, non, quatre dans un 4x4, parfait !

- ...

- Oui, vous voyez l'auto devant ? précise le fonctionnaire, ils sont deux dans une Audi Quattro !

En effet, on voit le conducteur de l'Audi sortir de l'auto et s'insurger :

- Comment ça, parce que l'on est deux dans ma bagnole, vous voulez me fiche une contredanse ? Appelez-moi votre chef !

- Notre chef est occupé, vous ne le voyez pas, il contrôle trois personnes dans une Fiat Uno !

Et le fonctionnaire à côte du Land de dire à Pedro :

- Allez, vous pouvez y aller, circulez !

Pedro engage la première et embraye, laissant ce curieux barrage derrière.

- Qu'est-ce que c'étaient ces flics d'opérette ? demande Colette.

- Le principal, c'est que l'on soit passés, précise Francis, le risque, ce serait de tomber sur d'autres barrages, et je pense pas que ce soient des passoires comme celui-là... Prenons les petites routes...

Le Land-Rover s'engage sur les chemins de traverse, ne croisant que des biches ou des lapins, peinard. Une tache jaune à l'approche d'une intersection, interpelle les occupants du Land.

- La Quatrelle du facteur, reconnait Colette, Stoppe, Pedro !

Le 4x4 s'arrête près de l'épave de la brave Renault 4 Pététesque.

- Salement amochée, la guinde, dit Francis. Pas âme qui vive alentours.

Colette reconnut "sa" 4L, celle qui l'emmenait avec Hans vers Barfleur. Elle ouvre la porte arrière et dit :

- Je reconnais les sacs et ces paquets Damart et ceux de la redoutable Redoute ! Mais ? Lors du choc, tous les paquets se sont mis en vrac, et j'en vois un qui parait bougrement intéressant : un paquet destiné à Mme Labornez Gaëlle, à Pont-Aven ! Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Rajoute Colette en se saisissant du paquet de carton… Je l'ouvre !

Francis fut le plus rapide, il attrapa le paquet que tenait Colette et le lança vers le champ voisin, une déflagration fendit l'air calme du coin, le paquet venait d'exploser !

- C'était un "cadeau" de Monsieur Lafleur pour Gaëlle Labornez, précise Francis.

- Ben, mon cochon ! conclut Colette.

Un gémissement soudain, après l'écho de l'explosion qui résonne. Frédéric enjambe le fossé, et lance à ses acolytes :

- Mais ? C'est Gérard Moyeux... ton con-joint, Colette !

Colette, Francis s'approchent, suivi de Pedro qui a porté sa main droite comme pour prendre son portefeuille, et voient un Gérard, du sang séché sur le front, ouvrant grand ses yeux, et ne disant mot, étant bailloné par du sparadrap.

Pedro lance :

- Cela sent le piège !

- Quel piège ? rassure Colette, Il n'y a pas plus de piège que d'intelligence dans le crâne de ce mec, le Gérard, dire que c'est mon mari ! Cet homme là, ce saucisson avarié ! J'en ai fait des couènneries dans ma chienne de vie, mais me marier avec ce débri, j'aurais mieux fait de me casser une patte... (C'était bien pour me rapprocher de la Fabrique, pensa-t-elle).

- Bon qu'en fait-on de Gérard, on le laisse là ? interroge Frédéric, on le laisse aux corneilles ?

- Ce serait le mieux pour lui, mais avec toute la poulaille qui tourne dans le coin, mieux vaut l'embarquer, précise Colette. Et le Gérard Moyeux, l'éternel perdant, se retrouve placé dans le coffre du Land-Rover, toujours attaché et bailloné, et le 4x4 s'éloigne de l'épave de la pauvre voiture administrative, restée au bon vouloir des autorités du coin, ce qui fera que, peut-être un jour, seront distribués les colis de Damart et des autres. Vous autres, lecteurs, n'accusez pas votre facteur lorsque vous attendez un colis, il y a peut-être de "La Fabrique" la-dessous.

- Nous voici à cinq dans un 4x4, philosophe Pedro, faudrait pas que l'on tombe sur un flic aussi pointilleux que tantôt !

Le Land-Rover ne tarde pas à être en vue de la "Villa La Falaise", la maison de L'oncle Etzelle, où étaient nos braves compagnons qui s'étaient éclipsés peu de temps auparavant. Le Land stoppe. Colette descend et trouve la porte d'entrée défoncée, en vrac, causé, sans doute, par cette moto qui git en travers de la pièce principale.

- Y'a personne, juge Frédéric qui s'est approché.

Francis et Pedro étaient parti à la recherche d'informations auprès de la maison voisine, la villa "La Baie", prouvant l'originalité des gens du coin pour le baptême de leurs demeures, que des noms marins, sauf peut-être le "Sam-Suffit", belle bâtisse situé à trois cents mètres et voisine de la villa "Do-mi-si-la-do-ré" du musicien local. Francis et Pedro, revenu de leur pêche aux renseignements expliquent :

- La maison est louée par une Dame Etzelle, qui habite Douvres !

- Douvres ! Nom d'une pipe, chez les Angliches ! dit Frédéric.

- Non, Douvres-la-Délivrance, à mi-chemin de Caen et de la mer, enfin la Manche ! précise Francis.

- À mon avis, nos oiseaux sont là-bas, ils ont dû partir précipitamment. Y'aurait du Patron la-dessous, que cela ne m'étonnerait pas ! dit Colette.

- Mais ? Comment les retrouver, les reconnaître ? demande Frédéric.

- L'ambulance ! La voisine m'a indiqué qu'en plus de la voiture à Columbo, y'avait une ambulance, précise Francis.

- Alors, en route pour Douvres ! Lance Colette?

- Et il n'y aura pas le "channel" à traverser ! Conclut Frédéric.

Et le Land-Rover part vers l'est, en direction de Caen.

Dans la villa normande de Douvres-la-Délivrance, l'ambulance était arrivée, et c'était comme des retrouvailles, avec en plus, un nouveau compagnon : Arthur, le facteur de Gaëlle.

Roland déclare :

- Sur le tableau, je trouve que dalle !

- En parlant de dalle, dit Arthur, j'ai une faim de loup, vous n'auriez rien à becqueter ?

Oh, pis j'y pense, avec toutes ces aventures, j'ai oublié de vous dire que j'avais un colis pour vous, Mâame Labornez !

- Un colis ? demande Gaëlle, qui peut m'expédier un colis ?

Le gars Arthur laisse cette pauvre Gaëlle dans ses questions en voyant Tante Etzelle proposer un sandwichs saucisson sec et cornichons, avec du bon beurre salé.

- Un tableau, une devinette ? demanda entre deux bouchées le facteur Arthur. Je suis fort en énigme, racontez moi tout ça !

Toute la compagnie explique en long et en large de quoi il s'agit...

- Fachtophe, tchomp, fastoche, je voulais dire, votre truc ! conclut Arthur.

Regard d'envie de tous nos compagnons, racontez-nous semble demander les cinq paires d'yeux. Arthur continue :

- Notez bien la première lettre des mots que je vais citer, la première...

Arthur prend le tableau et observe :

- Peinture… Originale, Naturellement en Toile...

Il retourne le tableau et continue :

- Avec au Verso, un Encadrement en Noyer... Et oui, contrairement à de nombreux châssis de tableau, la plupart sont en pin, celui-ci est en noyer ! Ce qui nous donne...

- Pont-Aven ! dirent d'une seule voix nos compagnons, un peu déçus.

- Arthur, vous n'êtes pas sérieux, dit Tante Etzelle, vous nous avez raconté cela pour pouvoir rentrer à Pont-Aven !

- Et alors, c'est tout naturel que de vouloir revenir chez moi, vous trouvez cela marrant de me retrouver avec une nénette avec un flingue long comme ça, qui vous entraîne avec un robot ?

- Une nénette ? Colette !

- Colette est sur nos traces, on fiche le camp ! déclare Roland.

- Pour aller où ? demande Gaëlle.

- Pourquoi ne pas revenir à Pont-Aven, on ramènera ce brave Arthur.

- D'accord, puisque la Colette en a après nous, mais, on emmène le tableau ! résuma Tante Etzelle.

Et nos compagnons de reprendre la route.

Les services de la Gendarmerie étaient retournés à "la" maison Labornez pour complément d'enquête. Le foudre s'avéra bien creux et menait non pas à un escalier, mais dans une pièce où était installé un réseau de train-jouet électrique des années 1940/1950.

- Du Hornby, déclara un expert gendarme amateur de trains-jouets au 1/43ème.

- Délire de nos deux brigadiers, conclut le Commandant de la Gendarmerie, présent sur les lieux, nos deux brigadiers, intoxiqués par le mélange calvados-LSD, les voilà partis à voyager sur "leur train électrique de mine" !

Pour parfaire ses dires, l'officier remarque à un bout du réseau, une amorce de port avec sa capitainerie, et une embarcation en cuivre !

Derrière le mur de la cave, deux personnages devisaient :

- voilà, opération camouflage réussie. Maintenant, l'opération "reconstruction de la maison Labornez". Cette maison en ruine nous apporte vraiment trop de curieux...

Et nos compagnons de vouloir reprendre la route, ce n'est plus une aventure, c'est un « road-movie » ! Alice tiendrait le volant de l'ambulance, et Robert, n'ayant plus mal aux poignets (encore un mystère ! Vous avez remarqué comme tous les blessés guérissent aussi rapidement ?) avait insisté, lui, le passionné de voitures anciennes, de conduire la 403 Peugeot, cabriolet, s'il vous plait, que Tante Etzelle convaincue que ces « damnés jeunes » étaient « chauds » lui laissa le volant. Que c'était marrant, dit Roland, Tante Etzelle m'a amené ici avec un cabriolet 404 et, que voici une 403 ! Y'a de drôle de trucs qui se passent dans le coin... C'est comme la météo, de la brume, un temps incertain, nos montres se sont arrêtés, et que j'ai perdu toute notion du temps qui passe ? Tout cela est bien curieux...



Le voyage de nos compagnons fut bizarre : à peine sortis de l'allée de la villa normande des Etzelle, ils tombèrent sur un 4x4 Land-Rover dont les occupants avaient autant d'activité que des personnages de cire du Musée Grévin de Paris : ils étaient bouche bée, et l'on sentait qu'ils auraient voulu bouger, mais impossible. Alice, au volant de l'ambulance, ainsi que Robert, épanoui de pouvoir enfin conduire un cabriolet 403, comme celui de Columbo, n'insistèrent pas sur la présence du 4x4 avec à son bord, la Colette Moyeux, qu'ils avaient reconnue ! Le temps, les kilomètres, toutes ces notions semblaient avoir disparu de leurs connaissances, ils se retrouvèrent rapidement à Pont-Aven, face à la maison des Labornez, Gaëlle et Yannick, maison intacte ! À leur grande surprise !

Ils descendent de leurs voitures et observent : seule une Mercedes noire, garée non loin, leur permettait de voir qu'ils n'avaient pas rêvé ! La maison intacte !

À la fabrique, Lafleur sirotait son quatorzième cocktail, et commençait à être pompette.

Un commentaire à ajouter ?

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page