Un Peugeot qui n'ira pas plus loin

Retour aux vieilleries. Ce matin, je cherchais une photo un peu ancienne, faite il y a bien trois ans. J'ai plongé dans les archives et l'ai retrouvée. Alors, j'ai été happé par cette envie soudaine et parfaitement ridicule de regarder tout un tas de ces vieilles photographies et ça m'a amené à une réflexion qui ne me plaît pas des masses, pour tout vous dire.
À l'évidence, j'avais plus d'idées il y a trois ans qu'aujourd'hui. Plus d'idées, plus d'imagination. C'est un coup à vous ruiner le moral, une constatation pareille. Je me suis demandé pourquoi les idées semblaient apparaître plus facilement, presque à mon insu. Évidemment, j'ai vieilli. Ça peut constituer un début d'explication. J'ai vieilli, le cerveau marche moins bien, est moins vif, c'est comme ça, on n'y peut rien. Que l'on n'y puisse rien changer, c'est un fait mais ça n'empêche pas que c'est rageant. Et inquiétant aussi ! Si je peux constater la décrépitude sur seulement trois années, ça n'augure rien pour les temps à venir. Je suppose que le cerveau se dégrade de plus en plus vite. Si ça se trouve, dès 2017 je ne serai plus capable de faire quoi que ce soit. J'en suis tout abattu. Chienne de vie de merde.
Si encore je notais une stagnation, bon, je me ferais une raison. Ce ne serait pas réjouissant mais, au moins, j'aurais l'idée que je pourrais toujours produire à qualité égale pour les années prochaines. Mais non. Il s'agit de régression. Je suis presque nostalgique de ces temps aujourd'hui lointains où tout me semblait possible. Je dessinais mal, j'étais un piètre photographe, je ne comprenais pas grand chose des questions informatiques mais j'avais comme une faim d'apprendre et, surtout, une capacité d'apprentissage qui me fait tellement défaut aujourd'hui. C'est bien triste.
Toutefois, en regardant ces anciennes photographies je me suis aperçu que je pouvais aujourd'hui faire mieux pour leur traitement. C'est tout l'intérêt de conserver les fichiers bruts issus de l'appareil photo. Vous pouvez toujours revenir dessus pour refaire un "développement" numérique. Je me suis pris au jeu et choisis de m'attaquer à quelques images. Je me suis dit que, peut-être, je m'intéresse plus à l'aspect technique qu'autrefois. En fait, c'est peut-être aussi que j'arrive encore à apprendre. Les logiciels évoluent, j'essaie de les utiliser, il me semble normal — et donc pas inquiétant — que je parvienne à obtenir des résultats aujourd'hui que je ne parvenais pas à avoir hier. C'est donc une mauvaise piste.
La technique, c'est un truc chiant pour quelqu'un comme moi qui suis à peu près autodidacte en tout. Il y a tout un tas de trucs que je pressens mais comme je n'ai pas le savoir il faut que j'essaie de réinventer en expérimentant. C'est une perte de temps et, souvent, je dois me contenter de ce que j'ai pu tenter de comprendre d'une technique possible. Je pense que c'est aussi un frein à l'évolution. À tourner en rond autour d'un problème et à se satisfaire du moins pire, on n'a plus le cœur à créer.
Enfin bon, je ne suis pas un artiste non plus, hein ! Je sais bien qu'il y a plein d'artistes qui ont créé une œuvre en se contre-balançant de la technique. Je n'ai pas l'esprit assez bien tourné pour qu'il en sorte des trésors d'imagination. Mon ambition est de produire honnêtement des choses acceptables. J'aurais aimé pouvoir me créer un style au lieu de naviguer entre les styles des autres qui m'influencent et à qui je pique ceci ou cela. Souvent, on fait comme on peut et ce n'est déjà pas si mal. C'est toujours mieux que ne rien faire du tout, à mon avis.
Bref. Ça sert à rien de se lamenter sur mon malheur bien ridicule. Il est bien préférable de se réjouir de pouvoir encore s'amuser à perdre un peu de temps à triturer des curseurs, des courbes, des boutons dans des logiciels, à pouvoir presser un déclencheur et à tourner des bagues sur un appareil photo, à s'amuser avec une bête feuille de papier et un vulgaire porte-mine ou un pinceau trempé dans de l'encre. Passer une bonne heure à pester parce que ça ne va pas comme je veux sur un dessin et, finalement, m'apercevoir que je suis arrivé à quelque chose qui m'amuse, c'est une belle récompense. Des fois, ça ne fonctionne pas et c'est la vie. Pareil pour la photo. Un moment, j'ai tenté d'appliquer une méthode plébiscitée par bien des photographes amateurs ou professionnels. J'ai jamais rien pigé au truc et, du coup, j'ai foiré pas mal d'images à vouloir trop bien faire. Aujourd'hui, je suis revenu à une approche plus approximative et je ne m'en porte pas plus mal. J'essaie de faire au mieux à mon idée. Il faut oser oser de temps à autres.
Le vrai truc qui me fait défaut et que j'aimerais développer, c'est le sens de l'imagination. Pour moi, l'imagination est vraiment un sens au même titre que les autres. Pas très souvent, j'ai une idée qui me traverse. Là, ça peut être jouissif. Surtout si je sais quoi en faire, comment la mettre en dessin ou en photo ou en texte. Il m'arrive de la noter pour plus tard et il m'arrive que plus tard j'en fasse effectivement quelque chose. Je suis persuadé que l'imagination peut se travailler mais j'ai aussi conscience que nous n'avons pas tous la même faculté à imaginer. Moi, il me faut du temps. Je suis un lent. Il faut que l'idée s'incruste quelque part dans le cerveau et qu'elle fasse sa vie. Je n'ai pas un esprit fulgurant du tout et, après tout, il faut faire avec. La photographie ne laisse qu'une place assez limitée à l'imagination une fois qu'elle est faite. Pour réussir une bonne photo, il faut avoir l'esprit un peu rapide. Pas pour tous les styles. Un photographe paysagiste doit savoir imaginer ce que sera le paysage à telle heure de la journée avec telle lumière. C'est un esprit patient, contemplatif, dont il a besoin. Un photographe de rue, lui, aura besoin d'un esprit ouvert et à l'écoute de tous les instants. Il lui faudra imaginer en un moment ce qu'il va se passer. Il peut provoquer un peu, bien sûr, mais il lui faut une imagination instinctive. J'ai eu le plaisir de rencontrer de très bons photographes et j'ai remarqué qu'ils étaient incapables d'expliquer leur démarche. Tout est comme s'ils voyaient la photo avant de déclencher.
Chez les dessinateurs, ceux que je préfère sont ceux qui n'ont visiblement pas qu'une maîtrise de la technique. Je lis un peu de bandes dessinées et les auteurs qui m'ennuient sont invariablement ceux qui dessinent bien (ou pas) mais qui s'arrêtent à la technique, qui n'ont pas grand chose à dire ou qui ne savent pas comment le dire. Je pense à l'instant à Folon qui est un dessinateur qui a été encensé et qui m'a toujours laissé très froid. Je n'ai jamais rien compris à ce qu'il cherchait à dire et je n'ai jamais aimé non plus son dessin. Pour ma part, j'ai eu l'idée de ne rien avoir à dire de spécial et de le retranscrire au mieux dans mes dessins. C'est pas bien glorieux.
Et donc, en regardant les photos un peu anciennes conservées sur un bien brave disque dur, j'ai eu l'idée d'en retraiter quelques unes dont celle d'un vieux fourgon Peugeot D4A qui finissait ses jours dans une casse en 2013. J'ignore s'il existe encore. Je n'ai jamais aimé ces fourgons. A l'époque où il s'en trouvait encore couramment en circulation, je leur préférais les HY Citroën et, bien sûr, les Renault Goélette ou apparentés. Je n'ai jamais aimé non plus l'Estafette Renault et, curieusement, ne suis jamais parvenu à considérer le Kombi VoksWagen comme un utilitaire. Trop sympathique et rigolo, sans doute.

Peugeot D4A

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