Vers l'interdiction des véhicules anciens dans Paris

Peinard, je descends de la gare du Nord vers celle d'Austerlitz à pinces. Ça va, j'ai tout mon temps, le train ne partira pas avant tard dans la soirée. Plutôt que de tracer en ligne droite, je flâne en évitant les grands axes. C'est plus calme, il y a moins de circulation. L'appareil photo pendu autour du cou, j'avise une 4cv garée entre deux voitures plus récentes. Parce qu'il n'est plus si courant de voir ces petites voitures populaires autre part que dans des expositions ou manifestations de véhicules anciens, je fais une photo avant de continuer mon chemin.

4cv dans les rues de Paris
Je passe à proximité de Richard Lenoir et bifurque pour gagner Bastille. Je croise des filles et des gars qui courent, en sueur. Je ne comprendrai jamais ce que l'on peut trouver comme plaisir à faire du sport. Au détour d'un jardin public, je fais peur à une dame bien mise, légèrement bourgeoise. Elle me jette un regard craintif, elle accélère son pas et serrant son sac à main. Ça m'amuse et j'accélère un peu aussi. Notre marche à pas forcé s'arrête lorsque la dame décide de virer à droite. Je vais tout droit. Elle n'aura pas été victime d'une agression dont auraient parlé les journaux, elle l'a échappé belle. Bon, d'accord, j'ai un blouson en cuir noir et les cheveux longs mais tout de même ! Depuis quand les voyous avancent-ils avec un appareil photo autour du cou ? Il y a des personnes flippées dans notre monde.
Après la place de la Bastille en allant vers Austerlitz, mon oreille est attirée par le son d'un moteur différent de ceux dont on a désormais l'habitude. Je tourne la tête pour voir une petite Autobianchi Eden Roc arriver. Au volant, une jolie jeune femme. Elle se gare. Je la félicite pour son automobile et lui demande si je peux faire une photo. Il fait presque nuit, à présent. Je monte la sensibilité, me cale au 1/15e de seconde et presse le déclencheur. J'ai encore la main sûre, la photo n'est pas trop floue !

Autobianchi Eden Roc dans Paris

Certaines personnes pestent contre la décision de la Mairie de Paris d'interdire les véhicules anciens de circulation dans la capitale. On parle des automobiles d'avant 1997 et des motocyclettes d'avant 1999. Nier le problème de pollution à Paris, ce n'est pas raisonnable. Interdire à certains véhicules de rouler l'est-il plus ? Déjà, on ne peut pas mettre de côté le fait que certaines personnes qui roulent en voiture ou moto "ancienne" peuvent le faire parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers de faire autrement. Ces personnes peuvent avoir un besoin réel de leur véhicule. Certains avancent que cette réglementation institue une inégalité entre citoyens. Certains qui auraient les moyens de disposer d'un véhicule relativement récent et les autres. Bon. Déjà, on peut mettre de côté le cas des personnes qui circulent avec les deux automobiles présentées ici. Nous sommes là en présence de véhicules de collection et même si on peut imaginer qu'elles circulent quotidiennement, je suppose que leur propriétaire n'ont pas choisi de rouler avec faute de moyens financiers. Alors oui, on peut être choquer de ne plus avoir la liberté de rouler comme bon nous semble. Peut-être. La liberté de certains contre la santé de tous ? C'est l'argument premier mis en avant par la Mairie de Paris.
Avec cette interdiction, on s'expose à une amende si l'on s'aventure à l'assaut de la capitale au guidon d'une bécane à laquelle on tient et que l'on entretient avec soin ou au volant d'une voiture que l'on a choisi de faire durer et à laquelle on est attaché. Lorsque l'on sait ce que cela coûte de ranger un véhicule dans un garage privé sur Paris, on se dit qu'il va y avoir affluence de ventes. Mais d'un autre côté, on peut aussi se demander combien de personnes sont vraiment attachées à leur véhicule un peu ancien. La Mairie de Paris parle de compensations et de réductions. Ainsi, on pourrait voyager en transports en commun pour moins cher ou utiliser les véhicules locatifs à moindre coût. Lors des diverses opérations de reprises de voitures anciennes (balladurettes, juppettes...), les casses auto étaient pleines de bagnoles qui auraient fait mon bonheur. Je me souviens ainsi d'un petit fourgon qui m'aurait beaucoup intéressé mais qui n'avait plus ses papiers. On peut penser que certaines de ces personnes verront comme une aubaine le fait de pouvoir acheter un véhicule plus récent que celui qu'elles utilisent à ce jour.
Les véhicules les plus anciens pollueraient plus que les véhicules récents. On peut se dire que quelqu'un qui roulerait actuellement avec une Twingo du début des années 90 ne polluera pas moins en achetant un Hummer flambant neuf. C'est caricatural et marginal mais le cas peut se présenter plus ou moins sous cette forme. Eveiller les consciences n'est sans doute pas facile. Si la maire de Paris avait appelé au bon sens des automobilistes et motocyclettistes, il n'est pas sûr que ça aurait fonctionné. Bientôt, je ne pourrai plus aller à Paris avec ma saloperie de 405 Diesel qui consomme raisonnablement peu alors que je pourrai m'y rendre avec la Ford qui consomme nettement plus. Dans le même temps, je peux me rendre à Paris en train et utiliser mes pieds ou les transports en commun. Circuler dans Paris par plaisir, voilà une idée qui me paraît bien étrange désormais.
Le cas des véhicules de collection est un cas bien à part. Qu'il faille préserver certains véhicules au titre d'un prétendu patrimoine, ça peut déjà se discuter. Je ne dis pas qu'il faudrait conduire à la presse les Bugatti Royale du musée Schlumpf et je ne dis pas plus que ça me ferait plaisir de voir être compressées une Terrot ou une Ducati mais il y a, à mon avis, une marge entre le vrai véhicule de collection et la bagnole ou moto "collectionnée". L'avenir me donnera sans doute tort. Aujourd'hui, je trouve bizarre et étrange de voir une Citroën GS ou BX dans une exposition de véhicule ancien. Ce que je pense, c'est que les véhicules qui méritent à être préservés sont ceux qui ont marqué les esprits. Une Traction Avant est plus intéressante qu'une 203, une 2cv plus intéressante qu'une 4L. C'est très subjectif et très personnel, c'est certain. La vraie question est de savoir si un véhicule "de collection" a pour vocation de servir de véhicule habituel.
La décision de Anne Hidalgo vise à limiter la pollution et donc d'améliorer la condition de vie des Parisiens. Existe-t-il un autre moyen d'agir ? Et ces mesures auront-elles un effet ? Ça, c'est la vrai question. Je suppose que l'on a réfléchit et qu'il ne s'agit pas seulement d'une décision de principe dictée par une haine du véhicule particulier. Je l'espère, du moins. La pollution dans Paris n'est pas une simple vue de l'esprit. La limiter est sans doute indispensable. Quelles solutions peuvent s'offrir aux décisionnaires hormis celles qui peuvent sembler attentatoires à la liberté de certains. Et que proposent celles et ceux qui sont contre l'idée de la maire de Paris ?

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