Cinq jours à perdre

Douglas Kennedy est un écrivain que je connais mal. Je n'ai lu que deux livres de lui. Celui dont je vais vous parler aujourd'hui et "L'homme qui voulait vivre sa vie" qui m'avait été offert par une ancienne amie en guise, en quelque sorte, de cadeau de rupture. Après ces deux romans, je pense pouvoir dire aujourd'hui que Douglas Kennedy n'est pas un écrivain que j'apprécie.

Je vous raconte une histoire. C'est l'histoire d'un mec qui est plombier dans une petite ville de province et qui va au salon international des tubes et raccords à la capitale. Il a réservé une chambre dans un petit hôtel miteux de banlieue où il est abordé par une femme qui est descendue au même hôtel. Au départ, elle ne lui plaît pas parce qu'elle est fromagère et qu'elle sent fort le fromage qui pue. Mais voilà qu'elle lui lance une bonne vanne et qu'il se dit que la gonzesse, elle a de l'humour. Ce n'est pas pour lui déplaire vu que sa régulière, de l'humour elle n'en a pas vraiment à revendre, toute dépressive qu'elle est depuis qu'elle a perdu son boulot d'hôtesse de caisse au Shopi. Depuis, c'est fini la gaudriole, plus question de même penser à la fièvre du samedi soir. Il doit faire ceinture, Roger. Oui, il s'appelle Roger. Pourquoi pas ? C'est un beau prénom pour un plombier, Roger, non ?
Donc, bref, malgré l'odeur de Fabienne (la fromagère s'appelle Fabienne), Roger se dit que ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre une femme pas farouche qui a de l'humour. Mais voilà que Fabienne se risque à une blague avec des morceaux de plombier polonais dedans et ça brusque Roger qui se renfrogne. Roger prend sa carte et monte dans sa chambre.
Le lendemain, Roger croise Fabienne sur un stand du salon international des tubes et raccords. La nuit a passé et a adouci son courroux. Il dit bonjour à Fabienne et lui propose d'aller boire une bière à la buvette la plus proche. Fabienne accepte. Après la quinzième bière, Roger se risque à suggérer qu'avec une bonne douche, une bonne rasade d'eau de cologne et un peu de déodorant, Fabienne n'aurait plus à souffrir de sa mauvaise odeur et que cela l'aiderait beaucoup dans les rapports humains. Elle lui explique qu'elle a peur de l'eau et qu'elle n'a pas l'habitude de fréquenter les boutiques où l'on vend du parfum. Roger la convainc d'essayer tout de même et lui assure que l'on peut trouver du sent-bon dans les supermarchés les plus ordinaires. A force de persuasion, Fabienne se laisse faire et, le jour suivant, toute pimpante, elle retrouve Roger qui a le nez ravi par le changement. Quelque chose est en train de naître entre Roger et Fabienne.
Roger propose la botte à Fabienne qui accepte. Ils se retrouvent dans la chambre d'hôtel de Roger et connaissent une nuit d'amour des plus torrides. Les voilà qu'ils tirent des plans sur la comète. Roger va quitter sa femme acariâtre ; Fabienne va divorcer de son mari ennuyeux. Ensemble, ils vont ouvrir une fromagerie-plomberie, ils vont vivre heureux dans l'amour et dans le stupre. Ce qui est dit est dit et ils commencent à se renseigner sur un local commercial qu'ils ont en vue.
Et là, patatras, alors qu'il ne s'y attendait pas, voilà que Fabienne lui fait faux bond et qu'elle disparaît en laissant un flacon d'eau de toilette, un morceau de savon presque neuf et un petit mot dans lequel elle explique qu'elle ne peut pas faire ça à son homme et qu'elle est désolée mais que c'est comme ça mais que c'est irrévocable.
Dépité et la queue basse, Roger revient auprès de son épouse dépressive mais quelque chose est cassé et il le sait. Il réfléchit un peu, pèse le pour et le contre, et finit par demander le divorce. Il s'en va avec ses clés à molettes et ses lampes à souder s'établir dans le village d'à-côté et il oublie Fabienne. Quelque temps plus tard, par le plus grand des hasards, Roger croise de nouveau Fabienne. Ils se reconnaissent, ils se parlent un peu, Fabienne tente d'expliquer son attitude mais Roger lui rétorque que tout ça, c'est de l'histoire ancienne. En fait, Roger a décidé d'avancer, de ne plus regarder en arrière, de vivre sa vie et de ne plus se laisser emmerder par les gonzesses. Il est heureux comme il y a longtemps qu'il ne l'avait pas été. Ses affaires marchent bien, il s'éclate à changer des joints et des robinets et basta.

Voilà, l'histoire est terminée. Pas mal, hein ?

Et bien figurez-vous qu'à quelques détails près, c'est l'histoire que nous raconte Douglas Kennedy dans son dernier roman, "Cinq jours". Je ne pense pas qu'il est nécessaire de dire que je n'ai pas aimé ce livre. Il m'a été conseillé par une jeune femme que je connais un peu et en qui je fais habituellement confiance. Deux romans du même auteur, deux bouquins que je n'ai pas aimés. Je pense que je ne persisterai pas.
Dans le roman, une femme d'une quarantaine d'années, malheureuse dans son couple, mère de deux enfants et opératrice de radiographie dans une petite ville de province du Maine se rend à un congrès d'imagerie médicale. A l'hôtel où elle est descendue, elle croise un homme d'allure moins que neutre qui se révèle instruit et passionné de littérature. Ces deux êtres tombent amoureux l'un de l'autre. Mais voilà que l'homme prend peur à l'heure de tout quitter pour vivre une nouvelle vie avec cette femme qu'il aime. La femme est anéantie et triste, elle revient auprès de son mari dépressif qu'elle finit par quitter. Elle divorce, déménage, change d'employeur et on comprend qu'elle a changé, qu'elle a appris à vivre pour elle. Elle a avancé dans sa vie.

Cinq jours - Douglas Kennedy
Dans le fond, pourquoi pas ? Au départ et pendant assez longtemps, on peut penser, vu le titre, que le livre va se dérouler durant cinq jours. En fait, non puisqu'il se termine plusieurs mois après le premier jour. L'idée de raconter la naissance de l'amour entre deux personnes en apparence si différentes l'une de l'autre peut être intéressante. Elle n'est pas novatrice, c'est sûr, mais on peut trouver une nouvelle façon de raconter cette histoire. Je ne suis pas contre. Décrire les états d'âme d'une brochette de personnages habitant le Maine, ça peut nourrir un roman. Alors que se passe-t-il pour que, à mon avis, ce roman soit un tel foirage ? Je ne sais pas bien.
Certes, je ne suis pas particulièrement attiré par les belles et tristes histoires d'amour. En fait, ce roman me fait penser au film "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood. C'est du mélo avec des beaux sentiments et une fin triste. Je ne suis pas un grand fan de ce film. Ce que je pense, c'est que l'histoire de Douglas Kennedy tient avec des grosses ficelles. C'est caricatural, c'est facile. Les personnages principaux sont de classe moyenne mais ils peuvent décider comme ça, d'un claquement de doigts, de bouleverser leur vie, d'acheter un logement, de changer d'employeur. C'est trop facile comme ce rebondissement au moment où l'homme s'enfuit en laissant un mot d'explication qui n'explique rien sinon qu'il part, qu'il a peur. Une histoire trop simple et, selon moi, peu crédible.
J'ai eu beaucoup de mal à aller jusqu'au bout de ce roman. Plusieurs fois, j'ai eu envie d'abandonner. J'avais l'impression de lire du remplissage. Il y a des mots, des phrases, des paragraphes, des chapitres, qui, une fois ôtés, ne gênent rien à la compréhension de cette mince histoire. Peut-être suis-je passé totalement à côté du livre. Peut-être justement l'art de Kennedy est-il de réussir à décrire à la perfection les états d'âme des représentants de la classe moyenne américaine. Peut-être.
Signe que je me suis ennuyé au possible à la lecture, je me suis mis à porter une attention accrue aux fautes typographiques qui émaillent ce bouquin. Quelle catastrophe ! Je ne sais pas ce qu'il se passe chez Belfond, l'éditeur, mais ça sent les restrictions budgétaires. A mon avis, ils ont viré tous les relecteurs. Ce n'est pas possible de laisser passer autant de fautes. Je me suis demandé si l'on ne pouvait pas mettre ça au compte de la crise du livre dont on nous parle et du développement des livres électroniques. Enfin j'en sais rien mais c'est vraiment du travail d'éditeur pourri.
La lecture de l'autre roman de Douglas Kennedy m'avait un peu ennuyé. J'avais comme l'impression que l'auteur utilisait des méthodes d'écrivain, des recettes. De fait, il n'y a pas vraiment de place pour la surprise. Tout semble tellement prévisible que c'en est lassant. Et puis, surtout, il n'y a vraiment aucune place faite à l'humour. Je concède que le thème n'y invite pas réellement mais tout de même, ça ne fait pas de mal de glisser un peu de moments de rire ou de sourire dans un texte, à mon avis. Là, on a un texte ennuyeux, poussif, laborieux que j'invite sincèrement à lire et à découvrir !

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