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jeudi 1 mai 2014

Trilogie Verhoeven

Pierre Lemaitre, suite et fin. Je viens de terminer la lecture du dernier roman de la trilogie Verhoeven. Une trilogie qu'il me plairait voir se transformer, au moins, en tétralogie.

Comme je l'ai précédemment expliqué ici même, j'ai découvert Pierre Lemaitre avec "Au revoir là-haut". J'ai tellement aimé ce Goncourt 2013 que je me suis mis en tête de lire l'intégralité (ou presque) de l'œuvre de l'auteur. Tâche d'autant moins insurmontable que l'œuvre n'est pas pléthorique. En tout et pour tout, elle peut se résumer à cinq thrillers et au Goncourt. A cela, selon wikipedia, on peut trouver un roman qui aurait été d'abord publié sous forme numérique et qui serait désormais édité sous une forme plus claissique. Celui-ci, je ne l'ai pas trouvé et ne l'ai donc pas lu.
Nous avons donc "Robe de marié", "Cadres noirs" et la trilogie Verhoeven dont je vous ai déjà entretenu avec le premier roman de la série, "Travail soigné". Cinq romans que j'ai avalés avec gourmandise. Pierre Lemaitre parvient à construire des histoires prenantes et angoissantes mais surtout extraordinairement efficaces, superbement bien construites et magnifiquement bien écrites. En fait, mais vous l'aurez sans doute compris, je suis devenu à une vitesse record un inconditionnel de Pierre Lemaitre.

La trilogie Verhoeven

Nous rencontrons le commandant Verhoeven dans "Travail soigné". Il est policier à la brigade criminelle. Sa taille ne va pas lui permettre de jouer les gros bras. On le comprend vite. Donc, ce sera avec la tête qu'il résoudra les affaires auxquelles il va être confronté. Et justement, dès le premier épisode, des affaires, il en a plein les bras. Il faut dire qu'il y a un serial killer qui s'est mis en tête de tuer des femmes en s'inspirant de romans du style thriller d'auteurs qui font référence dans le domaine. Une idée qui peut paraître bien saugrenue mais qui va avoir des conséquences importantes sur la vie du commandant Verhoeven. Je n'explique pas l'histoire parce que je présume que vous ne tarderez pas à vouloir la découvrir par vous même si ce n'est pas déjà fait.

Avec "Alex", deuxième épisode de la trilogie, nous sommes en présence d'une jeune femme, Alex. La construction du roman est remarquable. Dans la première partie, Alex est clairement présentée comme une victime. Elle est enlevée puis séquestrée dans une cage de taille réduite pendue au plafond. Si Pierre Lemaitre suggère que ces cages rappellent les "fillettes" de Louis le onzième, il semble que ce ne soit pas une vérité puisque ces "fillettes" seraient plus probablement un ensemble de lourdes chaînes lestées de masses de fer dont on recouvrait certains prisonniers. Mais passons.
Dans la deuxième partie, après que Alex ait réussi à s'extraire de sa prison inconfortable, elle se découvre sous un autre jour puisque nous la suivons dans ses pérégrinations durant lesquelles elle fait passer de vie à trépas tout un tas de personnes en usant de méthodes peu charitables et, n'ayons pas peur des mots, carrément cruelles. De victime, elle apparaît donc comme coupable et le lecteur ne sait plus vraiment que penser de cette femme jeune et visiblement jolie. La troisième et dernière partie offre un éclairage sur la situation réelle et permet de comprendre l'incroyable esprit de vengeance qui meut Alex. On ne comprend que dans les dernières pages les tenants et les aboutissants et on parvient enfin à tirer le fil de l'écheveau qui dénoue toute l'intrigue. Ce roman est haletant et terriblement prenant.

Dans "Sacrifices", nous retrouvons le commandant Verhoeven quelques mois après qu'il ait réussi à reconstruire sa vie. Il a une nouvelle compagne, il nage de nouveau dans un semblant de bonheur domestique et, si l'un de ses principaux collaborateurs vient de mourir d'un cancer, l'avenir peut paraître promis à la plénitude et à la joie de vivre. Hélas, comme souvent dans la vie, rien ne va tout à fait comme c'était prévu ou attendu. Ne voilà t'il pas que Anne, le nouvel amour du commandant Verhoeven, est passée à tabac dans un passage parisien, à proximité d'une bijouterie qui est en train de se faire braquée par une bande de malfaisants particulièrement violents. Dents cassées, profondes blessures au visage et au corps, doigts brisés, Anne se retrouve aux urgences et le commandant Camille Verhoeven, au mépris de sa direction et au risque de se voir démettre de ses fonctions et de se voir mis au ban de la société va chercher à retrouver les coupables en faisant de cette histoire une affaire personnelle. Il ne voit pas venir le piège qui, peu à peu, se referme sur lui. Des trois romans de la série, c'est peut-être le plus psychologique et le plus noir. On suit avec douleur le parcours de Verhoeven dans un sac de nœud auquel on peine à trouver quelque chose à quoi se raccrocher. On perd pied comme le policier, on ne comprend pas tout, on imagine des choses et enfin vient le dénouement. Magistral !

Trilogie Verhoeven - Pierre Lemaitre

lundi 21 avril 2014

Ça ne cadre pas

Avec "Cadres noirs", Pierre Lemaitre nous donne une vision noire et cruelle du monde de l'entreprise à travers l'incroyable aventure d'un cadre au chômage de cinquante-sept ans qui se lance dans une action désespérée pour se révolter.

Alain Delambre est un cadre au chômage. Il a 57 ans, une femme, deux filles et un moral dans les chaussettes. Depuis quatre ans, depuis son licenciement, il va de désillusion en désillusion. Au début de l'histoire que nous raconte Pierre Lemaitre, il travaille dans un centre de logistique de produits pharmaceutiques. A la marge de la dépression, il pose sa candidature pour un poste de cadre dans une importante entreprise pétrolière.
Le recrutement se fait bizarrement. Dans un premier temps, tout semble parfaitement normal mais, bien vite, ça prend une tournure peu banale. L'idée de la direction est de faire d'une pierre deux coups. D'un côté, on recrute le meilleur candidat pour un poste, de l'autre on évalue des cadres installés dans l'entreprise. Pour cela, on va simuler une prise d'otage durant laquelle l'intégrité et la fidélité de ces cadres seront mises à l'épreuve. Alain Delambre est retenu parmi tous les candidats au poste avec quelques autres personnes. Seulement, à quelques jours de l'ultime épreuve durant laquelle il doit participer au simulacre de prise d'otage et juger les cadres, il apprend quelque chose qui lui fait péter les plombs. Il parvient à se procurer arme et munitions et se lance dans une vraie prise d'otages. La police intervient, il se rend et est envoyé en prison dans l'attente de son jugement. Il risque trente ans de détention.
Seulement, Alain Delambre a réussi à l'occasion de sa prise d'otages à avoir accès au réseau intranet de l'entreprise et à dérober quelques millions d'euros. Le PD-G de l'entreprise tient à récupérer la somme détournée et Alain doit faire face à des menaces et des actes de torture dans l'enceinte de la prison. Pour sa défense, il demande l'aide de l'une de ses filles avocates. En silence, dans le plus grand secret, sans rien dire ni à ses enfants ni à sa femme, il élabore un plan.
Finalement, le procès se déroule plutôt très bien et Alain Delambre est libéré bien vite. Mais alors que l'on pense l'histoire terminée, on constate qu'il reste encore bien des pages à lire. En fait, le roman ne se termine pas là. On exige du quinquagénaire qu'il rende l'argent. C'est bien normal. Moi, ça me dérangerait un peu que l'on me prenne plusieurs millions d'euros. Et même si l'on peut imaginer que pour une multinationale ce n'est qu'une peccadille, on comprend que ça ne fait pas plaisir. Alain Delambre a plus d'un tour dans son sac et réussit le tour de force de rencontrer le PD-G et de le faire chanter avec une histoire de ministre qui aurait touché des pots-de-vin[1]. Mais c'est sans compter avec une sorte de mercenaire patibulaire et vénal qui veut récupérer les millions pour lui ! La vie de Niicole, l'épouse de Alain, est en danger. Elle est menacée par ces méchants et elle a peur. Alain a peur pour son épouse aussi et s'engage une tentative désespérée pour échapper aux malfaisants au cours de laquelle on assiste à une course poursuite dans les rues de Paris.
Heureusement, par bonheur, il y a Charles. Charles, c'est un semi-clodo alcoolique qui travaille dans l'entreprise de logistique de produits pharmaceutiques où travaillait Alain. Ils sont devenus amis. Charles vit dans la rue, dans sa Renault 25 V6 Turbo qui a un joint de culasse défaillant. C'est lui qui va faire don de sa vie pour sauver celles de Alain et Nicole. Un saint, ce Charles. Du coup, plus de méchants. Alain a une grosse somme d'argent. Il en donne à ses filles et à sa femme. Mais l'argent ne fait pas le bonheur, on le sait. Si l'une des filles accepte l'argent et trouve comment l'utiliser, il n'en va pas de même pour l'autre fille (l'avocate pleine de principes) et de Nicole qui en profite pour quitter Alain et s'en aller vivre seule dans un modeste appartement de banlieue.

Pierre Lemaitre - Cadres noirs
Je n'ai pas aimé ce roman de Pierre Lemaitre. Il est très largement en dessous de ceux que j'ai pu lire précédemment. Où est le problème ? La trame aurait pu être intéressante. Un cadre dépressif qui réalise une prise d'otage parce qu'il sent qu'il n'aura pas le poste pour lequel il est candidat aurait pu donner un roman haletant. Là, on a un roman un peu poussif émaillé de ficelles un peu grosses et de rebondissements auxquels on peine à donner crédit. Je suis peut-être un peu chiant mais moi, les histoires de petit génie de l'informatique qui parvient à s'infiltrer dans un système informatique et à trouver en un temps record exactement ce que l'on cherche avec une facilité déconcertante, ça a tendance à m'agacer. Pour moi, ça tient du deux ex machina grossier. Peut-être que ça en épate encore certains mais moi, ça m'agace. C'est trop facile. Dans cette histoire, Alain Delambre, cadre quinquagénaire au chômage, parvient à faire virer une somme conséquente d'un compte secret (il s'agit d'une caisse noire) jusqu'à des comptes situés dans des paradis fiscaux, comme ça, en quelques minutes, juste depuis un vulgaire PC portable connecté à l'intranet d'un grand groupe industriel. Je dis chapeau. Réussir à s'infiltrer dans l'intranet, passe encore. Admettons. Mais pour le reste, rien que l'histoire de tomber sur les comptes, sur les numéros et mot de passe, tout ça. Non, vraiment, très fort cet Alain Delambre. Sur le fond, l'idée aurait pu être bonne. Il s'agit d'un roman psychologique et Pierre Lemaitre aurait pu donner plus de corps à son personnage. Là, on comprend qu'il est dépressif, on le comprend, on se prend un peu de pitié pour lui et on finit par ne plus le trouver si sympathique. On ne le comprend simplement plus. En fait, il me semble que soit la première partie est trop longue, soit la seconde est trop bâclée. Mais surtout, j'ai le sentiment que le roman a pu débuter d'un simple entrefilet dans la rubrique des faits-divers d'un journal. Un cadre au chômage prend en otages son futur employeur et ses futurs collègues. Après, on brode, on se rend compte que l'on ne parvient pas à faire une histoire assez longue et on ajoute des éléments d'intrigue comme ils viennent.
Pour moi, ce roman est globalement peu crédible et c'est bien dommage. J'aurais vraiment aimé me conforter dans l'idée que Pierre Lemaitre est le meilleur auteur du moment. Pour tout dire, il ne m'avait pas déçu jusque là et j'espère juste que je retrouverai cet écrivain au meilleur de sa forme dans le roman que je m'apprête à débuter.

Note

[1] Franchement, ces écrivains imaginent de ces choses !

samedi 19 avril 2014

Robe de marié ou les malheurs de Sophie

Pierre Lemaitre, je vous en ai déjà parlé. Il y a eu le prix Goncourt qui me l'a fait rencontrer et m'a donné l'envie d'en lire plus. Hier soir, je terminais la lecture de "Robe de marié", sans faute d'orthographe.

Pierre Lemaitre est un génie. Un écrivain génial. Après "Travail soigné", son premier roman paru en 2006, je me suis plongé dans son deuxième avec "Robe de marié" datant de 2009. Comment et pourquoi ne l'ai-je pas découvert à l'époque ? Mystère. Pourquoi a-t-il fallu attendre ce prix Goncourt pour "Au revoir là-haut" ? Re-mystère. Et dire que sans ce prix et sans la couverture médiatique qui l'a accompagné, je ne connaîtrais sans doute toujours pas cet auteur qui, pour le moment, est celui que j'ai le plus envie de suivre.
Dans ce thriller diablement efficace, nous rencontrons une jeune trentenaire, Sophie, à un moment de sa vie où tout ne va pas vraiment pour le mieux. Elle est folle. Elle se bat contre sa folie à laquelle elle ne comprend rien. Elle ne se souvient de rien, Sophie. Elle oublie tout et surtout le plus grave. Elle égare des objets, rend des livres à la bibliothèque avant de les avoir lus et ceci sans en avoir le moindre souvenir, elle perd sa voiture, elle ne retrouve pas les cadeaux d'anniversaire, elle perd son travail, sa belle-mère, son mari, sa tête, sa santé. Elle est folle, elle perd pied, elle fuit, change de vie, de nom, de ville.
Le roman est découpé en parties. La première se focalise sur Sophie, meurtrière inconsciente et perturbée. Les autres parties, je ne vous en parle pas. Il vous faudra lire le roman pour savoir.
C'est facile mais voilà. Je ne peux pas éviter d'affirmer que Pierre Lemaitre est un maître. J'ai un peu honte de ne pas avoir résisté à cela mais il n'avait qu'à prendre un pseudonyme. Je n'y suis pour rien. Ce serait-il appelé Pierre Tartempion, ça serait passé comme une lettre à la poste. Ce roman est ce que l'on peut appeler un modèle du genre en matière de thriller psychologique. On entre dès les premières pages dans la tête perturbée, dans le cerveau tourmenté de cette pauvre Sophie qui a bien des malheurs. Elle oublie tout, sent qu'elle devient folle. On compatit et on tourne les pages sans pouvoir lâcher le morceau. On veut savoir où cela va la mener. On se retrouve à avoir un sentiment très mitigé sur sa personne. On la pense folle à lier, dangereuse, bonne à enfermer mais il y a un petit quelque chose qui fait que l'on est tout de même de son côté. Il faut dire qu'elle est attachante, Sophie. Vraisemblablement jolie, visiblement intelligente, elle ne semble pas pleinement responsable de ses actes. Vraiment, on est pris d'une sorte d'empathie pour cette jeune femme et on voudrait pouvoir l'aider.
L'autre personnage clé de l'histoire se prénomme Frantz. Ce n'est pas tout à fait comme Kafka mais on a peine à ne pas y penser. Il me semble impossible de parler plus avant de ce type sans trop en dévoiler sur l'histoire. Ce serait dommage de vendre la mèche. Ceci dit, je peux tout de même vous apprendre qu'il a un rôle primordial dans le roman. Avec lui, on tombe dans le sadisme le mieux étudié. En tant que lecteur, j'ai navigué continuellement dans un mélange de fascination et d'exécration à son sujet. Mais je n'en dis pas plus.
Le roman est écrit dans un style très factuel. C'est l'une des forces de Pierre Lemaitre. Il écrit ce qui est utile à l'histoire, il ne se perd pas dans l'évocation de détails sans importance. Chaque mot est pesé, présent parce que parfaitement nécessaire. C'est un style d'apparence simple, clair et précis mais il est aussi d'une intensité et d'une profondeur remarquables. Pierre Lemaitre est, à mon sens, un écrivain majeur de ces dernières années. Une fois encore, je regrette de ne le découvrir que maintenant. Sitôt ce roman terminé, j'en ai ouvert un autre. Je pense sincèrement que je n'en ai pas fini avec Pierre Lemaitre !

Robe de marié - Pierre Lemaitre

mardi 25 mars 2014

Sur un air connu de Michel, fils de Jacques

En débutant la lecture de "Travail soigné" de Pierre Lemaitre, la question est arrivée. Mais où diable avais-je bien pu déjà rencontrer ce commandant Verhœven ? Une sensation vraiment troublante qui ne me quittera pas après avoir refermé ce roman.

Serge Gainsbourg prétendait que la chanson est un art mineur. Oui, comme la peinture, la musique, la sculpture, l'architecture, le théâtre, le cinéma, la littérature, le dessin, la gravure et j'en oublie. Oui. Tout cela est mineur. L'art majeur, le seul, le vrai, c'est le mime.
Cette réflexion est venue en lisant "Travail soigné" de Pierre Lemaitre dont j'ai dévoré son récent "Au revoir là-haut". Je me suis dit que ce roman pourrait faire l'objet d'un scenario de film. Et puis, je me suis dit que je n'avais pas besoin d'un film pour vivre ce roman prenant. Un thriller comme on en lit rarement. Bien sûr, un bon réalisateur qui s'attacherait à ce roman en sortirait sans doute un équivalent du "Silence des agneaux" ou de quelque chose du genre et ce serait sans doute un bon film de genre. Mais voilà, à la lecture de ce thriller, je me dis qu'il n'y a pas besoin d'images qui bougent et de détonations tonitruantes d'armes à feu ou de personnages de chair et d'os et de musique d'ambiance pour être à fond dans l'histoire. Je suis allongé sur mon lit, les yeux à quelques centimètres de la page, et je suis ailleurs, transporté dans le roman, en immersion plus certaine que toutes les technologies pourraient tenter d'apporter, 3D incluse.
Et alors, je relève le nez et je poursuis ma réflexion. Je me dis alors que si le cinéma n'est pas nécessaire, peut-être le roman gagnerait à conter ? Et je me dis que le conte est l'art ultime, celui qui permet de faire passer des émotions avec le minimum de moyens. L'art du conte est très ancien. Possible qu'il existe depuis que la parole est apparue. Ça doit faire un bail. De purement utilitaire, la parole a dû rapidement devenir un instrument pratique pour raconter des histoires imaginaires. L'invention de la parole, du vocabulaire, a certainement été très pratique pour nommer des objets, des lieux, des animaux, des personnes, des plantes ou des entités mystérieuses. "Au début était le verbe...". Sans la parole, il me semble presque certain qu'il n'y aurait jamais eu de religion avec des histoires improbables et des croyances incroyables. La parole a donné le conte. Le conte a donné l'histoire qui a donné le roman. Quoi que là, il aura tout de même fallu attendre l'invention de l'écriture et ça a dû être une autre paire de manches.
Mais avant la parole, on ne racontait donc pas d'histoire ? Je me suis posé la question et j'ai compris que je faisais fausse route. Bien sûr que si que l'on racontait des histoires ! Et pour ce faire, on n'avait guère qu'une arme : le mime. Le mime est donc plus ancien, plus authentique, que la parole. C'est le langage du corps. Un langage plus ou moins universel qui nous permet encore aujourd'hui de comprendre les attitudes animales. Et donc, je le dis, l'art majeur est le mime.

Travail soigné - Pierre Lemaitre
Mais quel rapport avec le roman de Pierre Lemaitre que je vous conseille de découvrir si ce n'est déjà fait ? Aucun. Véritablement aucun rapport. D'ailleurs, ça n'a même pas le moindre rapport avec le sujet dont je souhaitais vous entretenir aujourd'hui qui est le roman de Pierre Lemaitre, roman que j'ai beaucoup aimé et qui me pousse à découvrir les autres de la même série, celle des aventures du commandant Camille Verhœven.
Le commandant Camille Verhœven exerce dans la police criminelle. Il a pour particularité d'être petit. Vraiment petit. Il mesure, c'est précisé, un mètre et quarante-cinq centimètres. C'est peu. Pour autant, mais on peut s'en douter, il s'agit d'un grand enquêteur, très intelligent. Il est marié à une femme que l'on peut penser jolie. Elle attend un enfant et le roman s'ouvre un peu là-dessus mais pas tout à fait non plus puisque, en fait, ça s'ouvre sur l'interrogatoire d'une fille puis sur la découverte d'un double meurtre particulièrement horrible et sanglant. Mais peu importe.
Donc, le commandant Verhœven (que l'on aurait appelé inspecteur en d'autres temps) est appelé sur une scène de crime. Ce n'est pas beau à voir. Du beau travail de malade. On ne met pas bien longtemps à découvrir de troublants indices et le commandant Verhœven, l'esprit vif, ne tarde pas non plus à faire le lien avec un roman de Bret Easton Ellis. De même, un peu plus tard, il fera le lien entre un autre meurtre plus ancien et non élucidé et un roman de James Ellroy, "le dalhia noir". Plus loin encore, d'autres crimes et d'autres romans seront mis en relation.
Mais au-delà de l'histoire, de l'intrigue, du suspense, il y a la construction du roman et la manière qu'à l'auteur de vous mener par le bout du nez là où il veut comme il le souhaite. C'est assez magistral. Il y a des moments où l'on ne sait plus où l'on est dans le roman ou dans le roman dans le roman. C'est assez jouissif.
Pierre Lemaitre s'amuse. Il s'amuse déjà à écrire pour des lecteurs qu'il espère intelligents. C'est comme s'il se tenait la réflexion suivante : les lecteurs de romans policiers aiment lire des romans policiers. Je vais donc faire un roman policier qui parle de roman policier. Un délice d'intelligence et de connivence avec le lecteur qui peut jouer à dénouer l'intrigue.

En refermant ce livre, il existe toujours cette question qui me tarabuste bien un peu. Où ai-je bien pu rencontrer ce Camille Verhœven ? Je suis quasiment certain de ne pas avoir lu les autres livres de la série et je ne pense pas que l'un d'eux ait été porté à l'écran. Alors quoi ? Je n'en sais fichtrement rien et ça m'agace un tantinet. Comment peut-il se faire que j'ai le sentiment de connaître ce personnage sans avoir rien lu auparavant qui le mette en scène ? C'est un mystère qui, je le crains, restera entier.
Quoi qu'il en soit, je vous conseille la lecture de ce roman si vous êtes amateur du genre et je m'en vais me mettre sur la piste des autres livres de la série.

samedi 15 mars 2014

Cinq jours à perdre

Douglas Kennedy est un écrivain que je connais mal. Je n'ai lu que deux livres de lui. Celui dont je vais vous parler aujourd'hui et "L'homme qui voulait vivre sa vie" qui m'avait été offert par une ancienne amie en guise, en quelque sorte, de cadeau de rupture. Après ces deux romans, je pense pouvoir dire aujourd'hui que Douglas Kennedy n'est pas un écrivain que j'apprécie.

Je vous raconte une histoire. C'est l'histoire d'un mec qui est plombier dans une petite ville de province et qui va au salon international des tubes et raccords à la capitale. Il a réservé une chambre dans un petit hôtel miteux de banlieue où il est abordé par une femme qui est descendue au même hôtel. Au départ, elle ne lui plaît pas parce qu'elle est fromagère et qu'elle sent fort le fromage qui pue. Mais voilà qu'elle lui lance une bonne vanne et qu'il se dit que la gonzesse, elle a de l'humour. Ce n'est pas pour lui déplaire vu que sa régulière, de l'humour elle n'en a pas vraiment à revendre, toute dépressive qu'elle est depuis qu'elle a perdu son boulot d'hôtesse de caisse au Shopi. Depuis, c'est fini la gaudriole, plus question de même penser à la fièvre du samedi soir. Il doit faire ceinture, Roger. Oui, il s'appelle Roger. Pourquoi pas ? C'est un beau prénom pour un plombier, Roger, non ?
Donc, bref, malgré l'odeur de Fabienne (la fromagère s'appelle Fabienne), Roger se dit que ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre une femme pas farouche qui a de l'humour. Mais voilà que Fabienne se risque à une blague avec des morceaux de plombier polonais dedans et ça brusque Roger qui se renfrogne. Roger prend sa carte et monte dans sa chambre.
Le lendemain, Roger croise Fabienne sur un stand du salon international des tubes et raccords. La nuit a passé et a adouci son courroux. Il dit bonjour à Fabienne et lui propose d'aller boire une bière à la buvette la plus proche. Fabienne accepte. Après la quinzième bière, Roger se risque à suggérer qu'avec une bonne douche, une bonne rasade d'eau de cologne et un peu de déodorant, Fabienne n'aurait plus à souffrir de sa mauvaise odeur et que cela l'aiderait beaucoup dans les rapports humains. Elle lui explique qu'elle a peur de l'eau et qu'elle n'a pas l'habitude de fréquenter les boutiques où l'on vend du parfum. Roger la convainc d'essayer tout de même et lui assure que l'on peut trouver du sent-bon dans les supermarchés les plus ordinaires. A force de persuasion, Fabienne se laisse faire et, le jour suivant, toute pimpante, elle retrouve Roger qui a le nez ravi par le changement. Quelque chose est en train de naître entre Roger et Fabienne.
Roger propose la botte à Fabienne qui accepte. Ils se retrouvent dans la chambre d'hôtel de Roger et connaissent une nuit d'amour des plus torrides. Les voilà qu'ils tirent des plans sur la comète. Roger va quitter sa femme acariâtre ; Fabienne va divorcer de son mari ennuyeux. Ensemble, ils vont ouvrir une fromagerie-plomberie, ils vont vivre heureux dans l'amour et dans le stupre. Ce qui est dit est dit et ils commencent à se renseigner sur un local commercial qu'ils ont en vue.
Et là, patatras, alors qu'il ne s'y attendait pas, voilà que Fabienne lui fait faux bond et qu'elle disparaît en laissant un flacon d'eau de toilette, un morceau de savon presque neuf et un petit mot dans lequel elle explique qu'elle ne peut pas faire ça à son homme et qu'elle est désolée mais que c'est comme ça mais que c'est irrévocable.
Dépité et la queue basse, Roger revient auprès de son épouse dépressive mais quelque chose est cassé et il le sait. Il réfléchit un peu, pèse le pour et le contre, et finit par demander le divorce. Il s'en va avec ses clés à molettes et ses lampes à souder s'établir dans le village d'à-côté et il oublie Fabienne. Quelque temps plus tard, par le plus grand des hasards, Roger croise de nouveau Fabienne. Ils se reconnaissent, ils se parlent un peu, Fabienne tente d'expliquer son attitude mais Roger lui rétorque que tout ça, c'est de l'histoire ancienne. En fait, Roger a décidé d'avancer, de ne plus regarder en arrière, de vivre sa vie et de ne plus se laisser emmerder par les gonzesses. Il est heureux comme il y a longtemps qu'il ne l'avait pas été. Ses affaires marchent bien, il s'éclate à changer des joints et des robinets et basta.

Voilà, l'histoire est terminée. Pas mal, hein ?

Et bien figurez-vous qu'à quelques détails près, c'est l'histoire que nous raconte Douglas Kennedy dans son dernier roman, "Cinq jours". Je ne pense pas qu'il est nécessaire de dire que je n'ai pas aimé ce livre. Il m'a été conseillé par une jeune femme que je connais un peu et en qui je fais habituellement confiance. Deux romans du même auteur, deux bouquins que je n'ai pas aimés. Je pense que je ne persisterai pas.
Dans le roman, une femme d'une quarantaine d'années, malheureuse dans son couple, mère de deux enfants et opératrice de radiographie dans une petite ville de province du Maine se rend à un congrès d'imagerie médicale. A l'hôtel où elle est descendue, elle croise un homme d'allure moins que neutre qui se révèle instruit et passionné de littérature. Ces deux êtres tombent amoureux l'un de l'autre. Mais voilà que l'homme prend peur à l'heure de tout quitter pour vivre une nouvelle vie avec cette femme qu'il aime. La femme est anéantie et triste, elle revient auprès de son mari dépressif qu'elle finit par quitter. Elle divorce, déménage, change d'employeur et on comprend qu'elle a changé, qu'elle a appris à vivre pour elle. Elle a avancé dans sa vie.

Cinq jours - Douglas Kennedy
Dans le fond, pourquoi pas ? Au départ et pendant assez longtemps, on peut penser, vu le titre, que le livre va se dérouler durant cinq jours. En fait, non puisqu'il se termine plusieurs mois après le premier jour. L'idée de raconter la naissance de l'amour entre deux personnes en apparence si différentes l'une de l'autre peut être intéressante. Elle n'est pas novatrice, c'est sûr, mais on peut trouver une nouvelle façon de raconter cette histoire. Je ne suis pas contre. Décrire les états d'âme d'une brochette de personnages habitant le Maine, ça peut nourrir un roman. Alors que se passe-t-il pour que, à mon avis, ce roman soit un tel foirage ? Je ne sais pas bien.
Certes, je ne suis pas particulièrement attiré par les belles et tristes histoires d'amour. En fait, ce roman me fait penser au film "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood. C'est du mélo avec des beaux sentiments et une fin triste. Je ne suis pas un grand fan de ce film. Ce que je pense, c'est que l'histoire de Douglas Kennedy tient avec des grosses ficelles. C'est caricatural, c'est facile. Les personnages principaux sont de classe moyenne mais ils peuvent décider comme ça, d'un claquement de doigts, de bouleverser leur vie, d'acheter un logement, de changer d'employeur. C'est trop facile comme ce rebondissement au moment où l'homme s'enfuit en laissant un mot d'explication qui n'explique rien sinon qu'il part, qu'il a peur. Une histoire trop simple et, selon moi, peu crédible.
J'ai eu beaucoup de mal à aller jusqu'au bout de ce roman. Plusieurs fois, j'ai eu envie d'abandonner. J'avais l'impression de lire du remplissage. Il y a des mots, des phrases, des paragraphes, des chapitres, qui, une fois ôtés, ne gênent rien à la compréhension de cette mince histoire. Peut-être suis-je passé totalement à côté du livre. Peut-être justement l'art de Kennedy est-il de réussir à décrire à la perfection les états d'âme des représentants de la classe moyenne américaine. Peut-être.
Signe que je me suis ennuyé au possible à la lecture, je me suis mis à porter une attention accrue aux fautes typographiques qui émaillent ce bouquin. Quelle catastrophe ! Je ne sais pas ce qu'il se passe chez Belfond, l'éditeur, mais ça sent les restrictions budgétaires. A mon avis, ils ont viré tous les relecteurs. Ce n'est pas possible de laisser passer autant de fautes. Je me suis demandé si l'on ne pouvait pas mettre ça au compte de la crise du livre dont on nous parle et du développement des livres électroniques. Enfin j'en sais rien mais c'est vraiment du travail d'éditeur pourri.
La lecture de l'autre roman de Douglas Kennedy m'avait un peu ennuyé. J'avais comme l'impression que l'auteur utilisait des méthodes d'écrivain, des recettes. De fait, il n'y a pas vraiment de place pour la surprise. Tout semble tellement prévisible que c'en est lassant. Et puis, surtout, il n'y a vraiment aucune place faite à l'humour. Je concède que le thème n'y invite pas réellement mais tout de même, ça ne fait pas de mal de glisser un peu de moments de rire ou de sourire dans un texte, à mon avis. Là, on a un texte ennuyeux, poussif, laborieux que j'invite sincèrement à lire et à découvrir !

jeudi 6 février 2014

Elle et eux

"L'invention de nos vies" de Karine Tuil, roman paru chez Grasset, me laisse un sentiment très mitigé. Habituellement, je ne conseille les livres que je n'aime pas aux seules personnes à qui je veux du mal. Cette fois-ci, je me laisse aller à le conseiller aussi aux autres personnes si tant est qu'elles existent.

J'ai eu comme une mauvaise conscience. Je me suis demandé un moment si je n'aimais pas ce livre, conseillé par vendeuse de livres que je connais un peu, seulement parce qu'il est écrit par une femme. Je me suis demandé sérieusement si ce n'était pas simplement que je laissais libre cours à ma misogynie naturelle et légendaire. Et puis, je me suis demandé si un homme aurait pu écrire un pareil roman. Et finalement, je me suis dit que tout cela était totalement idiot, que ce n'était pas une question d'auteur ou d'auteure et qu'il fallait prendre un peu de hauteur.[1]
Donc, je dis que je n'aime pas ce livre. Et je dis aussi (je ne suis pas à une ambivalence près) qu'il faut lire ce livre[2] J'ai lu ce roman avec, par moments, du plaisir ou, du moins, de la curiosité, de l'envie de connaître la suite. C'est un roman d'amour, un peu un mélodrame. C'est l'histoire de trois personnes, deux hommes et une femme. Les deux hommes sont amoureux de la même femme. C'est l'histoire de trois personnes. Il y a un homme de culture musulmane, un homme de culture juive et une femme de culture chrétienne[3]. Nous avons Samir, Samuel et Nina. Ils sont jeunes et ils sont amis. Nina vit avec Samuel et Samir conquiert le cœur de Nina. Alors, Samuel fait une tentative de suicide et Nina revient avec lui.
Des années ont passé. Samuel qui se rêvait écrivain a un emploi présenté comme un peu minable. Nina pose pour des photographies publicitaires et incarne la mère de famille modèle. Samir, lui, a semble-t-il mieux tiré son épingle du jeu et est devenu un avocat célèbre à New York. Pour en arriver là, il a dû, un peu malgré lui, puiser dans la vie de Samuel et se faire passer pour un membre de la communauté juive. Il vit dans le mensonge et cela va le faire tomber de son piédestal. A un moment, Nina quitte Samuel pour suivre Samir à New York et y vivre dans une semi clandestinité le rôle de la maîtresse cachée. Samuel profite de sa grosse dépression pour écrire un livre qui aura un succès colossal et le rendra riche et célèbre lorsque son ancien ami plongera dans la déchéance après avoir tout perdu, travail, famille et gloire. Un renversement de situation incroyable.

Karine Tuil - L'invention de nos vies
Sur le fond, l'histoire est plutôt intéressante. Derrière les histoires d'amour, d'argent et de pouvoir, il y a des personnages forts quoi qu'un peu caricaturaux. Et pour tout cela, on peut prendre plaisir à lire ce roman. Forcément, ce livre est une critique de nos sociétés, de la difficulté pour les personnes issues de l'immigration à s'insérer dans elles. On peut aussi voir une dénonciation de ces sociétés qui forcent à l'ambition et à la réussite à tout prix, qui misent sur le paraître. Une bonne partie du roman se déroule aux Etats-Unis d'Amérique avec la réussite sociale de Samir en toile de fond. Une réussite basée sur un mensonge (par omission, il est vrai). Samir évolue dans le costume d'un autre et navigue dans une certaine forme de racisme qui l'a obligé à opter pour le mensonge.
Aucun des trois personnages principaux n'apparaît comme réellement sympathique et c'est sans doute la seule option qui pouvait se présenter à l'écrivaine. A la fin du roman, on ne sait trop que penser de tout cela et on ne sait même pas s'il convient de penser quoi que ce soit. On pense peut-être que l'ensemble est un gâchis regrettable mais je ne suis pas certain que l'on n'ait beaucoup avancé sur les questions du racisme, de l'intolérance, de la haine et de la peur, de l'amour et de la pitié, de la réussite et de la chute, de la gloire et de la honte. Pourtant, oui, tout cela est traité dans ce livre. On lit des pages sur la peur du musulman aux Etats-Unis et les conséquences du Patriot Act. Les ombres des tours jumelles planent sur le roman comme, peut-être, le fantôme de Dominique Strauss-Kahn[4]. C'est donc un roman riche, bien écrit malgré les reproches de forme que je peux faire, rythmé et direct.
Par contre, sur la forme, je n'aime pas du tout le style littéraire de Karine Tuil dont je n'ai rien lu d'autre. Elle truffe ses pages d'énumération du genre : "...il n'y a plus d'amour/de désir/de projets communs...". C'est écrit ainsi, avec des "slashes" pour séparer les mots ou groupes de mots, comme pour demander au lecteur de terminer le boulot, de choisir ce qui est le mieux. Je n'aime pas non plus la multiplication de notes de bas de page qui présentent en quelques lignes la biographie des personnages secondaires rencontrés au fil des pages. Ça n'apporte, à mon sens, pas grand chose. Et je n'aime pas non plus la façon d'insérer les dialogues ou les fragments de dialogues. Il m'a aussi semblé avoir eu du mal à entrer dans l'histoire qui, selon moi, ne prend son envol que vers la moitié du livre.
Bref, je ne sais pas trop quoi vous dire. Le mieux, c'est que vous vous fassiez votre avis par vous-même ou que vous alliez à la pêche à la critique sur Internet.

Notes

[1] C'était facile mais je n'ai pas pu résister.

[2] Surtout si l'on n'a rien de mieux à faire, toutefois.

[3] Du moins, on le suppose.

[4] Ce n'est que pure spéculation de ma part.

samedi 25 janvier 2014

Escroqueries bien tranchées

On me l'avait présenté sur le ton de la théorie du complot. A la veille de l'anniversaire du début de la guerre de 14-18, un écrivain et son éditeur faisaient un coup marketing en publiant un roman qui avait la Grande Guerre comme toile de fond. Comme par hasard ! Et puis, j'ai entendu des critiques, j'ai écouté d'autres personnes. Et puis, j'ai lu "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre, Goncourt 2013. J'ai aimé.

Je ne vais pas vous raconter le livre. Il est nettement préférable que vous fassiez l'effort de le trouver et de le lire. Tout de même, je peux vous expliquer que ce roman à la fois drôle et cruel se déroule en deux temps. Le premier a pour décor le front, les tranchées, la guerre, ses horreurs et sa bêtise, aux derniers jours de la guerre, en novembre 1918. Le second se situe dans les années d'après guerre, alors que les soldats sont démobilisés et que la société n'a rien prévu pour eux et que le pays peine à se reconstruire. Les personnages principaux sont présentés dès les premières pages. Nous avons deux soldats, Albert et Edouard, et un gradé à particule, le lieutenant d'Aulnay-Pradelle. Un beau salopard, celui-là.
Pour gagner du galon, le lieutenant n'hésite pas à commettre une vraie belle saloperie afin de se trouver une raison de lancer une offensive. Au cours de celle-ci, Albert se retrouve enterré vivant après l'explosion d'un obus et il est sauvé par Edouard qui n'en sortira pas indemne. Il y gagne une patte folle et le statut de "gueule cassée".
La guerre est terminée. Les Boches ont capitulé, l'armistice est signée. Albert et Edouard se retrouvent à vivre ensemble. Albert se sent redevable vis-à-vis de Edouard ; Edouard a besoin de Albert. Les temps sont durs pour ces deux démobilisés. Edouard va avoir l'idée d'une arnaque à grande échelle, une arnaque amorale. De son côté, Henri d'Aulnay-Pradelle a fait un beau mariage d'argent. Il a de l'ambition, le lieutenant devenu capitaine ! Il veut de l'argent et vite et à n'importe quel prix. Lui aussi va imaginer une arnaque. Tout aussi amorale. Elle est belle la France d'après-guerre !

Au revoir là-haut — Pierre Lemaitre
Sur fond de détresse, de misère, de tristesse et de désespoir, Pierre Lemaitre propose un roman plein d'humour noir. L'histoire a pour toile de fond cette grande guerre que l'on va commémorer cette année mais l'auteur ne procède pas spécialement à une dénonciation de cette guerre et de ses atrocités. C'est un roman humain qui s'attarde sur quelques personnages exceptionnellement bien croqués, presque à la limite de la caricature, parfois. Je n'ai pas de conseil à donner à Jacques Tardi[1] mais je serais lui, j'engagerais des pourparlers avec Pierre Lemaitre pour une adaptation en bande dessinée. De l'humour, il y en a et pas qu'un peu. De l'humour noir, je l'ai dit. De l'humour un peu cynique, aussi. Ce n'est définitivement pas un roman triste.
"Au revoir là-haut" est de ces romans que l'on ne peut pas lâcher lorsque l'on les a commencé. On veut savoir. On veut connaître la suite. On veut comprendre comment les personnages vont se sortir de la situation. On espère que ça va aller dans le sens que l'on souhaiterait. On veut que le personnage détestable parmi tous, d'Aulnay-Pradelle, paie cher la conséquence de ses saloperies, de son appât du gain, de son avidité, de son désir de réussite sociale. Qu'il crève ! Et puis non. Pierre Lemaitre a raison. Qu'il vive, plutôt ! C'est encore plus cruel.
Edouard, dans son personnage de gueule cassée accro aux opiacés, est sans doute un peu trop dans la caricature. C'est à la fois le personnage le plus important du roman et celui qui a le moins d'importance. C'est le pivot. C'est le lien entre Albert et d'Aulnay-Pradelle. C'est aussi le cerveau de l'affaire.
Albert, c'est le pleutre, le craintif, celui qui ne ferait rien si les événements ne l'obligeaient pas à agir. Ce n'est pas un héros. Il subit, il suit, il obéit. Et comme par hasard, c'est aussi celui qui tirera son épingle du jeu. Malgré lui et malgré tout. Sans Edouard, il serait mort à quelques jours de la fin de la guerre. Sans Edouard, il aurait eu une vie médiocre d'employé de bureau. Dans le meilleur des cas. Il va rencontrer l'amour. Il va lutter contre son manque de courage et il va s'en sortir. Et c'est très bien ainsi. Pierre Lemaitre nous indique clairement quel est le personnage détestable du roman mais il nous laisse libre de penser ce que l'on veut des autres personnages. Pour ma part, j'aime beaucoup Joseph Merlin[2].
Si ce n'est pas déjà fait, je vous conseille la lecture de ce roman. Lisez-le et conseillez-le à votre tour à d'autres personnes. Il mérite son succès, il mérite d'être lu. En plus, on y prend un réel plaisir.
"Au revoir là-haut" — Pierre Lemaitre - Albin Michel

Notes

[1] Qui a montré son intérêt pour la guerre de 14-18 à maintes reprises.

[2] qui est un personnage "à la Tardi", c'est certain.

lundi 13 janvier 2014

Les pingouins ne sont pas manchots

Andreï Kourkov est un écrivain ukrainien. Il y a plusieurs mois de cela, on m'a offert deux livres de lui, "Le pingouin" et "Les pingouins n'ont jamais froid" datant respectivement de 2001 et 2002 et édités aux éditions Points.

Victor est un écrivain un peu raté. Il ne parvient pas à écrire, il ne gagne pas d'argent, il vit seul à Kiev et il se laisse envahir par une légère dépression. Par hasard, il adopte un pingouin, Micha, qui apparaît au moins aussi touché par la dépression que lui. Micha ne parle pas et c'est plutôt normal pour un pingouin. Pour un manchot aussi, d'ailleurs. Il se trouve que Micha serait plutôt un manchot. Ce n'est pas très important et la confusion ne nuit pas à la compréhension de l'histoire.
Alors l'histoire, justement. Quelle est-elle, cette histoire ? C'est très simple. Au long de ces deux romans, l'un étant la suite de l'autre, il se passe dans le même temps énormément de choses et pas grand chose. D'un côté, vous avez donc un écrivain dépressif à qui on va proposer d'écrire des nécrologies et qui vit en compagnie d'un manchot neurasthénique. Ce manchot a été adopté parce que le zoo de Kiev n'a plus les moyens financiers de nourrir tous ses animaux. Victor se prend de sympathie pour ce compagnon qui semble lui rendre la pareille à sa manière. Victor va rencontrer d'autres personnages parmi lesquels on compte une petite fille, Sonia, une jeune femme, Nina, un policier, Sergueï ou encore Igor, le rédacteur en chef du Stolitchanaïa. Si dans le premier roman Victor reste dans les environs de Kiev, il va voyager dans le deuxième et se rendre à Moscou ou en Tchétchénie après s'être enfui en Antarctique à la fin du premier livre. Il va surtout naviguer dans des milieux qu'il ne semble pas comprendre et auxquels il est parfaitement étranger. Des rencontres avec des mafia politiques et financières ici et là.
Dans le premier livre, Victor est chargé d'écrire des nécrologies sur sa vieille machine à écrire, dans son appartement qui sent encore l'URSS défunte, en compagnie d'un manchot et d'une petite fille qu'il a récupéré elle aussi par hasard. Il ne pose pas de question à propos de ces nécrologies qu'il écrit sur commande et par avance. Il s'étonne tout de même un peu que le décès de ses sujets survienne à tous coups peu après la rédaction de leur nécrologie. Il s'étonne aussi un peu des sommes d'argent qu'il a subitement à disposition. Il n'apprécie pas beaucoup que l'on lui emprunte Micha, le manchot, pour les cérémonies funéraires. Il ne doute pas d'être en présence d'événements louches et de personnes qui ne le sont pas moins. Mais voilà, Victor n'est pas du genre à prendre sa vie en main et à chercher d'influer sur ce qui l'entoure. Il subit tout avec une sorte de naïveté fataliste, allant jusqu'à accepter la condition de prisonnier en Tchétchénie où il est chargé de faire disparaître des corps dans un incinérateur avant de, enfin, retrouver Micha, son manchot, qu'il veut renvoyer en Antarctique pour qu'il soit heureux. Parce que Victor en est certain, si Micha est dépressif, c'est parce qu'il est loin de chez lui. Le concernant personnellement, il ne sait pas ce qui pourrait être en mesure de le sortir de son état désabusé et mélancolique.
Andreï Kourkov peint une société ukrainienne perdue dans l'effondrement du bloc soviétique et livrée aux mains de politiciens véreux, de maffieux avides de pouvoir et d'argent. L'Ukraine est comme Victor. Elle ne sait pas où elle est, où elle va, ce qu'elle est et les raisons qu'elle a d'exister. Victor est l'Ukraine et ces romans sont des portraits acides et ironiques de cette société, de cette époque, de ce monde. Dans son mystère, Micha, le manchot, représente sans doute toutes les questions qui n'ont pas de réponse. Pourquoi le pays est-il tombé aux mains des trafiquants de drogue et d'organes ? Pourquoi la société vit-elle de débrouillardise et d'expédients ? Pourquoi tout est-il devenu si cynique et pourri ? Pourquoi Tchernobyl, les infrastructures délabrées, les enfants abandonnés, les jeunes filles qui se prostituent, les policiers qui s'exilent vers la Mère Russie ? L'auteur semble vouloir dénoncer un monde qui s'effondre sur lui-même largement en dehors des frontières de l'Ukraine.

Andreï Kourkov
Le style oscille entre roman policier, roman noir et roman humoristique sans jamais vraiment se décider à entrer dans un de ces cadres. On prend plaisir à lire ces romans mais on reste aussi un peu sur sa faim en se demandant si l'histoire va enfin commencer. Malgré toutes les aventures, l'auteur parvient à tenir les rênes de l'histoire qui ne s'emballe jamais, reste d'une linéarité confondante. On a de la sympathie pour Victor, Micha et Sonia, les trois personnages principaux, mais ils ne livrent pas grand chose d'eux. Dans le fond, ces livres sont tout de même très dépressifs. Il y a de l'humour, de l'absurde, quelques passages amusants mais dans l'ensemble, c'est tout de même profondément noir et désespéré. Peut-être est-il préférable de lire ces deux livres quand tout va plutôt bien dans votre vie. Je n'ai rien lu d'autre de cet auteur. A l'occasion, si je trouve un autre roman dans une librairie, j'essaierai.

samedi 4 janvier 2014

Encore Millenium

16H01. Je viens de finir la lecture du troisième tome de la trilogie "Millenium" de Stieg Larsson.

Il y a quelque temps, je vous disais que j'avais commencé la lecture de cette trilogie. J'avais alors commencé le deuxième tome et je disais que ces romans, bien qu'ils ne fussent sans doute pas ce que l'on avait fait de mieux en matière de littérature, étaient agréables à lire. Depuis, j'ai terminé la lecture de ce deuxième tome et suis passé sans plus attendre au troisième. Ce troisième est sans conteste le meilleur des trois.
Il est assez rare que je sois autant captivé par un livre que je l'ai été avec "La Reine dans le palais des courants d'air", troisième opus, donc, de la trilogie. Pour dire la vérité, j'ai vraiment eu du mal à l'abandonner plus de quelques heures et je l'ai dévoré avec un appétit qui allait grandissant. Je disais que j'avais plaisir à lire ces romans. C'est devenu vraiment plus fort qu'un simple plaisir. A un point que je regrette infiniment qu'il n'y ait pas de suite. On en annonce une. Je verrai ce qu'en dira la critique avant de le lire.
Ainsi donc, oui, je conseille la lecture de "Millenium". On est là en présence de romans de type "polar" mais en beaucoup plus riche. Les personnages, et surtout celui de Lisbeth Salander, sont intéressants et attachants. Bien sûr, je regrette un peu quelques "facilités" qui font que ce n'est peut-être pas un chef-d'œuvre. Parmi ces "facilités", comme je l'avais dit précédemment, il y a l'aptitude de Lisbeth à pirater à peu près tout ce qui existe en matière d'informatique avec une déconcertante aisance. Je suppose que Stieg Larsson devait se penser lui-même un crack en informatique. Du moins, ça c'est certain, le sujet l'intéressait. D'ailleurs, Millenium est peut-être le roman qui fait une large place à l'informatique (hors science fiction) qui me paraisse convainquant. Il y a sans doute quelques détails qui laissent songeur mais dans l'ensemble l'utilisation de la technologie sert bien le roman.
Dans ce troisième roman, on en apprend énormément sur la vie de Salander. Il y a un point sur lequel l'auteur fait preuve d'un peu de faiblesse à mon avis, c'est la question de la sœur de Lisbeth qui est évoquée mais que personne ne semble capable de retrouver la trace et qui, finalement, ne semble pas intéresser grand monde alors qu'elle me paraît avoir une importance non négligeable. Maintenant, évidemment, Stieg Larsson n'imaginait sans doute pas mourir si jeune et il est envisageable sinon certain qu'il se réservait ce personnage pour la suite. A ce sujet, j'ai lu que le quatrième épisode de ce qui n'aurait donc plus été une trilogie avait été commencé. J'ai lu aussi que la compagne de Stieg Larsson avait été écartée de la succession. J'ai lu pas mal de choses concernant cet auteur. Je regrette sérieusement qu'il soit mort et que cette série de romans se soit arrêtée là. Il reste cette éventualité d'un écrivain qui reprendrait le flambeau. Le ferait-il en tenant compte des travaux de Stieg Larsson ? Je n'en sais rien du tout et ce que je lis sur Internet ne m'apporte pas de réponse claire.
Je comprends que l'on puisse refuser de lire ces romans au motif que l'on a trop fait de bruit autour d'eux. J'ai été dans cette position pendant de nombreuses années. Etre d'accord avec tout le monde, c'est prouver un flagrant manque de personnalité. Pour ma part, j'ai été dans l'erreur la plus complète et suis désormais dans les rangs des idiots qui conseillent la lecture de Millenium. Si vous souhaitez réellement rester intelligent face à tous, ne lisez pas Millenium. C'est un conseil d'ami.

jeudi 26 décembre 2013

Millenium

2013 est doucement en train de se terminer et je découvre Millenium de l'écrivain journaliste Stieg Larsson mort en 2004.

Allez savoir pourquoi je refusais de lire Millenium ? Dans ma pauvre vieille cervelle dévastée par les abus en tous genres qui ont fait se dissoudre en une infâme soupe aigre synapses et neurones, j'imaginais qu'il s'agissait là d'une série de romans proches du genre de la science-fiction, genre que je n'affectionne pas particulièrement. Il m'avait semblé comprendre que ces romans n'allaient pas me plaire du tout. Peut-être aussi ai-je été tout simplement rebuté par le titre. Millenium sent trop mauvais le pire système d'exploitation jamais créé par Microsoft. Peut-être, tout simplement, ai-je refusé de faire comme tout le monde. Millenium a été (et est toujours) un vrai succès de librairie. Disons qu'il y a eu malentendu. J'étais persuadé que ce n'était pas pour moi et j'ai refusé d'essayer de m'y frotter. Alors, oui, d'accord, j'ai eu tort.
Cela fait des années que l'on m'assurait que la trilogie Millenium méritait vraiment d'être lue. Ce qui est notable, c'est que ce ne sont presque que des femmes qui m'ont conseillé la lecture. J'ai résisté longtemps et, finalement, après que l'on m'a une fois de plus assuré que c'était de très bons romans, je me suis laissé convaincre et j'ai acheté les trois volumes. J'ai commencé la lecture du premier des romans avec le sentiment un peu désagréable que je n'allais pas aimer et que j'avais dépensé des sous pour rien. Et puis, dès les premières pages, je n'ai pas pu lâcher le bouquin.
Pour autant, je ne dirais pas que c'est là de la grande littérature. Bien sûr, je n'ai pas lu le premier livre (je commence juste le deuxième) en suédois. Je ne sais pas si la traduction est bonne, je ne peux pas comparer. Le style est simple, direct. On est là dans un polar. Ce que je regrette un tout petit peu, c'est l'aspect trop caricatural du personnage de Lisbeth Salander qui, pourtant, est sans doute le personnage principal de Millenium. Je ne comprends pas vraiment ce personnage. Il s'agit d'une jeune femme d'environ 25 ans qui pourrait, selon l'auteur, être atteinte d'une forme du syndrome d'Asperger. Elle maîtrise d'une façon incroyable l'outil informatique, peut entrer dans votre ordinateur pour y lire les données, casser les codes de protection, se jouer des pare-feux, et cœtera. Sur cet aspect, je trouve le procédé bien pratique. Vous bâtissez une intrigue autour d'une histoire de données informatiques qu'une jeune femme bizarre parvient à détourner et vous n'êtes pas bien loin du deus ex machina le plus grossier. Dans le même temps, on ne peut pas nier que le tout reste efficace et prenant.
Millenium, c'est le nom d'un magazine libre, plutôt de gauche, engagé pour la protection des droits de l'Homme et la lutte contre la finance libérale délétère. L'autre personnage principal est Mikael Blomkvist, journaliste et gérant de Millenium. Il semble être beau gosse, il a du succès avec les femmes. Père divorcé, il entretient une relation libre avec sa collègue et associée et tombe amoureux de Lisbeth Salander notablement plus jeune que lui. Parce qu'il est intelligent et bon enquêteur, il réussit à résoudre une énigme bien compliquée dans le premier tome de la trilogie, "Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes". Dans le fond, l'histoire me semble tout de même légèrement tirée par les cheveux. Mais on prend plaisir à découvrir l'affaire, à attendre son dénouement. Il ne faut pas bouder son plaisir.

Millenium - Stieg Larsson
J'ai à peine refermé le premier livre que je me suis plongé dans le suivant. L'action se situe un an après la fin du premier tome qui s'ouvre pour de nombreuses pages sur Lisbeth Salander. Ce personnage me dérange un peu, tout de même. Comme je l'ai dit, il me semble trop caricatural. Je suppose que Stieg Larsson ne l'a pas créé par hasard et je suppose aussi que la trilogie doit une bonne partie de son succès à lui. Cette fille de petit gabarit au corps couvert de piercings et de tatouages, à l'apparence frêle et peut-être légèrement androgyne à qui l'on ne donne pas son âge a dû séduire bon nombre de lecteurs. Et là, je me demande s'il n'y a pas un côté légèrement pervers chez l'auteur qui s'amuserait à titiller une certaine tendance à l'attirance pour les très (trop) jeunes filles tout en dénonçant cela tout au long de ses romans. Ce genre de personnage féminin qui semble tout juste sorti de l'adolescence est assez courant que ce soit dans la littérature, la bande dessinée ou le cinéma. La jeune femme à l'apparence fragile qui se révèle être une personne forte et maître de la situation est un classique. Dans le même temps, je peux comprendre que le but d'un écrivain est de rencontrer le succès.
Pour l'heure, j'ai donc plutôt tendance à recommander la lecture de cette trilogie. Ce n'est sans doute pas un chef-d'œuvre de la littérature, il est possible que le succès soit dû également à la mort prématurée de l'auteur. Les romans sont parus à titre posthume et j'ai lu récemment sur Internet qu'un quatrième roman pourrait voir le jour, écrit par un autre auteur. A suivre. Pour le moment, je vais retourner lire quelques pages.

samedi 9 novembre 2013

217 vs 237

Alors que la presse frétille de la sortie de la suite de Shining, l'enfant lumière écrite par celui que l'on qualifie de maître de l'horreur, Stephen King, je viens de terminer la lecture de ce roman édité en 1977. Parce que, il n'y a pas si longtemps, je suis allé voir au cinéma le film documentaire Room 237 réalisé sur le Shining de Stanley Kubrick et aussi parce que j'ai revu ce film à l'occasion, je vais vous dire ce que je pense de tout cela.

Je n'ai pas lu beaucoup de romans de Stephen King. Voyons voir, faisons le point sur la question. J'ai lu "Dead Zone", "Misery", "Cujo", "Marche ou crève" et, donc, "Shining". J'ai aussi lu quelques nouvelles et peut-être bien un ou deux bouquins que j'ai oubliés. Bien que j'aie vraiment apprécié "Dead Zone", "Misery" et "Marche ou crève", je n'ai jamais été vraiment attiré par les bouquins de cet écrivain et j'ai plus ou moins évité tous ses livres traitant trop de diablerie et de sorcellerie. J'ai aussi vu quelques films réalisés par l'auteur ou tirés de son œuvre. Sans bien le connaître, j'estime donc que ce n'est pas une personne qui m'est totalement inconnue et étrangère. Je lui reconnais une imagination efficace et une maîtrise de l'angoisse. Il connaît son boulot, ça ne fait nul doute. Il a une ribambelle d'admirateurs de part le vaste monde.
Des films tirés de son œuvre, il en est un que j'aime particulièrement, c'est "Shining" de Stanley Kubrick. Il se trouve que Stephen King dit ne pas du tout aimer ce film. Mon frère qui m'a prêté le livre m'avait déjà dit que le film ne respectait pas le livre et que beaucoup de points différaient entre les deux histoires. Maintenant que j'ai lu le livre et que j'ai vu le film, je confirme qu'il y a des différences qui sont loin d'être anodines. Maintenant, le problème est de dire quelle version je préfère. A priori, je préfère le film. Maintenant, mon jugement est faussé parce que j'ai vu le film avant de lire le livre et que l'image de Jack Nicholson est bien trop présente. Le fait de lire un livre avant de voir un film ou, inversement, de voir un film avant de lire le livre conduit souvent à une déception. Sauf dans le cas de "No Country for the Old Men" des frères Coen. Pour ce livre/film, il est étonnant de constater combien les deux sont semblables et ne viennent pas se perturber.

Shining
Du film de Kubrick, il n'y a rien que je n'apprécie pas. Je l'ai vu plusieurs fois et pense le connaître assez bien. J'ai vu le documentaire récent consacré à ce film et il m'a laissé pantois. Il me semble en avoir parlé quelque part sur ce blog. Dans le fond et après réflexion, je suis persuadé que ce documentaire ne parle pas du film de Kubrick mais c'en sert juste comme prétexte à faire parler des fans d'un film et à leur faire sortir leurs phantasmes. Du livre original de Stephen King, je suis un peu plus mitigé. Il y a à mon sens, sur les quelques 400 pages du roman, de longs passages qui ne servent pas à grand chose. Il y a aussi des incohérences qui me dérangent un peu. Une partie d'entre elles sont sans doute dues à une mauvaise traduction (Jack Torrance qui est appelé John dans quelques passages, par exemple) mais d'autres sont plus dérangeantes. Il y a la façon de faire parler un petit garçon de quatre ans. King le fait parler d'une manière qui ne me semble absolument pas coller avec un enfant de cet âge, tout Danny qu'il soit, tout "enfant-lumière" qu'il soit. Il y a des moments comme celui, vers la fin du bouquin, où Stephen King fait recevoir à ses personnages des coups de maillet dans la tête avec des mâchoires qui éclatent, des côtes qui se cassent et tout cela n'empêche pas ces personnages, au prix de fortes douleurs, d'accord, de se lever, de marcher, de discuter, de réfléchir. C'est selon moi exagéré et facile. Je comprends bien que les personnages doivent parvenir à l'issue de l'histoire que l'auteur écrit mais tout de même. Le personnage de Jack Torrance qui est possédé par l'hôtel reçoit un couteau de cuisine planté jusqu'à la garde dans le dos. Il souffre, il est sous l'emprise de la diablerie mais il continue à balancer des coups dans les murs et de baguenauder de par les couloirs. Tout cela, Kubrick n'en a visiblement pas voulu. Dans le film, il n'est pas aussi certain que dans le livre que Jack Torrance soit sous l'emprise de l'hôtel. Peut-être est-ce juste qu'il est fou ? Il reste les visions de Danny mais on peut se demander si le petit garçon n'est pas aussi taré que son père, finalement. Dans le film, le personnage de Wendy, la femme de Jack et la mère de Danny, me paraît plus mis en avant. Par contre, je reconnais que le personnage de Dick Hallorann, le cuisinier de l'hôtel Overlook qui a le Don lui aussi est peut-être mieux utilisé dans le roman. La fin est radicalement différente mais je pense que Kubrick a dû faire des choix dans le bouquin et qu'il n'a pas pu tout garder. Dans le livre, Jack Torrance meurt dans l'explosion de l'hôtel. Dans le film, il meurt gelé dans un labyrinthe en poursuivant Danny. Là encore, je pense que la fin de Kubrick est bien meilleure. Dans le livre, King avertit le lecteur dès le début qu'il y a un souci avec la vieille chaudière. On sait plus ou moins que la solution viendra par elle. On le sent. Enfin, il me semble certain que le film est beaucoup plus angoissant, inquiétant et déstabilisant que le bouquin. Le génie de Kubrick, ce n'est tout de même pas rien.
Et alors, Stephen King sort la suite de Shining. Est-ce que je la lirai ? Je l'ignore. Ce qui est certain, par contre, c'est que Kubrick n'en fera pas un film.

samedi 13 juillet 2013

Soignez-vous bien

Plus jamais malade ?

samedi 22 juin 2013

Arto Paasilinna

C'est il y a bien des années de cela. Peut-être en 2003. J'ai un problème avec les dates. Un copain était venu me visiter avec femme et enfants, en plein hiver. Je l'avais averti qu'il risquait de faire froid, que ma maison était glaciale et qu'il n'y avait pas de téléviseur. Ils avaient débarqué tout de même.

C'était en toute fin d'année ou en tout début d'année suivante, impossible de m'en souvenir. Cet hiver là et cette période particulièrement avait été glaciale. Cela ne faisait pas longtemps que j'habitais Azerat. Je n'avais pas encore vraiment utilisé la cheminée et n'avait pas la moindre bûche d'avance. Juste la chaudière qui faisait ce qu'elle pouvait. On peinait à atteindre les cinq ou six degrés. Un autre copain avait du vieux bois sur un bout de terrain et il me l'avait donné. Avec la R19, j'étais allé en chercher et nous tentions de nous réchauffer aux maigres flammes de ce mauvais bois.
J'avais donné la chambre à la mère et aux enfants. Mon copain et moi dormions dans des sacs de couchage sur le tapis. Ce n'était pas le grand confort mais j'avais prévenu. Je me suis longtemps demandé ce que ces citadins pouvaient avoir raconté des conditions de vie en Périgord lors de leur retour chez eux.
Mais là n'est pas le propos. C'est juste que je cherchait à poser le décor. Mes copains étaient donc venus et ils avaient eu la bonne idée d'amener quelques bouquins. Parmi ceux-ci, il en est un que mon copain m'avait vivement recommandé. "Le lièvre de Vatanen" de Arto Paasilinna. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur. Je me suis aperçu par la suite qu'il était assez connu. Arto Paasilinna est Finlandais. Il est né en 1942 et a une bibliographie déjà bien fournie.
"Le lièvre de Vatanen" m'a été prêté et je l'ai lu avec plaisir. Je découvrais l'univers fait de fantastique et d'humour de cet auteur. J'ai rendu le livre et je me suis mis en quête d'autres ouvrages du même auteur. Ainsi, je pense que j'ai dû lire un peu plus de la moitié des romans de Arto Paasilinna. Le dernier est celui dont je veux vous parler. Je l'ai terminé il y a peu. Il date de 1998, "Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison".
Qu'est-ce que ça raconte ? Un policier du renseignement est envoyé en mission dans une ferme où il semblerait qu'il se passe des choses bizarres. Au cours d'une rapide enquête, il se rend compte des événements étonnants qui ont lieu dans la ferme. Mais il tombe amoureux d'une jeune femme et semble considérer que ce qui se passe ici est, au fond, presque normal.
Je n'ai pas trop aimé ce roman. Je le trouve très en deçà de certains autres romans de l'auteur. Celui-ci me semble bancal, trop prévisible et trop peu crédible. Il n'est pas mauvais mais il y a mieux.

Arto Paasilinna - Le potager des malfaiteurs ayant échappé à

samedi 1 juin 2013

La pensée des nouilles éclaire le monde

Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre qu'il va vous falloir trouver et lire de toute urgence.

Je suis d'une génération où la bande dessinée est peu considérée. Tout au long de mon parcours scolaire, il n'est pas arrivé une fois que l'on conseille aux élèves d'ouvrir un album de bandes dessinées. Lire Balzac, Ronsard ou Camus, ça oui. Souvent. Il convenait de lire sérieux. Et lire sérieux, c'est lire sans image. Les images, les petits dessins, c'est bon pour les classes de maternelles. Une fois que l'on a acquis la lecture, on laisse les images de côté.
Ça n'a jamais empêché les enfants et les adolescents et les adultes de lire des BD. La seule chose, c'est que l'on le faisait un peu en cachette, un peu honteusement. Il y avait celles qui étaient tolérées comme celles de Hergé et celles qui ne l'étaient pas du tout parce que trop vulgaires, trop violentes, trop libres. Mais maintenant, je suis un grand garçon et je fais bien ce que je veux comme je veux. Non mais !
C'est arrivé je ne sais plus comment. En naviguant sur Internet, un jour je tombe sur le blog de Isaac Wens. Et voilà que je me mets à sourire et à rire en lisant ses billets. C'est arrivé je ne sais plus quand mais depuis, je suis ce blog régulièrement.
Le héros de ce blog est Mr Popo. Mr Popo est entouré d'une petite fille qui pourrait être la sienne, d'un canard jaune, de nouilles martiennes, volantes et protéiformes. Mr Popo aime réfléchir et nous faire partager le fruit de ses réflexions. Il le fait très souvent en quatre cases joliment mises en couleurs. A chaque nouvelles quatre cases, on se sent déjà un peu moins bête.
C'est pour cela que lorsque j'ai appris qu'un recueil était édité, je me suis (un peu) empressé de l'acheter avec des euros honnêtement gagnés. Je l'ai reçu aujourd'hui. Première bonne surprise, le livre est plus grand et plus épais que je ne le pensais. Deuxième bonne surprise, les pages intérieures ne sont pas vierges. Il y a belle et bien des aventures de Mr Popo dessinées à l'intérieur. Je préfère le préciser tant il arrive trop souvent aujourd'hui encore que l'on se fasse avoir en achetant des livres vides. Le papier est de bonne qualité et l'ensemble a été imprimé en République tchèque. On pardonnera cette petite faute de goût.
Comme ça, on pourrait penser que je suis en train de faire de la pub pour Isaac Wens. D'abord, je ne doute pas un instant qu'il n'en a pas besoin ; ensuite, si tel était le cas, je vous prie de croire que j'aurais négocier un tarif avantageux. Je ne suis pas certain du tout que ce livre soit fait pour tout le monde. Il me semble qu'il est réalisé afin de toucher une cible bien précise de lecteurs avertis et d'une intelligence plutôt supérieure. Autant dire que vous ne devez pas vous sentir obligés de l'acheter. D'ailleurs, il n'est pas donné.
Il y a une très légère frustration à relire des choses déjà lues gratuitement sur Internet. On se dit que l'on aurait pu économiser son argent pour acheter des choses que l'on ne peut avoir gratuitement sur Internet. Des nouilles par exemple. J'ai fait le calcul, j'aurais pu acheter près de 10 kg de pâtes alimentaires avec le prix de ce livre. Baste ! Ce n'est pas tous les jours que l'on aide les jeunes créateurs et que l'on acquiert un beau livre que l'on pourra laisser bien en vue sur un joli meuble et qui fera dire que vous êtes une personne de goût.

samedi 27 avril 2013

Une fois n'est pas coutume

Pour une fois, parlons d'intelligence sur le blog qui nuit (très) grave. Je vous rassure, le blog qui nuit (très) grave redeviendra à son état normal dès après.

L'intelligence, c'est jouissif. Je ne parle pas de son intelligence à soi. Je parle de la rencontre avec l'intelligence. J'ai assez souvent été fasciné et heureux d'être confronté à ce que je considère comme étant une intelligence assez nettement supérieure à la mienne. En toute modestie, j'ai plutôt rarement eu l'occasion d'être fasciné et heureux, dans ma vie.
Il y quelque temps, on m'a prêté un livre que j'avais projeté d'acheter. Celles et ceux qui écoutent France Inter connaissent peut-être Jean Claude Ameisen qui propose son émission, "Sur les épaules de Darwin", chaque samedi à 11 heures. Cette émission est d'une rare intelligence en plus d'être poétique. Jean Claude Ameisen est un conteur curieux. Médecin spécialiste de la mort programmée des cellules, l'apoptose, il ne se prédisposait sans doute pas à devenir producteur d'une émission radiophonique. Je ne sais pas vraiment comment il en est arrivé là mais je suppose que c'est un désir énorme de partager son enthousiasme. On sent que Jean Claude Ameisen aime se poser des questions et trouver des réponses. Son terrain de jeu est vaste. Il englobe peu ou prou l'univers dans son entier. Son émission est une sorte d'OVNI dans le paysage radiophonique. Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà entendu quelque chose d'équivalent. Il me faut aller chercher une série d'émission télévisuelle japonaise diffusée à la fin des années 80 en France sur Antenne 2, "La planète miracle", pour trouver une source de fascination et de bonheur équivalente. J'avais adoré cette série. Dans le monde des livres, il y a quelques ouvrages de Hubert Reeves ou de Albert Jacquard qui m'ont fait cet effet. J'y ajoute désormais le livre de Jean Claude Ameisen.

ameisen.jpg

Face à une intelligence supérieure à la sienne, on peut se braquer ou, au contraire, s'ouvrir. Face à l'intelligence, on peut avoir le sentiment que l'on nous rappelle que nous ne sommes pas intelligent ou avoir le sentiment que l'on cherche à nous élever, à nous faire cadeau de ce que l'on peut grappiller, de ce que l'on peut saisir au vol, de ce que l'on est capable de comprendre. Quoi qu'il en soit, dans ce second cas, on sort de la rencontre un peu plus intelligent et ça, c'est bon.
Jean Claude Ameisen est généreux. Il veut donner le plus possible. Pour réussir cela, il se montre patient et pédagogue. Il répète, il dit de manière différente, il simplifie, il utilise des images. Et puis, il est doux. Il ne brusque pas son cours. Il nous prend par la main et nous guide dans un voyage fait d'émerveillements et de surprises.
Les sujets qu'il explore avec nous, pour nous, sont multiples. Ils concernent le vivant, la maladie, le genre humain et le monde animal tout autant que le règne végétal, la physique, la chimie, la complexité du cerveau, des sens, des rêves. Il nous parle aussi de son émerveillement face à la grandeur et à la complexité hasardeuse de l'univers ou de la parade amoureuse des oiseaux. Il nous surprend, il nous fait rêver, il nous rend moins bêtes. Il nous amène sur les épaules des géants pour nous permettre de voir un peu plus loin.
Ce livre, je l'ai lu d'une traite et je n'ai, bien sûr, pas tout compris. Malgré ses efforts pour faire simple et compréhensible, l'auteur est confronté à l'insondable puits d'incapacité à comprendre certaines notions qu'est mon intelligence mienne. Mais ce n'est pas très grave, dans le fond. Si j'étais vraiment intelligent, je ne serais pas moi, je n'en serais pas là où j'en suis. Et puis, bon, tout n'est pas foutu, je peux encore acquérir quelque connaissance, même très parcellaire. L'important, c'est que ça me rende heureux.
J'ai donc dévoré ce bouquin et puis, j'y suis revenu et revenu encore. Certains textes ont été diffusés tel quel sur les ondes ou presque. Les lire m'a permis de mieux assimiler. D'autres me restent assez hermétiques après plusieurs lectures. Ce n'est pas grave. Je relis et je parviens à picorer un nouvel élément.
Le gros problème, c'est que ce livre m'a été prêté et que je vais bien devoir me résoudre à le restituer. Alors, je me dis que je vais l'acheter pour l'avoir en guise de livre de chevet. Et puis, je vous conseille de l'acheter ou de l'emprunter ou, tout du moins, d'écouter les émissions sur France Inter.

samedi 23 février 2013

Variétés dans l'espèce humaine

Au 18e siècle, on ne s'encombrait pas de "bien pensance" et de "politiquement correct" lorsque l'on essayait d'établir une classification des variétés dans l'espèce humaine.

Peut-être ferai-je un dessin aujourd'hui. Ce n'est pas garanti. Il ne fait pas très chaud et je ne suis pas sûr d'avoir une idée et le temps pour le faire. Ce matin, j'ai tenté une photo et je me suis pris à lire quelques pages qui expliquent comment M. le Comte de Buffon voyait les différentes variétés de l'espèce humaine. Il est amusant combien les notions toutes subjectives de "beauté" lui semblent importantes. En gros et pour faire simple, les gens normaux (les Français de la noblesse, quoi) sont beaux et donc civilisés tandis que les peuplades lointaines sont constituées de personnes "bizarres" et donc "sauvages".

Histoire Naturelle

Mis à part cela, vu le peu de candidature à l'écriture du prochain épisode du feuilleton, j'ai pris sur moi de prendre la suite. Qu'on se le dise et répète !

Une autre photo...

Parce qu'il est fort improbable qu'un dessin arrive aujourd'hui, j'ai fait une autre photo sur le même thème.

Variétés dans l'espèce humaine

Variétés dans l'espèce humaine

vendredi 8 février 2013

American Tabloïd

Je viens de terminer le premier volume de la trilogie "Underworld USA" de James Ellroy, "American Tabloïd". J'ai envie de lire les deux autres volumes.

En un peu moins de huit cents pages, James Ellroy nous ouvre une porte sur cinq années de la vie politique des Etats-Unis d'Amérique, de novembre 1958 à novembre 1963 et l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, sur fond de mafia, de FBI, de CIA, de Baie des Cochons et de la vie de trois personnages principaux qui courent tout du long de l'ouvrage.
C'est le premier livre de James Ellroy que je lis. Je ne suis pas déçu. Il parvient à dépeindre une atmosphère noire et pesante ; à donner corps aux complots et trafics d'influence. Les USA sont présentés sous des traits peu reluisants comme un pays où le pouvoir est corrompu et acoquiné à la mafia.
Drogue et alcool, sexe et crime, racisme et complot, James Ellroy ne semble pas chercher à épargner son pays. Ce livre est sorti en 1995. Le dernier de la trilogie a été édité en 2010. Bien qu'il soit dit qu'il s'agit d'un roman, on ne peut s'empêcher de penser que ce livre regorge de vérités, toutes bonnes à dire.

American Tabloïd

samedi 15 décembre 2012

Moi René Tardi

J'ai découvert Jacques Tardi au collège avec les aventures de Adèle Blanc-Sec. C'est plus tard que je suis devenu une sorte d'inconditionnel. J'ai dévoré son dernier album : "Moi, René Tardi, prisonnier au Stalag IIB".

Jusque là, c'était la première guerre mondiale qui semblait inspirer Jacques Tardi. Dans son dernier album, il donne la parole à son père, René Tardi, militaire engagé dès 1935, qui participera à la guerre de 39-40 comme chef de char d'assaut et connaîtra la défaite et la condition de prisonnier de guerre dans un stalag de Poméranie.
C'est cette guerre vue du côté de son père que nous raconte Jacques Tardi. Au début des années 80, il a demandé à son père de consigner ses souvenirs par écrit. C'est en partant de ces carnets de mémoire qu'est né cet album de BD. L'auteur prend la liberté de se représenter en jeune garçon au long des pages alors qu'il n'était même pas né.
Jacques Tardi laisse parler son penchant antimilitariste qui, semble-t-il et dans une certaine mesure, était partagé par son père. Militaire de carrière, sous-officier engagé, René Tardi est confronté à la bêtise des responsables politiques et militaires dans la gestion de cette guerre. Les munitions introuvables, le matériel obsolète, la certitude chevillée au corps d'avoir la meilleure armée du monde et celle que Hitler n'oserait jamais passer par la Belgique pour atteindre le territoire français. On sait ce qu'il en sera, on sait la déroute de l'armée française. On sait moins le ressenti des prisonniers de guerre, vaincus, anéantis. Jacques Tardi, dans ce premier album sur l'histoire de son père[1], Jacques Tardi explique les conditions de vie à l'intérieur d'un stalag jusqu'au débarquement allié en Normandie. On est très très loin de la série (méprisable ?) "Stalag 13" avec son Papa Shultz ou de "La vache et le prisonnier" ou d'autres films réalisés après guerre et qui tentent de ridiculiser l'Allemand et de glorifier le génie français. Dans les faits, les militaires français étaient les vaincus et ils portaient la honte de la défaite sur leurs épaules. Après guerre, ils n'ont pas été fêtés.
Cet ouvrage volumineux est construit sur le principe de cases allongées qui font la largeur de la page. L'ensemble est principalement décliné dans des tons de gris et j'ai eu du mal à ne pas le lire d'un seul coup. J'aime faire durer un peu les livres que j'aime bien. Celui-ci, je vous le conseille. Il coûte environ 25 euros et est édité chez Casterman.

Moi René Tardi prisonnier de guerre au stalag IIB

Note

[1] D'autres suivront bientôt.

dimanche 11 novembre 2012

Livre de saison

Quel meilleur jour pour parler du livre que je suis en train de lire qu'aujourd'hui ?

Que n'a-t-on pas écrit, filmé, dit sur la Grande Guerre ? Cette fois-ci, c'est Jean Echenoz qui apporte sa pierre à l'édifice de la mémoire collective concernant cette sale guerre, celle qui devait être la "der des ders", celle que l'on a appelé la grande boucherie, celle à laquelle on était parti la fleur au fusil avec la certitude que ça allait être l'affaire d'une quinzaine de jours et que l'on serait rentré pour les moissons.
Plus de soixante millions de soldats, environ neuf millions de morts, une vingtaine de millions de blessés. Les "gueules cassées", les monuments aux morts qui fleurissent quelques années plus tard dans les villages de France. Les poilus, les tranchées, le gaz moutarde, les baïonnettes, les casques à pointes, les fusillés pour l'exemple. Tout cela est dans les esprits au moment où la France décide de ne plus commémorer l'armistice de 1918 mais de saluer les morts pour la France.
14 raconte la vie de cinq jeunes hommes qui partent à la guerre. Le héros, le personnage principal du livre est Anthime. Jean Echenoz parvient en un court livre d'un peu plus de 120 pages à nous raconter ces vies et la guerre sans s'appesantir sur les atrocités de la guerre, sans se perdre dans de longues descriptions.

14 - Jean Echenoz

jeudi 16 août 2012

L'homme qui souriait

Une généreuse donatrice m'a donné de quoi bouquiner. Puisque je ne suis pas bon à grand chose d'autre ces temps derniers, c'est ce que l'on peut appeler une aubaine.

Inconditionnel de la littérature classique, j'ai lu l'intégrale des œuvres de Enid Blyton (ou presque), de la collection des "Oui-Oui" à celle du "Club des cinq" en passant par "le Clan des sept". C'est vous dire. En contrepartie, j'avoue n'avoir pas une connaissance très étendue du genre du roman policier. Oui, j'ai lu quelques Maigret sur le tard, quelques Agatha Christie ou Conan Doyle dans mon adolescence, la quasi intégralité de l'œuvre de Frédéric Dard, mais je connais mal le roman policier. Il y a peut-être une quinzaine d'années de cela, une personne m'avait fait connaître les romans de Maj Sjöwall et Per Wahlöö et les enquêtes de l'inspecteur Martin Beck. Ça avait été une sorte de révélation et j'avais dévoré tous les romans de la série avec bonheur et délectation.
C'est donc avec l'idée que j'allais me régaler que je choisis un roman suédois pour reprendre le roman policier. Parmi les bouquins reçus, il y a "L'homme qui souriait" de Henning Mankell. Je le choisis pour son origine suédoise et parce que les premières lignes et les quelques autres que j'ai parcourues avant de le lire me rappelait l'esprit des romans de Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Un inspecteur (là il s'agit d'un commissaire, en fait) un peu dépressif et une description sans fard de la Suède.
Les premiers chapitres m'ont enjoué. J'ai adoré la mise en situation, la présentation, des différents personnages. L'intrigue est assez intrigante pour que l'on accepte de se prendre au jeu et tenter de dénouer l'écheveau du crime avant la fin du livre. Le style simple et précis est très agréable et c'est ma foi un roman bien agréable à lire malgré les quelques incohérences qui agacent un peu le lecteur trop pointilleux que je suis.
Le roman s'ouvre sur la description de la mort d'un avocat, assassinat qui sera le fil conducteur du roman. L'avocat est au volant de sa voiture et il roule dans le brouillard lorsqu'il s'arrête, intrigué par un mannequin assis sur une chaise, dans le brouillard suédois, en plein milieu de la route. Il descend de l'automobile et se fait trucider. Bon. Admettons. Le truc, c'est que je ne peux croire cette histoire. Même en Suède, je suppose qu'il y a toujours le risque qu'une autre voiture ait à passer par là au moment précis où l'avocat doit voir le mannequin assis sur sa chaise. On comprendra le pourquoi de cette mise en scène plus loin dans le bouquin mais ça ne tient pas trop la route.
De même, la secrétaire du cabinet d'avocat est victime d'une tentative d'attentat avec une mine anti-personnel placée dans le petit jardin de son petit pavillon. Le plan est déjoué et plus jamais on tentera de la supprimer. Bizarre et assez incohérent. Plus tard, c'est la voiture du commissaire qui est piégée. S'il s'en sort par un pressentiment curieux, il l'est encore plus, curieux, que l'on cesse de lui chercher des noises jusqu'à la fin du livre où il se trouve piégé et désarmé par les méchants qui projettent de le lâcher d'un hélicoptère sur la place de la ville. Que cette idée de balancer le commissaire sur cette place soit intéressante, je n'en disconviens pas. Là où je rechigne un peu, c'est que rien n'empêchait de tuer ledit commissaire avant de lui faire son baptême de l'air en hélicoptère. Ou tout du moins de l'assommer bien comme il le fallait. La fin du roman en eût été changée, c'est évident.
Il s'agit donc d'un bon roman, bien écrit et qui sait tenir le lecteur en haleine mais qui puise un peu trop dans la ficelle du deus ex machina. Dans la série de livres offerts, il y a un autre roman de Henning Mankell. En le lisant, je me ferai une idée plus précise de l'auteur. Mais en attendant, je suis passé à un roman de Michael Connelly, "Le Verdict du Plomb", qui me semble supérieur au roman précédent. J'ai déjà lu près de la moitié de ce livre et n'ai pour le moment rien trouvé à jeter.

homme-qui-souriait.jpg L'homme qui souriait -Henning Mankell - Seuil Policiers

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