Jeux et divertissements › Feuilleton collaboratif du mardi

mardi 19 février 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (32)

Où nous mènera cette histoire ? On ne le sait pas vraiment. Pour le moment, elle semble bloquée quelque part entre la côte bretonne et celle normande. Peut-être Liann, qui propose l'épisode de la semaine, nous éclairera un peu ? Pas si sûr.

À la station-service, ouverte 24H sur 24, on ne savait s'il faisait jour ou bien nuit, tellement la fumée disputait la lumière aux divers feux et explosions. C'était un feu d'artifice créé par un technicien en pyrotechnie un peu dingo, montrant un spectacle sons et lumières où se confondent jeux d'étincelles, jets d'aérosols de peintures de retouche et claquements secs de petites et moyenne cartouches de Camping-Gaz qui explosaient en chapelets. Des fenêtres alentours s'ouvraient.



- Encore les Anglo-Américains lançait une voix.

Une autre voix lui répond, glapissante,

- Mais que fait la L.V.F. ?

Les Cyborgs, les "Hans" rivalisent de bêtise, l'un s'empare de l'embout du gonfleur de pneu, se le met dans la bouche et met la pression maximale pour exploser, jetant d'autres étincelles qui se rajoutent aux autres. Un autre Cyborg s'aspire les poumons avec l'appareil aspirateur modifié par ses soins, qui produit une dépression colossale, et fait s'imploser son thorax. Marie Cheulet (c'est son nom), la gérante de la station s'est enfuie, entraînant son mari vers plus loin où les flammes ne pourraient pas toucher ses beaux cheveux longs et roux incendiaire, alors de là à l'accuser d'avoir mis le feu aux poudres, il n'y avait qu'un pas, pas de ça, Lisette, on fiche le camp ! Le vacarme était assourdissant entre les cris des Cyborgs délirants et les explosions soutenues. Le camion de Frédéric sentait le brûlé, et ses pneumatiques devaient avoir une pression d'environ soixante kilos par la chaleur. Colette et Frédéric décident d'un commun accord de s'enfuir eux aussi et cavalent vers le 4X4, où Pedro au volant, regardait le spectacle pyrotechnique gratuit (il venait d'Ambert, riante cité d'Auvergne, où, parait-il, les livrets de caisse d'épargne sont les plus gras de France). Laissant toute cette animation, le Land-Rover s'élance sur la route, évite soigneusement les Cyborgs noyant la chaussée de leurs gestes parfois obscènes, freinent les nombreux véhicules qui voulaient échapper à cet enfer que représente une station-service en feu, les conducteurs gavés de films catastrophe disaient que ça va péter le feu de Dieu ! De nombreux Cyborg disparaissent ce jour-là, ou cette nuit là. Une perte pour la science et peut-être pour d'autres : le personnel rêvé pour un patron peu regardant… Un Cyborg explosait par ici, un autre se faisait écraser par un poids-lourd… Une dame à la fenêtre d'un immeuble voisin, avec des regrets dans les mains, dit :

- Si c'est pas malheureux de voir de si beaux hommes disparaître ainsi !

C'est vrai qu'il était beau, le "Hans" numéro 28, bien proportionné, de fins et longs muscles annonçaient des nuits enchantées aux dames, pétant tellement de santé, qu'il explosa à côté de la pompe 3, celle du SP98, à 1,78 le litre, cela faisait pitié à voir. La pauvre dame ne savait pas que les Cyborgs étaient asexués. Au loin, le pin-pon des pompiers se faisait entendre… Le Land-Rover roulait vers l'ouest, vers Barfleur.

- B.. de M.., les perdreaux ! Un barrage ! Qu'est-ce qu'on fait ? demande Pedro. On fonce ?

- Oh ! Nous n'avons qu'un Land, ce n'est pas une R8 Gordini ! répond Francis, et nos tôles ne sont pas à l'épreuve des balles des Manhurins des Roycos…

- Prenez l'air d'oisillons qui sont dans les nids des mésanges, au printemps, dit Colette.

- On fait "cui-cui" ? demande Frédéric.

- Faites-le , et on est "cuits-cuits" !

Le barrage, ce sont les C.R.S, des gars sérieux, quoi. Le 4x4 s'approche au ralenti. Sourire contrit des occupants… Le fonctionnaire avise le véhicule, l'observe avec toute l'attention requise à la définition des pages 24 à 26 de son manuel, potassé presque chaque jour (il prépare le concours pour le 29 mai qui lui permettrait de gravir plusieurs échelons d'un seul coup), et s'approche du conducteur qui à baissé sa vitre.

- Que se passe-t-il, monsieur l'agent ? demande Pedro.

Le fonctionnaire, obtus sur cette question d'un "pékin", regarde vers l'intérieur du véhicule.

- Vous êtes quatre dans un 4x4, c'est correct !

Pédro propose au fonctionnaire de présenter ses papiers, refus du C.R.S.

- Non, non, quatre dans un 4x4, parfait !

- ...

- Oui, vous voyez l'auto devant ? précise le fonctionnaire, ils sont deux dans une Audi Quattro !

En effet, on voit le conducteur de l'Audi sortir de l'auto et s'insurger :

- Comment ça, parce que l'on est deux dans ma bagnole, vous voulez me fiche une contredanse ? Appelez-moi votre chef !

- Notre chef est occupé, vous ne le voyez pas, il contrôle trois personnes dans une Fiat Uno !

Et le fonctionnaire à côte du Land de dire à Pedro :

- Allez, vous pouvez y aller, circulez !

Pedro engage la première et embraye, laissant ce curieux barrage derrière.

- Qu'est-ce que c'étaient ces flics d'opérette ? demande Colette.

- Le principal, c'est que l'on soit passés, précise Francis, le risque, ce serait de tomber sur d'autres barrages, et je pense pas que ce soient des passoires comme celui-là... Prenons les petites routes...

Le Land-Rover s'engage sur les chemins de traverse, ne croisant que des biches ou des lapins, peinard. Une tache jaune à l'approche d'une intersection, interpelle les occupants du Land.

- La Quatrelle du facteur, reconnait Colette, Stoppe, Pedro !

Le 4x4 s'arrête près de l'épave de la brave Renault 4 Pététesque.

- Salement amochée, la guinde, dit Francis. Pas âme qui vive alentours.

Colette reconnut "sa" 4L, celle qui l'emmenait avec Hans vers Barfleur. Elle ouvre la porte arrière et dit :

- Je reconnais les sacs et ces paquets Damart et ceux de la redoutable Redoute ! Mais ? Lors du choc, tous les paquets se sont mis en vrac, et j'en vois un qui parait bougrement intéressant : un paquet destiné à Mme Labornez Gaëlle, à Pont-Aven ! Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Rajoute Colette en se saisissant du paquet de carton… Je l'ouvre !

Francis fut le plus rapide, il attrapa le paquet que tenait Colette et le lança vers le champ voisin, une déflagration fendit l'air calme du coin, le paquet venait d'exploser !

- C'était un "cadeau" de Monsieur Lafleur pour Gaëlle Labornez, précise Francis.

- Ben, mon cochon ! conclut Colette.

Un gémissement soudain, après l'écho de l'explosion qui résonne. Frédéric enjambe le fossé, et lance à ses acolytes :

- Mais ? C'est Gérard Moyeux... ton con-joint, Colette !

Colette, Francis s'approchent, suivi de Pedro qui a porté sa main droite comme pour prendre son portefeuille, et voient un Gérard, du sang séché sur le front, ouvrant grand ses yeux, et ne disant mot, étant bailloné par du sparadrap.

Pedro lance :

- Cela sent le piège !

- Quel piège ? rassure Colette, Il n'y a pas plus de piège que d'intelligence dans le crâne de ce mec, le Gérard, dire que c'est mon mari ! Cet homme là, ce saucisson avarié ! J'en ai fait des couènneries dans ma chienne de vie, mais me marier avec ce débri, j'aurais mieux fait de me casser une patte... (C'était bien pour me rapprocher de la Fabrique, pensa-t-elle).

- Bon qu'en fait-on de Gérard, on le laisse là ? interroge Frédéric, on le laisse aux corneilles ?

- Ce serait le mieux pour lui, mais avec toute la poulaille qui tourne dans le coin, mieux vaut l'embarquer, précise Colette. Et le Gérard Moyeux, l'éternel perdant, se retrouve placé dans le coffre du Land-Rover, toujours attaché et bailloné, et le 4x4 s'éloigne de l'épave de la pauvre voiture administrative, restée au bon vouloir des autorités du coin, ce qui fera que, peut-être un jour, seront distribués les colis de Damart et des autres. Vous autres, lecteurs, n'accusez pas votre facteur lorsque vous attendez un colis, il y a peut-être de "La Fabrique" la-dessous.

- Nous voici à cinq dans un 4x4, philosophe Pedro, faudrait pas que l'on tombe sur un flic aussi pointilleux que tantôt !

Le Land-Rover ne tarde pas à être en vue de la "Villa La Falaise", la maison de L'oncle Etzelle, où étaient nos braves compagnons qui s'étaient éclipsés peu de temps auparavant. Le Land stoppe. Colette descend et trouve la porte d'entrée défoncée, en vrac, causé, sans doute, par cette moto qui git en travers de la pièce principale.

- Y'a personne, juge Frédéric qui s'est approché.

Francis et Pedro étaient parti à la recherche d'informations auprès de la maison voisine, la villa "La Baie", prouvant l'originalité des gens du coin pour le baptême de leurs demeures, que des noms marins, sauf peut-être le "Sam-Suffit", belle bâtisse situé à trois cents mètres et voisine de la villa "Do-mi-si-la-do-ré" du musicien local. Francis et Pedro, revenu de leur pêche aux renseignements expliquent :

- La maison est louée par une Dame Etzelle, qui habite Douvres !

- Douvres ! Nom d'une pipe, chez les Angliches ! dit Frédéric.

- Non, Douvres-la-Délivrance, à mi-chemin de Caen et de la mer, enfin la Manche ! précise Francis.

- À mon avis, nos oiseaux sont là-bas, ils ont dû partir précipitamment. Y'aurait du Patron la-dessous, que cela ne m'étonnerait pas ! dit Colette.

- Mais ? Comment les retrouver, les reconnaître ? demande Frédéric.

- L'ambulance ! La voisine m'a indiqué qu'en plus de la voiture à Columbo, y'avait une ambulance, précise Francis.

- Alors, en route pour Douvres ! Lance Colette?

- Et il n'y aura pas le "channel" à traverser ! Conclut Frédéric.

Et le Land-Rover part vers l'est, en direction de Caen.

Dans la villa normande de Douvres-la-Délivrance, l'ambulance était arrivée, et c'était comme des retrouvailles, avec en plus, un nouveau compagnon : Arthur, le facteur de Gaëlle.

Roland déclare :

- Sur le tableau, je trouve que dalle !

- En parlant de dalle, dit Arthur, j'ai une faim de loup, vous n'auriez rien à becqueter ?

Oh, pis j'y pense, avec toutes ces aventures, j'ai oublié de vous dire que j'avais un colis pour vous, Mâame Labornez !

- Un colis ? demande Gaëlle, qui peut m'expédier un colis ?

Le gars Arthur laisse cette pauvre Gaëlle dans ses questions en voyant Tante Etzelle proposer un sandwichs saucisson sec et cornichons, avec du bon beurre salé.

- Un tableau, une devinette ? demanda entre deux bouchées le facteur Arthur. Je suis fort en énigme, racontez moi tout ça !

Toute la compagnie explique en long et en large de quoi il s'agit...

- Fachtophe, tchomp, fastoche, je voulais dire, votre truc ! conclut Arthur.

Regard d'envie de tous nos compagnons, racontez-nous semble demander les cinq paires d'yeux. Arthur continue :

- Notez bien la première lettre des mots que je vais citer, la première...

Arthur prend le tableau et observe :

- Peinture… Originale, Naturellement en Toile...

Il retourne le tableau et continue :

- Avec au Verso, un Encadrement en Noyer... Et oui, contrairement à de nombreux châssis de tableau, la plupart sont en pin, celui-ci est en noyer ! Ce qui nous donne...

- Pont-Aven ! dirent d'une seule voix nos compagnons, un peu déçus.

- Arthur, vous n'êtes pas sérieux, dit Tante Etzelle, vous nous avez raconté cela pour pouvoir rentrer à Pont-Aven !

- Et alors, c'est tout naturel que de vouloir revenir chez moi, vous trouvez cela marrant de me retrouver avec une nénette avec un flingue long comme ça, qui vous entraîne avec un robot ?

- Une nénette ? Colette !

- Colette est sur nos traces, on fiche le camp ! déclare Roland.

- Pour aller où ? demande Gaëlle.

- Pourquoi ne pas revenir à Pont-Aven, on ramènera ce brave Arthur.

- D'accord, puisque la Colette en a après nous, mais, on emmène le tableau ! résuma Tante Etzelle.

Et nos compagnons de reprendre la route.

Les services de la Gendarmerie étaient retournés à "la" maison Labornez pour complément d'enquête. Le foudre s'avéra bien creux et menait non pas à un escalier, mais dans une pièce où était installé un réseau de train-jouet électrique des années 1940/1950.

- Du Hornby, déclara un expert gendarme amateur de trains-jouets au 1/43ème.

- Délire de nos deux brigadiers, conclut le Commandant de la Gendarmerie, présent sur les lieux, nos deux brigadiers, intoxiqués par le mélange calvados-LSD, les voilà partis à voyager sur "leur train électrique de mine" !

Pour parfaire ses dires, l'officier remarque à un bout du réseau, une amorce de port avec sa capitainerie, et une embarcation en cuivre !

Derrière le mur de la cave, deux personnages devisaient :

- voilà, opération camouflage réussie. Maintenant, l'opération "reconstruction de la maison Labornez". Cette maison en ruine nous apporte vraiment trop de curieux...

Et nos compagnons de vouloir reprendre la route, ce n'est plus une aventure, c'est un « road-movie » ! Alice tiendrait le volant de l'ambulance, et Robert, n'ayant plus mal aux poignets (encore un mystère ! Vous avez remarqué comme tous les blessés guérissent aussi rapidement ?) avait insisté, lui, le passionné de voitures anciennes, de conduire la 403 Peugeot, cabriolet, s'il vous plait, que Tante Etzelle convaincue que ces « damnés jeunes » étaient « chauds » lui laissa le volant. Que c'était marrant, dit Roland, Tante Etzelle m'a amené ici avec un cabriolet 404 et, que voici une 403 ! Y'a de drôle de trucs qui se passent dans le coin... C'est comme la météo, de la brume, un temps incertain, nos montres se sont arrêtés, et que j'ai perdu toute notion du temps qui passe ? Tout cela est bien curieux...



Le voyage de nos compagnons fut bizarre : à peine sortis de l'allée de la villa normande des Etzelle, ils tombèrent sur un 4x4 Land-Rover dont les occupants avaient autant d'activité que des personnages de cire du Musée Grévin de Paris : ils étaient bouche bée, et l'on sentait qu'ils auraient voulu bouger, mais impossible. Alice, au volant de l'ambulance, ainsi que Robert, épanoui de pouvoir enfin conduire un cabriolet 403, comme celui de Columbo, n'insistèrent pas sur la présence du 4x4 avec à son bord, la Colette Moyeux, qu'ils avaient reconnue ! Le temps, les kilomètres, toutes ces notions semblaient avoir disparu de leurs connaissances, ils se retrouvèrent rapidement à Pont-Aven, face à la maison des Labornez, Gaëlle et Yannick, maison intacte ! À leur grande surprise !

Ils descendent de leurs voitures et observent : seule une Mercedes noire, garée non loin, leur permettait de voir qu'ils n'avaient pas rêvé ! La maison intacte !

À la fabrique, Lafleur sirotait son quatorzième cocktail, et commençait à être pompette.

mardi 12 février 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (31)

Tant pis pour vous. C'est moi qui me suis collé au nouvel épisode.

- Vos actes sont inqualifiables ! Vous avez bafoué l'honneur de la gendarmerie, de l'armée française, de la France dans son entier, brigadiers ! Une mise à pied ? C'est une peine bien légère. Vous mériteriez le conseil de guerre, la cour martiale. Votre comportement est indigne de votre fonction. Je vous rappelle au cas où vous l'auriez oublié, que vous représentez l'ordre, que vous êtes investi d'une mission. Celui de veiller sur la population et lui venir en aide. Au lieu de cela, on vous retrouve complètement ivres en train de tenir des propos incohérents à la capitainerie du port, à menacer d'honnêtes gens dans une tenue qui laisse pour le moins à désirer. On nous prévient discrètement, on vient vous chercher, on constate que vous avez "égaré" votre véhicule de fonction que l'on finit par retrouver planté dans un étang et vous avez le toupet de me raconter, à moi, commandant de la brigade, adjudant-chef Le Trouduc, gendarme de père en fils depuis que la gendarmerie existe, que vous avez parlé à votre aïeul qui aurait été commandant de la brigade ici présente ? Vous me racontez avec votre haleine chargée et une assurance insolente des balivernes insensées au lieu de vous excuser et d'implorer mon pardon ? Non mais, brigadiers ! Que vous arrive-t-il ? Vous vous croyez où ? Au cirque ? Je vais vous mettre à pied pour trois jours parce que nous manquons d'effectifs et parce qu'il se passe des choses bizarres alentours mais croyez bien que je n'oublierai rien de tout ce qui vient de se passer ! Je n'oublierai pas et ça ne jouera pas en faveur de votre avancement, vous pouvez me faire confiance ! Vous avez détruit un véhicule, vous vous êtes ridiculisés dans tout le voisinage, vous inventez des histoires incroyables. Je vous mets à pied. Disparaissez de ma vue et allez décuver ! Exécution !

- Nous sommes mis à pied rapport à la 4L, mon adjudant ? Questionna Chapraud.

- Parce que la 4L, c'est pas nous qu'on l'a mise à l'eau, ajouta Chapraut, solidaire.

- Ah mais oui, bien sûr, où ai-je la tête ? C'est votre grand-père qui vous a poussé peut-être ? Vous continuez à vous foutre de ma gueule nom de nom !

- Ah non, mon grand-père n'est pour rien dans l'affaire de la 4L. D'ailleurs, ça existait pas encore, en son temps, la 4L, tempéra Chapraud.

- C'est des inconnus que nous n'avons pas identifiés qui nous ont mis à l'eau, précisa Chapraut.

- Je ne veux pas le savoir ! Foutez-moi le camp ! Disparaissez !

- Mon adjudant, faut tout de même que vous nous croyiez. On ne dit pas que des bêtises...

- Non. Vous en faites, aussi.

- Je veux dire, pour le passage secret dans la cave de la Labornez et les souterrains et le train électrique, le téléphone, tout ça, c'est facile de voir par vous même.

- Parlons-en de la Labornez ! Vous vous êtes rendus sur les lieux à plusieurs reprises et ça n'a pas empêché la destruction de la maison et la disparition de sa propriétaire ! Kermitt est venu faire une déposition. Il n'a rien vu mais il a tout entendu. Et il paraît que vous vous avez abîmé l'une de ses motocyclettes, en prime ! Vous avez vraiment fait du beau travail. Chapeau.

- Il s'est passé des choses chez la Labornez, mon adjudant. Des choses pas catholiques, si vous voulez mon avis.

- Je ne le veux pas, merci.

- Chapraut a raison, mon adjudant. Il semble même que des étrangers à l'accent allemand seraient liés à l'affaire. Ça prend une tournure internationale, je pense. Peut-être la Labornez était-elle dans l'espionnage, rapport à son passé dans la résistance. Elle était proche des communistes à ce qu'on dit.

- Labornez est une demi-folle, tout le monde le sait dans le village ! Avec elle et vous, on pourrait penser à ouvrir un hôpital psychiatrique. Il y aurait de quoi le remplir.

- Chef ?

- Quoi, Chapraud ?

- On est mis à pied, chef ?

- Oui

- On a droit tout de même au vélo, chef ?

- Foutez-moi le camp ! Hors de ma vue ! Ouste !

Chapraud et Chapraut, menacés par l'adjudant-chef Le Trouduc a bout de nerf, perdant toute patience et toute mesure, brandissant une règle métallique en guise de sabre d'abordage, s'enfuient de la gendarmerie et se retrouvent dans la rue.

- Il nous a pas cru.

- Je le crois.

- On dirait qu'il n'a pas confiance en nous.

- On dirait bien.

- On a pourtant bien vu ce qu'on a vu.

- Ça me sape le moral, à moi, Chapraut. J'ai comme qui dirait le moral dans les chaussettes et je n'aime pas ça. Il me faudrait quelque chose pour le remonter un peu, mon moral.

- Comme moi, brigadier, comme moi.

- Et si on allait boire un petit calva chez José ?

- Il doit être ouvert à c't'heure.

Les gendarmes bifurquent en direction du café à José. Ils poussent la porte et la clochette retentit. Derrière le comptoir, José voit les duettistes s'avancer vers lui et un sourire apparaît sous sa mince et fière moustache.

- Une petite absinthe, messieurs ?

- Euh... Non... Un calvados, comme à l'habitude, José.

- C'est que dans votre époque, on boit plutôt de l'absinthe, il me semble ?

- Notre époque ? S'étonnent en chœur les brigadiers.

Dans la salle, quelques rires fusent. Les clients se tournent vers les gendarmes et gloussent de plaisir.

- C'est que vous arrivez de loin, selon les rumeurs qu'on entend.

- Je ne comprends pas, dit Chapraud. On arrive de la gendarmerie. Le chef nous a mis à pied...

- Même pas droit au vélo...

Un tonnerre de rires explose.

Chapraud et Chapraut se tournent vers les consommateurs en fronçant les sourcils de contrariété. Ils commencent à comprendre.

- Tentative de manque de respect à l'autorité ! Nous allons sévir !

- Vous êtes à pied ! Tonitrue quelqu'un.

- Ça durera pas, répond Chapraut du tac-au-tac.

- On dit que vous avez testé un prototype de véhicule amphibie ? Lance un autre ?

- Leur réponds pas, dit Chapraud à Chapraut. On sait ce qu'on sait, nous !

- Deux calva, commande Chapraut à José.

- Bien messieurs. Deux calva, deux !

José sert les deux boissons.

- C'est pour la maison, annonce José. C'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de rire.

Les gendarmes boivent leur verre cul-sec et sortent sous un déluge de rires et de quolibets.

- Moi, je dis qu'on n'est pas fous. On va lui faire voir à Le Trouduc, qu'on soit à pied ou pas !

- T'as raison ! On va leur faire voir à tous ce que sont des gendarmes ! Ah ! Rira bien qui rira le dernier !

- On retourne chez la Labornez !

- On y file. A pied peut-être mais on y va.

Les deux compères prennent la route de la maison démolie. Ils marchent en ne faisant plus attention du tout à la population qui les montre du doigt en explosant de rire.

- Ça fait une trotte, tout de même, juge Chapraud au bout de quelques kilomètres.

- Ça, avec la 4L, ça allait plus vite.

- On ferait pas une halte pour se rafraîchir ?

- J'y ai pensé. Nous ne sommes plus bien loin de chez Kermitt.

La veste ouverte, le képi de travers, les deux gendarmes parviennent en sueur sur le perron de la maison de Kermitt. Ils frappent à la porte.

- Gendarmerie ! Ouvrez ! Crie Chapraut.

- Quoi c'est ? Suggère une voix.

- Gendarmerie ! Brigadiers Chapraud et Chapraut !

- Je suis aux vécés. Attendez, j'arrive.

Peu de temps après, les gendarmes entendent une chasse d'eau, une porte qui s'ouvre et se referme et ils parviennent à distinguer une silhouette qui s'approche dans le couloir. Kermitt leur ouvre la porte.

- C'est pourtant vrai que c'est vous ! Vous êtes au courant de l'affaire ?

- L'affaire ?

- Ben oui, bien sûr que vous êtes au courant, je suis bête ! C'est vous, l'affaire ! Et comme on dit au village, les Chapraudt, c'est pas une affaire !

- Attention !

- Vous êtes mis à pied. Tout le monde le sait. Vous venez pour quoi, cette fois ?

- On a soif.

- Entrez. J'ai à boire.

La bouteille de calva est sortie. Trois verres sont disposés sur la table. On dirait un jeu. On remplit les verres, on les vide, on les remplit de nouveau. La règle est simple à comprendre, l'enjeu un peu moins.

- Parlez-nous de la Labornez, Kermitt.

- Il y a rien à en dire qu'on sache déjà, assure Kermitt d'une voix mal assurée. La Labornez, elle a toujours été là autant que je m'en souvienne. J'ai connu son mari, le Yannick. Ils étaient dans la résistance, pendant la guerre. Tout le monde sait ça. Et puis, bon, avec l'âge, elle est devenue un peu folle, la Labornez. Pas méchante, notez. Si vous voulez parler à quelqu'un qui la voit souvent, faut parler au facteur. Un brave gars. Il lui apporte son "Nous-Deux" chaque semaine. Comment qu'il s'appelle déjà ? M'en rappelle plus. Bah ! Il est pas dur de le trouver, il roule dans une 4L jaune.

- Me parlez plus jamais de 4L, s'exclama Chapraud en relevant une tête dodelinante.

- Enfin pour vous dire que la Labornez, elle était bien calme depuis la fin de la guerre et encore plus après la mort de son Yannick. Enfin jusqu'à ces derniers jours, je veux dire ! Parce que là, pardon ! Et que des voitures arrivent et repartent, et que ça explose à répétition, et que ça vous amène de l'étranger voleur de moto ! Et tout ça au nez et à la barbe des gendarmes ! Sauf vot' respect, messieurs.

- Et moi, je dis que la Labornez, il y a anguille sous roche. Et où-ce qu'elle est passée, d'abord ? Hein ? Nous, on y est allé chez la Labornez. On a trouvé la cave et le passage secret et le train électrique. Et Chapraut a parlé à son grand-père, même. Et ça, c'est pas du normal !

- Une cave chez la Labornez ? Première nouvelle ! Jamais entendu parler de ça, moi ! Lâche Kermitt en secouant la tête et en remplissant les verres.

- Merci. Une cave, il y en bien une. Et même, il y a des trucs à y boire !

- Kermitt, on a confiance en vous. Si vous voulez, on écluse cette bouteille et on vous emmène y voir, à la cave à la Labornez !

- Bingo !

Et les verres sont remplis une fois encore. Et une fois encore, ils sont vidés. Et lorsque la bouteille est vidée à son tour, les trois hommes se lèvent et, en équilibre instable, sortent de la maison et prennent la direction de la ruine, objet de toute leur attention. En zigzaguant, ils maintiennent un cap approximatif. Ils ne sont pas partis les mains vides. Dans sa grande lucidité, Kermitt a plongé une bouteille dans la musette qui pend à son épaule. On ne part pas à la guerre sans munitions !

La maison Labornez apparaît en ligne de mire. Il n'en reste pas grand chose. Nos trois gaillards gravissent les gravas et parviennent à hauteur de l'entrée de la cave.

- Ah ! Vous voyez bien, civil ! Il y a une cave !

- Bon sang ! J'savais pas. Respect, brigadier. Vous avez bien mérité un gorgeon.

- Il y en a en bas.

- Et du bon et en quantité !

- On a testé en vue d'analyser. Police scientifique !

Les trois hommes descendent à la cave.

- Là ! Les litres !

- Ah ! On va tester scientifiquement, se pourlèche les babines le père Kermitt en agrippant une bouteille. A la bonne vôtre !

Et le père Kermitt s'envoie une bonne rasade de jus de pomme distillé.

- Mouais... Il vaut pas le mien. Il a comme un goût de pas naturel.

- De pas naturel ? S'insurge Chapraut. Passez-moi ça que j'analyse à mon tour. Chapraut boit et passe la bouteille à Chapraud qui essuie le goulot du revers de la manche avant d'analyser le contenu.

- C'est vrai qu'il a comme un goût. Je préfère le vôtre, Kermitt.

Le père Kermitt fait éclater son plus beau sourire édenté.

- Faut comparer, dit Chapraud, péremptoire.

Kermitt sort la bouteille de sa musette et la tend à Chapraud qui boit une gorgée de calva.

- C'est vrai que le vôtre est bien meilleur question goût.

- Pfff ! dubitative Chapraut. Passez-moi cette bouteille, brigadier.

Chapraut s'enfile une lampée de calva "Kermitt" puis une de calva "Labornez".

- Mouais... OK. Le vôtre est meilleur, d'accord.

Les tests comparatifs continuent tant et si bien qu'à un moment, nos hommes se sentent tout chose.

- Z'avez vu les lumières ? Questionne Kermitt.

- Ah voui. Elles sont jolies.

- Et de toutes les couleurs, ajoute Chapraud.

- Et puis elles bougent joyeusement, dit Chapraut.

- Ça fait comme si qu'elles voulaient qu'on les suive, affirme Kermitt.

- On va les suivre, hein brigadier Chapraud ? Demande Chapraut.

- Tu l'as dit, mon n'veu ! Taïaut ! Sus aux lumières !

Les trois hommes se lèvent et arpentent la cave dans tous les sens parcourant certainement des kilomètres avant de ressortir de la cave et de se diriger vers l'étang proche dans lequel ils s'asseyent avant de sombrer dans un profond sommeil peuplé de rêves emplis de téléphone à manivelle, de barque en cuivre, de train électrique, de bouteilles de calvados, de grand-père gendarme, de motocyclettes diverses et de soif inextinguible.

De passage par là, Henri qui rentre des champs sur sa bicyclette avise nos hommes allongés dans l'étang. Intrigué, il s'approche et reconnaît les gendarmes et le père Kermitt. Tout sourire, il pédale de toutes ses forces jusqu'au café à José où il raconte ce qu'il a vu de ses yeux vus. La nouvelle ne met pas longtemps pour gagner tout le village et les oreilles de l'adjudant-chef Le Trouduc, lequel affrète le dernier véhicule de la brigade pour aller chercher ses hommes qu'il sort de l'eau avec colère. Il raccompagne ses piteux brigadiers à la brigade et les place en cellule de dégrisement. Kermitt, lui, a été déposé sur son perron où il doit encore être en train de ronfler.

Le lendemain matin, les deux brigadiers sont étonnés de se trouver derrière les barreaux. Ils vitupèrent jusqu'à ce que l'adjudant-chef vienne les visiter.

- Bravo, les Chapraudt ! Bravo ! Une fois de plus, vous avez ridiculisé le corps de la gendarmerie. Bravo ! Cette fois, vous êtes bon pour des sanctions disciplinaires.

- On est retourné chez la Labornez, chef ! Il y avait des lumières bizarres.

- Des lumières qui nous demandaient de les suivre ! Ajoute Chapraud.

- Vous étiez saouls ! Complètement ivres ! Vous êtes des bons à rien ! Je vais porter le pet en haut lieu ! Vous êtes bon pour la rétrogradation !

- Mais chef ! Je vous dis qu'il y a des événements bizarres chez la Labornez !

- Ah oui ? Des événements bizarres chez la Labornez ? Vraiment ? Bon. On va y aller, chez la Labornez. On va y aller. Et vous allez me montrer ces événements bizarres. Gare à vous ! Gare à vous ! Vous risquez d'être conduits à la démission et au déshonneur ! Je vous laisse deux heures pour décuver et après, on y va, chez la Labornez !

Deux heures plus tard, trois gendarmes dont deux qui affichent les affres de la gueule de bois arrivent sur ce qui fut la maison Labornez.

- Voyez mon adjudant, là, il y a l'entrée de la cave !

L'adjudant-chef Le Trouduc tire sur sa veste et époussète ses bas de pantalon, excédé.

- Oui. L'entrée de la cave. Bravo ! Et ?

- Et faut descendre, chef. Dit Chapraut.

- Descendons, descendons.

- Voyez, chef ? Tout comme on vous a dit ! Les foudres, les bouteilles, tout !

- D'ailleurs, en parlant de bouteilles... Tente Chapraut.

- Non ! Fini les bouteilles ! F-I-N-I !

- Pour analyse, chef ! Il a comme un goût, ce calva à la Labornez.

- Un goût ? Un goût de quoi ? Un goût de pomme ?

- Oui, aussi. Mais pas que !

- Un goût ? Attendez un instant.

L'adjudant-chef prend une bouteille ouverte et la porte à son nez.

- C'est pourtant vrai qu'il y a comme une odeur étrange.

- Au goût, ça se sent à peine. Assure Chapraut qui espère qu'on lui passe la bouteille.

- On va faire analyser. Vous avez raison.

- On peut analyser nous-même ! S'insurge Chapraut.

- On peut. Ajoute Chapraud.

- On remonte ! Ordonne le chef.

En faisant la gueule, les deux brigadiers sortent de la cave. Le convoi reprend la route de la brigade.

L'adjudant-chef fait parvenir la bouteille de calva aux services d'analyse de la Gendarmerie nationale. Les deux brigadiers sont renvoyés chez eux.

Roland est réveillé par une bonne odeur de café frais. Il s'habille et descend rejoindre tante Etzelle dans la cuisine. Sur la table, un bol l'attend.

- Tiens ! Roland ! Bien dormi ?

- Comme un loir ! Et vous ?

- Très bien, merci. Installez-vous, je vous sers un café. Il n'y a rien à manger, je suis désolé.

- Un bon café noir, ce sera parfait, merci.

Il prend deux morceaux de sucre et les laisse glisser dans le café.

- Je repensais à cette histoire d'Atlantide. Ça ne tient pas la route. Je pense que l'on cherche des indices bien compliqués alors que la solution est sous nos yeux. Si cette solution avait été dans un tableau, ça serait un tableau que j'aurais, pas une carte !

- Sauf s'il faut utiliser la carte en combinaison avec un tableau... ou plusieurs tableaux. Buvez votre café, Roland, il va refroidir.

- J'ai pensé à quelque chose, cette nuit. On m'a laissé tranquille durant des années et tout semble s'être agité d'un seul coup ou presque. Comme s'il s'était passé quelque chose qui avait déclenché l'affaire.

- Vous avez raison. Mais qu'est-ce qui a déclenché tout ça ? Mystère !

- Plus j'y pense et plus je suis persuadé que c'est moi qui ai tout mis en route. Je vous explique. Je suis dans la dèche, j'ai pas un rond et il y a ce Gérard Moyeux qui débarque, pour me saisir, je pense. Et là, c'est moi qui lui parle de mon "trésor".

- Gérard et sa femme, Colette... Vous avez raison. Il faut tenter de comprendre tout ça.

- C'est grâce à ces deux là que l'on remontera jusqu'au Nautilus... Ou jusqu'à autre chose. Enfin jusqu'à un truc qui doit valoir le coup, vu le monde que ça a l'air d'intéresser et les moyens mis en œuvre.

- Gaëlle, Alice et Robert devraient bientôt arriver. On réfléchira ensemble. En attendant, qu'est-ce qu'il vous plairait de manger, pour midi ? Je vais aller faire quelques courses au village.

- Vous pourriez me prendre des cigarettes ?

- Des Gauloises ? C'est ce que fumait l'oncle.

- Oui, ça ira. Par contre, j'ai pas de quoi payer.

- Ce n'est pas grave. J'avance.

- Merci.

La tante Etzelle sort et Roland entend la Peugeot démarrer et s'éloigner. Il va faire un brin de toilette et revient au salon. Il s'installe dans un fauteuil et se saisit du tableau pour l'observer encore.

Le paysage ne lui dit rien. Le bateau ne lui dit pas grand chose non plus. Peu probable que l'un et l'autre existent dans la réalité, se dit-il. Il reste les autres indices. La femme coiffée d'un cône, par exemple. Un cône ! Qu'est-ce que ça peut vouloir dire ? Et si ce cône était une flèche ? Et s'il indiquait une direction ? Avec le doigt, il tente une trajectoire qui se perd dans les nuages. Non. Ce n'est pas la bonne piste. Et si ce cône était une flèche en trois dimensions ? S'il fallait tenir compte de son orientation dans un espace tri-dimensionnel ? Il s'efforce d'imaginer ce que pointerait cette flèche en tenant compte de la disposition de la base du cône. Là, ça pourrait pointer vers la falaise. Enfin ce n'est tout de même pas très probant. Autre chose. Il doit y avoir autre chose ! Bon sang ! Le nom du bateau ? Saint Michel III... Possible. Le bateau de Jules Verne. Ça ne peut pas être un hasard. Il ne peut pas être là par hasard, bon sang. Quel rapport entre ce bateau, le cône et le Nautilus ?

Roland repose le tableau et va dans la cuisine se servir un verre d'eau au robinet. Par la fenêtre, il observe le paysage triste sous la pluie et dans le vent. Il revient au salon et s'approche de la bibliothèque. Des tas d'ouvrages sur les voiliers et sur la peinture, des romans, des atlas. Sur une étagère, il avise une loupe. Il s'en saisit et revient vers le tableau. Il s'assied dans un autre fauteuil et il commence à observer le tableau à l'envers. Il approche la loupe et cherche des détails qui auraient pu lui échapper. Pas d'inscription cachée, pas d'indice, rien. Il pose la loupe et laisse reposer son menton dans ses mains ouvertes, le regard perdu dans la peinture. Le cône. Toujours le cône ! Il le sent, la solution est là. Une intuition.

La carte. Il faudrait que Robert, Gaëlle et Alice arrivent avec l'autre tableau et la carte. Il faut regrouper tous les éléments.

Plongé dans ses pensées, Roland va faire du café. Il vide la chaussette de la cafetière, la passe sous l'eau, verse quelques cuillères de café et fait chauffer de l'eau dans une casserole. Lorsque celle-ci frémit, il la verse dans la cafetière et plonge la chaussette dans l'eau. Il pose la cafetière sur le dessous de plat de la table et s'assied. La voiture de tante Etzelle se fait entendre. Roland se lève et va chercher un autre bol pour elle.

Tante Etzelle entre avec ses courses.

- Ils ne sont toujours pas arrivés ?

- Toujours pas. Il ne vont pas tarder. Un café ?

- Volontiers.

- J'ai observé le tableau. J'ai le sentiment que la clé est dans la coiffe de la figure de proue que l'on voit aussi sur l'autre tableau. Par contre, je n'arrive à rien.

- Buvons notre café. J'ai pris du poisson. On le fera avec des pommes de terre vapeur. Ça vous va ?

- Très bien, oui. Vous voulez que j'épluche les patates ?

- Il y a un économe dans le tiroir de la table, je crois.

Roland va prendre les pommes de terre dans le cabas.

- Je prévois pour les autres ?

- On ne sait pas quand ils arriveront. Et puis, je n'ai pris du poisson que pour nous deux.

...

- Il faut faire un constat amiable !

Arthur est allé chercher le formulaire dans l'épave de la 4L jaune et le brandit bien haut.

- Je ne suis pas en tort. C'est vous qui m'êtes rentré dedans, ajoute-t-il d'un ton impérieux.

- Tout à l'heure, tout à l'heure, élude Robert

- Ça commence à bien faire ! hurle le facteur. J'en ai marre, moi ! J'ai du courrier à distribuer et je suis loin de ma tournée réglementaire. Je n'ai rien à voir avec vos histoires. Moi, je veux revoir Pont-Aven.

- Oui enfin c'est pas avec votre épave que vous allez vous y rendre, à Pont-Aven. déclare Alice.

- On fait quoi alors ? Demande Gaëlle. L'ambulance est en piteux état elle aussi.

- Elle doit pouvoir rouler, juge Robert de retour d'une inspection rapide. Il y a un phare qui pend et le pare-choc qui est bien défoncé mais ça devrait aller. Par contre, on fait quoi de Gérard et du facteur ?

Gérard est assis sur le talus à proximité immédiate de la crise de nerf. Il semble totalement abattu. Gaëlle, elle, est partie à l'arrière de l'ambulance. On l'entend fredonner une chanson à sa manière. On la voit revenir lestée d'une bouteille d'oxygène. D'un pas décidé, elle se dirige vers Gérard qui lève les yeux vers elle juste au moment où, brandissant le cylindre d'acier, elle frappe.

- Pour ce Gérard de malheur, c'est réglé ! jubile Gaëlle. Pour le facteur, par contre...

- On l'emmène avec nous, décide Alice.

- Et mon constat ?

- On verra.

- Et ma 4L !

- Elle est morte.

- Et le courrier !

- Il attendra.

On entrave les mains et les pieds de Gérard avant de le basculer de l'autre côté du talus. Il s'écrase dans les sillons d'un champ labouré. De la plaie de sa tête s'échappe un sang vermeil et impur.

N'écoutant pas les jérémiades du facteur, on le pousse dans l'ambulance. Robert le surveille, Alice prend le volant et Gaëlle caresse amoureusement la bouteille d'oxygène.

- C'est reparti !

- Direction Barfleur !

Alice manœuvre pour éviter l'épave de la 4L jaune et presse l'accélérateur.

- Barfleur, nous voilà !

...

- Allo ? Adjudant-chef Le Trouduc, brigade de Pont-Aven.

- Mes respects mon adjudant. Brigadier-chef Poulet, mon adjudant. C'est rapport à l'analyse du contenu duquel au sujet vous avec demandé analyse.

- Ah bien ! Très bien ! Alors ?

- C'est du bizarre, mon adjudant. Du très bizarre. On a analysé comme on a pu mais on a préféré faire appel au laboratoire général.

- Mais vous, vous avez vu quoi dans vos analyses ?

- Une légère glycémie et de légères traces d'albumine, chef

- L'analyse du contenu, pas de vos urines !

- Au temps pour moi, chef. L'analyse a permis de détecter comme qui dirait une sorte de substance hallucinogène sensiblement comparable au LSD, chef !

- Voilà qui explique certaines choses. Et rien d'autres ?

- Si chef. Il y aurait aussi comme qui dirait de la substance aphrodisiaque.

- Fichtre ! Merci. Et c'est tout ?

- Non chef. Il y aurait aussi de la pomme.

- Merci, brigadier.

...

A la fabrique de bébés, Lafleur lance un lugubre rire sardonique. Son entreprise ne semble plus rien avoir à craindre des malveillants. Il va pouvoir continuer à mener à bien sa terribre mission ! Les chaînes de production tournent à plein régime et crachent ses pilules contraceptives frelatées qui, au lieu d'éviter la grossesse poussent les femmes à la débauche sexuelle tout en les rendant extraordinairement fécondes. Il est content, Lafleur. Il sent qu'il est proche de la réussite totale de son formidable complot. Bientôt, il mettra la main sur le Nautilus et, alors que des enfants naîtront par dizaines de millions à la surface de la planète, lui pourra vivre seul au fond des océans ! L'accroissement de la population mondiale provoquera guerres, pénuries et hécatombes. Il remontera à la surface lorsque celle-ci sera suffisamment nettoyée. Il lance un rire encore plus effroyable et retourne se concocter un cocktail. Il est heureux, Lafleur !

mardi 5 février 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (30)

Profitant d'une inattendue faille spatio-temporelle, les brigadiers Chapraud et Chapraut font d'étranges découvertes avant de finir dans un étang humide. En un autre lieu, on s'aperçoit que le tableau qui fait l'objet de toutes les attentions n'est pas le bon. Ailleurs encore, un homme se fait un cocktail. Arielle nous livre une suite qui explique peut-être certains points.

Flic, flac, floc au bord de l'étang.

Réveillés par l'eau glacée, Chapraud Léon Noël et Chapraut tout court viennent, après maintes acrobaties pour s'extraire de la voiture, de regagner les bords de l'étang. Ils forment un duo comique les brigadiers. Complètement trempés et imbibés d'eau — une fois n'est pas coutume — ils avancent péniblement engoncés qu'ils sont dans leur uniforme. Flic par ci, flac par là, ils s'affalent sur le sol dans un grand floc.

- Quelle affaire, dit Chapraud.

- Ça pour une affaire, c'est une drôle d'affaire, répond Chapraut.

- J'ai l'impression qu'on nous a assommés, dit Chapraud en tâtant son crâne endolori.

- Et poussés, oui poussés dans la flotte, rajouta Chapraut avec l'air indigné de celui pour qui l'eau est le pire des maux. L'insulte suprême.

- On est bon pour une mise à pied avec la 4L au fond de l'étang... Brigadier Chapraut ! Jamais le commandant Le Trouduc ne va croire que j'ai parlé à mon défunt grand-père !

- Et que des inconnus nous ont balancés à la flotte, insiste Chapraut.

- Notre compte est bon. Vous n'auriez rien à boire ?

- Si. J'ai sauvé ma flasque.

La flasque de calvados passe de l'un à l'autre. Ragaillardis, les brigadiers se remémorent leur étrange intrusion dans le passé. Ont-ils rêvé ?

- Il faut en avoir le cœur net, brigadier Chapraut. Retournons enquêter à la capitainerie.Tout ça est louche. Au fait brigadier, c'est quoi votre prénom ?

- Léonel, brigadier.

...

A la station Shell, de Charybde en Scylla, rien ne va plus.

Des "Hans" visiblement déréglés courent dans tous les sens. Colette tente de reprendre le contrôle sans succès.

L'appli "Zorglhomme" ne répond plus. Colette s'énerve, jure, tape du pied. Rien n'y fait.

- Passe-moi ça, dit Freddy. Je vais essayer.

- Vas-y, si tu te crois plus malin, répondit Colette rageusement en lui tendant l'engin.

Sous les yeux médusés du caissier, du facteur et de Gérard, les bras ballants, des "Hans" se mettent à cogner sur les voitures en stationnement, d'autres s'approchent de la boutique d'un pas décidé. Marie sort en criant.Terrorisée, elle se précipite vers Freddy qui tente vainement de faire fonctionner l'appli.

- Tu la connais ? demande Colette à Freddy.

- Mais oui, une amie d'enfance, je t'en ai parlé. Fiche-moi la paix bon sang ou on y arrivera jamais !

- Ah c'est comme ça réplique Colette en lui arrachant le téléphone des mains. Et toi la poufiasse dégage.

- Mais pour qui vous prenez-vous ! dit Marie.

Colette fonce sur Marie et lui balance une torgnole. Celle-ci réplique aussi sec. Freddy tente de les séparer. Dans la bagarre, le téléphone s'écrase sur le sol en émettant des bips prolongés avant de rendre l'âme dans un dernier bip exténué. Dans un premier temps, les Hans se figent, puis ils repartent de plus belle dans tous les sens offrant le spectacle d'un ballet mécanique effrayant.

Devant la tournure prise par les événements, le caissier fonce vers la dépanneuse en criant qu'il va chercher du secours à la gendarmerie. Plus aucun portable ne fonctionne, autre effet secondaire de l'appli Zorglhomme qui a brouillé les ondes lors du crash du portable high tech.

Au mot gendarmerie, Gérard reprend le dessus.

- Vite, dit-il à Arthur on se casse.

Arthur ne se fait pas prier et démarre la jaune 4L salvatrice qui croise le Land de Pedro et Francis de retour.

- Il faut prévenir le patron, dit Francis devant le spectacle du ballet fou des Hans.

- Non. On fait demi-tour d'abord, répondit Pedro en avisant un groupe de "Hans" s'approchant dangereusement des pompes à essence.

Les Hans viennent de soulever les pompes et les balancent à terre. Le fracas interrompt le pugilat en cours. Marie et Colette hurlent. La station n'est plus qu'odeur d'essence, fumée brune s'échappant des pompes massacrées, boutique sens dessus dessous.

- Le camion, dépêchez-vous, crie Freddy. S'il est encore temps…

Sur la route, Gérard, Arthur et la 4L sont secoués par une forte explosion.

- Merde, s'exclame Gérard en se retournant. Ça vient de la station. Il y a des flammes.

- Je voudrais revoir Pont-Aven, je voudrais livrer mes colis, murmure Arthur choqué par les péripéties qu'il vient de vivre.

- Ah non pas question ! Direction Le Mans !

- Mais vous êtes fous dans la famille ! Hier Barfleur, aujourd'hui Le Mans. Je suis à La Poste moi m'sieur, pas à la SNCF ! Tiens, j'aurais mieux fait d'acheter un billet de loterie ou de me casser une jambe !

- Colette voulait aller à Barfleur ? Mais pourquoi donc se demande Gérard.

...

A la villa " La Falaise " la mal nommée, l'heure est aux départs.

Il sirote satisfait son rhum ananas en se renversant dans son fauteuil Lafleur. Il peut. Maurice vient de lui confirmer la réussite de l'opération "Barfleur". De son coté, in extremis, il a pu reprendre le contrôle de Günther. Ce soir, il est le maître du monde.

Günther est installé et mis en veille à l'arrière du véhicule. Uma aurait bien aimé en découdre avec ce sous cyborg à la jambe de bois qui technologiquement ne lui arrive pas à la cheville. Mais au fond, après ces cinq semaines de placard, c'est déjà bien d' être de nouveau fonctionnelle.

Elle sourit à Maurice. Il raccroche le téléphone, embraye et démarre. Mission accomplie, se dit-il. A l'idée d'avoir de nouveau à remiser Uma, son humeur s'assombrit et le ciel aussi. Les goélands poussent des cris plaintifs. A grands fracas, la mer se brise. Le soir tombe sur Barfleur, ville flottante dans la brume. Un halo crépusculaire s'enroule autour de la lune. Au loin, Gattevile, phare du bout du monde, scintille. Peut-être obtiendra-t-il de Lafleur de garder Uma comme assistante.

A l'intérieur de la villa, les bolées se remplissent de cidre.

- Sale temps. Pas le jour à faire une promenade en mer, même avec le Nautilus hein ! dit Roland en riant.

- On est bon pour une tempête. Foutues tempêtes. Sans elles mon Yannick… Halala… un sacré p'tit bonhomme mon Yannick. Il n'a pas mis quinze ans pour être capitaine et pendant la guerre, ah pendant la guerre un vrai forceur de blocus...

- Allez cousine, reprend donc une bolée, dit Roland en allumant une cigarette. Ah que c'est bon après tout ce tintouin. Tu crois que c'est encore un coup de ton pote Lafleur ?

- Y a des chances ! Il est tenace.

- Raison de plus pour aller chercher le tableau au plus vite, déclare tante Etzelle. Même celui qu'il vient de récupérer peut le mettre sur la voie, il ressemble tellement à l'autre. Mais nous avons une longueur d'avance.

- Laissons le temps à Robert de récupérer. Mais zut, tu saignes dit Alice à Robert. Montre-moi ça.

- C'est rien dit Robert en grimaçant.

- Tu parles ! Tu t'es entaillé le poignet oui ! Viens dit-elle de sa voix douce, il faut suturer, c'est plus prudent.

Robert se laisse faire par Alice. Il frémit mais ne sait plus vraiment de l'aiguille ou d'Alice quelle est la cause de cet émoi.

Toujours aussi pragmatique, tante Etzelle propose à Roland de partir de suite en éclaireur pour la maison du grand oncle. Alice, Gaëlle et Robert les rejoindront plus tard. Bravant la pluie et le vent, la fidèle 404 s'avance dans la nuit.

- Sacrée voiture que vous avez là, Etzelle, déclare Roland. Tout à fait le genre à plaire à Robert.

- C'est vrai répondit Etzelle. Lui et feu mon époux ont ce goût en commun. Les vieilles guimbardes. Et vous Roland ?

- Quoi moi ?

- Une marotte ?

- Non. Pas vraiment en dehors de l'ancêtre Jules. Je collectionne plutôt les galères depuis tout petit. Je ne sais même pas qui est mon père. Verne, c'est le nom de ma mère. Isabelle Verne dite "Balie" ! C'est sa sœur qui m'a élevé, une brave femme. Mais je vais pas vous ennuyer avec tout ça Etzelle.

- Pas du tout, continuez Roland.

Et Roland de lui conter son enfance dans le petit deux pièces mansardé d'un immeuble sans ascenseur au pied de la Butte Montmartre. Tous les jours à une heure trente précise, sa tante Julie se rendait au cinéma l'Excelsior. N'allez pas croire que c'était pour le plaisir. Son boulot, ouvreuse. Son salaire, les pourboires.

Roland se débrouillait alors seul jusqu'à son retour après la dernière séance. A la sortie de l'école, il flânait avec les copains avant de rentrer. Au programme : partie de billes, parties de rires, parties de cache-cache. Une enfance heureuse et libre somme toute. Plus tard, Julie, l'emmena avec elle les jeudis. Ainsi il prit goût, et aux esquimaux, et au septième art. A cette époque, avec les copains , ils en étaient aux BD et au 45T. Aux rires étouffés quand ils croisaient les filles. Et parmi les copains, il y avait eu Robert.

Roland n'était pas bête, mais l'école l'ennuyait. Pour aider sa tante, il rendait de menus services rémunérés aux gens du voisinage. Il avait pris en outre l'habitude de revendre aux puces tout ce qu'il trouvait de récupérable dans les poubelles alentours. Ces petits trafics l'intéressaient bien plus que les cours de sciences naturelles consacrés à la reproduction des oursins. Bref, quand, grâce à Julie, il lui fut proposé d'entrer à l'Excelsior comme apprenti projectionniste, il sauta sur l'occasion et quitta l'école.

Robert lui, issue d'une famille plus aisée, trouva un compromis avec son père qui le voyait déjà lui succéder à l'étude notariale. Lui n'y tenait pas. Une vie d'ennui réglée comme du papier à musique, ce n'était pas pour lui. Il s'inscrivit dans une école de journalisme pour avoir la paix. Son père finit par se faire une raison.

Gamin, il s' était pris de passion pour les automobiles et adolescent pour… Jules Verne. C'est au cinéma où travaillait Roland que les deux compères avaient découvert l'univers de Jules au travers des adaptations cinématographiques de son œuvre. Ces films, ils les avaient vus et revus maintes fois depuis la cabine de projection, jusqu'à les connaître par cœur. Bien sur, l'intérêt pour Jules, venait aussi de leur ascendance. L'un descendant direct de Verne, l'autre d'un ancien comparse de ce dernier. Ils rêvaient déjà d'aventures et de voyages extraordinaires.

Et puis, ils se perdirent de vue. Ce n'est qu'à la mort de Julie que Roland reprit contact avec Robert. Le testament de sa tante n'était pas vraiment celui d'une excentrique. L'héritage ne pesait pas bien lourd, des bibelots et des effets personnels sans valeur aucune et parmi eux la fameuse carte à laquelle elle n'avait jamais prêté attention. Au chômage, couvert de dettes, Roland pensa qu'il pouvait peut-être en tirer quelque chose. C'est à partir de là que naquit "la quête du Nautilus". Ils décidèrent de réunir le maximum d'informations. Ils n'avaient rien à perdre.

Entre-temps, Robert avait débuté une carrière de journaliste free-lance financièrement des plus aléatoires avec la presse automobile. C'était le prix à payer pour une certaine liberté. Il couvrait des événements divers : rallyes, courses, salons, concentrations de vieux tacots etc. Il écrivait bien et son style non dénué d' humour recueillait la faveur des lecteurs. La mort de son père lui ayant laissé quelques subsides, il en consacra la plus grande partie voire tout à "ses croisières" dont il ramenait des reportages pour les journaux. Ayant croqué presque tout son héritage, quelque peu désœuvré, la proposition de Roland tombait à pic.

Jules avait de nouveau réuni les deux amis autour du Nautilus. Rêve de gosses ressurgi du passé, promesse d'aventures.

- Ainsi vous étiez en classe avec Robert, dit Etzelle en rétrogradant avant de négocier un tournant. Mais j'y pense… Mais, oui, vous êtes venu tout gamin, un été, à la maison du grand oncle ! Un rien vous extasiait ! Ce que vous étiez pâle...

- Un grand jardin, des pommiers... Oui, oui , répondit Roland. Maintenant que vous le dites. C'était donc vous la dame ?

- Eh oui, dit Etzelle en riant.

La 404 remonta l'allée. Ils étaient enfin arrivés. Malgré l'heure tardive et la fatigue, ils prirent le temps de dîner d'une omelette aux lardons. Puis, au lieu de se coucher, ils ne résistèrent pas à l'envie d'examiner le deuxième tableau. Confortablement installés dans les fauteuils du bureau, un verre de calva à la main, ils regardaient le tableau posé à leurs pieds contre la table basse.

- Tu vois la différence Roland ?

- Euh... pas vraiment. Le bateau, la falaise, le village perché... Peut-être le creux dans la falaise ?

- Oui et pas que le creux, il y un comme l'entrée d'une grotte à gauche du creux. Et autre chose, regarde comme le village aérien est blanc et la baie plus incurvée que sur l'autre.

- Euh ?

- J'ai bien l'impression que le grand oncle a réuni deux lieux sur un même tableau ! Un en normandie et un ailleurs.

- Le bateau, c'est le portrait craché du Saint-Michel III, la maison à vapeur de Verne. Enfin, si on enlève la figure de proue. Mais j'aurais dû le reconnaître sur l'autre bon sang !

- L'autre était bien abîmé et nous étions tellement concentré à deviner le nom du bateau que cela t'aura échapper.

- Parlons-en du nom! Le Saint-Michel baptisé Astarté comme vous nous l'avez dit et avec une figure de proue représentant... ben ça alors.

- Eh oui. Une femme en figure de proue c'est banal mais avec une coiffe conique moins !

- Je n'y comprends rien, répondit Roland. En tout cas chapeau Etzelle d'être arrivée à vous concentrer sur le nom du bateau en plein charivari ! Quel flegme !

Etzelle sourit et déclare :

- Le grand oncle insiste beaucoup sur Astarté, l'Aphrodite des Grecs et ce village perché si blanc. Cette baie presque fermée. Tout ça me fait penser à Santorin , le volcan d'or, mais égaré...

- A Etretat, répondit Roland en rigolant. C'est absurde !

- Pas si on considère que pour certains Santorin, c'est l'Atlantide.

- Oh putain ! Pardon Etzelle. Et que Nemo et son Nautilus ont abordé l'Atlantide ! Le Nautilus est peut-être à Santorin. Hein ?

- Nous avons beaucoup d'éléments mais je ne sais pas trop quoi en penser. Ton ancêtre et le mien ont beaucoup bourlingué avec les différents bateaux de Verne. Le long des côtes normandes, bretonnes, et bien d'autres... Ils ont même passé le détroit de Gilbraltar, pardon de Gibraltar, et sillonné la Méditerranée. Il y a de forte chance pour qu'ils aient fait escale à Etretat. Mais que faire de tout ceci.

Roland alluma une cigarette.

- Je peux ?

- Mais oui Roland ! Mon mari, paix à son âme, était un grand fumeur.

- Regardez Etzelle, à côté de l'aiguille creuse, on dirait l'entrée d'un tunnel pas une cavité naturelle ! Il n'est surement pas là par hasard. Un souterrain au ras de l'eau ? On se croirait de nouveau dans un roman de Jules.

- Hum, sauf qu'à Etretat ce tunnel n'existe pas, il doit être ailleurs. Allons nous coucher Roland. Nous verrons bien demain avec les autres. Là, nous n'arriverons plus à rien. Je vais vous préparer la chambre où vous avez dormi enfant avec Robert.

...

Villa La Falaise, seconde partie. Quand Cupidon s'en mêle.

Après souper. Gaëlle monte se coucher. Alice et Robert s'installent sur le canapé, incapables de décider à qui reviendrait la chambre. Pour Alice, elle doit revenir au blessé. Robert ne veut rien entendre. C'est au tour d'Alice de profiter de la chambre. A force de les entendre tergiverser et bavarder jusqu'à plus soif, le lit se dit qu'après avoir supporté le poids de Roland et Robert, peut-être que cette nuit il dormirait tranquille.

Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, au petit matin, qu'il avait recueilli en son sein les corps dénudés d'Alice et Robert... J'ai vraiment dû dormir comme du plomb se dit le lit !

Quand Gaëlle les rejoint pour le café, elle n'est pas dupe de leur nouvelle complicité. De nouveau elle pense à son Yannick.

"sur les bancs publics, tu me fais tourner la tête" fredonne Gaëlle. Et tous de rire.

- Allez, il faut y aller, dit Gaëlle.

Ce fut au tour de Robert de tâter de la couchette de l'ambulance. Alice prit le volant. Gaëlle monta à côté. Et les voilà partis à vive allure. Trop peut-être. Un peu plus tard, après avoir bifurqué sur la nationale l'ambulance percuta une 4L jaune. En fait, personne ne put affirmer qui de La poste ou de l'hôpital percuta l'autre.

Arthur descend de la 4L. De plus en plus déboussolé, il s'exclame :

- Ah ben forcément elle va beaucoup moins bien marcher maintenant. Comment je vais faire moi pour livrer son " Nous-Deux " à Maame Labornez hein ?

A ces mots, Gaëlle se retourne étonnée.

- Arthur !? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

- Ah, c'est vous ma'ame , répond Arthur en courant chercher le magazine trop heureux d'avoir enfin quelque chose à livrer.

Gérard se demande comment il va se sortir de là. Il ne manque plus que ça. Un accident avec des ambulancières qui n'ont pas, il faut en convenir, la tête de l'emploi. Il sort de la voiture et s'adresse à Gaëlle :

- Vous vous connaissez, on peut peut-être s'arranger alors... Mince, mais c'est la mère Labornez !

- Gérard ! Gérard ! Mais qu'est-ce que tu fous là ? Demanda Robert inquiet.

- Quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? dit Alice.

- Et bien lui c'est mon facteur, dit Gaëlle en pointant du doigt Arthur qui s'avance en brandissant triomphalement le "Nous-Deux". Et lui, c'est Gérard, celui que j'ai assommé à coup de poêle à frire. Souviens-toi, il avait disparu après l'explosion.

- Oui et Colette n'est pas morte sauf si... Bon, enfin, elle est à vos trousses, sauf si... Mais j'ai rien fait moi. Je vous demande pardon madame Labornez. C'est à cause d'elle, bredouille Gérard las et confus.

Alice, Gaëlle et Robert en restent interloqués.

mardi 29 janvier 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (29)

Où en sommes-nous ? Dans l'épisode précédent nous assistions quelque peu éberlués à un carnage et à la concrétisation d'amours homosexuelles qui faisaient chaud au cœur. Quelques méchants étaient passés de vie à trépas sans que l'on songe une minute à les regretter ; Roland et Robert, Alice et Gaëlle s'apprêtaient à convoler en justes noces et tout semblait nous indiquer que nous nous dirigions vers une issue somme toute heureuse. Fin heureuse ? Fin ? Que nenni ! Liaan prend le relai et nous livre son authentique version des faits ! Le feuilleton n'est pas mort, vive le feuilleton !

Chez Kermitt, boulanger à la retraite, avec les brigadiers Chapraud et Chapraut.

- Mais, au fait, brigadier Chapraud ? Si nous allions voir l'endroit d'où le présumé coupable a perpétré son forfait ? demanda le brigadier Chapraut.

- Bonne initiative, brigadier Chapraut, Monsieur Kermitt, pouvez vous nous mener sur le site du forfait éventuel ?

- Bien sûr, Messieurs de la Maréchaussée. répondit Kermitt, Suivez-moi.

L'air frais de la nuit leur éclaircit un peu les idées. La chouette hulula une nouvelle fois. Arrivé devant le hangar profané par Günther, le brigadier Chapraut demanda encore :

- Vous avez plusieurs motocyclettes dans cette remise, M. Kermitt ?

- Certes, j'en avais quatre, de bécanes, d'ailleurs vous allez les voir.

Les deux pandores pénétrèrent dans le hangar, invités par Kermitt qui s'effaça pour les laisser entrer les premiers, Kermitt fit fonctionner l'éclairage et l'on pu voir les trois bâches recouvrant les motos restantes, dont seule la BSA était restée entièrement visible.

- Il a dû vouloir me faucher la BSA d'abord, car c'est la première qu'il a pu voir, le Fridolin ! dit Kermitt.

- Fichtre ! lança le brigadier Chapraut, une B33, une 500 centimètres-cube, belle machine, ma foi !

- Hé, brigadier Chapraut, vous vous y connaissez en matière de motocycles ? demanda le brigadier Chapraud.

- Oui, c'est bien une B33 continua Kermitt, il n'y a pas que des ignares chez les cognes !

- Attention, Môssieur Kermitt, attention à l'injure, j'ai toujours sur moi mon carnet à souche !

- Oh, rétorqua Kermitt, si on peut pu émettre une opinion, on est en République, non ?

- Il est vrai que je m'y connais un peu, coupa le brigadier Chapraut, je lisais Moto Revue tous les samedis, le magazine des motocyclettes depuis 1913 !

- Depuis 1913, vous lisiez cette revue ? demanda, perfide, le brigadier Chapraud, je ne vous voyais pas si âgé, brigadier Chapraut !

- Non, ignorant ! C'est l'année de la création de Moto Revue, rétorqua le brigadier Chapraut.

- Attention, brigadier, ce n'est pas que vous êtes hiérarchiquement mon égal qu'il faut me traiter en inférieur !

Kermitt s'amusait de ces piques lancées par les 2 Pandores.

- Ah ? Cela vous fait rigoler, M. Kermitt ?

Le brigadier Chapraut, passionné de motocyclettes continua :

- J'avais toujours voulu passer dans la Brigade Motocycliste, mais j'ai échoué à tous les examens, sauf celui d'urine. Oui, vous pouvez rigoler.

- Et ces autres deux-roues ?

Kermitt souleva la bâche qui recouvrait une NSU Max 250 et une DKW RT 350.

- Deux autres motos allemandes, vous avez bon goût, M.Kermitt, lança doctement le brigadier Chapraut, si je puis me permettre, avec une BMW R51, vous aviez là la quintessence de la belle ouvrage en matière de motocyclettes !

- Bon, bon, nous ne sommes pas là pour juger la qualité de ces deux roues motorisés, mais pour établir un rapport circonstancié de ce vol curieux, tempéra le brigadier Chapraud.

- Mais ces motos sont totalement en règle ! précisa Kermitt.

- Cela ne nous regarde pas , ces motocycles ne sont pas sur la voie publique !

Pendant que le brigadier Chapraud parlait, Kermitt observait le brigadier Chapraut qui essayait de démarrer la moto anglaise.

- Si vous y arrivez, Gendarme, je vous paie une fillette de Calvados ! Cette chiotte m'en a fait voir et des retours de kick, et des sautes d'allumage !

Tel un motocycliste de "l'équipée sauvage", le brigadier Chapraut était debout sur le kick-starter de la BSA, et soudain, un bruit énorme suivi de pétarades surgis dans la remise, suivi d'une fumée âcre qui emplit le local.

- Nom de Dieu ! brigadier Chapraut, vous allez arrêter vos singeries ?

Mais les paroles du brigadier Chapraud se perdirent dans le grondement du tuyau d'échappement, et soudain, homme et machine décollèrent littéralement de quelques mètres, les faisant choir l'instant d'après, dans un silence surprenant.

- Ça, c'est l'embrayage qui reste collé, vous avez voulu enclencher une vitesse, Gendarme ? demanda Kermitt. Penaud, sous les invectives de son collègue, le brigadier Chapraut se releva et remis la motocyclette sur sa béquille.

- Alors, ça ! C'est épatant ! s'enthousiasma Kermitt, allez venez vous autres qu'on fasse honneur à Monsieur le Gendarme, qui a mis en route cette damnée anglaise, avec cette bouteille promise !

Et ce trio, emmené par Kermitt heureux comme un pou sur la tête d'un Beatnik, rentra dans la maison.

Dix minutes plus tard, l'horaire tardif, la fatigue des ces émotions trouvèrent nos trois lascars assoupis, chacun sur sa chaise, Kermitt en profita pour ronfler.

La chouette dehors hulula de plus belle.

Soudain un cri dans la cuisine où se trouvait notre trio de pochtrons.

Les brigadiers Chapraud et Chapraut sursautèrent.

- Que se passe-t-il ? demandèrent presque simultanément ces derniers.

Kermitt était en sueur : Putain ! Quel cauchemar !

- Ah, vous dormiez, M.Kermitt ? demanda innocemment le brigadier Chapraut, moi non, et vous brigadier Chapraud ?

- Non, je ne dormais pas, je réfléchissais, si j'avais les yeux fermés, c'est que je me concentrais rétorqua le brigadier Chapraud.

- Ah Nom de Dieu de saloperie de vérole, putain de cauchemar ! Il faut que je vous raconte ça, Messieurs les Gendarmes ! dit Kermitt. Une histoire de dingue, c'était comme au théâtre, c'était comme du Molière qui me faisait tant suer à l'école, une histoire en vers, en alexandrins !

- Y'avait un Alexandre ? questionna le brigadier Chapraud, j'ai connu un Alexandre Benoît dans le civil, un gros qui bouffait tout le temps...

- Non, reprit Kermitt, un texte en vers, avec des rimes à la noix de coco ! Vous y étiez, vous les Gendarmes, dans mon cauchemar, y'avait plein de gens que je ne connais pas, des genres de martiens, y'en avait un comme mon chleuh qui m'a fauché la bécane, y'avait le facteur, aussi et la Labornez ! C'était plein d'explosions, de coups de pétard... Et, y'a eu comme une explosion atomique, qui m'a réveillé !

- L'explosion, je vois ce que c'est. C'est vous qui avez pété, tout-à-l'heure, brigadier Chapraud ? interrogea le brigadier Chapraut.

- Mais pas du tout, d'ailleurs je ne pète pas en dormant !

- Alors vous dormiez !

- Bon, il suffit ! Et nous étions dans votre cauchemar, M.Kermitt ? osa le brigadier Chapraud.

- Oui, comme je vous vois tous les quatre ! répondit Kermitt, Oh ! je suis fait, moi !

- Et cela vous arrive souvent d'avoir des cauchemars aussi réalistes ? demanda le brigadier Chapraut.

- Non, d'habitude, lorsque je "tisane" du Calva, je fais plutôt des rêves z-érotiques...

- Hérétique ? questionna benoîtement le brigadier Chapraud.

- Non, érotique, des histoires avec de jolie pépées, plutôt, hips !

- Delirium Tremens conclua le brigadier Chapraud.

- Et vous dites qu'il y avait la Gaëlle Labornez dans votre rêve-cauchemar ? demanda le brigadier Chapraut.

- Oui, elle était là, avec une tripotée de gens que je ne connais pas, et des martiens. Répondit, les yeux fixes, Kermitt.

- Si on allait voir la maison Labornez, brigadier Chapraud ? interrogea le brigadier Chapraut.

- J'allais vous en parler, brigadier Chapraut.

- Allez hop, en action ! ajouta ce dernier.

- Un dernier verre pour la route ? proposa Kermitt.

- Ce n'est pas de refus, M.Kermitt ! répondit le brigadier Chapraud.

Trois verres plus tard, les voici dans la 4L réglementaire en vue des ruines de la maison de Gaëlle.

- Quoi c'est-il don' passé ici ? On dirait que tout a sauté ! Que des ruines, l'automobile noire que nous avions vue l'autre soir est toute bousillée... hé, ho ! Je vois un bout de jambe là !

Le deux pandores escaladèrent le monticule de gravats en s'approchant de la jambe. Machinalement, au mépris de toute réglementation, le brigadier Chapraud tira comme une bête sur ladite jambe qui s'échappa des restes de pierre et de plâtre, et notre brigadier Chapraud chut dans un interminable juron.

- Ça va, brigadier Chapraud ?

- Punaise ! La canne s'est détachée du tronc ! Mais, mais, ce n'est pas une jambe humaine ! C'est une jambe de… de… robot ! Ou de Martien ! Nom de Nom ! Le pékin Kermitt aurait-il raison ? Nous sommes envahis par les Martiens ! Eh, vous êtes où, brigadier Chapraut ? s'étonna le brigadier Chapraud.

- Je suis là, lui répondit-il, je cherche un accès vers la cave !

- La cave ?

- Oui, il y avait de belles réserves dans la cave du temps de Yannick ! Je ne pense pas que Gaëlle Labornez ait tout sifflé, à son âge !

-Son âge, son âge, cela ne l'empêche pas de faire les quatre-cents coups, à la Gaëlle, vous allez pas me dire que ce qui s'est passé ici est l'habitude d'une retraitée !

-Ah, j'ai trouvé l'entrée de la cave, coupa le brigadier Chapraut.

Les deux compères descendirent dans la cave qui ne semblait pas avoir trop souffert de la déflagration, à part la poussière, remarqua le brigadier Chapraud.

Deux bonnes grosses futailles remplissait en partie la cave.

Les yeux avides, le brigadier Chapraud toqua de l'index replié la première. Vide, conclut-il.

- Quant à l'autre, elle sonne elle aussi creux. Aah Sacré Nom d'un Pipe, la Gaëlle devait avoir soif, ponctua-t-il en heurtant du poing le foudre, dont le couvercle soudain s'ouvrit !

- Qu'est-ce-que c'est que ce commerce ? jura-t-il pendant que son collègue s'approchait.

- Allez chercher la lampe-torche dans l'auto, brigadier Chapraut !

Pendant que le brigadier Chapraut allait chercher la lampe, le brigadier Chapraud touchait les parois du foudre, qui a dû contenir du pinard, pensa-t-il, mais cela remonte à fort longtemps, c'est comme qui dirait sec comme mon gosier à cet instant.

La lampe-torche arrivée, d'autorité le brigadier Chapraud s'en empara et éclaira la partie de la cave qui faisait cellier :

- Ah ! Des litres pleins !

Il s'empara d'un bouteille de vieux calva et l'ouvrit avec son nécessaire d'urgence pour ces cas là. Satisfait, il donna la bouteille entamée à son collègue qui, à la guerre comme à la guerre, y but goulûment.

- Bon, et c'te futaille, qu'est-ce-qu'elle a dans le ventre ? lança le brigadier Chapraud.

Tous deux pénétrèrent dans le foudre béant. Parvenus à l'autre extrémité, Chapraut toqua, cela sonnait toujours creux, ils poussèrent, mais rien ne bougea, si ce n'est un léger craquement.

- Nous somme bêtes ! les gonds sont de ce côté, il faut donc tirer vers nous !

La manœuvre effectuée, ils virent l'amorce d'un escalier, après s'être interrogés du regard, n'en menant pas large, il descendirent, le brigadier Chapraut en tête, suivi du brigadier Chapraud qui tenait la lampe-torche de manière à s'éclairer mutuellement les pieds. Chapraut compta mentalement cinquante-neuf marches de pierres.

- Cela doit nous faire environ une descente de bien douze mètres !

Un palier qui pouvait être fermé par une porte de métal à peine rouillée restée ouverte débouchait sur un couloir. Couloir immense dont la lampe-torche essayait de voir l'issue ; en éclairant tout autour, ils virent tous les deux un interrupteur rotatif, d'un modèle fort ancien, et le brigadier Chapraut, après avoir interrogé du regard son collègue, décida de l'actionner, et surprise ! Une lumière envahit le couloir qui ne paraissait pas avoir de fin, tout du moins jusqu'au coude situé à une quarantaine de mètres.

- Ben dites donc, dit doucement le brigadier Chapraud, y'a pas intérêt d'oublier d'éteindre en sortant, parce qu'après avoir gravi toutes ces marches, tu n'as pas envie de les redescendre et de les remonter !

Le brigadier Chapraut répliqua que le courant électrique ne venait pas de là-haut, mais du bas, montrant à son comparse, le tube de métal enfermant les fils électriques. Nos deux compères, tout en silence, se lancèrent sur le parcours, en marchant lentement. Quatre-cents pas, comptèrent-ils mentalement. Une autre porte, toujours de métal mais comme blindée celle-ci, restée ouverte également.

- Éteignez derrière vous, chuchota le brigadier Chapraud, on ne sait jamais…

Ils étaient arrivés dans un couloir voûté d'environ six mètres de largeur, entièrement bétonné, avec au milieu une voie ferrée noyée dans le sol.

- C'est de la voie de soixante, annonça doctement le brigadier Chapraut, cela me rappelle la Ligne Maginot que l'on a visité y'a dix ans, avec ma femme, ajouta-t-il.

- Alors, ici, ce doit-être le Mur de L'Atlantique conclu le brigadier Chapraud.

- Sûrement !

Ils avancèrent jusqu'à tomber nez à nez avec, tout d'abord, un wagon de transport d'ouvriers et son banc en long au milieu, et, en tête de ce petit train, une petite motrice électrique.

- Ça fonctionne peut-être encore ? déclara le brigadier Chapraut.

- Nom de nom, ne touchez à rien ! Ne nous rappelez pas l'exploit de tantôt avec la moto !

- Chut ! Écoutez ! Continua le brigadier Chapraud, on dirait que de l'eau coule.

En effet, un petit caniveau le long du mur était parcouru par un petit ruisseau qui suivait la petite pente descendante du couloir.

- Vous cherchiez d'où vient le courant, osa le brigadier Chapraut, tout en farfouillant le tableau de bord de la petite locomotive.

- Ah, c'est malin. Très, très fin, votre courant, brigadier Chapraut !

Mais le brigadier Chapraud fut déséquilibré par le train qui venait de s'ébranler ! Le brigadier se retrouve assis à califourchon sur le banc central du wagon.

- Tchou tchou, ça roule ! s'exclama le brigadier Chapraut, promu mécanicien du petit convoi.

Le brigadier Chapraud, passager involontaire, était rouge de fureur, hurlait dans le bruit du mouvement du train :

- Vous êtes fou ! brigadier Chapraut ! Stoppez ce train ! nous n'avons déjà pas de justificatif pour pénétrer dans des lieux privés, mais en plus nous nous livrons à des voies de fait en utilisant sans autorisation des biens privés ! Au nom du ciel, brigadier Chapraut, arrêtez ce train de la mort sûre !

- Je voudrais bien, lui répondit le brigadier Chapraut, mais les freins ne répondent pas, et le tunnel est en descente ! Ce train devait être en révision...

- Pas le savoir, brigadier Chapraut, en rentrant à la Brigade, c'est un rapport que vous aurez, et qui sera très mauvais pour votre avancement hurla le brigadier Chapraud, voix étouffée par le roulement du convoi ferroviaire.

La ligne était doucement éclairée par de pâles loupiotes, et parfois par des ouvertures ressemblant à des meurtrières, la voie descendait toujours donnant une légère accélération au train devenu "Train Fantôme", emportant deux nobles représentants de la Gendarmerie Française. Impossible de sauter en marche, la vitesse acquise étant trop élevée et les murs trop près de la voie centrale. Le "voyage" dura une bonne demi-heure. Puis la pente s'adoucit et le convoi ralentit de lui-même. Le brigadier Chapraut tenta une note d'humour pour dérider son collègue renfrogné :

- Vous descendez à la prochaine ?

Les dents serrées, le brigadier Chapraud ne pipait mot.

- Quatre minutes d'arrêt, continua le brigadier Chapraut, tout heureux de sa promotion au sein des chemins de fer. Correspondance pour... Mais nous sommes dans un port ?

- Arrêtez votre cirque, brigadier Chapraut ! se réveilla le passager secoué.

Le train était stoppé sur un quai de canal où clapotait une eau calme.

- S'il y a un port, il doit y avoir une Capitainerie ! lança, le brigadier Chapraud, tout joyeux que le train et son calvaire se soient stoppés. Et ce doit être le bureau là, montra-t-il du doigt un ensemble de fenêtres dans le mur en face du canal.

Sur l'eau flottait mollement une chaloupe verdâtre. Le brigadier Chapraut s'approcha et remarqua que cette embarcation était en cuivre, terni certes, mais en cuivre ! Il s'exclama :

- Bon sang ! Du cuivre ! Mon beau-frère qui est antiquaire, en offrirait une fortune ! Mais il y a un nom : Mautil, Nautil , Nautilut ou Nautiluc ! Ce n'est pas trop lisible, avec l'oxydation.

- Bien, dit le brigadier Chapraud, si nous allions visiter la "Capitainerie".

Nos deux compères s'approchèrent de la porte, la poussèrent et entrèrent dans une grande salle d'où leur parvenait un ronronnement et une douce lumière. La salle était partagée avec un bureau en premier lieu, et une plus grande pièce ressemblant à une salle des machines d'un navire : de gigantesques dynamos fonctionnaient, sans l'aide de personnel visible. Le bureau était composé de meubles en bois verni, d'un style plutôt ancien.

- Ben le scheuhs ne s'emmerdaient pas pour leurs burlingues, constata le brigadier Chapraud.

- Justement, brigadier Chapraud, cela ne vous trouble pas que tout cela date des années 1940 ? lui rétorqua son collègue. C'est plutôt du style 1900/1910, vos bureaux, mon beau-frère, l'antiquaire...

- Oui, on sait, tiens, un téléphone ?

Le brigadier Chapraud se saisit du combiné relié par un fil à l'appareil fixé au mur.

- Pas de tonalité, constata-t-il.

- Normal, lui fit remarquer le brigadier Chapraut, le roi de la mécanique moto et de la conduite des trains électriques. C'est un appareil manuel, il y a une manivelle qui fait tourner une magnéto, qui fait sonner un standard téléphonique quelque part.

- Oui, Bon, prenez l'écouteur, brigadier je-sais-tout, je lance un appel qui ne débouchera sur rien, vous verrez. Manivelle tournée à faire tourner un moteur d'auto récalcitrant, et dans les écouteurs se fit entendre un déclic et une voix féminine :

- J'écoute !



Coup d'œil inquiet du brigadier Chapraud avec son collègue.

- Oui, donnez moi le 02 98 06 07 28 s'il vous plait, Mademoiselle ! C'est le numéro de la Brigade, murmura le brigadier Chapraud à l'intention de son collègue.

- Excusez-moi monsieur, mais je ne peux établir une communication codée, répondit la voix féminine dans un grésillement.

- Codée ? Le numéro de téléphone codé ? C'est nouveau ça !

- Quel abonné désirez vous, monsieur ?

- Euh, la Gendarmerie de Pont-Aven !

- Département du Finistère ? interrogea la voix.

- C'est cela, mademoiselle !

- Vingt-cinq minutes d'attente, Monsieur.

- Comment cela, vingt-cinq minutes, vous vous moquez de moi ?

- Non, Monsieur, mais je vois que vous appelez d'un poste militaire, il s'agit peut-être d'une priorité ?

- Poste militaire ? ah oui ! C'est une priorité !

- Dix minutes d'attente, Monsieur !

...

- Raccrochez votre combiné, je vous rappelle ! reprit agacée la voix féminine.

Le brigadier Chapraud remit le combiné sur sa fourche et sa colère éclata.

- Nom de Dieu de Nom d'une pipe ! Qu'est-ce-que c'est que ce commerce ? Vous avez entendu, brigadier Chapraut, dix minutes d'attente ! Je n'appelle pas la planète Mars, pourtant ! Bon, et j'ai soif, il n'y a rien dans cette cambuse ?

Et voici nos deux pandores cherchant de quoi boire en ouvrant les placards, trouvant que des papiers qui ne les concernent pas vraiment, et soudain, le brigadier Chapraud poussa un soupir de satisfaction :

- Enfin un litre de vin, et bouché, en plus, trouvez-moi des verres, brigadier Chapraut !

- Pas de verres, collègue !

- Bon, ben, à la guerre comme à la guerre ! Le brigadier Chapraud sorti son tire-bouchons et s'arrêta, perplexe, en regardant l'étiquette de la bouteille :

- Nom de Dieu ! Mil-neuf-cent-trois ! Regardez, brigadier Chapraut, 1903, c'est écrit en tous chiffres ! Et il n'y a pas trop de poussière dessus ! Du jaja d'avant la guerre de 14, c'est-y pas beau ! On va lui faire honneur, à cette bouteille ! Alors, brigadier Chapraut, ces verres ?

- Je vous ai déjà dit que je ne trouvais pas de verre !

- Nom de Dieu ! Boire ce nectar au goulot ! Sacrilège !

- À la guerre comme à la guerre, vous aviez dit !

- C'est vrai, en parlant de guerre, la téléphoniste me disait que c'était un terrain militaire, ici, mais vous l'avez entendu comme moi, brigadier Chapraut ?

- Oui.

- Bon alors jusqu'à preuve du contraire, nous sommes chez nous, ici !

Et ayant ouvert la bouteille, il la porta à la bouche et goulument, entreprit de déguster ce nectar.

- Punaise ! De 1903 ! dit-il en tendant le litre à son collègue, pour un vieux vin, il parait bien jeune au palais, allez-y, brigadier Chapraut, goûtez-moi ça.

Le brigadier Chapraut avait à peine mis les lèvres sur le goulot qu'une sonnerie se déclencha.

- Le téléphone, c'est le téléphone et il décrocha le combiné.

- Allo ?

- Vous avez le 1 à Pont-Aven, parlez !

- Gendarmerie de Pont-Aven ? je désire parler au Commandant Letrouduc, s'il vous plait ?

- Ici Gendarmerie de Pont-Aven, nous n'avons pas de commandant Trouduque, annoncez-vous !

Interloqué, le brigadier Chapraud répond :

- Ici, brigadier Chapraud, de la Brigade de Pont-Aven, je désire parler au Commandant de la Brigade.

- Le Commandant Chapraud alors, je vous mets en communication avec lui.

- Allo ? Ah, qu'est-ce que cela grésille, allo ? Ici le Commandant Chapraud, j'écoute.

- Ici le brigadier Chapraud, mon Commandant, le Commandant Letrouduc n'est pas là ?

- Quel Commandant Le Trouduque ? Il n'y a jamais eu de Commandant Le Trouduque à la Brigade ! Mais dites moi, vous ne seriez pas en train de vous payer ma fiole, avec votre Commandant ? Rappelez moi votre nom et votre grade, et votre Unité ?

- Ben, brigadier Chapraud Léon, muté à la brigade de Pont-aven en 1974...

- Combien ? En quelle année ?

- Mille neuf cent soixante quatorze, mon Ccmmandant, je vous entends mal.

- Je vous reçois trois sur cinq, cela grésille abominablement. J'entends que vous êtes muté ici, en 1974, lors que nous sommes le 20 septembre de l'année 1908 ! La plaisanterie est cocasse ! Et vous avez et le même patronyme que moi, et le même prénom ! Votre second prénom est Noël, je parierai !

- Affirmatif, mon Commandant ! Comment le savez-vous ? Nom d'une pipe, cela grésille de plus en plus, et je n'entends presque plus rien !

Un rire étrange venu du fin fond de l'écouteur essayait de couvrir l'affreuse friture qui sévissait.

Une voix féminine lui demanda de raccrocher et... La communication fut coupée (*)

- Qu'est-ce que c'est que ce commerce. Le Commandant de Pont-aven s'appelle comme moi, nom, et prénoms ?

Le brigadier Chapraud était blanc comme neige, il s'adressa à son collègue :

- vous avez entendu comme moi : le commandant Chapraud Léon Noël... en 1908 ! C'était mon grand-père qui était commandant de la brigade de Pont-aven en 1908. Il fut tué en 15, à la Grande Guerre, et c'est pour cela que mes parents me donnèrent ces prénoms, par honneur pour le Grand-Père. Nom de Dieu de Nom d'une Pipe ! Qu'est-ce que c'est que ce commerce ?

Le brigadier Chapraut tendit au brigadier Chapraud Léon Noël la bouteille de vin de 1903.

- J'ai parlé à mon Grand-Père que je n'ai pas connu ! se lamentait le brigadier Chapraud Léon Noël.

Tout à leur émotion, il n'avaient pas remarqué que le ronronnement des turbines avait monté d'un cran, et le bruit empêchait nos deux pandores d'entendre les deux ombres furtives qui s'approchèrent et les assommèrent proprement.

...

Les deux hommes mirent avec précaution les deux brigadiers gendarmes à l'avant de leur Renault 4, arrosèrent les habits des deux pandores avec un fond de Calvados, et poussèrent la 4L vers l'étang tout proche.

L'étang, peu profond, ne noya que le moteur de la 4L.

Des deux personnages qui s'éloignaient du bord de l'étang, l'un dit :

- Il fallait les emmener loin d'ici, ils allaient tout découvrir !

...

À la station service Shell.

- Je vais changer le poisson d'eau, dit Colette.

Le facteur s'interrogeait. Colette reprit :

- Je vais pisser, quoi ! Et me refaire une petite toilette car je ne suis pas belle à voir. Occupe-toi de ces messieurs !

- Lesquels ? hasarda Arthur le facteur.

Mais Colette était parti vers le local de la station service, sans regarder derrière elle et sans voir son mari Gérard et son amant, Frédéric.

Francis et Pédro s'observèrent avec Gérard et Frédéric. Le facteur dit :

- Vous pouvez attendre un petit peu, la Dame est partie au petit coin.

Gérard murmura à Frédéric :

- Ne me dites pas que Colette fréquente ces deux là ?

- Ces deux là ont l'oreille fine, lança Pédro, que lui voulez vous à Colette ?

- Mais, s'étouffa Gérard, c'est ma femme !

Francis se mit à sourire et lui dit :

- Donc, tu es Gérard Moyeux, nous te recherchions depuis un petit bout de temps, mon garçon !

Tout en disant cela, Francis s'approcha de Gérard qui bêlait :

- Ne me touchez pas, j'ai rien fait !

- Justement parce que tu n'as rien fait qu'on doit s'occuper de toi, Fiston !

Le Gérard n'en menait pas large, il suait à grosses gouttes. Brusquement, il se précipita vers la 4L de la poste et pénétra dans l'habitacle, mis le contact et démarra sur les chapeaux de roue.

Tout le monde était abasourdi par la vélocité de Gérard qui paraissait totalement abattu quelques secondes plus tôt. Le facteur levait les bras au ciel en gémissant sur le sort de sa camionnette.

Alerté, le caissier sorti de son local :

- Hé, ho, la Poste, il faut me payer le carburant !

Résigné, le facteur paya, pendant que Francis et Pédro étaient remontés dans le Land Rover et tentait de rattraper la 4L jaune. Colette sortait à ce moment et s'arrêta net en voyant Frédéric :

- Fred ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Les deux amants s'étreignirent. Frédéric lui raconta que son mari, qu'il avait "chargé" par hasard dans son bahut, venait de s'enfuir devant Francis et Pédro.

- Il a fauché la voiture du postier.

Colette se remit en colère :

- Le cloporte, la raclure de bidet ! Mais, il y a Hans dans la fourgonnette !

- Hans ? Tu étais avec Hans ?

- Oui, mais il est en veille ! reprit Colette. Attends. Avec mon mobile, je vais l'activer.

Colette sorti un téléphone de la marque à la pomme, et saisit "l'appli" "Zorglhomme" et demanda de ramener la 4L à la station service sans esquinter le conducteur.

Cela fut fait si rapidement que Frédéric ne put dire aussi vite que le camion était rempli de clones de "Hans" qui étaient eux aussi en veille et qu'il ne fallait pas... Trop tard, le camion vibrait, et sous une poussée violente et brutale, les portes arrières s'ouvrirent. Des dizaines de "Hans" s'échappèrent, tous identiques et habillés de la même manière, qui étaient partis chercher des R4 pour les ramener à la station-service. Horrifiés pour différentes raisons, le caissier de la station, le facteur, Colette et Frédéric ne savaient plus que faire.

- Et il y en avait combien, de "Hans" ? demanda Colette.

- Quarante-huit ! lui répondit Frédéric.

...

À la villa "La Falaise"

Günther était à moitié couché sous la motocyclette qui, dans un hoquet, étouffa son moteur. Une fumée âcre emplit la pièce.

- Ach ! Tésolé, che n'ai pas pu freiner avec cette jambe de bois !

Maurice reconnut, malgré son air un peu calciné, Günther. Roland, hébété, tenait son pistolet à la main. Il menaça :

- Ne bougez pas ! Ne bougez surtout pas !

Vif comme l'éclair, Uma se retourna et changea d'adversaire potentiel, elle fit voler le flingue de Roland. Et Roland subit le même sort que ses infortunés compagnons : attaché et baillonné.

Pendant que Günther changeait sa jambe cassée avec un des pieds de la table, Uma avait confectionné un gentil petit sac pour y mettre la toile découpée et, ceci fait, le groupe sorti de la maison, monta dans le Land Rover et s'éloigna. Nos compagnons s'interrogeaient des yeux. Robert, qui était le plus proche de la moto, avait l'air d'étudier quelque chose. Il se mit à pencher de droite à gauche, puis de gauche à droite de plus en plus rapidement, et ce qui devait arriver arriva : il chuta, côté moto, en geignant. Tante Etzelle, Gaëlle, Alice et Roland devinèrent ce que Robert faisait : il était tombé, avec sa chaise, les poignets contre le coude de l'échappement, encore brûlant, côté cylindre. Aux larmes qui coulaient de ses yeux, chacun devinait sa souffrance et, brusquement, il rabattit ses bras devant lui, en les secouant, il arracha le bâillon et cria presque comme un ouf de soulagement. Il libéra un par un ses autres compagnons et se précipita vers l'évier et mit ses poignets sous le jet d'eau glacée du robinet. Alice vint l'aider et grâce au matériel de secours de l'ambulance, pu lui calmer sa douleur et soigner ses plaies. Roland ne put s'empêcher de dire :

- Ben, les estropiés, ce fut moi en premier, Cousine Gaëlle en second, et te voilà blessé, Robert. À qui le tour ? demanda-t-il à la cantonade. Tante Etzelle haussa les épaules en souriant.

Robert, qui venait d'avaler deux comprimés d'anti-douleur, précisa que l'on ne craignait rien, puisque nous avions la plus gentille et efficace infirmière parmi nous. Puis il continua :

- Mais dites-moi, madame Etzelle, tout à l'heure, vous vouliez dire quelque chose, non ? C'était à propos du tableau.

- Oui, les enfants ! Je voulais crier ma joie, dit Tante Etzelle, car en observant le tableau, j'avais vu que je l'avais confondu avec l'autre, le vrai.

- Le vrai ? interroge Gaëlle, celui-ci était un faux ?

- Non da, mais l'oncle refaisait souvent le même tableau, la même image avec de légères variations, soit pour le parfaire, ou... je ne sais quoi. Celui que ces malotrus ont emporté n'était pas le bon !

Partons vite chercher le seul et l'unique tableau !

...

Seul, à la Fabrique, Lafleur était satisfait : rhum blanc et ananas, il se fit un cocktail.

(*) Note de l'éditeur : Le centre téléphonique Gutemberg, à Paris, fut détruit par un incendie le 20 septembre 1908.

mardi 22 janvier 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (28)

Nous nous quittions sur une promesse de  guerre de cyborgs, Sax/Cat qui nous livre une suite pas piquée des vers.

Le routier mélomane et l'huissier malheureux,

La brune nymphomane et le facteur paumé,
À la station-service allons les retrouver,
Je sens que ça va être un sacré sac de nœuds.

- Gérard qu'est-ce que tu fous dans ces fringues pourries,
Frison qu'est-ce qu'il t'a pris de charger ce minable,
De rencontrer ensemble l'amant et le mari,
Vaudrait mieux me calmer, je vais péter un câble.

- Colette saloperie tu devrais la fermer,
Moi qui me croyais veuf je ne suis que cocu,
En moi j'ai une idée qui commence à germer,
Celle de t'envoyer un bon coup de tatane.

Francis avec Pedro, ils n'étaient pas tout près,
Vers notre petit groupe ont un peu progressé,
Munis de pistolets parfaitement graissés,
Vu leur air renfrogné ça pourrait être chaud.

Mais laissons cette histoire et allons voir ailleurs,
Ce qu'il advient ce jour aux gens de la Falaise,
Nous en étions restés à l'entrée de Günther,
Et à la belle Alice assise sur sa chaise.

Roland était planqué, les autres mains en l'air,
Günther venait d'entrer et de surprendre Uma.
Robot contre robot, une sacré affaire,
Dans les yeux de chacun un éclair s'alluma.

C'est Pedro le premier qui tire sur Colette,
Un petit trou au front, ça ne fait pas un pli.
Francis n'a pas le temps de tirer sur Freddy,
À cet instant précis arrive l'Estafette.

Oui, l'Estafette bleue que l'on attendait pas,
À bord Chapraud, Chapraut et l'inspecteur François.
C'est à ce moment-là qu'Hans entre dans le jeu,
Et à toute vitesse attaque les affreux.

Les deux cyborgues sont de force comparable,
Uma est plus légère mais Günther est gêné
Par sa jambe de bois qui le rend incapable
De parer avec force à de puissantes clés.

Ils s'étreignent, ils se serrent, ils se donnent des coups,
Maurice l'inconscient essaie de les calmer,
D'un seul geste du poing ils lui cassent le cou,
Et reprennent sitôt leur combat insensé.

D'un même mouvement Hans bondit de l'auto,
Et serre dans ses bras forts Francis et Pedro,
Serrant un peu plus fort il fait craquer leurs os,
La main les fait plier comme simples roseaux.

On sait que les cyborgs ont un talon d'Achille,
Qui est en général au niveau du nombril,
Chapraud tire si mal que çà parait futile,
Et c'est ce point précis qu'atteint le projectile.

Une gerbe de feu jaillit de ses entrailles,
Suivie en un instant d'un "boum" dans le gasoil,
Günther également fait donner la mitraille,
Contre Uma qui finit complètement à poil.

Un cyborg étalé, ça ne fait pas bien beau,
De l'aire de service une fumée s'élève,
Dans un dernier sursaut c'en est fini il crève,
Voilà un beau succès du brigadier Chapraud.

- Chapraud tout est fini, il nous foutront la paix,
Rectifie ta tenue, l'inspecteur nous regarde,
Il serait bien capable de porter le pet,
Guy le commandant te ferait monter la garde.

Par un curieux hasard, au bout du même temps,
Les deux cyborgues sont à court de batterie,
Robert baye aux corneilles, Roland sort de l'abri,
Et revient retrouver le groupe calmement.

- Chapraut, viens avec moi, allons à la fontaine,
Avec quelques seaux d'eau éteignons l'incendie,
De rôtir évitons, nous serons capitaines,
Et aurons, ça rira, de tout nouveaux képis.

Lafleur est très inquiet, il n'a plus de signal,
Aucun de ses cyborgs ne répond à l'appel,
Tout seul à la Fabrique, il se sent un peu mal,
Rhum blanc et ananas, il se fait un cocktail.

Gaëlle est fatiguée, elle est un peu émue,
C'est alors qu'elle pense "mais que ferait Yannick",
- Robert, Roland, Etzelle, pensez-y je vous prie,
Et ma petite Alice, viens-là que je t'embrasse.

La racine du mal est beaucoup plus profonde,
Il est désespéré, il ne croit plus en rien,
Avec le Nautilus il quitterait le monde,
Tout seul au fond de l'eau il sait qu'il serait bien.

Freddy, Gérard, Arthur, Chapraud, Chapraut, François,
Tout le monde est parti à la gendarmerie,
L'inspecteur ne dit rien, au loin un chien aboie,
L'eau-de-vie qu'il a bu lui fait dresser l'oreille.

Du bateau il les ont envoyés par le fond,
Les deux humanoïdes et Maurice amollis,
Et reviennent au port leur mission accomplie.
Ceux-là ne feront plus jamais un tour de piste.

Je crois que nos amis ont l'avenir plus clair,
Déjà quelques méchants ont quitté cette histoire,
Lafleur n'a plus d'allié pour l'aider en affaire,
Sauf peut-être Gérard, mais on n'y peut pas croire.

Roland, Robert, main dans la main, continueront
À chercher la fortune, ou au moins à y croire.
Alice pleure un peu, elle a bien le cafard,
Gaëlle la console, lui caresse la main.

Mais soudain, qu'y a t-il, une forte explosion !
En direction de Caen une énorme lueur !
Une nuage qui prend une forme de fleur,
Là où d'autres auraient plutôt fait champignon.

Moralité :
Malgré tous mes efforts je n'ai pas réussi
À finir sagement ce bout de feuilleton.
L'aventure du moins est loin d'être finie,
Le jeu continuera, le jeu, un jeu de.

mardi 15 janvier 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (27)

Soyons honnête, au moins pour une fois. Au terme de l'épisode précédent, nous n'avions pas beaucoup avancé dans l'histoire rocambolesque qui nous mène, semble-t-il, vers la Normandie sur les traces ténues d'un sous-marin très hypothétique. Nous apprenions néanmoins que les cyborgs savaient piloter une moto allemande et que les gendarmes savaient apprécier le jus de pomme.
C'est Arielle, aujourd'hui, qui nous promet d'avancer à pas de géants vers un début de dénouement. Mais sans plus de bavardage, sachant les lecteurs pressés de connaître la suite, les nerfs tendus, je laisse la place à l'épisode de la semaine !

Un peu plus tôt à La Fabrique…

Inquiet de se faire doubler par Colette, Lafleur avait donc pris ses précautions. Il avait gardé un atout dans son jeu sous les traits de son fidèle technicien, Maurice Lenoir. Ce dernier lui était tout dévoué.

Nous ne savons grand chose sur le passé de ce taiseux qui travaille et vit à La Fabrique. Sans doute devait-il une fière chandelle à Lafleur qui l'avait probablement sorti du pétrin.

Lafleur décida donc d'expédier Maurice à Barfleur mais pas seul. Uma l'accompagnerait. Ce cyborg femelle de dernière génération, ils l'avaient conçu ensemble. Ils l'avaient conçu plus robot que cyborg. Après avoir tenté sans succès de vendre le brevet aux services secrets israélien, Lafleur avait réussi à le caser aux services secrets boldave. Le prototype fut donc ressorti du placard et dépoussiéré.

Faite d'un alliage de métal et de chair ultra léger, Uma, à l'opposé de la carrure "char d'assaut" d'un Hans ou d'un Günther, était la grâce même. D'aucun dirait sexy en diable. Lafleur l'avait dotée de tous les attributs qui vous posent une espionne et une voleuse. Déplacement rapide et feutré. Agilité des prothèses des mains. Chacune munie d' outils de précision, genre Leatherman pour souris d'hôtel. Magnétophone-enregistreur embarqué, indispensable. Caméra et appareil photo implantés dans ses yeux de porcelaine bleue. Lesquels étaient dotés d'un système de zoom ultra sophistiqué qu'Uma déclenchait par le seul pouvoir de "la pensée",en exorbitant les yeux. Lafleur, passionné de photo, n'utilisa que de l'optique Leitz miniaturisée. Pour parfaire son chef-d'œuvre, il lui installa un logiciel de Krav-Maga qui permettait à Uma de se débarrasser de ses adversaires avec un minimum de bruit. Seul le logiciel du langage fut réduit au strict minimum.

Maurice en était fou. Il avait particulièrement soigné et les mensurations, et le revêtement en plastique mou qui imitait à la perfection la chair blanche et laiteuse. Après avoir ajusté la perruque brune frangée, il lui enfila une combinaison style treillis et laça les rangers. Il appuya sur le bouton "on". Uma était fin prête.

- Prends le Land , dit Lafleur. Vous passerez plus facilement pour un couple de baroudeurs en quête d'un séjour "nature". Méfie-toi de Günther, il vient de réapparaître sur la console de gestion des cyborgs mais pour l'instant je n'arrive pas à reprendre le contrôle.

- Bien, répondit Maurice.

- Débrouille-toi pour tout récupérer avant l'arrivée de Colette. Qu'elle ne se doute de rien quand elle arrivera après vous. Pas de morts. Faites-vous passer pour des agents d'un service secret étranger. Un truc dans ce genre.

- Boldave ? demanda naturellement Uma.

- Non Uma. Je ne veux pas de problème avec eux. Nous sommes en affaire. D'ailleurs au fait, Maurice, nous avons rendez-vous avec le Colonel Amisovscu, la semaine prochaine, service après vente oblige. Ton logiciel t'autorise toutes sortes d'accents Uma. Tiens Russe, ça fera l'affaire.

Ils quittèrent La Fabrique et prirent la direction de Barfleur.

...

Si nous ne savons pas grand chose sur Maurice, il en est de même pour le routier mélomane, volage et gouailleur, censé emmener Gérard au Mans. Retour dans la cabine du Renault truck.

La sonnerie du portable du camionneur retentit sur l'air du toréador.

- Allo oui... Ok patron. Mais prévenez au Mans que j'aurai du retard. Il raccrocha et s'adressa à Gérard. Mon ptit gars, détour obligé par Caen pour récupérer un colis urgent. Alors, ou tu restes, ou je te dépose à la prochaine station-service. Mais avec ton allure déjantée, pour faire du stop hein, tu vois ce que je veux dire.

Gérard, l'air abattu, ne répondit pas. Le fric. Le magot. L'avion. Partir. Se sortir enfin de tout ce merdier. Soupirs.

- Fais pas cette tronche. Au fond je t'aime bien.

"si tu ne m'aimes pas, si tu ne m'aimes pas, je t'aime...". Il se mit à rire.

Gérard eut envie d'allonger son poing dans la gueule du camionneur. Il se retint. Cet enfoiré était sans doute sa seule chance de rejoindre Le Mans.

- Ben quoi ? Oublie-là ta bergère. Allez on va s'en jeter un à la prochaine station-service et faire le plein. Tiens, prends une goldo, c'est pas toi qui raque.

- Merci. Au fait, c'est quoi ton nom ? demanda Gérard.

- Frédérique Lang. Freddy pour les intimes. Pour Colette, c'était Fred et quand...

- Oh, ça va hein ! Rien ne dit que ce soit la même après tout.

- Ouais, regarde-moi ça un peu...

Ils venaient d'arriver en vue de la station. Force est de constater qu'elle avait brûlé de fond en comble. Explosée , anéantie, volatilisée.

- Ben merde ! reprit Freddy. Ok, on va pousser jusqu'à la station Shell où bosse ma copine Marie. Ça fait une trotte, mais au moins là, c'est sur qu'ils sont ouverts sauf s'ils ont explosé. Ah, ah, ah.

Ils reprirent la route. La radio diffuse l'acte II des Contes d'Hoffmann :

"Voyez-la sous son éventail
tourner, baisser, lever la tête,
ouvrir ses yeux d'émail
Et dire d'un air bête:
Oui, oui, oui, halte-là!
C'est la belle Olympia! "

- Ah, ah, ah. Quel couillon cet Hoffmann avec les femmes, il n'a rien vu et c'est bien fait avoir !

- Ouais. Bon, je vais faire un somme, répondit Gérard excédé. Il se fichait pas mal d'Hoffmann et de ses histoires de bonnes femmes. Les siennes lui suffisaient amplement.

Pas très loin de Caen, ils atteignirent enfin la station-service convoitée. Freddy rangea son bahut derrière une 4L jaune qui faisait le plein. Au moment même une femme en descendit. Un land noir les dépassa et se gara face au libre-service.

Gérard et Freddy s'exclamèrent en chœur en regardant la femme : " Oh putain, Colette ! "

Francis et Pedro claquèrent les portières du Land et allumèrent une cigarette.

Arthur Conan remit le pistolet de distribution en place et se tourna vers Colette dont le visage exprimait une rage contenue de très mauvaise augure.

- Maame que se passe-t-il ? hasarda Arthur pas très rassuré.

...

Villa "La Falaise". Uma et Maurice viennent de faire irruption dans le salon.

- Mains en l'air. Vite ! déclara Maurice sèchement en pointant son 44 magnum vers l'assemblée.

Gaëlle, Etzelle, Alice et Robert, médusés, s'exécutèrent.

- Gaëlle, murmura Alice. Tout à l'heure je vous ai menti à propos de...

- Fermez-là. D'un signe de tête Maurice montra à Uma les documents étalés sur la table.

- Da Boris. Moi compris.

Uma s'approcha de la table. Ses yeux sortirent de leur orbite. Une fine spirale en métal transconducteur les reliait au cerveau qui stockait les informations. Ils photographièrent et filmèrent tout ce qu'il y avait sur la table. Le spectacle était hallucinant.

Tante Etzelle faillit tourner de l'œil. Gaëlle retomba assise sur sa chaise. Robert semblait gober l'air. Alice fut prise de petits rires hystériques.

- Hi, hi, hi. Ils ont dormi ensemble. Hi, hi, hi, mon dieu ces yeux. Sinon, j'aurais dû dormir avec l'un deux. Hi, hi, hi. C'est tout. Ils ne couchent... Mais c'est quoi, cette chose ! Alice au bord de la crise de nerfs agitait ses mains comme des marionnettes au-dessus de sa tête.

Robert la regarda l'air ahuri et ouvrit la bouche encore plus grand.

- Mais qu'est-ce qu'elle raconte ? C'est quoi tout ce bazar.

Tante Etzelle, ayant retrouvé ses esprits, fixait machinalement le tableau.

- Vous pas parlez, vous pas bougez, déclara Uma après avoir remis ses yeux en place. Sinon, Boris taratatata. Vous tous garder mains en l'air.

Elle plia soigneusement la carte et s'approcha du tableau. Un cutter jaillit de son index. Elle s'apprêtait à découper la toile.

Robert avala sa salive et s'écria :

- Non ! Non ! Qui êtes-vous ? Vous êtes envoyés par La Fabrique ? On peut peut-être s'arranger...

- Pas arrangement. Quoi fabrique ? pas comprendre.

AZ.AZ... mais non ce n'est pas un Z, pensait Etzelle.

C'est un S... AS ! Et là on devine un A, puis RAT. Une coiffe en forme de cône... une femme... Sorcière ? Démone ? Mais où l'ai-je vue ? D'associations d'idées en associations d'idées, un nom surgit de sa mémoire: Astarat. Astarat ou Astarté.

Elle en était certaine à présent, la goélette portait le nom de la déesse égyptienne. L'Aphrodite des grecs. Et le village en haut de la falaise. Ça lui disait quelque chose. Elle se retint de crier.

- Dépêche-toi, dit Maurice.

Uma découpa la toile. Ensuite elle ficela tout ce petit monde à la table en prenant soin de les baillonner. Ficelle et baillons jaillissaient de ses mains à la demande.

Et Roland lui ? Où est-il passé ? Vous seriez en droit de vous le demander.

Roland, que tout le monde avait oublié, était planqué derrière la porte de la chambre. Arme à la main, il ne savait plus à quel saint se vouer. La situation était critique et le discours d'Alice pour le moins étrange. Le choc sans doute. Comment faire ? Seul, il ne faisait pas le poids. Il fallait pourtant qu'il agisse.

Un bruit de moto se fit entendre. Maurice eut juste le temps de se retourner pour voir Günther défonçant la porte d'entrée. Uma bondit en position d'attaque. Roland surgit de la chambre arme au poing.

Chapraud & Chapraut, gendarmes de l'impossible

C'est un cadeau qui touche à l'exceptionnel que nous fait là Liaan. Sa vision d'une des scènes majeures de ce feuilleton qui fera date dans les annales du blog qui nuit (très) grave. Je vous invite à détailler ce chef d'œuvre, à voir tous les clins d'œil, à chercher la raison de la présence de tel ou tel élément. Mais que ceci ne vous empêche pas de lire l'épisode du jour !
Je tiens à remercier Liaan. Merci.

Bouchés à l'émeri

mardi 8 janvier 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (26)

Alors que l'on est en train d'essayer de déchiffrer un très hypothétique message codé contenu dans une effroyable croûte picturale censée représenter une goélette marine, une étrange automobile est arrivée et semble glacer d'effroi le petit monde de la vila " La Falaise". Mais pendant ce temps, et totalement ailleurs, d'autres événements tout à fait incroyables se déroulent alors que l'on ne les attendait pas le moins du monde.

Bzzz. Clic. Clic. Cliic. Bzzbz. Clac. Clic. Cloc. Cliquiquiclic. Zzzz.

Des ruines de la maison Labornez, Günther se remet en route. Il pivote la tête dans un cliquetis douloureux accompagné de divers bruits de rouages enroués. Il observe, il analyse la situation. Ses neurones électroniques enregistrent et calculent. Il se redresse et tombe sur le côté. Il s’éteint.

Trois heures passent avant qu’il n’entre de nouveau en activité. Une diode se met à pulser au fond de l’orbite de son œil gauche. La tourelle de sa tête grince. Son bras droit ne répond plus. Il s’assied, il constate qu’il fait nuit. Il passe en mode « vision nocturne ». Il cherche Colette. Il ne trouve pas Colette. Il cherche Hans. Il ne trouve pas Hans. Il active son modem à ondes courtes. Il n’y parvient pas. Il essaie encore. Il pousse un peu la tension du modem. Le modem crame. Le modem est foutu, carbonisé. Il bouge une jambe. Il bouge l’autre jambe. Il a perdu un pied. Il prend le pied détaché. Il se demande s’il peut réparer. Il lui faudrait un fer à souder et des outils de précision. Son cerveau plein de processeurs lui dit que c’est peine perdue. Il jette le pied. Il cherche quelque chose parmi les gravas. Quelque chose qui puisse remplacer le pied. Une prothèse de fortune qui lui permette de tenir debout et de marcher. Un bout de pied de table. Ça fera l’affaire. Il tire sur un fil électrique qui pend depuis une poutre éclatée. Il s’en sert comme lien. Il se lève. Il fait un pas. Il ajuste son pied de bois en hauteur. Il fait un second pas.

Ses batterie se déchargent vite. Il doit y avoir un court-circuit qui pompe son énergie vitale. Il lui faut réparer et se recharger. Il cherche une source d’électricité parmi les bouts de fils électriques qu’il trouve en fouillant les décombres. Il se sent réfléchir de plus en plus lentement. Il est entré en mode dégradé. Il peut tenir une heure si tout va bien. Il trouve une paire de fils alimentés. La phase, le neutre. 240 volts. Il va faire le plein. Il se fourre les fils dans les trous de nez, en prise directe avec le conjoncteur-découpleur de phase du transformateur-chargeur. Il reste comme ça, assis à attendre, avec juste le système d’alerte qui veille.

Les batteries chargées à bloc, il se débranche et se lève. Il repasse en accéléré le film de sa mémoire. Il enregistre les visages et les noms dans ses éléments de mémoire instantanée. Il sait où il est. Il sait sa mission et il sait ce qu’il a à faire. Il ne sait pas où sont Colette, Gérard et Hans. Ils ne sont pas dans les ruines de la maison. Il s’extirpe de ce qui a été une maison et récupère les données de géolocalisation. Il appelle la carte des environs. L’habitation la plus proche est celle du père Kermitt. Prendre la route vers le sud est sur quarante-huit mètres et tourner à gauche. En boitant et en traînant la patte, il avance. Il tourne à gauche et fait face à une sorte de bâtiment fait de planches. Un hangar branlant. Il pousse la porte. Il cherche ce qui peut lui être utile en essayant de faire le moins de bruit possible.

Il va au fond du hangar. Sous une bâche, il trouve une moto. Une 350 BSA, lui indique son ordinateur intime. Il cherche les données techniques. Il lui faut trouver du carburant. Il cherche. L’analyse des fûts, bouteilles et bidons lui permet d’écarter le cidre, le calvados et l’engrais pour géranium. Il trouve cependant ce qu’il cherche. Il porte le bidon à sa bouche. Essence de pétrole et lubrifiant minéral monograde. Tout juste bon pour une tronçonneuse ! Le monocylindre anglais n’acceptera jamais pareille mixture. Il retourne au fond du hangar et soulève une autre bâche grise. Un sourire rayonnant s’affiche sur sa face démolie.

- Ach ! Ein BMW motorrad ! Gut !

Il retourne chercher le bidon de mélange à tronçonneuse et débâche la BMW. Il vide le précieux carburant dans le réservoir, déplace la motocyclette et ouvre la porte du hangar. Il pousse l’engin à l’extérieur avant de s’attaquer à une expertise minutieuse en faisant appel à ses ressources internes. Il comprend comment il peut faire démarrer la machine et l’origine des pannes éventuelles. Les pneus sont légèrement dégonflés, le frein avant est hors d’usage et il n’y a pas la clé de contact. Broutilles. Il dévisse l’index de la main gauche et enfiche le connecteur universel dans le trou de la clé de contact. Dans les environs, une chouette hulule.

Le robinet d’essence est ouvert. Il a titillé les carburateurs, la boîte de vitesse est au point mort. Il lève la jambe et pose le pied sur le kick. Il pèse de tout son poids sur le dispositif de mise en route. Le bicylindre est entraîné mais n’a pas démarré. Un deuxième puis un troisième vigoureux coup de kick permet de faire entendre les premières explosions du flat-twin teuton. Günther passe une main affectueuse sur le beau réservoir noir orné de fins liserés blancs tracés à la main autour du prestigieux emblème blanc et bleu symbolisant une hélice d’avion. Il enfourche la BMW au moment où la lumière se fait au-dessus du perron de la maison du père Kermitt et que celui-ci apparaît en chemise et bonnet de nuit avec l’air le plus éberlué dont il est capable.

- Mais ? Mais ? Ma moto ! Ma moto !

- Scheiße !

- Mais ! Eh ! Vous, là ! Ma moto ! Il me pique ma moto ! Tonnerre de Brest ! Ma moto ! Et l’allemande en plus ! Prenez plutôt la merde d’anglaise qui veut jamais marcher !

Günther ne l’écoute déjà plus. Il a passé la première vitesse et, dans un équilibre un peu précaire, a commencé à rouler. Dans un panache bleuâtre, il prend le large en laissant le père Kermitt vociférer et se lamenter sur son malheur. La route défile dans le faisceau chiche du gros phare de la BMW grondante. Tandis que le père Kermitt s’est précipité sur son téléphone pour appeler la gendarmerie locale à la rescousse, le fier cyborg de conception germanique fait route vers Hans dont il vient de recevoir les ondes de localisation. Il faut se diriger vers la Normandie. Pays au souvenir douloureux pour tout le peuple allemand. Le pays de l’invasion yankee. Le pays du début de la fin. Presque pire que Stalingrad.

...

- Brigadier Chapraud ! Réveillez-vous, brigadier Chapraud !

- Hein ? Quoi ? C’est quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Brigadier Chapraut ? C’est vous qui m’appelez ?

- Oui brigadier Chapraud, c’est le brigadier homonyme à un « t » près. Je vous ai réveillé ?

- Eh oui dame ! Je dormais ! C’est pour ça que vous m’avez réveillé. Que si j’avais pas dormi, vous ne m’auriez pas réveillé, comme qui dirait. C’est pour quoi, brigadier Chapraut ?

- C’est relatif au père Kermitt qui...

- Qui est encore fin saoul ?

- Il dit que non.

- Il ment. Il est saoul, je vous dis, brigadier Chapraud. Laissez-moi retrouver mes rêves. J’étais nommé adjudant et il y avait un grand buffet avec du pâté de campagne et du saucisson sec. Je veux retrouver mon rêve.

- Il dit qu’un allemand louche lui a volé une moto.

- Il a une moto, le père Kermitt ? Première nouvelle. Dites-lui de venir nous présenter papiers du véhicule et attestation d’assurance demain matin. Bonne nuit, brigadier Chapraud.

- Il dit qu’il faut qu’on vienne.

- Je dors.

- Mais vous parlez, brigadier Chapraut.

- Je parle en dormant.

- Et vous pétez, aussi, sauf votre respect, brigadier Chapraut.

- Je ne vous permets pas, brigadier Chapraud.

- Pourtant, j’ai entendu.

- ...

- Vous dormez toujours, brigadier Chapraut.

- Non. J’arrive. Faites chauffer du café, brigadier Chapraud.

- Vous prendrez du lait ?

- J’aimerais mieux une larme de Calvados.

- Tout comme moi. Sauf que le café, à cette heure de la nuit, j’y tiens guère trop.

- Moi non plus, en fait. Partons sur le calvados... sans café. A la guerre comme à la guerre.

- Et j’lui dis quoi, au père Kermitt, brigadier Chapraut ?

- Qu’on arrive tout de suite après le café, brigadier Chapraud.

...

A peine un peu plus d’une heure plus tard, la Renault 4 des pandores arrivent en zigzaguant un brin devant la maison du père Kermitt sise à bien au moins deux kilomètres de la gendarmerie locale. L’haleine surchargée à la pomme de contrebande et le képi de travers, qui penche à gauche pour le brigadier Chapraud, à droite pour le brigadier Chapraut, les deux brigadiers se présentent devant la porte du père Kermitt qui, pour se consoler, s’est réfugié dans le calvados. Une tradition du cru.

- Ah ! Vous voyez, Chapraud...

- Brigadier ! Brigadier Chapraud, brigadier Chapraut !

- Oui... Brigadier Chapraud. Je vous l’avais dit. Il est saoul !

- Ma foi.

- Pas plus que vous, mes brigadiers

- ‘Tention ! Injure de manque de respect à militaires dans l’exercice de leurs fonctions ! Ça va chercher loin, ça, père Kermitt !

- On en a foutu au trou pour moins que ça !

- Et sans connotation sexuelle, je préfère vous dire. Parce que Chapraut et moi, on est pas du genre à abuser de notre pouvoir.

- Exactement ! Chapraud et moi-même, on est comme qui dirait irréprochables.

- J’aurais pas mieux dit. Bravo brigadier Chapraut !

- Et ma moto ?

- Vous avez les papiers du véhicule ?

- C’est que...

- C’est oui ou c’est non ? On va dresser procès verbal, pour dire qu’on s’est pas déplacés pour rien.

- C’est que...

- C’est que quoi ?

- C’est que vous avez pas un peu soif avec toute la route que vous avez faite pour arriver ici ?

- C’est pas faux. Il faut pas se déshydrater.

- J’ai du calva qu’est pas piqué des vers. Mais entrez donc, brigadiers !

Les gendarmes entrent. Ils s’asseyent et le père Kermitt prend deux verres dans le buffet qu’il pose sur la toile cirée de la table. Il attrape la bouteille et remplit les trois verres.

- Pas trop ! Nous sommes en service !

- Pas plus haut que le bord du verre !

- Brigadier Chapraud ! Un peu de tenue !

- Pardon, brigadier Chapraut ! J’ferai plus.

- Bon. Je vous explique, rapport à la moto. Les papiers, je les ai pas pour cause que l’Allemand qui me la vendue, il devait me les envoyer par la Poste et que la Poste, vous savez ce que c’est, ils perdent les lettres. C’est qu’ils boivent, les facteurs. Ils ont pas une vie facile, vous me direz. C’est un peu comme vous autres, les gendarmes. Sans la gnôle, vous tiendriez pas.

- C’est pas faux.

- Alors, la moto, je l’ai mise dans la grange et j’y ai jamais trop touché. Mais elle est à moi tout de même. Et là, il y a un type très bizarre qui causait comme on aurait dit de l’allemand qui me l’a volée, la moto. Et moi, ben naturellement, je me dis que ça doit être l’allemand qui me l’a vendue qui est venu la voler. C’est ça que je me suis dit en réfléchissant.

- Vous l’auriez achetée quand, cette moto ?

- Je dirais que ça devait être en 1963. Oui, l’été 63. J’en suis sûr.

- Ça fait pas loin d’il y a soixante ans, ça !

- Quarante, plutôt, brigadier Chapraut.

- Quarante ? Comment ça quarante, Brigadier Chapraud ?

- Ben oui, 2013 moins 1963 : quarante ans.

- Oui, bon. Quarante si vous voulez.

- Cinquante, non ?

- Comment ça, cinquante ?

- Excusez, brigadiers. Mais 2013 moins 1963, ça fait cinquante ans.

- Peut-être bien. Il fait soif, trouvez pas ?

Le père Kermitt remplit les verres.

- Bon. Partons sur cinquante. Il avait quel âge, votre vendeur ?

- Voyons voir un peu... Moi, j’avais vingt-deux... Hi hi hi... Pardon.

- ?

- Non, rien. Juste vingt-deux. Vingt-deux v’là les flics. Vous connaissez ?

- Faites bien attention ! Manque de respect à force de l’ordre dans la force de l’âge. C’est sujet à bavure ! Faites bien attention à vous !

- Bon, bon... Donc, j’avais un peu plus de vingt ans. Lui, le boche, il devait bien avoir dans les cinquante.

- Et votre voleur potentiel que vous disez, là, il avait l’air centenaire ?

- C’est que... Non. Il avait l’air grand et solide. Mais il boitait.

- C’est pas le même homme, si vous voulez mon avis. Je sais pas ce qu’en pense le brigadier Chapraud, mais pour moi, c’est pas le même homme. L’affaire est close. On vous dresse pas de contravention parce que l’objet du délit a disparu avec le crime mais on vous a à l’œil.

- Et aussi parce que votre calvados est bon. On passe l’éponge pour cette fois, hein, brigadier Chapraut ? Dites, père Kermitt, cette bouteille, on se la finirait pas ? Le jour commence à se lever et on a une dure journée qui nous attend.

...

Günther s’arrête dans une station service. Il tire le pistolet d’essence et le glisse dans le réservoir de la BMW. Il attend que le compteur se remette à zéro et actionne la gâchette. Il fait le plein. Ceci fait, il arrose copieusement les pompes, enfourche sa moto, la démarre, enclenche la première, lâche la poignée d’embrayage avec douceur et fait jaillir une flamme de son auriculaire droit. Il s'enfuit en laissant les flammes envahir la station service.

Alors qu’il est à moins de cinquante kilomètres de la villa « la Falaise », deux personnes descendent d’un Land Rover noir en tenant des armes de poing à la main. Dans la villa, Gaëlle et les autres sont bouche bée et les bras ballants.

mardi 1 janvier 2013

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (25)

Etzelle possèderait donc une Peugeot 403 cabriolet. Oui. Comme celle du lieutenant Columbo. Oui. Cette semaine, pour démarrer l'année sur les chapeaux de roue, c'est Sax/Cat qui nous livre un tout nouvel épisode. Pour qui "zappa" les épisodes précédents, je conseille de les lire pour tenter de comprendre quelque chose à cette histoire morcelée qui nous entraîne, eux et nous, dans de bien étranges aventures.

- Bon, du moment que tu es ce que tu es, je te tutoie.

Même à supposer qu'on connaît la même Colette, mais ça ferait vraiment mauvais feuilleton, ma Colette la dernière fois que je l'ai vue elle était couchée dans une cuisine dangereuse à côté de gens en plastique, il n'y avait plus rien à en tirer si j'ose dire.Juste pour dire, ma Colette à moi, et son frère Robert, leur nom c'est Brun.

- Je ne lui ai jamais demandé son nom de jeune fille. On va où comme ça ?

- Tu veux gagner mille euros ? Tu peux aller en centre-ville avec ton camion ?

- Bien sûr, c'est plus maniable qu'une Smart.

- OK, alors on va au Mans, à côté du pensionnat de jeunes filles catholiques, il y a le garage de Joe.

- Le guitariste qui joue du jazz d'enfer ? Je connais, et là on fait quoi ?

- Tu te gares, je rentre dans le garage, je récupère un colis, et on repart.

- Et après ?

- Je te donne mille euros, tu me déposes dans n'importe lequel des deux-cents motels de la région, tu files et tu n'entendras plus parler de moi.

- Ça me va, mais j'ai comme l'impression qu'une voiture nous suit depuis un moment.

- Tu parles du gros 4x4 noir, ça doit être Pedro et Francis. Tu vas t'arrêter à la prochaine station-service, et on verra bien si c'est eux ou nous les plus malins.

...

- Ce n'est pas Pedro, on dirait un poulet. dit Colette.

- Alors je fais quoi ? demande Arthur.

- Tu vois ce qu'il veut. Mais, pour son bien, fais en sorte qu'il ne rentre pas dans la voiture ou il pourrait tâter de ça.

- Oh ! un Telefunken U47 !

- Pas tout à fait, c'est un Lüger, ça fait de plus gros trous.

- Bonjour, je suis l'inspecteur central François. Qu'est-ce que vous faites ici ?

- François comment ?

- Inspecteur central François tout court, c'est mon nom. Qu'est-ce que vous faites ici ?

- Je livre des colis.

- Impossible. Votre voiture est du Finistère, et on est dans le Morbihan.

- C'est parce que j'ai pris un raccourci. Alors forcément j'ai changé de département pour quelques kilomètres.

- Impossible. Une voiture postale du Finistère ne peut pas circuler dans le Morbihan. Je vais devoir verbaliser.

- Dites, vous n'avez pas fait un stage à la gendarmerie de Pont-Aven vous ? Je connais deux brigadiers qui vous ressemblent.

- Insulte à officier de police, ça va vous coûter cher. Descendez de la voiture.

- OK, et voilà les papiers du véhicule. Verbalisez si vous voulez. Mais vite, j'ai ma tournée à finir.

- Et vous transportez quoi ?

- Des colis.

- Ouvrez le coffre.

- Impossible. Secret professionnel. Je n'ai pas le droit de montrer ma tournée sans un mandat officiel.

- Vous vous foutez de moi ?

- Non, mais le règlement c'est le règlement. Et le règlement de la Poste est au moins aussi rigoureux que celui de la Police.

- Appelez la poste centrale, je vais leur dire deux mots.

- Impossible. La radio est cassée.

- Obstruction à l'exercice de la Justice, vous aggravez votre cas.

- Écoutez, mettez ce que vous voulez sur votre procès-verbal, mais faites vite, sinon je ne vais pas pouvoir finir ma tournée avant midi, et je devrai faire un rapport et je devrai indiquer que j'ai été retardé par l'inspecteur central François et le directeur de la poste centrale est un ami du commissaire divisionnaire et ça risque de chauffer pour votre matricule.

- Si vous le prenez comme ça, allez-y, mais que je ne vous revoie pas par ici.

La R4 jaune repart.

- Ça va, on est passé, vous pouvez remballer votre joujou maintenant.

- Fais pas le malin. C'est vrai cette histoire du directeur de la Poste et du commissaire de police ?

- Tout ce qu'il y a de plus vrai. Vous allez rire.

- Ça m'étonnerait.

- Ils sont tous les deux dans le même club de danse. Ils sont fous de danse. Ils font même des concours de danse, tango, valse, vous voyez le genre.

- Oui, c'est presque drôle.

- Dites, j'espère que vous avez de l'argent parce que le réservoir est presque vide. Je n'ai pas de quoi aller en Normandie.

- Bon alors tu vas t'arrêter à la prochaine station-service, on va essayer de trouver un autre véhicule.

...

À "La Falaise", la nuit ne s'est pas tout à fait passée comme prévu. En se levant, Gaëlle est tout étonnée de trouver Alice seule sur le canapé.

- Tu as passé la nuit ici ?

- Oui, ils m'ont laissée.

Elle a les yeux un peu rouges et les traits tirés. Elle n'a pas beaucoup dormi.

- Et où sont-ils ?

- Ils ont pris la chambre.

- Ah.

- Oui. Notez que je me doutais bien de quelque chose dans ce goût-là, j'ai surpris de drôles de regards entre eux. Je pensais que c'était dû aux circonstances, mais non.

- Ce n'est pas la première fois, ça leur prend de temps en temps, ça dure quelques jours.

- C'est bien ma chance, pour une fois que j'en trouve deux à mon goût, non seulement je n'arrive pas à choisir mais en plus ils ne sont pas pour moi.

- Mais si, en dehors de ces périodes, ils vivent comme tout le monde.

- Oui, mais moi je ne veux pas partager mon homme avec un autre homme. Ni avec une autre femme d'ailleurs.

- Je croirais lire mon "Nous-Deux". Mais, ma petite, le monde a changé, heureusement. À mon époque on se cachait, maintenant ça se passe au grand jour. D'ailleurs, bien que je ne sois qu'un vieux machin, je serais bien venue te rejoindre cette nuit si j'avais su que tu étais là. Allez, je vais les réveiller, Tante Etzelle va arriver, et elle n'a pas les idées aussi larges que moi sur ces sujets.

- Bonjour Tante Etzelle.

- Bonjour Roland, bonjour Robert, bonjour Gaëlle, bonjour mademoiselle.

- Appelez-moi Alice.

- Bonjour Alice. Vous avez pris le petit déjeuner ?

- Pas encore, on s'est couchés un peu tard avec ces histoires de cartes, de code et tout ça.

- Ça tombe bien, j'ai pris des croissants et des petites rosettes vertes en passant, il ne manque que le café.

Tout le monde est autour du tableau. Il représente une goélette, avec une falaise en arrière-plan, et, au sommet de la falaise, une ville avec ses petites lumières. Les lumières sont allumées, comme pour mieux souligner le fait que le tout se passe de nuit. La précision était inutile, la lune se reflétant dans l'eau était déjà suffisamment éloquente (si l'on peut dire).

- Ça me donne un peu de nostalgie de nos sorties nocturnes avec Yannick, dit Gaëlle.

- Les jeunes, avec vos bons yeux, vous voyez le nom de la goélette ? demande Etzelle.

- Pas complètement, je pense qu'il va encore falloir jouer au code. Je vois "Az" au début et "at" à la fin, ça ne fait pas très breton ni normand ça. Entre les deux, c'est tout brouillé, mais c'est un seul mot court. dit Roland.

- Attends que je regarde de plus près, dit Robert.

- ...

- Là, devant le bateau, dans l'eau, je vois un point bizarre. Quelqu'un a une loupe ?

Alice passe la loupe à Robert.

- Attendez, j'essaye de voir.

- ...

- Nom de Dieu, je vois ce que c'est, mais je ne comprends rien ! Roland, tu peux regarder avec la loupe ?

- ...

- Ça y est, je vois ! Une femme. Avec sa tête en cône, on dirait une sorcière qui se noie et que le bateau ne va pas pouvoir sauver. Je ne vois pas du tout ce que ça peut bien vouloir dire. Il va falloir réfléchir tous ensemble.

Gaëlle les interrompt.

- Non, pas maintenant. Nous ne sommes pas seuls, il y a une drôle de voiture qui vient de se garer devant la maison.

mardi 25 décembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (24)

Dans l'épisode précédent, on apprend que Colette n'est pas morte et on découvre avec effroi qu'elle sait "redonner vie" à un cyborg en lui soufflant dans les bronches. Tandis que le facteur est réquisitionné avec sa Renault 4 jaune, Robert, Roland, Gaëlle et alice arrivent en Normandie et c'est Arielle qui nous livre la suite.

Pendant ce temps-là du côté de Barfleur.

Après avoir récupéré les clés, ils arrivèrent à la maison de pêcheur du "grand oncle", curieusement baptisée " Villa la Falaise". Dans ce coin de Normandie, on ne voyait guère de falaise. Vu de la "villa", l' horizon était constitué d'une armada de barques au mouillage devant les quais du petit port avec au loin la silhouette du phare de Gatteville.

Un peu à l'écart du village donc, la "Villa" représentait pour eux un havre opportun, la promesse d'un répit. Gaëlle et Roland prirent place sur le canapé en vieux cuir à peu près aussi éreinté que nos deux comparses. Robert s'activa pour faire une flambée dans la cheminée. Alice gara l'ambulance dans l'appenti à l'abri d'éventuels regards indiscrets et emporta le sac à provisions à l'intérieur.

Ils avaient pris le temps de faire quelques courses. Mine de rien, nous étions déjà le 24 décembre et dans les rues de Barfleur, leur présence parmi d'autres vacanciers pressés de finir les derniers préparatifs de Noël n'avait éveillé aucun intérêt.

Ils décidèrent de s'accorder quelques heures de sommeil avant d'essayer d'y voir clair dans toute cette affaire. Ils étaient loin de se douter que Colette, en vie, était déjà sur leurs talons.

...

La 4L des PTT se rangea derrière la berline.

- Kenavo collègue, dit l'inspecteur. Simple routine, présentez-moi les papiers.

Le facteur lui tendit son permis de conduire administratif et sa carte pro comme il se doit. L'inspecteur les examina et lui rendit le tout en jetant un coup d'œil à l'arrière du véhicule. Colette tenait son arme prête au cas où et mit Hans en position off. On n'est jamais mieux trahi que par les siens. Fussent-ils de chair et de métal, les cyborgs pouvaient se révéler aussi gaffeurs et idiots que les humains. Une bonne idée que ce bouton inventé par Lafleur pour désactiver le cyborg. Si seulement, un tel bouton avait pu être implanté sur ce crétin de Gérard, se dit-elle avec rage. Il ne perdait rien pour attendre ce minable.

- Merci collègue, tout est en ordre. Ben dis donc que de paquets ! On voit bien que Noël approche. Bon courage pour la suite et soyez prudent. On annonce des pluies verglaçantes. Bonnes fêtes !

- Vous de même, répondit le facteur les mains moites mais soulagé.

D'habitude, les inspecteurs étaient plutôt prompts à enquiquiner leur monde. La voix de la mégère se fit entendre:

- Allez ! Ouste ! Démarre, la route est longue ! Une vraie bénédiction cette 4L des PTT ! C'est quoi ton nom ?

- Arthur Mâme. Arthur Conan.

- Ah, ah, ah ! Ce sont des comiques tes parents.

- Non Mâme. Ils sont épiciers et…

- Ferme-la et regarde la route !

- Oui Mâme, répondit Arthur de plus en plus mal à l'aise. Un cyborg pensa-t-il ! Le baiser de la mégère au cyborg ! Jamais les collègues ne le prendraient au sérieux quand il leur raconterait. Ouais, encore faut-il que je m'en sorte vivant. Il déboita pour doubler un cycliste. En regardant dans le rétroviseur, il se dit qu'il avait déjà vu ce 4x4. Mâme, je crois qu'on est suivi, dit-il, hésitant.

- Qu'est-ce que tu racontes. Colette se dégagea de dessous les paquets et regarda vers l'arrière. Le 4x4 ?

- Oui, il était déjà là quand nous avons bifurqué toute à l'heure. Il s'abstint de faire remarquer qu'il n'y avait pas d'autre véhicule que lui à l'horizon.

- Ralentis pour voir.

Le 4x4 ralentit lui aussi et leur fit des appels de phares accompagnés de coups de klaxon intempestifs. Pedro et Francis, se dit Colette, c'est sûrement eux. Qu'est-ce qu'ils foutent là. Lafleur a pourtant bien dit à ces deux abrutis recherchés par les flics de se planquer !

- C'est bon Arthur. Gare-toi. Je les connais.

Le 4x4 se rangea à quelques mètres derrière la 4L. On entendit une porte claquer. Un homme en imper et feutre noir s'approcha d'eux mains dans les poches.

...

Dans son bureau Lafleur alluma un cigare. Il touchait au but se dit-il. Du moins, il l'espérait. Ce n'était pas tout d'avoir en sa possession le plan du Nautilus. Il lui fallait le sous-marin. Personne alors ne pourrait lui en contester la propriété.

Le plan, il le tenait du grand-père qui avait travaillé comme secrétaire auprès de Jules Verne. Peu scrupuleux, celui-ci avait eu l'occasion de le dérober. Il était mort peu de temps après sans avoir eu la possibilité d'en tirer un quelconque profit. Par la suite son propre père n'avait porté aucune attention à cet héritage.

Lui, par contre, s'était vite rendu compte qu'il pouvait en tirer le meilleur parti et faire passer le grand-père pour le véritable inventeur du Nautilus.

La guerre interrompit les recherches entreprises pour mettre la main sur le sous-marin. A la libération, en quittant la résistance, il lui avait fallu trouver du boulot. Mais personne ne voulut investir dans ses hypothétiques brevets.

Il décida alors de monter la Fabrique avec ses maigres économies et se remit au boulot. Pas toujours honnêtement. Il se moquait pas mal de savoir qui finançait "ses bébés" et encore plus de savoir si "ses brevets" servaient une cause noble ou malhonnête. Bref ses inventions l'accaparèrent, lui permettant un temps d'oublier son échec auprès de Gaëlle et de vivre aisément.

Le hasard le mettait de nouveau face à elle, car il n'en doutait pas, cette Labornez de Pont-Aven, c'était bien elle. Mais il importait peu à présent. Depuis qu'il avait décidé de reprendre les recherches, seul le Nautilus trouvait grâce à ses yeux. Pour lui, il était prêt à tout.

A force de fouiner, il apprit l'existence d'une carte en possession d'un descendant de Verne. Ce ne fut pas difficile de soudoyer Gérard, mais ce con avait tout foiré ! Heureusement, il y avait Colette. Mais s'il la trouvait fort utile, il craignait qu'elle se révèle trop vorace et tout à fait capable de "la jouer perso" au dernier moment. On verrait bien. Il avait pris ses précautions.

...

" Villa La Falaise ".

Une carbonade de porc et d'andouille mijotait sur la cuisinière. Un fumet sucré-salé embaumait la pièce à vivre. Autour de la table, chacun s'activait à la préparation commune de la tarte aux pommes. Une fois la table débarrassée, Robert étala la fameuse carte.

- Bien, dit-il. Voyons voir ce que nous pouvons en tirer.

"Petit papa Lafleur, quand tu descendras du ciel..."

- Gaëlle ! Arrête un peu s'il te plaît, dit Roland. Il m'a pas l'air de sentir bien bon ton Lafleur.

- Il ne renoncera pas, répondit Gaëlle. Il faut s'attendre à de nouveaux pépins s'il découvre que nous ne sommes pas morts. Un jour il vous épouse, le suivant il vous trucide.

Alice se retint de rire.

- Eh oui belle Alice. Mais des comme mon Yannick, il y en a encore tu sais, et je te souhaite un comme lui. Gaëlle s'interrompit. Elle évita de désigner du regard Roland ou Robert visiblement tous deux attirés par Alice. Bien, alors cette carte ?

Ils se penchèrent tous les quatre. La carte, "lessivée" par Gaëlle, laissait apparaître des signes - chiffres et lettres - et le mince tracé d'un contour qui pouvait s'apparenter à une côte. Il s'avéra que la première ligne indiquait une longitude et une latitude dans le désordre.

- D'accord, dit Roland. Admettons. On en fait quoi maintenant ?

- On essaye toutes les combinaisons, répliqua Robert mais il nous faut un atlas !

Alice entreprit de passer la petite bibliothèque en revue. Tout y était minutieusement rangé. Atlas, dictionnaire, encyclopédie, livres de marines, quelques romans classiques et pour finir des "Maurice Leblanc" dont le fameux roman "L'aiguille creuse" qu'elle avait lu dans sa jeunesse et quelques "Gaston Leroux". Il ne lui fut pas difficile de dégoter l'atlas au premier coup d'œil. En ouvrant un des tiroirs, elle découvrit tout un tas de cartes marines.

- Regardez, dit-elle toute joyeuse, ce que nous avons là !

- Parfait ! s'exclamèrent Roland et Robert qui continuaient à aligner chiffres et lettres.

Gaëlle s'empara machinalement de la première carte marine qu'elle déplia. Elle reconnu sans aucun mal la côte normande. C'est qu'elle en avait vu des cartes pendant la résistance ! Ses yeux faisaient le va et vient entre les deux cartes.

"Bella ciao, bella ciao, ciao … La Madelon vient nous… Madelon… Ma de lon… Ça y est , j'ai compris !"

Ils la regardèrent médusés.

- C'est la côte normande ! La carte du grand oncle , c'est... Regardez, comparez ! Vite, vite, voyons les coordonnées !

- Alice ouvrit l'atlas. Robert et Roland lui déclinèrent les combinaisons. Barfleur ! cria Alice !

Ils étaient donc arrivés au point de départ de la mystérieuse carte mais par des chemins de traverse. Et tous de rire et de chanter. Ils débouchèrent le cidre et trinquèrent à leur trouvaille.

La suite fut plus fastidieuse, laissant place tour à tour à des moments d'enthousiasme et de découragement. Certes ils ne furent pas long à découvrir que la suite des signes les menait là où ils étaient : la "Villa la Falaise". Mais après ?

- Bien, dit Alice. Je propose une pause. Passons à table.

- Je vois mal où cacher le Nautilus dans cette baraque remarqua Gaëlle.

- Peut-être pas d'une manière évidente, répondit Alice. Mais il y a forcément une piste qui part d'ici.

- Vous avez raison Alice, dit Robert. Reste à trouver laquelle et vite !

Ainsi se déroulait leur veillée de Noël, d'hypothèses en hypothèses, plus farfelues les unes que les autres. L'humeur était joyeuse. La carbonade cédait la place à la tarte et le cidre fit office de champagne. Les yeux d'Alice brillaient et ses joues rosissaient à vue d'œil. Elle se sentait bien auprès d'eux. Elle avait trouvé, dans cette aventure rocambolesque, une grand-mère d'adoption et deux amis. Gaëlle la vit se troubler.

"Aux marches du palais, aux marches du palais..."

Les deux femmes se regardèrent d'un air complice. Alice sourit et se mit à rougir. Pourquoi faudrait-il toujours choisir se dit-elle. On est si bien comme ça. Roland et Robert avaient ressorti crayons et papiers. Ils piquèrent du nez promptement sur leurs lignes de code pour éviter de croiser le regard d'Alice.

Gaëlle, qui en connaissait un rayon question code, leur fut d'un grand secours. Ils finirent par décoder les deux premières lignes. Roland s'empara du vieux compas déniché dans le deuxième tiroir de la bibliothèque et traça, comme indiqué, une sorte de demi-cercle qui partait de Barfleur pour finir à ce qu'ils découvrirent être le port de Fécamp.

- C'est donc là qu'il se trouve ? questionna Alice.

- Je ne sais pas, dit Roland. Peut-être n'importe où sur la côte. Et peut-être ailleurs qui sait ce qu'il a voulu dire ton ancêtre, hein Robert ? Quoique il a pu pondre cette carte en compagnie du mien. Quel sac de nœuds !

Alice s'assit à côté de Robert qui tentait de percer le mystère de la dernière ligne.

- Et si on enlevait les chiffres, dit Alice.

- Et on fait quoi des lettres ?

- Des anagrammes ? dit Alice. Et des chiffres comme ponctuation ? non ?

- C'est pas bête, dit Gaëlle. Un peu simple comme code mais pourquoi pas.

Ils finirent par déchiffrer la phrase : " Ouvre la porte de la Falaise et le tableau tu trouveras".

Quand le portable de Robert sonna, leurs regards n'étaient plus que quatre points d'interrogation.

- Oui Tante Etzelle. Demain ok. Nous t'attendons avec impatience, il nous manque justement un tableau, dit-il en pointant un doigt vers le mur au-dessus du canapé où il venait juste d'apercevoir les traces laissées par un tableau décroché depuis longtemps sans aucun doute. Il raccrocha.

Trois têtes se tournèrent vers le mur puis de nouveau vers Robert. Ils s'exclamèrent en chœur : "Il y a quoi sur le tableau ?"

- Une goélette avec en arrière plan une falaise de calcaire.

- Pffffffff, s'exclama Roland. Ça manque pas les falaises du côté de Fécamp ! J'ai hâte de voir le tableau.

- A moins qu'il ne s'agisse de la ville de Falaise, celle proche de Caen et de la maison du grand-oncle. Quel bazar. J'ai l'impression que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge !

- La goélette. Elle a un nom ? demanda Alice.

- Je ne sais plus, dit Robert.

- Bien. Il se fait tard, dit Gaëlle. Demain il fera jour. Attendons l'arrivée d'Etzelle et du tableau.

Au petit matin du jour de Noël, Etzelle rangea précieusement le tableau dans le coffre avec sa valisette et son nécessaire de tricot. Elle ajusta son tailleur et noua un foulard sur ses cheveux blancs immaculés. Elle s'assit au volant de cette bonne vieille 403 toujours aussi vaillante et regretta amèrement d'avoir eu à remettre la capote. Elle démarra.

mardi 18 décembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (23)

Quelle affaire ! Non mais vraiment, quelle affaire ! Gérard est pris en stop par un chauffeur routier mélomane, Gaëlle rêve à son Yann, les gendarmes jouent les duettistes burlesques et le Nautilus ne fait toujours pas surface. Cette semaine, Liaan se propose d'éclaircir quelques points. Mais y parvient-il seulement ? A vous de vous faire votre idée dans le vingt-troisième épisode de ce feuilleton.

Dans les ruines de la maison de Pont Aven.

Je rêve... Des coups sourds, des voix, une déflagration, des flammes froides, j'ai du mal à respirer, des voix, encore, cauchemar, une autre explosion... Un bombardement, la guerre ? De quel côté suis-je ? Ma petite voix intérieure me chuchote : C'est l'heure de te lever pour aller marner, allez ! Je sens mon corps comme engourdi, je vais me réveiller et réalise que je ne suis pas dans mon lit familier. Le fameux "où suis-je", des bandes dessinées, surgit. J'ouvre les yeux, rien, et ce n'est pas la nuit d'une pièce sombre, je sens sur mon visage comme une couverture, un drap : je suis à la morgue ! Je suis morte ! Une nuée d'angoisse m'envahit. Non ! Pas ça ! Pas maintenant ! Je veux hurler cette méprise, mais aucun son ne sort. Je veux bouger, je ne suis pas morte ! mes bras sont en plomb ! Je fais un effort qui me parait démesuré et mon bras bouge enfin, je cherche à dégager ce voile, ce linceul plein de poussières. J'arrive à dégager mon visage, et je vois une plaque de bois ! Le couvercle du cercueil ! Je suis enterrée vivante ! Je veux encore crier, mais impossible d'émettre le moindre son. Je me sens moins ankylosée et me dégage complètement. Je suis sous une table dans une pénombre qui me semble irréelle.

Avec difficultés, je dégage des gravats (?), plein de gravats. Que s'est-il passé ? Un effondrement ? Un bombardement ? Mon rêve/cauchemar est encore là.

Si je comprends bien, cette table m'a protégée contre toutes ces chutes ! Je réussis à me dégager complètement et me mets debout. Tous ces gravats, des pierres, des bouts de bois, une casserole, et eeeerk ! Un bras humain ! J'observe attentivement ce bras : c'est un bras artificiel !

Et tout brusquement me revient à l'esprit : la Fabrique, la Fabrique de Bébés, "Lafleur", les Autres, et cet échec, ici, à Pont Aven ! Nous croyions maîtriser toute cette bande d'amateurs, de petits joueurs, les Roland Verne, mon frère Robert, ces autres, la bagarre.

Ah mais ! Nous avons perdu une bataille, mais...Ça va barder !

Tout d'abord, faire le point, ensuite contacter "Lafleur"...Ah ah ah ! sacré "Lafleur" ! Je lui dois une fière chandelle avec son conseil de porter un gilet pare-balles !

Secouée, mais pas morte, ma Colette, ah non !

Si Gäelle, Alice, Roland et Robert avait pu assister à ce spectacle d'une Colette, debout, s'époussetant avec rage, donnant des coups de pied dans les débris de vaisselle, nos amis auraient tremblé d'effroi.

Le jour se levait et dans cette lumière rasante, Colette dégage un cadavre, l'observe et comme par un soufflet, laisse retomber le corps, et cherche un autre macchabée pour assouvir je ne sais quel instinct ! Après avoir dégagé des morceaux de bois ayant eu l'apparence d'un beau buffet breton, Colette sourit : Ah ! Hans ! Tu as l'air en meilleur état que Günther ! Viens vers ta Maman, Mein Hans ! Et Colette approche le visage du cadavre, le place sur sa poitrine et d'une main experte, écarte délicatement les cheveux sur le haut du crâne...

Quelques minutes plus tard, après son lugubre travail, Colette, satisfaite, s'écarte des gravats et se mets en marche vers les ruines de l'appenti, en partie effondré sur "sa" Mercedes. Les chiens ! lance-t-elle, en tapant du pied sur un seau métallique, sales clébards ! Tiens ? Je ne vois plus l'ambulance. Ce sont ces cloportes, accompagné de ce cafard de Gérard. Elle ne retient pas le gros glaviot quelle lance à terre.

Arrivée dans la remise, elle repère vite le poste de radio émetteur-récepteur, constate qu'il est débranché, le raccorde et le manipule avec dextérité.

- Appelle Q.G.... Appelle Q.G. ... Colette appelle Q.G. Colette appelle Lafleur...

- Lafleur écoute, cinq sur cinq, Colette, à vous...

La conversation dura moins de cinq minutes, et Colette sortit. Barfleur ? Ce n'est pas la porte à côté, ça, et je n'ai plus de bagnole... Un coup strident d'avertisseur interrompt sa pensée : ça, c'est une Renault 4, je parie !

...

La cantatrice (chauve) termina son air des bijoux de Gounod, la voix du speaker désannonce l'extrait de l'œuvre, en n'omettant surtout pas la célèbre évocation de la non moins célèbre cantatrice Blanche d'Italie.

- Et tu vas où, comme ça, mon joli ? interroge d’une voix douce le chauffeur routier, qui propose en même temps une Philip Morris, paquet ocre, à son passager.

Gérard sursauta à cette question.

- Tu ressembles à un vieil ami : Robert !

- Ah non ! Ça ne va pas recommencer ! crie presque Gérard.

- Oh, mollo ! Je ne suis pas dur de la feuille, et ce camion n'est pas trop bruyant pour que tu te permettes de parler si fort, reprit le camionneur, je te demande simplement où tu comptes aller avec cette dégaine de punk déjanté avec ce T-shirt qui donne soif, ton apparence de clodomir assermenté chez Fourien, et que t'as de la chance que je t'ai ramassé, j'aurais pu te laisser comme un débris au bord de la route, sacré Robert ! Si je t'appelle aussi familièrement, c'est que tu lui ressembles furieusement, au Robert ! Ne m'en veux pas, j'suis comme ça !

- Vous êtes comment ? demande hargneusement Gérard, vous n'êtes pas de la jaquette flottante, au moins ?

- Oh ! Tout de suite on monte sur ses grands chevaux, tu dois avoir, contre les gens qui s'aiment, des idées arrêtées au dix-neuvième siècle ? Tu n'aimes pas les tarlouses ? Tu ne veux des hommes, des vrais, des tatoués ? Je ne suis pas tatoué, mon grand, mais les bergères, je les aime bien, surtout la sœur à Robert, la Colette ! Rien que de penser à la tête de son mari tous les jeudis entre 3 et 4 heures !

La colère, jusque là contenue, de Gérard tente d'exploser, mais, vu le gabarit du camionneur, il demande :

- Votre Robert à une sœur prénommée Colette ? Moi, ma femme, son prénom, c'est Colette.

Le routier reprend :

- ce serait marrant que vous soyez le mari de cette Colette, mais non, ce n'est pas possible ! Ha ha ha, trop tordant !

Le camion gravit péniblement les lacets de la nationale 24, entre Locminé et Josselin, toujours suivi par la Land-Rover noire.

...

C'est bien une Renault 4, du jaune inimitable des PTT, le facteur en descendait, rigolard :

- Ma doué ! Y'a eu comme un gros coup de vent, c'te nuit, ma parole, les portes ont dû sacrément claquer ici ! La Mâme Labornez n'est pas là ? Parce que j'ai son Nous-Deux ! Voui, et vous, sauf vot'respect, Mâme, vous êtes restée endormie dans un champ de chardons, vu les trous que vous avez sur le poullover ?

- Si tu ne veux pas de trous identiques sur ton bel uniforme, facteur, tu fermes ton grand clairon et tu m'écoutes, lance Colette en exhibant un révolver si énorme que le facteur se demande où la dame au pull troué l'avait caché... Le facteur lève les bras.

- Si c'est pour un holdoup, j'ai que les mandats de Ker-Menez et de Ker-Bronnec, ça va pas faire lourd, dans les...

- Ta gueule ! J'aime pas trop les bavards ! Tu me suis et tu la fermes ! reprend Colette, Vous n'avez que des 4L par ici ?

- Euh, je la ferme ou je l'ouvre ? tente le fonctionnaire des Postes.

- Tu la fermes gentiment ! conclut Colette.

Colette, suivie du facteur, s'approche du corps de Hans et le facteur, effaré voit Colette coller ses lèvres sur la bouche de Hans et souffler très fort. Là dessus, le corps de Hans est pris d'un tremblement vite disparu, et se lève, en maugréant :

- Donnerwetter ! Was ist los ?

- Ça, c'est du shleu, dit rapidement le facteur.

Colette se retourne et d'un œil noir, fixe le regard du facteur qui ne rajouta rien du tout.

- Monte dans l'auto demande Colette à Hans.

Ce grand gaillard tout plein de poussière et de muscles qui se lève tout doucement...

- Jawohl, Colette !

Il se dirige vers la fourgonnette jaune, ouvre la porte arrière et s'assoit sur les sacs et les colis situé dans la 4L.

- Mais ? beugle le facteur qui observe la scène.

- Tu as compris ce que je t'ai demandé ?

- Voui, voui Mâme !

Colette se glisse aussi à l'arrière de la Renault 4.

- Prends le volant et décolle, facteur ! intime Colette en montrant du canon la direction à prendre.

Un cyborg, Nom de Dieu, un cyborg jette le facteur en observant Hans.

- Ah! T'es moins ballot que tu en a l'air, facteur, un bon point pour toi, Hans est effectivement une créature artificielle qui sort de la Fabrique ! Tu vas nous emmener avec ta camionnette à Barfleur !

- Mais ? tente une dernière fois, anéanti, le facteur, ma tournée, mes Ouest-France !

- Ce ne sera pas une grosse perte pour les bonnes gens, s'ils ne lisent pas ce torchon, conclut Colette.

Et la Renault 4 fourgonnette de cette brave Administration des Postes se lança sur le chemin menant à la Grande Route, vers le Nord-Ouest.

Arrivé en bas de la pente, le véhicule des PTT, conduit par le facteur droit comme un I, qui ne jette pas un regard aux deux pandores, alignés le long de leur 4L réglementaire, tourne à droite sur la route nationale 783 en direction de Quimperlé.

- Déjà chaud à cette heure, le facteur, remarque le brigadier Chapraut à son homologue Chapraud.

- Oui, et il donne soif, ajoute ce dernier, on passe contrôler le stationnement du côté de celui "des Sports" ?

- Affirmatif ! lance le brigadier Chapraut.

À bord de la 4L jaune, Colette remarque :

- Ce qu'il y a de bien, c'est qu'avec une voiture des PTT, on passe partout sans se faire contrôler, Nous pouvons traverser la France entière sans être inquiétés !

Ma tournée ! pense à ce moment le facteur...

Parvenus à cinq cents mètre du panneau d'agglomération de Quimperlé, un homme en costume, à côté d'une Renault 4 berline de ce jaune inimitable des PTT, fait signe à la fourgonnette de s'arrêter. À moitié dissimulés sous les sacs postaux et les colis, Colette demande :

- Qui est ce pékin ? Un de vos collègues ?

Le facteur répond :

- C’est la bête noire des facteurs : un inspecteur-vérificateur, il doit s'étonner de voir que je ne suis pas sur la tournée régulière ! Je stoppe ?

mardi 11 décembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (22)

Que de morts au cours des épisodes précédents ! Heureusement, Sax/Cat nous livre un nouvel épisode et redonne vie à un personnage capital. Tandis que Gaëlle, Alice, Robert et Roland quittent la Bretagne pour rejoindre la voisine Normandie, dans la maison détruite...

Pour la première fois de sa vie il se félicite de passer pour un minable. Tout le monde l'avait cru assommé, et en y repensant, il l'était bel et bien.

Et après l'explosion, ils étaient tous partis. Gérard en avait profité pour se remettre les idées en place et fouiller un peu la maison. On ne l'y reprendrait pas à jouer avec une arme à feu, même chargée, mais il espérait au moins trouver de quoi manger un morceau, son dernier repas remontait à presque 48 heures, il ne tenait plus sur ses jambes.

Et voilà qu'ils étaient revenus, heureusement il avait trouvé une cachette dans le grenier.

L'explosion suivante l'avait trouvé là, il s'était retrouvé directement dans la chambre, le lit avait amorti sa chute. Par un drôle de hasard étonnant, la partie de toit juste au-dessus de lui est restée à sa place. Pour une fois il a eu de la chance.

Et maintenant il est là, couvert de gravas. Il a toujours aussi faim, mais il est satisfait. Il fait un veuf joyeux. Moyeux joyeux se prend-il à plaisanter.

En y réfléchissant bien, tout va pour le mieux pour lui.

Colette commençait à le fatiguer, et depuis qu'il avait découvert ce qu'elle avait fait à ses précédents maris, il était en permanence sur le qui-vive.

La Fabrique aura sans doute le bon goût de la croire mort sous les décombres.

Il a un peu d'argent caché en lieu sûr, son passeport est à jour, il a tous les visas souhaitables, il va prendre le premier avion vers le Canada. Il connaît au moins une personne là-bas. Un industriel pour lequel il a travaillé il y a quelques mois. Tout s'était très bien passé, l'argent avait été récupéré, il sera sûrement bien reçu.

Première chose à faire, quitter au plus vite cette maison, puis aller au Mans pour récupérer son magot, et retour sur l'aéroport de Nantes. Il s'époussette rapidement et quitte les ruines.

Dans ces régions un peu reculées, l'auto-stop marche encore, un camion le prend rapidement en charge, ça tombe bien il va vers Paris, il n'aura même pas à faire un détour pour sa première étape.

Le routier est un mélomane comme ceux de Jean Yanne. La radio diffuse "L'air des bijoux" de Faust.

Tout à ses rêves de nouvelle vie, il n'a pas remarqué le 4x4 noir qui les suit depuis la sortie de Pont-Aven.

...

La 4L bleue se gare devant ce qui reste de la maison de Gaëlle.

- Brigadier Chapraud, j'ai l'impression que cette fois la porte a claqué un peu fort.

- Brigadier Chapraut, je pourrais dire plus, mais ce n'est pas le moment de faire de l'esprit. Il y a peut-être des victimes civiles dans ce bric-à-brac, il faudrait leur porter secours.

- Brigadier Chapraud, vous n'y pensez pas. Vous oubliez que le règlement ne permet pas de porter secours aux victimes munis de la tenue d'interception routière que nous avons revêtue rapport à l'accident mortel de tout à l'heure.

- Brigadier Chapraut, vous avez raison. La situation dépasse manifestement notre compétence. Conformément au règlement, nous devons en référer à nos supérieurs. En outre, notre tour de garde s'achève dans 10 minutes, il est temps de revenir à la brigade.

La 4L bleue s'éloigne. Les premières lueurs de l'aube éclairent le lointain.

...

Gaëlle s'est encore endormie. Elle recommence aussitôt à rêver de Yannick. Yannick dans la Jeep, Yannick sur son bateau, Yannick mitraillette en bandoulière, toutes ces images envahissent son esprit embrumé. Au moment où l'image de Yannick répondant à la radio s'impose, une pensée la réveille en sursaut.

- Ça y est, ça me revient, je crois que j'ai tout compris !

Alice essaye de la calmer, en vain.

- Non, je vais bien, laissez moi parler. Depuis hier soir, je savais bien qu'il y avait quelque chose de familier dans tout ça. C'est la voix dans l'émetteur-récepteur qui m'est familière. Maintenant je sais parfaitement qui parlait, c'était Lafleur.

- Qui est Lafleur ? demande Roland

- C'était son surnom dans le réseau. On ne connaissait bien sûr pas nos vrais noms, chacun avait son surnom. Moi, bien sûr, c'était Bécassine, les hommes n'ont aucune imagination. Mon Yannick, c'était "Capitaine Sardine". Et lui, c'était Lafleur, allez savoir pourquoi, sûrement rapport avec son vrai nom que je n'ai jamais connu. En tous cas, c'est lui qui était chargé de la radio, il passait les messages, il dépannait, il contournait les brouillages, un vrai savant. À la fin de la guerre, avec tout le temps passé avec ses écouteurs sur les oreilles ou les haut-parleurs à fond, il était devenu complètement sourd. Il est parti quelques temps en Belgique. Il a travaillé un peu pour le gouvernement et les militaires de là-bas, il a pas mal voyagé, en Europe de l'Est, en Amérique, un peu partout. Lui qui avait passé toute la guerre enfermé dans sa cabine radio, le goût de l'aventure le prenait. Il a même rencontré un journaliste qui devait raconter ses aventures, mais il me semble que le projet n'a jamais abouti. Il était inventeur, il faisait plein de machines bizarres. Je crois même qu'il a fait un sous-marin de poche.

- Le Nautilus ! s'écrie tout le monde en chœur

- Je ne sais pas, il ne m'a pas dit ce nom là.

- Vous l'avez donc rencontré après ? Demande Robert

- Oui, une dizaine d'années plus tard. Il était revenu en France pour quelques temps. Il savait que Yannick avait disparu, et il m'a demandée en mariage. Moi, je ne voulais pas, non pas que je sois restée totalement fidèle à Yannick après sa disparition, d'ailleurs on ne s'était rien promis de tel, et quand même je n'avais pas 30 ans quand il a disparu alors... Mais par contre je ne voulais absolument pas me mettre en ménage avec un ancien du réseau. En plus, il était complètement sourd, alors pour la conversation... Il n'empêche, avant sa demande, il m'a raconté ses années belges. Il s'était mis en cheville avec un autre inventeur, un farfelu qui ne réussissait pas grand-chose, qui faisait des instruments de musique, des portes automatiques, des moyens de transport, et autres choses qui étaient censées améliorer la vie de tout le monde mais qui avaient toujours un gros défaut. Mais ce gars-là était doué pour tout ce qui touchait aux animaux et aux plantes. il faisait des greffes, des croisements, des choses que personne d'autre n'aurait pu réussir. Lafleur, lui, s'intéressait surtout aux plantes, notamment aux roses. Il m'a fait 3 fois sa demande. La troisième fois, quand j'ai de nouveau refusé, il est devenu complètement fou, il s'est mis dans une colère noire.

- C'est la dernière fois que je te demandais en mariage. Puisque tu refuses encore, je ne me marierai jamais ! jamais ! jamais ! Mais j'aurai des bébés, plein de bébés, des dizaines de bébés, des centaines de bébés, tous rien qu'à moi et tous comme moi !

- Je ne l'ai jamais revu.

- La Fabrique de bébés, c'est là qu'est le QG, et Lafleur c'est le chef alors ? demande Alice

- Sans doute, mais qu'est-ce qu'il peut bien vouloir faire du Nautilus ?

mercredi 5 décembre 2012

Gaëlle

gaelle.jpg

Bien sûr, cela n'évoquera rien à celles et ceux qui n'ont pas lu le feuilleton collaboratif du mardi. Pour les autres, par contre, peut-être, avec un peu de chance...

mardi 4 décembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (21)

Alors que les gendarmes reviennent vers la maison de Gaëlle, Roland, Robert et Alice s'enfuient. Nous en étions là et c'est Arielle qui nous livre la suite.

Dans sa course, Alice trébucha. Robert la retint in extremis.

- Ça va ? dit-il troublé par la proximité.

Elle fit oui de la tête.

- Désolé pour tout à l’heure, Alice, mais moi aussi j'ai les nerfs à fleur de peau et puis le spectacle de Colette criblée de balles... Même si nous n'étions pas très unis, ça m'a mis hors de moi. Ces mecs sont complètement dingues.

- Ça ira Robert. On est tous à bout.

- Et Gaëlle, dit Roland. Gaëlle. Merde, ils ne l'emporteront pas au paradis ces salauds ! Bande de pourritures ! Et la carte, bon sang, la carte !s’exclama-t-il. On ne peut pas partir sans l'avoir retrouvée et prendre le risque qu'elle tombe entre leurs mains.

Ils n'étaient pas encore très loin de la maison et de là où ils étaient, ils pouvaient apercevoir la route sinueuse qui menait à la bâtisse.

- Les gendarmes, dit Alice. Regardez ! La 4L est en train de prendre la direction de la maison. C'est foutu.

Roland cogna son poing contre la paume de sa main en étouffant un juron. Le découragement les gagnait tour à tour. Le Nautilus semblait se dérober définitivement à leur quête.

- Il faut filer, dit Robert. Il reste le tableau. Peut-être pourrons-nous en tirer quelque chose. Mais là, il faut sauver notre peau.

- Attendez ! dit Alice. La 4L fait demi-tour !

...

Quelques minutes plus tôt…

« ... Appel à toutes les unités, Appel à toutes les unités - accident mortel avec délit de fuite au carrefour dit du Kergazuel. Appel à toutes les unités - Signalement du véhicule : couleur sombre, de type 4X4 - route D24, direction ouest, provenance Pont-Aven... »

- Bien, dit le premier gendarme. Demi-tour.

- Et la mère Labornez ? dit le deuxième. Parce que hein, comme le boulanger l'a dit au téléphone : " Brigadier, ce bruit qui vient de chez la Gaëlle, vous ne ferez pas croire que c'est une porte qui a claqué !"

- Ouais, on repassera. Elle ne va pas se volatiliser la mère Labornez ! Tu sais, le père Kermitt, il y va fort aussi sur le chouchen et il n'est pas bien malin le bougre. Allez, on file. Et puis regarde, vu d'ici, tout à l'air bien paisible non.

...

Alice, Roland et Robert revinrent sur leurs pas et pénétrèrent dans ce qui restait de la maison. Silence de mort - un remugle de sang, de poudre et de gravats flottait dans l'air et les prit à la gorge.

Par où commencer ?

Robert attrapa un plaid et recouvrit le corps de Colette. Roland se dirigea vers la chambre de Gaëlle bientôt rejoint par Robert. Ils entreprirent une fouille systématique et dévastatrice de la pièce tout en faisant le moins de bruit possible pour ne pas attirer l'attention. Sait-on jamais. Quelqu'un pouvait encore rôder aux alentours.

Alice partit vers le cellier à la recherche de ce qui pourrait les sustenter. Il y avait des heures et des heures qu'ils n'avaient rien mangé. Elle y trouva : pommes, biscuits, cidre et conserves "maison". Parfait se dit-elle.

Au moment de regagner le salon avec les provisions, elle crut percevoir un léger bruit. Comme un miaulement. Puis plus rien. Elle déposa ses trouvailles sur la solide et vénérable table en bois. Non, ce n'était pas son imagination. Il y avait bien un bruit. Et ce bruit ne provenait ni de l'étage supérieur ni de la cave. Elle parcouru la pièce du regard. En un instant, elle se précipita vers la porte d'entrée et se pencha, la gorge nouée, au-dessus du corps gisant de Gaëlle.Tête appuyée contre le mur, cheveux maculés de sang, plaie à la jambe, Gaëlle gémissait.

- Gaëlle, dit doucement Alice. Gaëlle.

Gaëlle tenta de bouger. Son crâne lui faisait atrocement mal.

"Sarah Connors" répétait sans cesse une voix dans sa tête. "Sarah Connors !"

"Oui, c'est moi", avait-elle répondu mais c'était sans compter avec son instinct d'ancienne des FTP. Elle plongea sur le côté. Sa tête vint heurter le mur. Puis plus rien. Le vide.

Un murmure lui parvint comme dans un rêve. Quelqu'un prononçait doucement son nom. Yannick ? Yannick c'est toi ? Ils ne m'ont pas eu Yannick. J'en ai vu d'autres depuis des mois. Tu es de retour ? C'est toi ? Il a été long cet été, tu sais. Mais on s'est battu sans relâche là-bas du côté de Fouesnant. C'est fini Yannick, on est libres. Au prix du sang, mais on est libre.

Mais où étais-tu ? Où t'es-tu battu ? Je t'ai cru mort. Par bonheur tu es là. Mais que fais-tu dans cette jeep ?

Nous étions en automne. Yannick descendit de la jeep et courut vers Gaëlle. Il l'étreint de toutes ses forces, il la soulève dans les airs et la dépose sur le siège du passager. Gaëlle rit. Gaëlle pleure. Ils sont tout à leur jeunesse, tout à leurs retrouvailles.

Yannick tire sur le démarreur de la Willys, enclenche la vitesse et s'engage dans le raccourci terreux et caillouteux. Enveloppé par un parfum d'essence et d'huile chaude, l'équipage prend la direction de l'océan.

Après toutes ces années de lutte, ils avaient eu besoin d'espace, de vent, d'embruns salés, de liberté. En courant pieds nus sur la plage, Gaëlle, heureuse, ne se doutait pas qu'un jour cette immensité bleue et capricieuse lui prendrait Yannick.

Quelques mois plus tard, leur fils Yann vint au monde. Yannick reprit la mer. La jeep fut remisée dans la grange et servit d'auxiliaire fidèle et robuste pour les travaux de la ferme.

Plus tard, Yann, peu enclin à suivre les traces de son père, saisit l'opportunité d'un exil au Canada où il se fit embaucher dans une scierie dont il est à présent le directeur.

Gaëlle remua, elle essaya de tendre la main vers Yannick. Elle entrouvrit les yeux et discerna un doux visage de femme. Peu à peu, elle retrouva ses esprits. Elle se souvient : Le bruit contre la porte. Une voix. Sarah Connors ! Le plongeon de côté. Un sifflement de balle.

Dans son délire, Gaëlle venait de revivre le retour de son homme. Mais exit Yannick. Exit l'été 44. Ce doux visage penché sur elle qui prononçait son prénom, c'était celui de l'amie de Roland.

Alice, murmura-t-elle. Cette dernière lui sourit.

- Tout va bien Gaëlle. Je suis là. Ne faites pas d'effort.

Alice se hâta de panser les blessures. Ce n'était pas si grave. La balle n'avait pas pénétré les chairs de la jambe et la blessure à la tête, aussi impressionnante soit-elle, ne mettait pas en danger la vie de Gaëlle.

Elle n'avait pas pris le temps de prévenir Roland et Robert qui, redescendant bredouille de leur fouille, marquèrent un temps d'arrêt, les yeux écarquillés, devant le spectacle qui s'offrait à eux.

- Oh putain ! laissa échapper Robert.

- Gaëlle ! Nom de Dieu, on t'a cru morte ! Merde, on a foutu le camp comme des cons et toi tu étais là... Bon Dieu... Merde. Pardon…

- On ne va pas refaire l'histoire dit Alice. Elle va s'en sortir. Aidez-moi à la transporter sur le canapé.

Roland et Robert s'exécutèrent.

- D'abord il faut manger, dit Alice, puis on avisera.

- C'est tout vu, dit Gaëlle d'une voix faible. Prévenez les secours et ensuite fuyez.

- Pas sans toi, répliqua Roland. Pas question !

- Vous avez raison madame Gaëlle, dit Robert. Entre les gendarmes et l'organisation, on ne peut pas s'offrir le luxe de s'attarder. Mais on vous embarque. Mais je ne pense pas que vous soyez en état de marcher jusqu'au lieu du rendez-vous non ?

- Sûrement pas ! dit Alice

- Il reste l'ambulance non ? proposa Roland.

- Mais elle est sûrement déclarée volée à présent.

- Roland a raison Alice, c'est malgré tout la meilleure solution déclara Robert.

- Je suis trop faible, dit Gaëlle. Prenez la carte et partez de suite.

- La carte ? s'exclamèrent-ils tous en chœur. Tu l'as ? dit Roland.

- Qu'est-ce que tu crois ? Que je suis gâteuse ? Je sais bien que c'est ça qu'ils cherchent ! Elle est en sécurité. Là, dans ma gaine, dit-elle en riant. Aïe ! ma tête. Ma pauvre tête.

- Sacrée Gaëlle, dit Roland en l'embrassant.

- Bas les pattes, tu vas m'étouffer.

- Tu es la meilleure, dit-il en esquissant quelques pas de danse.

Alice souriait de ses grands yeux verts tout en secouant la tête devant les pitreries de Roland. Ses boucles rousses semblaient caresser sa nuque. Robert, lui, ne pouvait détacher les yeux du spectacle de cette chair blanche que le mouvement de balancement des boucles laissait entrapercevoir. Roland se resservit un verre de cidre en déposant au passage un baiser sur la chevelure d'Alice.

- Mais où sont les autres ? demanda soudain Gaëlle.

- Ad patres, répondit Robert en finissant de racler les bords de la terrine de pâté.

La bonne humeur retomba comme un soufflé. Le spectacle désolant de la bâtisse s'offrait crûment à leur yeux. La dangerosité de leur situation s'imposa de nouveau à eux. Roland écrasa son mégot, se passa une main dans les cheveux. Ça n'en finirait donc jamais. Il sentit de nouveau l'urgence d'un café noir salvateur. La main d'Alice se crispa autour de son verre de cidre. Robert repoussa la terrine. Gaëlle ferma les yeux.

- Mais au fait et Gérard ? Mais où est passé Gérard ? fit remarquer Robert fort à propos.

Les recherches furent vaines. Gérard c'était visiblement volatilisé.

- Je vais emballer le reste des provisions pour la route, dit Alice.

- Roland et Robert, dit Gaëlle. J'ai bien réfléchi, au point où nous en sommes autant faire sauter la maison et effacer le maximum d'indices. La bouteille de gaz fera l'affaire. Avant que les gendarmes reconstituent le puzzle des restes de cadavres, nous serons loin.

- D'accord, répondit Robert, je vais d'abord rapprocher l'ambulance.

Il revint une minute plus tard.

- A la radio, dit-il. Oui, celle de l'ambulance. Je viens d'entendre qu'il y a des barrages. Un accident. Un délit de fuite. Bref, pas question de prendre la direction du lieu de rendez-vous. C'est dans le même coin.

De commotion cérébrale en commotion cérébrale, le brancard de l'ambulance hérita cette fois de la cousine Gaëlle. Les deux hommes montèrent à l'avant. Alice à l'arrière. Arrivés en haut de la montée, ils entendirent un grand boum. Un détonateur à mèche, bricolé à la hâte, venait de faire exploser la bouteille de gaz et les restes de la maison avec. Gaëlle poussa un soupir. A la guerre comme à la guerre pensa-t-elle. Oui, elle en avait vu d'autres. Pas question de se retourner sur ses souvenirs. Elle avait une autre guérilla à mener. Elle reprenait du service.

Guidés par Gaëlle qui connaissait comme sa poche toutes les petites routes secondaires, il évitèrent les barrages. Quelques heures plus tard, ils furent aux portes de Saint-Malo qu'ils contournèrent pour se diriger vers Granville. Ils évitèrent les lieux trop fréquentés et firent halte à l'orée d'un bois pour se détendre et se restaurer. Tous étaient marqués par la fatigue et sous le coup des événements insensés qu'ils venaient de vivre. Il leur fallait sans tarder trouver un refuge.

- Tante Etzelle, murmura Robert. Bien sur! Tante Etzelle et son ingéniosité ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ! Il saisit son téléphone et lui expliqua la situation.

- Pas ici, dit-elle. Si jamais ces gens se rendent compte que vous n'êtes pas morts, il se peut qu'ils fassent le lien entre toi et moi. On ne sait pas ce que savait Colette et ce qu'elle a pu leur dire. Tout de même, ta sœur ne méritait pas ce triste sort. Quant à la police, elle, elle ne manquera pas de venir m'interroger. Bien. Ecoute. Voilà ce que nous allons faire. le grand oncle avait une maison de pêcheur du côté de Barfleur. Il m'arrive de la louer, personne ne s'étonnera d'y voir du monde. Je vais appeler le buraliste. Passe prendre les clés. Je vous y rejoins sous peu avec le tableau.

Le 4x4 de couleur sombre s'engagea dans un chemin de terre et s'arrêta. Un homme en descendit. Il enleva ses gants, alluma une cigarette et prit son téléphone.

- Patron, c'est moi. Il y a un pépin. Non, non. Ce n'est pas cela. Nous avons fait ce qu'il y avait faire. Il ne reste plus personne. Mais impossible de retourner ce soir, après le passage des flics, pour fouiller la maison. Nous avons eu un accident, nous sommes recherchés.

- Espèce de crétins ! hurla le directeur de la Fabrique. Bande d'incapables ! Abrutis ! Planquez-vous. Faites les morts. Disparaissez ! J'envoie une autre équipe fouiller la maison, dit-il en raccrochant brutalement le combiné.

Dans l'ambulance, une voix se fit entendre:

" J'irai revoir ma Normandie, cerisiers roses et pommiers blancs. "

mardi 27 novembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (20)

C'est avec un grand plaisir que nous laissons la plume à nono pour la suite de ce feuilleton qui passionne déjà au bas mot une dizaine de personnes tout autour de la planète et particulièrement en France.

Une ombre surgit de derrière la Jeep, sa main gantée de noir s’approchât du poste émetteur et en arrachât brutalement mais avec assurance l’alimentation, ce qui eut pour effet immédiat de faire le silence. À ce moment le trio pénétra dans la remise.

- C’est curieux, j’aurais juré que la radio fonctionnait, dit la cousine.

- Apparemment, elle semble en veille, dit Alice qui visiblement n’y connaissait pas grand-chose.

- Attendons ici que l’on nous appelle, j’aime bien cette ambiance de garage, un vrai rêve de collectionneur, dit Robert.

- Ouais, ça caille dans cette remise coupa Gaëlle, allons boire un café.

- Je croyais que tu n’avais plus de gaz !

- Bah, il faut avoir des réserves à la campagne, mais puisque tu parles, attrape la bouteille bleue là, derrière, et installe-la !

Gaëlle, quittant la remise, grommela.

- Vous ne croyez tout de même pas, que je vais offrir du café aux pandores, non mais des fois !

La cuisine dévastée, n’était pas bien accueillante, et Robert se débattait avec le détendeur.

- Mais ça veut pas rentrer ce foutu machin, non rien à faire c’est foutu !

- Visse-le à l’ envers ! rétorqua sèchement Gaëlle.

Dans le même temps, l’ombre gantée de noir furtivement, s’affairait toujours dans la remise avant de disparaître.

Bon récapitulons dit Gaëlle, Roland va mieux mais il n’est pas prêt à courir le marathon, vous avez des colis encombrants avec vous, et va falloir trouver vite une solution. Ce qui m’ennuie c’est que les poulets tournent autour de la maison et croyez-moi, c’est pas bon signe…

- Demain on lève le camp, ponctua Robert.

- Je ne suis pas d’accord répondit l’infirmière, ce n’est pas raisonnable !

- Pas raisonnable mais plus sûr, répliqua Gaëlle. Je ne peux pas vous accompagner à cause des gendarmes qui se méfient déjà de quelque chose, mais vous n’aurez pas de mal à trouver la cabane du bûcheron, c’est en pleine forêt et personne ne connaît plus son existence et vous y serez bien, le temps de vous remettre avant de passer de l’autre côté, mais faudra vous y rendre à pied et avant la levée du jour, voici l’emplacement sur la carte, vous ne pouvez pas vous perdre, attendez quelques jours, une fois de l’autre côté, rendez vous à la sacristie du village, le curé est un ami il vous aidera.

- De l’autre coté de quoi et quel village ? s’alarmait Robert.

- Ne posez pas de questions, vous le verrez le moment venu, rétorqua Gaëlle.

- La nuit sera courte dit Robert.

- Allez, c’est la fin de vos problèmes, je me chargerai de faire disparaître les véhicules.

- Merci pour tout dit Alice, nous n’avons guère le choix.

La main gantée de noir actionna le heurtoir de l’entrée avec une violence inaccoutumée.

- Cachez-vous, dit Gaëlle, allez vite dans la chambre de Roland et préparez-vous à fuir, on se sait jamais.

Le trio se réfugia précipitamment dans la chambre.

- Qu’esss qui a-t-il ? Soupira Roland un peu dans les vapes.

- Rien, on décampe à l’aube, on passe la frontière, enfin… de l’autre côté et nos ennuis sont finis, dit Robert qui préférait abréger les explications. De toutes façons Roland n’était pas en état de comprendre.

- Chut écoutez ! dit Alice.

La voix assourdie par l’épaisseur des murs était néanmoins audible.

- Sarah Connors ? dit la voix, sèchement.

Gaëlle, qui avait vu le film et qui pensait aussitôt à la plaisanterie d’un proche, répondit d’un ton léger et bien naïvement.

- 0ui c’est moi.

Pour toute réponse une puissante déflagration au souffle dévastateur plaqua Alice et Robert sur le lit de Roland qui sursauta. Gaëlle, comme les véhicules parqués dans la remise ainsi que cette garce de Colette furent instantanément pulvérisés, atomisés, réduits à l’état de souvenirs. La poussière envahissait tout ce qui restait de la maison, du plafond soufflé on pouvait voir un ciel nuageux et sans lune et une odeur étrange qui ne ressemblait pas à celle de la poudre envahit les lieux dévastés.

- Vous n’avez rien ? dit Robert.

- Quoi quesss y spas, balbutia Roland.

- Partons vite !

- Où est Gaëlle !

- C’est trop tard, pour elle, ne restons pas là, partons, partons vite !

- Quand je repense à tous ces véhicules pulvérisés, je me voyais déjà en train de les remettre en état, mais qui a bien pu faire ça ?

- Vous êtes un monstre ! hurlait la rousse terrorisée. Vous ne pensez qu’à vos bagnoles alors que des personnes sont mortes, et pourquoi tout cela ? hein ? Qui peut me dire pourquoi ? Alice devenait hystérique devant la gravité de la situation, laquelle elle semblait bien être la seule à mesurer l’ampleur.

- J’en ai marre de vos histoires, je veux rentrer chez moi, je vais tout dire à la...

La main de Robert s’abattit sur le doux visage d’Alice.

- Ça suffit, reprenez vos esprits, ce n’est pas le moment de perdre son sang froid, il faut y aller maintenant ! dit Robert, un tantinet agacé lui aussi.

La 4L des gendarmes qui ne s’était pas trop éloignée fit demi-tour et se dirigeait vers ce qui restait de la maison. Les gendarmes ne virent pas la silhouette s’éloigner calmement du lieu du sinistre, ils ne virent pas non plus notre trio s’enfuir, en clopinant vers la forêt...

mardi 20 novembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (19)

Alice, la rousse infirmière, Robert et Roland roulent vers Gaëlle. Coup de théâtre, ils sont interceptés. Coup de théâtre encore, ils se libèrent. Le téléphone sonne à la fin du précédent épisode et c'est Liaan qui nous dévoile la suite.

Alice répondit.

- Mmh.

- Colette ?

- ...

- Vous n'êtes pas Colette ! Qui que vous soyez, ne faites pas les malins.

Cloc !

Alice se tourna vers les présents et demanda à Colette :

- Je sais que c'était votre Organisation, peut-être même votre Patron !

Colette, tenta de cracher sur les chaussures d'Alice mais le gong tenu par Gaëlle mit fin à la tentative.

- Et je parie qu'il y avait un code de reconnaissance, une phrase à répondre...

Colette ne confirma pas, elle était repartie dans le cirage.

Roland, blessé rappelons-le, commençait a trouver le temps long et regrettait son lit d'hôpital où il était bien au chaud, avec vers six heures, la prise de tension et celle de la température, son voisin bien calme, sans doute bourré de sédatifs... Mais au fait, ce voisin ? Il était arrivé peu de temps après qu'il eut émergé du coltar où l'avait plongé cet "accident". Qui était-il d'ailleurs ? Roland essaya de se le remémorer ce voisin... Son aspect physique : un visage poupin sous des cheveux en brosse, jeune, 25 à 26 ans, Il venait visiblement du bloc opératoire et était endormi lors de l'arrivée de son lit dans la chambre, poussé par deux robustes infirmiers qui dirent à Roland :

-Voilà un compagnon de douleurs, qui ne vous embêtera pas pour le moment...

Un goutte-à-goutte dans son bras gauche, le patient n'avait aucune réaction. Lorsque la décision de partir de l'hôpital avec Robert, et l'infirmière rousse... comment s'appelle-t-elle ? Claire, Sophie ? Impossible de m'en souvenir... Roland commençait à rêvasser, les yeux mi-clos et Alice s'en inquiéta.

- Roland Verne ? Vous m'entendez Roland Verne ? Ouh, ouh ?...

Alice prit sa main et la tapota doucement :

- Alice vous parle, Roland !

Sorti de sa torpeur, Roland s'écria presque :

- oui ! Alice, voilà, c'est Alice !

- À la bonne heure ! Roland revient parmi nous !

- Écartez vous, vous-autres, demanda doucement Alice à cousine Gaëlle et Robert :

- Roland nous a fait un petit malaise, ce n'est rien mais il faudrait l'allonger et veiller à ce qu'il ne prenne pas trop froid.

Roland ne protesta pas et se retrouva allongé dans un lit douillet. Sa cousine, son infirmière et son copain se retrouvèrent dans la salle à moitié effondrée...

- Bon, ce téléphone ? On peut le faire parler ou pas ?

Cousine Gaëlle répondit que non, qu'elle était plus à même de ne se servir que d'un poste émetteur-récepteur radio...

- Moi, les nouvelles technologies...

- en plus, cette Colette a dû sécuriser son contenu, ...et sans code...lança Alice.

- L'émetteur-récepteur ! Mais voilà le moyen, non pas de faire causer ce téléphone, mais de pouvoir joindre le Q.G. Le Q.G., c'est ainsi que vous l'avez nommé tantôt, Madame Gaëlle ? demanda Robert.

- Oui, c'est ainsi qu'il se nomme, toujours, c'est étrange d'ailleurs, après tant d'années : la voix d'un Q.G. demandait à toutes les unités...

- Ce qui peut vouloir dire que nos trois lascars défunctés ne peuvent être qu'une unité, ou pas. Combien de personnes sont ainsi à nos basques ? Demanda Robert. Et il ajouta :

- au fait, ces macchabs ? On en fait quoi, et la famille Tartemolle, j'veux dire les Moyeux ? Bon, en attendant, allons voir cet émetteur-récepteur qui voyage dans le temps...

Alice et Robert suivirent Gaëlle vers la remise. Éclairée d'une pauvre lumière, Alice remarqua dans la pénombre une Jeep, une vraie fit remarquer Robert, en connaisseur...

- Pas une type M201 produite sous licence après guerre par Hotchkiss, une vraie ! C'est même une Ford.

Alice fut étonnée par les connaissances de Robert, le passionné de véhicules anciens.

- Comment se fait-il que cette Jeep, qui a participé au débarquement soit là, Madame Gaëlle ?

Gaëlle jeta un œil distrait sur l'auto et répondit évasivement :

- Un souvenir de plus... Ah, voici le poste de radio !

Et elle l'allume... Le récepteur-émetteur se mit doucement à chauffer, et émit quelque crachotement, et le trio entendit une voix qui venait de l'extérieur :

- Madame Labornez Gaëlle, vous êtes là ?

- Dans le hangar, j'arrive !

Gaëlle sortit et trouva deux gendarmes dont le plus grand demanda :

- Nous nous inquiétions, vous n'avez pas d'ennuis ? Rapport à un témoin qui...

- Le boulanger ! coupa sèchement Gaëlle.

- Je ne peux rien vous cacher, Labornez. Bref, il nous a appelés pour nous dire qu'il y avait eu comme un gros "Boum !" par chez vous, enfin de votre côté. Et en arrivant à votre domicile, nous trouvâmes deux véhicules automobiles civils, dont une ambulance... Pour quelqu'un qui n'a pas son permis de conduire, avouez que cela est suspicieux, on a du flair, nous autres !

- Ce n'est rien, le "Boum", c'était une porte claquée. Les voitures, c'est la famille qui est venue me rendre une petite visite...

À ce moment, Alice et Robert, vêtus de leurs effets d'infirmier apparurent.

- Voici l'ambulance, désignant les nouveaux arrivés, et la voiture noire est celle de mon cousin Roland Verne, qui se repose, car il a fait une longue route.

- Madame, Monsieur. Saluèrent les deux gendarme en rectifiant leur position.

- Si vous me dîtes qu'il n'y a rien d'extraordinaire à votre domicile, nous vous laissons, Madame Labornez !

- Je suis désolée de ne pas vous offrir un café, je suis tombée en panne de gaz...

- Merci, mais nous avons à faire par ailleurs, merci et au revoir Madame Labornez...

Les gendarmes repartis dans leur Renault 4, Robert demanda à Gaëlle :

- Votre nom de famille, c"est Labornez ? J'ai déjà entendu, ou lu ce nom là quelque part...

- Cherchez pas trop, c'est le nom de famille de Bécassine, qu'est-ce que j'ai pu l'entendre ce prénom dans ma chienne de vie, surtout à l'école, les enfants sont méchants... Ça me mettait dans une colère noire et c'est peut-être pour ça que je suis rentré dans les FTP...

Au moment où le trio rentrait dans la remise, la radio se fit entendre :

- Q.G. à toutes les unités... Q.G. à toutes les unités...

mardi 13 novembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (18)

Roland, Robert et Alice, la belle rousse d'infirmière filent à bord d'une ambulance volée vers Pont-Aven pour aller à la rencontre de Gaëlle, l'excentrique tante. Quand tout d'un coup soudainement, des phares apparaissent dans la nuit !

On attendait Grouchy, ce fut Blücher.

En matière de Robert, c’était Colette qui faisait face à Gaëlle. Colette et un homme à la mine renfrognée et au poing armé d’un pistolet automatique de fort calibre.

- Robert est dans l’ambulance. Vous allez le rejoindre gentiment, déclara Colette.

- Qui c’est que vous êtes, vous ? questionna Gaëlle.

- Je suis l’épouse de Gérard. Nous allons chercher Gérard ensemble, bien gentiment. Vous allez nous guider. Marcel nous suivra avec la Mercedes.

Colette sortit une ravissante petite arme à crosse nacrée de son sac afin d’aider Gaëlle à obéir. Gaëlle estima qu’elle avait fait une boulette en ne prenant pas l’un ou l’autre des Lüger avec elle en sortant de la berline allemande. Elle se mordit un peu la lèvre inférieure. Elle n’avait pas du tout envie de chanter.

Après que l’on lui avait passé des menottes aux poignets, on la fit monter à l’avant de l’ambulance, à la place centrale. Colette prit place à son tour sur la banquette et dit à l’homme qui tenait le volant de prendre la route de Pont-Aven. La Mercedes avait fait demi-tour et suivait.

Comprenant que cela ne conduirait à rien, Gaëlle ne chercha pas à donner de mauvaises instructions. Elle indiquait la route de sa maison la mort dans l’âme et en tentant vainement de se concentrer sur un plan B. Elle avait comme un brouillard poisseux dans la tête et les idées s’engluaient dans une mélasse embrouillée.

Le convoi arriva rapidement devant la maison de Gaëlle. On fit sortir Roland, Robert et Alice de l’arrière et tout ce petit monde pénétra dans la cuisine. On questionna Gaëlle qui indiqua la porte qui menait à la cave. Quelques minutes plus tard, Gérard, le visage tuméfié, apparut. Il lançait un œil mauvais à sa tortionnaire et dut subir l’engueulade de sa femme qui le traita à tour de rôle d’incapable, de gros nul et d’âne bâté. Les épaules affaissée et la tête basse, il prenait l’air le plus honteux dont il était capable et, une fois l’orage passé, tenta une question.

- Et maintenant, on fait quoi ?

Cela lui valut une nouvelle bordée d’injures et de reproches. Puis, comme si elle avait fini de vider son sac, Colette attrapa une chaise et s’assit. Elle resta silencieuse quelques minutes avant de faire le point de la situation à voix haute, comme si elle se parlait à elle-même. Où en étions-nous ? Cet incapable de Gérard était libéré mais le papier bleu n’existait plus, les documents de Roland étaient détruits et il y avait quatre témoins à faire taire. Un échec total, sur toute la ligne. Un fiasco de toute splendeur. Le bide qui n’allait certainement pas rester sans conséquence. Les trois hommes de main de l’organisation secrète étaient debout, chacun surveillant l’une des issues de la cuisine. Roland était allongé par terre, Alice et Robert étaient menottés au radiateur. Gaëlle, elle, n’avait toujours pas envie de pousser la chansonnette. Probablement en raison de son âge, plus certainement encore à cause de l’amateurisme des membres de la Fabrique, on n’avait pas pris soin de trop s’occuper d’elle. On la surveillait du coin de l’œil comme on surveille le lait dans sa casserole mais on ne semblait pas la considérer comme réellement dangereuse. Pour tout dire, on la sous-estimait beaucoup.

- Quelqu’un veut du thé ? tonitrua Gaëlle

Tous les regards se tournèrent vers elle. Comment s’était-elle libérée de la chaise où elle était menottée ? Les regards bifurquèrent alors vers la chaise où pendait la paire de menottes. Sous l’effet de la surprise, les mâchoires pendirent et les yeux s’exorbitèrent. Elle avait déjà une casserole à la main lorsque Colette commença à beugler comme quoi il fallait l’attraper, la menotter, la capturer, l’empêcher de nuire, la soumettre, l’abattre, la contraindre et toutes ces choses peu aimables.

L’un des hommes, le plus vif et le plus proche de Gaëlle s’élança l’arme au poing et fut accueilli par un bon coup de casserole à l’occiput tandis que, d’un pied vigoureux, Roland faisait trébucher le deuxième malfaisant qui s’éclata le nez et le maxillaire inférieur sur le carrelage. Il y eut comme un flottement dans les troupes. Colette et Gérard décidèrent d’agir en même temps et ils n’auraient pas dû. Dans son élan, Gérard culbuta Colette qui tomba la tête la première sur le coin de la table avant de décider de tomber dans les vapes. Gérard, lui, mal remis des sévices causés par Gaëlle, dérapa et s’affala au sol en se démettant l’omoplate gauche en poussant un poignant cri de douleur qui n’avait rien de feint, du moins en apparence. Il restait le troisième homme qui eut le temps de tirer un coup de feu juste au moment où Gaëlle avait décidé de lui faire parvenir la lourde casserole en pleine face. La balle se perdit dans la bouteille de gaz butane qui se trouvait à côté de la cuisinière et qui prit sur elle d’exploser, mettant un terme à l’algarade dans quelque chose qui ressemblerait beaucoup à un ‘’deus ex machina’’ facile et improbable s’il n’était pas un strict reflet de la vraie vérité bien réelle dans la réalité la plus absolue.

Couverts de débris de plâtre et de poussière indéterminée, Gaëlle, Roland, Robert et Alice n’en revenaient pas. Ils avaient tous les oreilles qui bourdonnaient, quelques écorchures, plaies et bosses mais ils étaient bien vivants. On ne pouvait pas en dire autant des membres du camp d’en face ! Colette et Gérard Moyeux respiraient encore mais les trois hommes dont le lecteur ne saura jamais rien de plus avaient fait veuves et orphelins pour peu qu’ils avaient été mariés et pères. Il y en avait même un qui n’était plus en un seul morceau. Déchiqueté, il était. Et ses morceaux étaient dispersés dans toute la cuisine et ce n’était pas beau à voir.

Gaëlle se baissa pour ramasser sa casserole cabossée et s’excusa qu’en raison de la panne de gaz consécutive à l’explosion de la bouteille, elle n’allait pas pouvoir faire chauffer de l’eau pour le thé.

- Quelqu’un voudrait un verre de chouchen, risqua-t-elle ?

On trouva les clés des menottes dans les poches des victimes défuntes et on libéra Alice, Robert et Roland.

- Eh beh ! dis Robert

- Incroyable, continua Alice

- Putain ! conclut Roland.

Gaëlle avait le sourire. Elle était un peu peiné pour sa cuisine qui était toute à refaire mais, dans l’ensemble, elle était plutôt satisfaite. Elle rajeunissait de soixante ans d’un coup. Si les acouphènes ne la perturbaient pas sur l’instant, elle se serait peut-être mise à chanter quelque chose.

- Et on fait quoi ? demanda Robert en se massant les poignets ?

- Il faudrait aller acheter une bouteille de gaz, proposa Gaëlle.

- Il faudrait appeler les flics, estima Roland

- Il faudrait surtout passer les menottes à Colette et à Gérard. Ils ont l’air de se réveiller.

Robert s’exécuta sous la surveillance bienveillante de Gaëlle qui veillait au grain la queue de casserole bien en main. Pendant ce temps, Alice ramassa les armes dispersées dans la pièce et les posa à côté de Roland. Alors, reprenant son rôle d’infirmière, elle s’occupa de Roland, le redressant en lui plaçant un coussin dans le dos, avant de nettoyer les plaies de Colette et Gérard. Gaëlle lui avait donné tout le contenu de sa pharmacie, une bouteille bien entamée d’alcool à 90°, une boîte vide de pansements et un tube d’aspirine périmée de longue date. Alice alla chercher ce dont elle avait besoin dans l’ambulance et en profita pour s’assurer que tout était calme dans la nuit de Pont-Aven. Dans la nuit, au loin, un chien aboyait. Mis à part cela tout semblait bien endormi. Elle revint avec une trousse de premier secours et pansa les blessures des fâcheux époux Moyeux qui reprenaient leurs esprits.

- Crétin ! lâcha Colette à l’intention d’un Gérard tout penaud.

- J’ai pas fait exprès, plaida ce dernier.

- Tu n’as que ça à dire pour ta défense ? Si on s’en sort, je ne donne pas cher de tes os, abruti ! Ma mère avait bien raison. Un imbécile, un sombre incapable, un débile profond !

- Mais Colette ! J’ai pas fait exprès, je t’assure !

- Tais-toi. S’il te plaît, tais-toi !

- Taisez-vous tous les deux, trancha Robert. On va discuter un peu.

- Si on se tait, on ne discutera pas beaucoup, rétorqua Gérard, non sans raison et humour.

Gaëlle donna un bon coup de casserole sur la tête de Gérard.

- Aïe ! Mais elle est folle celle là ! Ça fait mal, merde !

- Ta gueule, Gérard, éructa Robert en lui donnant une baffe.

- Aïe ! Mais j’en ai marre, moi !

-Quelqu’un veut du thé ? Demanda Gaëlle. Il faudrait aller chercher du gaz.

- Il fait nuit, Gaëlle, tenta de la calmer Alice. On ira demain matin. Il est tard, Gaëlle. Vous devriez aller vous coucher et reprendre des formes.

- Je suis en pleine forme, moi ! Et puis, j’ai pas sommeil. Ça me fait penser à quand j’attendais mon Yannick. Ah ! Mon Yannick ! Il aimait quand je lui chantais des chansons. « Je t’attendrai à la porte du garage... Boum ! Quand votre cœur fait boum ! ». Il aimait bien Trénet. Et pas que dans les bars, qu’il ajoutait toujours.

Sans raison particulière, elle leva la casserole et l’abattit sur la tête de Gérard qui se plaignit du sort qu’on lui faisait subir.

Robert avait remis une chaise sur ses pieds et s’était assis à l’envers sur elle, reposant ses avant bras sur le dossier et fixant le couple Moyeux dans les yeux.

- Bon. Finie la comédie. On va causer. Vous allez nous dire tout ce que vous savez. On décidera après de votre avenir. D’abord, une première question à toi, Colette. Comment as-tu pu me faire ça à moi, ton frère ? Dans quelle coupable organisation baignes-tu ? Que cherches-tu ? Que sont devenus tes maris ?

- Je ne dirai rien, crâna Colette en esquissant un sourire tuméfié et partiellement édenté.

Boum ! La casserole venait d’opérer, sur le crâne de Colette, cette fois-ci.

- Bien fait, jubila Gérard.

Et boum de nouveau, sur la tête de Gérard, cette fois.

- Aïe !

- Colette, tu vas parler, je te l’assure. Nous avons tout notre temps, nous sommes armés et Gaëlle a des arguments choc.

- Je ne sais rien de rien à tout cela, tenta Gérard, lâchement.

- Lâche, grinça Colette à son égard. Bien sûr que tu ne sais rien ! Tu ne penses pas que l’on allait dévoiler le fond de cette opération à un Charlot dans ton genre, pauvre mec !

- Ah ! Vous voyez ! Je ne sais rien. Laissez-moi m’en aller. Je ne dirai rien. C’est elle la coupable ! Rien qu’elle !

Une sonnerie de téléphone se fit entendre. Une sonnerie de portable. Robert lança un regard interrogateur vers Alice qui en fit de même à l’endroit de Roland qui en jeta un vers Gérard qui dit :

- C’est le téléphone à Colette...

Alice chercha dans les poches de Colette, elle trouva le téléphone, appuya sur la touche pour accepter l’appel.

- Allo ? Colette ? L’affaire est réglée ?

mardi 6 novembre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (17)

Au terme de l'épisode précédent, Roland et Robert s'enfuient de l'hôpital aidés dans leur entreprise par Alice, la jolie infirmière rousse. L'ambulance qu'ils ont empruntée roule à vive allure lorsque, dans une ligne droite, de puissants phares apparaissent dans la nuit. Le suspense est à son comble et c'est Sax/Cat qui prend la suite des opérations.

Gaëlle raccroche.

Dans quel pétrin s'est encore fourré Roland ?
Le charbon, la corde, tout un passé lui revient instantanément en mémoire.
C'était bien avant qu'elle ne se mette à chantonner, avant que Yannick ne disparaisse en mer.
Tous ces allemands qui ont fait un court séjour dans la cave à charbon avant que "le réseau" ne vienne en prendre livraison.

"Ami entends-tu"
(Elle est toute surprise de chantonner comme ça, et décide que pour ce soir c'est fini.)

Les sorties nocturnes sur le bateau de Yannick pour récupérer des caisses d'armes et de munitions, et des anglais.
Mitraillettes, mitrailleuses, revolver, pistolet, elle mélangeait un peu tout. Mais le Lüger de Gérard, elle l'avait reconnu instantanement. Et elle avait vu aussi vite qu'il n'était pas chargé.
Et c'est avec un Lüger déchargé qu'il comptait lui faire peur, à elle, Gaëlle, qui n'avait pas son pareil pour assommer les allemands d'une simple gifle bien placée.

Attacher Gérard est un jeu d'enfant, la bonne vieille technique de la corde autour du cou attachée aux poignets dans le dos, il ne pourra rien faire en se réveilant.
Le descendre à la cave n'est pas beaucoup plus difficile. Certes elle n'est plus aussi agile qu'à 20 ans, mais Gérard n'est qu'un gringalet.

Le téléphone sonne de nouveau, c'est Roland qui lui dit qu'il arrive en voiture. Il est donc sorti de l'hôpital, il faudrait savoir, ça l'inquiète un peu.
Elle prend le Lüger, et va le ranger dans la remise, avec les restes du dernier chargement reçu le 5 Juin 44, mais que le réseau n'est jamais venu chercher.

Encore un coup de nostalgie en pénétrant dans la remise.
Toutes ces armes qui attendent, parfaitement entretenues. Elle avait bien pensé les remettre à la police, mais elle n'avait pas envie de se perdre en explications.
Personne dans le village ne sait et ne saura jamais qu'elle était l'une des figures les plus importantes du réseau en Bretagne. Et le vieil émetteur-récepteur.
Sans savoir pourquoi, elle l'allume, attend qu'il chauffe, et le règle d'instinct sur la fréquence du QG.
Bien sûr, la rue du QG a été renommée depuis, et bien sûr elle est devenue "Rue du Général De Gaulle". A cette pensée, elle crache par terre.
Pfff ce De Gaulle, il est venu une fois chez elle, c'était en 43, parce que son voisin Loïc venait d'être liquidé par son réseau à lui, et il n'avait même pas deviné qu'elle servait de base arrière au réseau.
Normal, elle c'était les FTP.

Et après tout ce temps, la radio marche toujours, et elle crachouille des mots qu'elle croyait ne plus réentendre.
"QG à toutes les unités. Attention, le pigeon est sorti de sa cage, et tout laisse à penser qu'il se rend à Pont-Aven."
"Regroupement général au point 123"
"QG à toutes les unités. Attention, le pigeon est sorti de sa cage ..."

Presque mot pour mot ce qu'elle a entendu cette nuit où le réseau à laissé échapper cet officier, et qu'il est venu directement chercher refuge chez elle, le pauvre niais.

Elle n'a aucun doute, le pigeon c'est Roland, elle doit agir. Il n'y a pas des dizaines de routes pour arriver, elle va essayer de le rejoindre avant les autres.

Ce Gérard, il n'est sûrement pas venu à pied.
Elle va le fouiller, il n'est pas encore réveillé.
Gagné, un trousseau de clés, avec une grosse clé de Mercedes.

Gaëlle n'a pas le permis, ce qui ne l'a pas empêchée de conduire des jeeps et des camions, alors une Mercedes elle devrait s'en sortir.

Elle prend 3 Lüger, celui de Gérard et deux autres des fois que la situation s'aggrave, et quelques chargeurs.
La Mercedes est garée juste devant chez elle.
Elle n'a aucun mal à la faire démarrer.
Elle prend la route.
La nuit tombe, elle a du mal à trouver la commande des phares, et une fois qu'elle est en plein phares elle n'arrive pas à revenir en feux de croisement. Ce n'est pas grave.
Elle roule bien, 110/120, la Mercedes avale les kilomètres.
Elle n'a même pas peur de se faire arrêter, elle est revenue en 1942, elle n'a plus peur de rien.
Juste au moment où elle remarque qu'elle n'a croisé presque personne depuis qu'elle est partie, 2 heures avant, une ambulance arrive pile en face d'elle.
Hôpital, ambulance, elle fait le rapprochement tout de suite, c'est sûrement Roland.
Elle se met sur le bas-côté et saute de la voiture en laissant les phares allumés, il ne peut que la voir.
L'ambulance s'arrête et un homme en descend. Elle connaît ses classiques.

- Monsieur Robert, I presume

mardi 30 octobre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (16)

La mission était périlleuse, la tâche ardue, le défi difficile à relever. Arielle nous propose la suite des aventures incroyables de Roland, Robert, Colette, Gérard et toute la clique !

Robert, bouche ouverte, regarda Roland d'un air éberlué.

- Oui. Ma cousine Gaëlle de Pont-Aven vient d'assommer ton beau-frère.

- Gérard ? Mais que fait-il là-bas ? C'est quoi ce foutu bazar ?

- Si seulement je le savais ! Gérard était chargé de me transmettre les papiers bleus des huissiers. Colette m'a envoyé les flics en m'accusant de t'avoir tué dans l'escalier. Quand j'y pense, c'est louche. Même l'accident, c'est à se demander si… Et Gérard, hein, comment a-t-il su pour l'enveloppe ?

- Colette ? Ma sœur ? Les huissiers ? L'enveloppe ?

- Oui ! Colette ta sœur justement ! Sait-elle quelque chose au sujet du Nautilus ? demanda Roland inquiet.

- Pas que je sache. Enfin je ne pense pas à moins que...

- Messieurs, la visite a assez duré. Ce n'est pas raisonnable, dit l'infirmière rousse d'une voix douce mais ferme. D'autant plus qu'une autre personne a demandé à vous voir prétextant que c'était urgent et important et donc...

- Qui est-ce ? demanda, soupçonneux, Roland en se relevant.

- Il se prétend huissier.

Roland s'affaissa, le teint blafard, sur son oreiller. Robert ne cessait de répéter «c'est quoi ce foutu bazar». L'infirmière s'approcha de Roland. Il lui saisit le poignet et lui demanda :

- C'est quoi votre prénom ?

- Alice...

- Alice, il faut absolument nous aider. C'est une question de vie ou de mort. Il faut nous sortir de là.

- Mais vous n'y pensez pas, pas dans votre état !

Roland lui serra plus fort le poignet et planta son regard dans le sien.

- Croyez-moi c'est important ! Eloignez cet homme, il est dangereux ! Sans vous nous sommes cuits !

Huissier. Colette. Faux huissier ? Accident. Nautilus. Tableau. Gérard. Pont-Aven. C'est quoi ce foutu bazar ! C'est quoi ce foutu bazar ! Trop de coïncidences pensait Robert qui intervint :

- Alice, euh mademoiselle, pardon, dit-il en rougissant. M. Verne a raison, ce serait trop long à vous expliquer mais il faut nous sortir de là.

Alice dégagea son bras et d'un geste machinal releva une de ses boucles rousses tout en réfléchissant. Par déontologie, elle aurait dû alerter le médecin de garde mais elle ne l'avait pas fait. Roland et tout cette affaire l'intriguaient. Elle avait bien envie de l'aider. Elle sentait bien qu'elle allait au devant des ennuis. Oui mais après tout, c'était peut-être le moment ou jamais, l'opportunité de tout envoyer valdinguer. Elle avait beaucoup donné en s'oubliant elle-même. Elle ne savait plus trop quoi penser, que faire.

- Je vais lui dire que votre état s'est aggravé, dit-elle. Au fait, j'y pense, une dame a téléphoné pour prendre de vos nouvelles en refusant de dire son nom.

Roland et Robert échangèrent un regard.

- Et si nous n'étions pas les seuls sur la piste du Nautilus dit Robert pensif.

- Voilà c'est fait dit la rousse Alice en ouvrant la porte. Je lui ai dit de repasser demain. Il a insisté mais j'ai tenu bon.

- Vous pouvez compter là-dessus répondit Roland, même avant tiens donc ! Qui vous dit qu'il ne s'est pas juste éloigné ? Demain, vous me retrouverez réduit à l'état de macchabée oui!

- Mais ce serait fou de partir dans votre état M. Verne, dit-elle, de nouveau rattrapée par ses scrupules, je ne peux pas vous laisser faire... Pourquoi ne pas appeler la police ?

- Ah non pas la police! s'écrièrent en cœur les deux hommes.

- Bien dit Alice... soit ! Et pourquoi pas après tout. J'ai une idée. Je reviens.

- Tu crois que nous pouvons lui faire confiance, dit Robert et si elle est partie prévenir quelqu'un ?

- Nous le saurons bien assez tôt. Je t'ai connu moins rabat-joie hein mon pote. De toutes les façons, nous n'avons pas le choix !

Sa décision prise, Alice échafauda avec pragmatisme «un plan d'évasion». Elle se mit à sourire. Enfin il se passait quelque chose. Elle se sentait tout excitée. Elle était bien décidée à aller jusqu'au bout de l'aventure. Digne personnage échappé d'un bon thriller. Moteur, on tourne !

Dix bonnes minutes s'écoulèrent. Robert faisait les cent pas. Roland aurait donné n'importe quoi pour un clope et un bon café. La porte s'ouvrit.

- Passez-ça, dit Alice énergiquement, en collant un uniforme blanc dans les bras de Robert qui s'exécuta. Elle ouvrit la porte en grand et fit passer le brancard dans la chambre.

C'est ainsi que le trio fit son entrée dans le parking du premier sous-sol - celui réservé aux ambulances. Elle sortit un trousseau de clés de sa poche et avisa un véhicule de la marque aux chevrons. Roland fut installé à l'arrière sur son brancard.

- Robert ? C'est bien Robert votre prénom ? dit-elle en lui tendant les clés. Allez, à vous l'honneur. Je monte à l'arrière pour prendre soin de Roland. Au diable les "monsieur-mademoiselle" place aux Jules et aux Jims ! Plan-séquence sur une ambulance qui file dans la nuit.

Ils se retrouvèrent à la sortie donnant sur le boulevard de l'Odyssée. Robert regarda d'un côté puis de l'autre, passa la première puis la seconde, accéléra. L'ambulance atteignit le carrefour dans un vrombissement de moteur. Il ralentit, s'engagea dans le rond-point, donna un coup de volant sur la droite. Les pneus crissèrent. L'ambulance prit la direction de la sortie de la ville à vive allure.

- Eh, oh! Nous avons quelques heures avant que l'hôpital découvre la disparition de l'ambulance, inutile de prendre le risque de se faire arrêter ou de nous envoyer dans le décor, dit Alice. Mais, au fait, où va-t-on ?

- Direction Pont-Aven et ne vous faites pas de souci, Robert est un excellent conducteur répondit Roland calé sur son brancard. Bien meilleur que moi ! Je n'ai jamais passé mon permis. On en a de la chance, hein Robert, que je ne sois pas en état de conduire dit-il goguenard. En attendant qu'est-ce que je ne donnerais pas pour un bon café !

Ni une, ni deux, une Alice magicienne sortit d'un sac le thermos qu'elle avait pris soin de remplir dans la salle de repos et tendit, avec son joli sourire mutin, un gobelet à Roland qui se sentit revivre.

Pont-Aven, six heures de route. Si tout allait bien. Ils seraient là-bas pour les douze coups de minuit. La nuit commençait à tomber et la pluie se mettait de la partie. Déjà qu'entre chien et loup la visibilité laisse à désirer, avec la pluie c'était le pompon ! Il décida à contre-cœur de ralentir. Ils roulaient depuis une heure et demi. Roland s'était assoupi, exténué par toutes ces péripéties et Alice se relaxait en silence. Il lui était reconnaissant de ne pas l'abreuver de questions et de le laisser se concentrer sur la conduite et sur ses pensées. Ah conduire ! Tante Etzelle avait raison. Ils avaient tous une marotte dans cette famille. Lui, ce n'était ni le tricot, ni la peinture à l'huile mais les vieux tacots. Il avait même eu la chance de pouvoir participer, de par le monde, à plusieurs croisières automobiles. Héritages de la fameuse croisière jaune. A présent, il n'en avait plus les moyens et mettre la main sur le Nautilus, c'était l'assurance de pouvoir remonter un projet de croisière.

Il se demandait bien ce que Colette et Gérard venaient faire dans cette histoire. Colette dénonçant Roland. Gérard chez la cousine Gaëlle. On ne pouvait plus parler de hasard. Il se souvient. Colette lui avait téléphoné lors de sa convalescence chez tante Etzelle et il lui avait vaguement dit avoir été à la recherche de vieux papiers ayant appartenu au grand oncle. Colette, toujours insatisfaite. Traitant Gérard, qui n'était pas un mauvais bougre, comme un moins que rien, exactement comme elle avait traité les précédents. Colette que l'argent ne laisse pas indifférent. Que savait-elle ?

Alice sortit Robert de sa réflexion et se pencha vers lui. Son profil se dessinait dans le rétroviseur. Il pouvait sentir son parfum. Elle avait ôté sa coiffe et rendu leur liberté à ses boucles rousses. Il l'a trouvée jolie, pas d'une beauté parfaite, non, ce n'était pas cela. Elle avait du chien comme on dit. Elle l'intimidait. Mais face à l'assurance de Roland, lui et sa timidité n'avaient aucune chance. Pour le tour de manège avec la belle Alice, ce n'était pas demain la veille.

- Il y a une voiture derrière nous depuis un bon moment dit-elle. Gyrophare éteint mais gyrophare quand même.

Il décida d'en avoir le cœur net. Avec ce temps, pas question d'accélérer. Il ralentit. Le gyrophare fit de même. Il passa à la vitesse supérieure sans exagérer son allure. Il avisa un poste à essence - c'est ce qu'il lui fallait - il donna un coup de volant et s'engagea dans l'allée. Le gyrophare continua son chemin.

- Que se passe-t-il ? dit Roland réveillé en sursaut.

- Rien, dit Robert. On a cru être suivi. Par prudence, on va s'arrêter un moment. Je vais me dégourdir les jambes.

- Achète-moi des clopes je n'en ai plus s'il te plaît.

- Inutile, j'ai ce qu'il faut dit Alice qui alluma deux cigarettes et en tendit une à Roland. Leurs yeux échangèrent un sourire complice.

Robert s'approcha de l'enseigne qui diffusait une pâle lumière jaune dans la brume qui avait succédé à la pluie. Il se dirigea vers les toilettes, fit ce qu'il avait à faire, se lava les mains et en sortant il s' enquit auprès du veilleur de nuit, vêtu d'une combinaison crasseuse, s'il pouvait acheter à manger. Dans l'automate répondit l'homme en bâillant.

- C'est vous l'ambulance ? dit l'homme. Histoire de dire.

- Oui, répondit Robert. Pas besoin d'essence juste une pause. La route est longue.

- C'est grave ? Vous allez loin ? dit l'homme machinalement.

- Non, non rien de grave. Nous transportons le malade à P... à Paimpol dit Robert en se ravisant, méfiant.

- Bonne route dit alors l'homme en lui rendant la monnaie dans un énième bâillement tout en se grattant l'intérieur de l'oreille.

Il y avait longtemps qu'il n'éprouvait plus que de l'ennui à veiller. Il regrettait l'époque où la station faisait encore office de snack-bar. L'ambiance conviviale et enfumée. Le bruit des conversations hautes en couleur. Tout le monde se connaissait, s'apostrophait, échangeait des nouvelles. A présent, avec leurs maudites autoroutes presque plus aucun routier n'empruntait la nationale. Tout foutait le camp, la bonne humeur avec.

Robert revint vers l'ambulance et distribua sandwiches et boissons. Ils se restaurèrent. Roland sortit son portable et téléphona à Gaëlle pour l'informer brièvement de leur arrivée tardive, ce jour même.

L'équipage reprit la route.

L'homme sortit de l'hôpital et décida de se rendre directement à la Fabrique plutôt que de passer un coup de fil. Il savait que le patron n'allait pas être content mais c'était trop risqué. Il valait mieux revenir plus tard dans la nuit.

Robert négocia le tournant un peu trop vite. La rousse Alice poussa un cri. Le café de la thermos coulait chaudement le long de ses jambes. Enfin, elle se retrouva projetée contre Roland qui lui s'accrocha à elle comme il put. C'est le genre de méli-mélo qu'il aurait appelé de tous ses vœux dans d'autres circonstances mais là ! Calmos Roland. Calmos. Ressaisis-toi ! Bon sang c'est pas le moment.

- Robert ! tu déconnes ou quoi, s'écria-t-il.

En abordant la ligne droite, l'ambulance se trouva pris au piège de deux puissants phares aveuglants.

mardi 23 octobre 2012

Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (15)

Oh ! Oh ! Oh ! Le chouette bel épisode que voilà ! Liaan nous propose une suite qui, loin d'expliquer, d'éclaircir et de simplifier la situation, apporte une nouvelle ouverture intrigante sur fond de complot complexe. Dans quel monde vivons-nous ? Qui sont donc les époux Moyeux ? Qui en veux à l'intégrité physique de Roland ? Qui est le PDG ? Vivement l'épisode seizième !

Mais revenons 48 heures plus tôt au 25 rue Jules Verne, chez les Moyeux après les visites de son frère Robert et de Roland. Colette avait à peine raccroché le téléphone que celui-ci se mit a sonner.

- allo ?

- Madame Moyeux, Colette Moyeux ?

- Oui, c'est moi.

- Pouvez vous vous rendre immédiatement, je dis bien immédiatement au 133 rue du Général De Gaulle ?

- Au 133, la... la Fabrique ?

- Vous avez tout à fait raison...

- Mais..?

- Pas de discussion, venez sur place immédiatement !

Et la communication s'arrêta là. Colette Moyeux, un peu étonnée, se vêtit rapidement, pris les clefs de "sa" voiture, un cadeau de son dernier mari, décédé inopinément voici un an déjà... Lorsqu'elle sorti de l'appartement, elle buta contre le bouquet de roses rouges, pensa rapidement "crétin" pour ce Roland venu la voir pour lui parler de Gérard... Elle descendit rapidement l'escalier sans s'émouvoir autrement de la disparition de son frère Robert, qui n'a laissé de son bref passage qu'un peu de sang sur le tapis...

- Quel comédien ! songea-t-elle.

La Mercedes noire sortit en vrombissant du parking souterrain, manquant de renverser le concierge qui rentrait les poubelles. Elle ne tarda pas à trouver une place de libre en face de l'immeuble de la "Fabrique", un bâtiment impersonnel et moderne sur lequel on lisait la raison sociale : FABRIQUE DE BÉBÉS, ce qui amusait beaucoup tous les mioches des environs. Colette entre dans le hall de réception et se présente à l'hôtesse d'accueil qui l'envoit rapidement au 3ème étage, bureau de la Direction.

- Ah ! Voici Madame Colette Moyeux ! Vous étiez attendue !

Dans le bureau, aussi impersonnel et moderne que l'immeuble, se trouvaient son mari Gérard, portant un tee-shirt dont elle n'aurait pas voulu pour essuyer les roues de sa voiture, deux hommes dont le regard n'avait rien de glorieux, et le "Président-Directeur Général" de la Fabrique. Ce dernier continua :

- Mme Moyeux, votre époux, Gérard, ici présent, et dans quel état, nous a beaucoup déçus ! J'ai connu des personnages d'une incompétence remarquable, mais Gérard peut être fier de lui : son incompétence bat des records. Monsieur s'est laissé à fraterniser avec Roland Verne en se rendant tranquillement au café avec lui...

- Mais, tenta de répliquer Gérard Moyeux...

- Silence ! Incapable ! Je continue l'explication à Madame votre épouse... Gérard Moyeux, non content de son exploit, en réalise un autre : perdre le Papier Bleu ! Papier bleu tombé, mouillé, piétiné, bref disparu !

Colette Moyeux suggéra que ce n'était pas grave, il existait bien une copie ?

- Oui, bien sûr ! Il existait une copie ! Et ces bougres d'ânes bâtés qui se prétendent de fidèles collaborateurs ont détruit cette copie dans le destructeur à papier, pour l'essayer ont-ils expliqué...Ce destructeur venait d'arriver dans le service, et voilà... Le seul papier essayé fut réussi ! Le Président-Directeur Général, lève les bras au ciel tout en s'asseyant dans son fauteuil.

- Je ne suis entouré que de bras cassés, constata-il amèrement.

Colette reprit :

- Que fait-on ?

- Retrouver Roland Verne, qui a pu fuir désormais : il doit se savoir traqué ! Voici ce que vous allez faire :

Et le P-DG d'expliquer au couple Moyeux la marche à suivre.

Le lendemain matin à l'aube, deux hommes frappaient à coups redoublés sur la porte de l'appartement de Roland Verne...



Plus tard, dans la mâtinée, Colette Moyeux, accompagnée de son mari, Gérard, roulait rapidement dans la ville. Arrivés au carrefour de la patte d'oie, Colette hésita et soudain Gérard Moyeux cria presque en montrant du doigt :

- Là ! Verne !

- Impeccable ! Voilà ce qui est se jeter dans la gueule du loup, s'écria Colette.

Maniant le volant avec dextérité, elle se servit du "viseur à piéton" qu'était l'étoile Mercedes sur le haut du radiateur, et faucha l'infortuné Roland Verne.

À la Fabrique, le poste téléphonique particulier de M. le Président-Directeur Général sonna.

- Ah, c'est vous, ... Roland Verne à l'hôpital ? ... Mmm. Bien ! Inconscient ? ... Il délire... Hmm. Parfait, parfait !

Haut de page