A lire

vendredi 22 avril 2016

Lemaitre joue contre la montre

Voilà bien un livre que j'espérais. Comme beaucoup, j'ai découvert Pierre Lemaitre avec le prix Goncourt 2013 attribué à Au revoir là-haut, un livre haletant, beau et fort, terrible et fascinant. Je suis tombé amoureux de l'écriture de l'écrivain et ai lu tout ce que j'ai pu trouvé dans la foulée. Du coup, il ne me restait plus qu'à attendre que le monsieur daigne sortir un nouveau livre. C'est que l'on devient vite accro à sa prose. Une vraie drogue dure.
J'entends sur France Inter, dans la Librairie francophone de Emmanuel Khérad, il y a de cela quelques semaines, que ça y est, un nouveau roman est sorti en librairies ! Je ne me précipite pas et attends de passer par la ville pour aller acheter un exemplaire. Il est là, à ma disposition, bien en vue. Je fais durer le plaisir, je fais monter le désir. Et puis, je me plonge dans la lecture. Environ 250 pages. J'espère le faire durer un peu. Peine perdue, je lis facilement un bon tiers dès le premier soir. Le lendemain, j'en engloutis un nouveau tiers. Le troisième soir, je triche. Je m'arrête au dernier chapitre, juste histoire de ne pas le terminer, ce bouquin trop court.

Trois jours et une vie
L'histoire ? Je ne vais rien en révéler de trop. Je vais juste en dire que c'est l'histoire d'un enfant de douze ans qui en tue un de six. C'est un regrettable accident, c'est l'histoire de la culpabilité, de la crainte de se faire prendre, d'être démasqué. C'est aussi continuer à vivre dans un petit village où tout le monde connaît tout le monde, où les plus proches voisins sont les parents et la sœur de l'enfant mort, un village qui sera touché par une grosse tempête. C'est l'histoire d'une vie qui s'est arrêtée et d'une autre qui continue malgré tout et aussi d'une tentative de rédemption. Et c'est surtout une fin à laquelle on ne s'attend pas et qui n'apporte ni réponse ni réparation.
Pierre lemaitre pose le principe de l'irréparable. On ne peut rien ni contre le temps ni contre la mort. Lorsque c'est passé, on ne revient pas en arrière. Antoine, le personnage principal du roman découvre cela en quelques secondes. Il ne s'en remettra jamais. Le lecteur que je suis a dévoré ce bouquin avec un léger malaise. J'ai eu de la compassion pour le jeune meurtrier devenu adulte, j'ai espéré qu'il s'en sorte. Pire, je n'ai pas eu de sentiment particulier pour le jeune Rémi, la victime. J'en ai eu, par contre, pour ses parents.
Une fois le livre refermé, je me suis dit que ce n'était pas là le meilleur livre de Pierre Lemaitre. Il reste d'une lecture captivante et d'une langue fluide et agréable. Ce qui manque peut-être, c'est le suspense. Il se limite grosso-modo à savoir si Antoine sera confondu ou pas. Cependant, ce n'est pas l'objet du roman. Ce n'est pas à proprement parler un polar, pas même un roman noir, à mon sens. Il est peut-être un peu trop rapide et peut-être que l'on aimerait seulement qu'il dure plus longtemps. Quoi qu'il en soit, il est bien efficace et sa lecture est fortement recommandée par moi-même.

vendredi 25 mars 2016

L'après Stieg

Entre fin 2013 et début 2014, j'ai dévoré les trois tomes de la trilogie Millenium de Stieg Larsson. Il se trouve que l'année dernière est arrivé le premier épisode d'une nouvelle trilogie écrite par David Lagercrantz, Stieg Larsson étant retenu par ailleurs pour une durée indéterminée qui pourrait durer encore un peu. Comme j'avais hésité longtemps à lire les premières aventures de Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, j'ai attendu avant de me précipiter sur cette suite. C'est à dire, aussi, que je me demandais si Lagercrantz allait être à la hauteur. J'ai tergiversé, j'ai écouté ce qu'en disaient les critiques littéraires, j'ai lu quelques analyses et puis j'ai acheté.
"Ce qui ne me tue pas". Derrière ce titre nietzschien, nous retrouvons Lisbeth et Mikael ainsi que Erika et d'autres personnages du petit univers de Millenium. S'y retrouve-t-on ? Oui. Sans nul doute, l'esprit est là, tout comme le ton et le style. Lagercrantz respecte tout ça et poursuit l'œuvre laissée en plan par Larsson. D'après ce que j'ai compris, ce quatrième roman est basé sur les idées de Stieg Larsson. Il doit y avoir deux autres romans qui devraient sortir en 2017 et 2019.
Je n'ai pas l'intention de vous raconter l'histoire mais je peux vous dire ce que j'en pense. Je l'ai dit auparavant, des trois premiers, c'est le troisième qui m'a semblé le plus abouti. Ce quatrième est très bon mais me paraît moins prenant que ce troisième.Lisbeth est toujours une championne en informatique et Mikael connaît un passage à vide dans sa carrière de journaliste. Ils ne se sont plus croisés depuis plusieurs années et ils vont se retrouver pour cette nouvelle aventure. Enfin se retrouver... Il faut tout de même attendre la toute fin pour que les retrouvailles soient effectives. De fait, nos deux héros vont travailler ensemble mais chacun de leur côté. Et c'est peut-être là ce qui m'a fait trouver ce livre un peu plus faible que les précédents. Ceci dit, tout ceci est expliqué et ça marche.
Comme les bouquins précédents, j'ai eu du mal à lâcher celui-ci très longtemps et, dans le même temps, j'espérais le faire durer le plus longtemps possible. J'ai lu certains propos de personnes refusant de lire ce quatrième roman au motif qu'il n'a pas été écrit par le créateur de la trilogie d'origine. Bon. Pourquoi pas ? On ne peut pas obliger les gens d'aller contre leurs interdits ou leurs opinions. Même si ceux-ci sont parfaitement idiots, ridicules, bêtes, stupides, crétins et toutes ces sortes de choses. Refuser la lecture de ce livre juste parce qu'il n'est pas de la main du créateur, comme ça, parce que l'on cherche à prouver que l'on ne mange pas de ce pain là, que l'on est le chantre d'une certaine orthodoxie extrémiste, que l'on considère que la reprise d'une œuvre, de personnages, est une trahison faite à la mémoire d'un auteur. S'il est des cas où cette attitude est compréhensible, il ne faut pas que ça devienne une règle sur laquelle on ne peut pas transiger. Si tel est le cas, je le répète, c'est que l'on est devenu parfaitement idiot.
Pour moi et dans tous les cas, l'œuvre vaut plus que son auteur quel qu'il soit. Dans le cas présent, l'œuvre est bonne et je ne me pose pas la question de savoir si David Lagercrantz est légitime ou non à poursuivre l'œuvre abandonnée lâchement par Stieg Larsson. Bien sûr, il faudra attendre les prochains épisodes pour savoir si vraiment la deuxième trilogie arrive au niveau de la première. Je n'ai pas beaucoup de doutes, ceci dit. Déjà, on ne peut pas dire que Stieg Larsson soit particulièrement remarquable par son style. La grande force de Millenium est le personnage de Lisbeth Salander. Et les relations entre cette jeune femme et Mikael Blomkvist, bien sûr. Les histoires sont très documentées, elles sont crédibles dans l'ensemble. Elles semblent coller à leur temps, aussi, marquées par leur époque. D'ailleurs, là où Stieg Larsson se plaisait à citer des marques et des modèles de matériel informatique, David Lagercrantz ne le fait pas. Je l'ai remarqué et je me dis que ce n'est pas plus mal. Lorsque l'on lit les premiers tomes de Millenium aujourd'hui, on note que ces histoires sont datées par le matériel utilisé. Ce n'est pas bien grave mais il est amusant de se dire que cette idée qui permettait aux premiers romans de paraître modernes ou actuels fait qu'ils semblent aujourd'hui du domaine d'un passé plus ou moins ancien.
Oui, le style de Larsson. Je me suis perdu en route. Donc, je pense que le style de Larsson n'est pas remarquable. Evidemment, je ne lis pas le suédois. Dans l'ensemble, je dirais que c'est une écriture plus efficace que stylée. C'est simple, c'est précis, c'est facille. C'est de l'écriture de journaliste. Ça marche très bien pour ce genre de romans mais ce n'est pas du Proust ou du Céline. Donc, reprendre les personnages, pourvu que l'esprit soit respecté, pourvu aussi que l'histoire fonctionne, ne me dérange pas le moins du monde. Ce que je sais, c'est que j'ai pris du bon temps à lire ce quatrième Millenium et que je lirai probablement, sauf si je dois m'absenter pour quelque temps de la vie publique comme Stieg Larsson, bien sûr, les prochains bouquins de cette série.

Millenium 4

lundi 14 mars 2016

Les Martiens sont des casse-couilles

Avant qu'il ne soit clairement établi que l'on ne trouverait pas de petits hommes verts sur la planète Mars, ceux-ci faisaient le bonheur des écrivains de science-fiction et des réalisateurs de films du même genre. S'il fut une époque où Home Terrestrus pouvait sincèrement avoir peur d'une invasion martienne, il n'est sans doute plus personne sur notre bonne vieille planète pour le craindre. Par machines interposées, l'homme a posé le pied sur cette planète rouge et l'a fouillée à la recherche d'eau et de vie. Si jamais la vie a pu, sporadiquement, apparaître sur cette planète désolée, un consensus scientifique est aujourd'hui posé pour affirmer que la prochaine invasion extra-terrestre ne viendra pas de là.
La science-fiction n'est pas un genre qui trouve grande grâce à mes yeux, pas plus en littérature qu'au cinéma. Ce qui me dérange souvent, c'est l'emploi de ce que j'appelle deus ex machina. Par exemple, et ce n'est pas là de la science-fiction, lorsque Mankell, dans l'un de ses romans, fait arriver un hélicoptère de la police à la toute fin du roman et que l'inspecteur réussit à se sauver d'une mort certaine grâce à ça. Vous pouvez pas savoir à quel point ça m'agace, cette histoire de méchant qui projette de tuer le gentil, l'a au bout de son canon, est prêt à tirer, tout prêt, vraiment à deux doigts de le faire, c'est carrément imminent, du peu au jus, de presque tout de suite maintenant, et que, d'un coup, il lui prend l'idée ou le besoin de tout expliquer le pourquoi il en veut à l'humanité et pourquoi il veut la détruire et où il a rangé le code qui va permettre d'arrêter la mise à feu des missiles nucléaires qui pointent sur la Terre. Oh que ça m'énerve ! Ou encore lorsque le capitaine du vaisseau spatial prévient son équipage qu'ils vont devoir passer à la vitesse MegaLight supérieure (entre trois et quatre fois la vitesse de la lumière à peu près) s'ils veulent être à l'heure pour le pot de départ du colonel Sprouatch, sur la quinzième lune de Orion du Sagittaire, aux confins du troisième univers. En un clin d'œil, mais non sans avoir risqué de percuter un traître astéroïde, ils sont pile-poil à l'heure et ne souffrent pas du tout du plus petit décalage horaire. Ça me casse les pieds. C'est comme ça.
Toutefois, si l'on commence à mettre de l'humour, ça passe tout seul et je suis le premier à me bidonner comme une baleine. Prenons le cas de l'œuvre de Douglas Adams que je vous engage à découvrir si ce n'est pas déjà fait. Là oui, aucun problème. J'accepte que l'on voyage aux limites de l'Univers et que l'on y trouve un restaurant. Où se situe le souci ? Je n'en vois pas. Tout cela est une question de convention. Si l'on établit dès le départ que l'on va naviguer dans les eaux exquises de l'absurde, que l'on va jouer à être intelligent, j'accepte de bonne grâce. Si l'on me prend pour un perdreau de l'année en me racontant des trucs qui n'ont ni queue ni tête, je renâcle.
Le livre de Fredric Brown dont je veux parler aujourd'hui, "Martiens Go Home !", est un roman de science-fiction, certes, mais de science-fiction humoristique. Et ça change beaucoup de choses. Sans que l'on ne sache ni pourquoi ni comment, les Martiens ont débarqué sur Terre. Partout et ils sont nombreux. Si l'on ne sait rien de leurs intentions, on se rend vite compte qu'ils sont insupportables. Leur seul pouvoir réel est de nuire à notre tranquillité. Physiquement, ils ne peuvent rien contre nous, ils n'ont pas prise sur le monde matériel. Ils ne peuvent ni se saisir d'un objet ni nous frapper. Par contre, ils nous entendent, ils nous parlent (et ils sont malpolis et moqueurs), ils voient à travers la matière, se posent au sommet de votre crâne, vous crient dans les oreilles, dénoncent les mensonges, dévoilent les secrets d'état. De vraies poisons.
Personne ne sait ce qu'ils veulent, personne ne peut les combattre, et, rapidement, les Humains sont obligés de faire avec leur présence et ce n'est pas toujours simple et agréable. Puisqu'ils voient tout et traversent les murs en plus de voir à travers, l'humanité répugne un peu à faire l'amour. On enregistre une baisse de natalité conséquente dans la première année.

Martiens foutez le camp !
A 37 ans, Luke Devereaux est un auteur de romans de science-fiction. Il s'est réfugié dans la cabane d'un ami pour écrire un nouveau roman. Sa vie sentimentale est malmenée, sa femme a entamé une procédure de divorce. Pour l'aider à trouver une idée pour son roman, il picole. Et c'est alors qu'il est déjà passablement saoul que lui vient une idée d'invasion martienne et qu'un martien fait irruption dans sa vie. Je ne vous raconte pas le reste.
Paru en France en 1957 (en 1955 aux Etats-Unis d'Amérique), ce roman est a replacer dans le contexte de l'époque, dans la guerre froide qui faisait rage, dans les histoires d'extra-terrestres qui avaient cours (affaire de Roswell en 1947 et autres). Comme souvent dans les ouvrages de science-fiction et plus encore dans ceux d'anticipation, le roman de Fredric Brown est l'occasion d'une critique des sociétés humaines. La présence des Martiens rend impossible la guerre entre les grandes puissances que sont les USA et le bloc soviétique. Parce que l'auteur est Américain, on note que le point de vue principal est celui d'un citoyen américain.
Ce qui est amusant, c'est de se dire qu'aujourd'hui on pourrait écrire un roman sur la même trame en remplaçant les Martiens par l'informatique et le réseau mondial à qui il pourrait devenir difficile de cacher quoi que ce soit et à qui il pourrait devenir illusoire de fermer quelque porte qui soit. Ces jours-ci, on parle beaucoup d'intelligence artificielle avec l'ordinateur de Google qui apprend à jouer au jeu de go et bat le champion du monde de la discipline. Qu'en sera-t-il de l'humanité au jour où l'ordinateur se suffira à lui-même et qu'il pourra gérer nos vies ? Même s'il est conçu pour nous servir au mieux de nos intérêts, il nous rendra assurément la vie impossible ou, tout du moins, sans saveur. Il gèrera notre alimentation, nous interdira les comportements à risque, nous empêchera de boire de l'alcool, de fumer du tabac et pire encore. Il aura un contrôle de tous les instants sur notre état physiologique, nous dira quel sera notre partenaire sexuel idéal pour que les gènes donnent le meilleur rejeton possible. Puisque nous n'aurons plus à nous préoccuper de rien, il sera alors peut-être temps de tirer notre révérence et de quitter la scène... ou de débrancher les machines s'il en est encore temps.
J'ai donc lu ce bouquin qui se lit rapidement. Et qu'est-ce que j'en pense ? Je suis partagé. Si je considère qu'il est bien vu dans l'ensemble, il y a quelques détails qui me dérangent et quelques facilités que je déplore. Parmi les détails, il y a quelque chose que j'ai identifié comme un fond de racisme. Je m'explique. Fredric Brown n'hésite pas un instant de qualifier les personnes "noires" ou "jaunes" de sauvages en caricaturant beaucoup trop à mon goût cette notion de personnes simples d'esprit. De même, il n'hésite pas à nommer le secrétaire général des Nations Unies, d'origine japonaise, Yato Malblanshi (dans la traduction française tout du moins). Ce n'est peut-être pas ce qu'il y avait de plus heureux à trouver, il me semble. Alors, on dira que en d'autres temps et on mettra cela sur le compte d'une erreur de jeunesse comme pour Hergé. Bon. Admettons. Il n'empêche que je n'aime pas.
Si j'apprécie ou s'il ne me dérange pas que l'auteur ne se soit pas senti obligé de donner des explications techniques sur la venue de ces Martiens, je suis resté un peu sur ma faim sur son désir de faire de ces Martiens des êtres qui n'ont pas d'impact sur notre monde matériel. Je comprends bien que c'est là une idée intelligente pour expliquer facilement que l'on ne peut pas les combattre mais je trouve cela tout de même un peu trop simple. A tout prendre, j'aurais presque préféré que les Martiens nous aient envoyé des hologrammes. Tout ceci étant dit, ce livre reste plaisant à lire et on se prendra plusieurs fois à rire ou sourire aux mésaventures de ces pauvres Terriens impuissants et désarmés face à ces insupportables petits êtres verts à qui l'on aimerait bien botter le cul jusqu'à en user ses semelles !

samedi 27 février 2016

J'ai lu ça

On m'a prêté un livre et je l'ai lu. J'avais entendu parler un peu de l'auteur, Gilles Legardinier, et j'avais surtout remarqué les couvertures de ses bouquins, très travaillées, très vendeuses, très étudiées. Puisque j'avais l'occasion et le temps de le lire, ce livre, je l'ai lu.
Alors, je suis assez partagé. C'est assez efficace, ce n'est pas mal écrit, c'est amusant, c'est bien vu (sans doute). L'histoire est plaisante bien qu'un peu maigre. J'ai refermé le livre sans trop de regret. Il arrive que l'on n'ait pas envie de refermer un livre que l'on a aimé. On aimerait qu'il ne finisse pas ou qu'il rebondisse encore et encore. On aimerait s'y perdre, y passer le reste de sa vie. Ça n'a pas été le cas avec "Ça peut pas rater !". Je le dis, ce n'est pas désagréable, loin de là ! C'est assez réjouissant, riche en humour bien propre sur lui, facile à lire et distrayant. Mais voilà, c'est justement trop facile, trop propre, trop gentil.
Marie est salariée dans une entreprise de matelas, au service des ressources humaines. Elle vient de se faire plaquer par son ami qui la met à la porte. Elle va se venger et elle va avoir la chance d'avoir une amie qui va lui prêter un luxueux appartement pour une année et elle va prendre la tête de la révolte des salariés de son entreprise contre le directeur qui fourbit un plan très méchant visant à vendre l'entreprise et à licencier tout le monde. Au passage, elle va tenter de découvrir qui est l'inconnu qui lui envoie des lettres d'amour anonymes. Tout se termine très très bien. Trop bien à mon goût. C'est gentil. Gilles Legardinier profite du fait qu'il écrit un roman pour dire ce qu'il pense de la vie de femme. Il se met dans la peau de Marie, critique les hommes, perce la psychologie féminine. Tout cela est amusant. Je me suis demandé, avec l'esprit mal placé que j'ai, si l'on ne cherche pas un peu à brosser la clientèle féminine dans le sens du poil. Je me demande aussi si ce livre n'est pas fait pour les femmes. D'un point de vue commercial, il est plus intelligent d'écrire pour les femmes puisque ce sont plutôt elles qui lisent, nous apprennent les statistiques. Et alors, je me dis que toute cette machinerie hyper bien huilée qui ronronne sans le moindre hoquet n'est pas un petit peu trop lisse.
Je ne déconseille pas la lecture de ce livre qui ne fait pas mal à la tête mais je ne pense pas que l'on doive se sentir obligé de le lire.

Un livre avec un beau chat en couverture

mardi 22 décembre 2015

Vieilleries bédéesques

Le hasard, c'est tout de même un drôle de truc. J'en ai eu la preuve une fois de plus pas plus tard que tout à l'heure. Il y a quelques jours de cela, mon plus jeune frère m'amène quelques albums de bandessinée que je n'ai pas lus depuis bien longtemps. Ce matin, je décide après un long temps de réflexion d'aller les poser sur la pile des BD, revues et bouquins à lire. Je ne sais pas comment je me débrouille mais voilà que la pile s'écroule, rompant la belle architecture toute faite d'une savante maîtrise de l'équilibre appliquée aux objets du quotidien dont je me suis fait un expert réputé. Pestant et rageant, j'entreprends la reconstitution de ce bel ordonnancement pour redresser la situation et la pile qui doit atteindre le mètre. En attrapant les bouquins, revues et albums, je trouve deux vieux albums, l'un des Aventures d'Astérix le Gaulois et l'autre des Aventures de Tintin et Milou. Là, quelque chose s'allume dans mon cerveau. Une idée ! Le cerveau me raconte qu'il y a un rapprochement à faire entre toutes ces vieilles BD.
Comme on peut le voir sur la photo qui illustre ce billet, ces BD ne sont pas neuves et elles montrent des signes de fatigue indiquant qu'elles ont été lues et relues. D'un côté, nous avons deux albums qui sont des best sellers indiscutables et de l'autre deux albums à la diffusion plus confidentielle. Pour l'album de Jacques Devos, j'ai déjà dit par ailleurs ce que j'en pense. Pour l'album de Georges Grammat, c'est différent. Si mes souvenirs ne me jouent pas de tours, il me semble que c'est moi qui aurais pu l'acheter sur un marché à Conflans-Sainte-Honorine. Je n'en suis pas certain à cent pour cent mais j'ai un souvenir de ce genre. J'aurais acheté deux albums, celui-ci et un de Derib, Les Ahlalàààs. Et pour tout vous dire, l'album de Grammat est parfaitement génial. Je me réjouis déjà de le relire bientôt.
Mais alors, pourquoi certains auteurs ne parviennent pas à percer quand d'autres cartonnent ? En général, il me semble qu'il y a une forme de "justice". Souvent, quoi qu'on en dise, le public est bon juge et ce sont les meilleurs qui restent. Cela n'empêche pas les accidents avec des "bons" qui ne sont pas reconnus et des "mauvais" qui réussissent. Je pense tout de même que le talent et l'intelligence sont récompensés. Que ce soit le couple Goscinny-Uderzo ou que ce soit Hergé, on ne peut pas, selon moi, leur dénier un réel quasi génie. Les albums d'Astérix ou de Tintin conservent aujourd'hui tout leur intérêt et je suppose que les enfants d'aujourd'hui se plongent avec le même appétit dans ces aventures que ceux d'hier.

Bédés

mardi 8 décembre 2015

Steve Pops

Ce n'est peut-être pas l'auteur le plus connu mais il a marqué mon enfance. Quelque part aux tout débuts des années 70, mon grand-frère fait entrer un album de Jacques Devos dans la maison. Il s'agit de "Steve Pops contre Dr Yes". Je suis alors très jeune et je ne saisis pas toutes les allusions aux films de James Bond qui émaillent le récit. Pour autant, je me délecte de cette histoire à un tel point que je la lis et la relis jusqu'à la connaître par cœur.
Il faut attendre le début des années 2000 pour que mon grand-frère trouve le deuxième album de Steve Pops, "Opération Eclair". A mon avis, il est nettement moins bon. Je le lis et il me donne l'envie de relire le premier. L'affaire semble vouloir s'arrêter là. A la fin de ce deuxième album existe bien la promesse d'un troisième mais il semble n'avoir jamais été édité.
En cherchant sur Internet, on finit par apprendre l'histoire de ce troisième album. Jacques Devos l'aurait livré aux éditions Casterman et là, il se serait perdu. Perdu ou volé ? On ne le sait pas. Toujours est-il qu'il a disparu. L'histoire prétend que l'auteur en serait devenu dépressif. On peut le comprendre.
Et puis, en 2015, l'affaire des planches disparues rebondit. Jean-Jacques Devos, le fils de l'auteur, est contacté par courrier électronique. On lui apprend qu'une des planches disparues vient de faire son apparition sur Internet. Ce sont Anne et Gilles Doumerc qui vont jouer un rôle majeur dans cette affaire rocambolesque. Ils vont écumer les ventes publiques, remettre la main sur les planches, créer une police de caractères, scanner les planches manquantes depuis les copies existantes et surtout remonter l'album !
L'éditeur "le coffre à BD" est contacté pour une édition de cet album auquel se joindra les deux premiers ainsi que l'ultime, le quatrième, auquel Jacques Devos avait travaillé. Si le troisième, celui qui avait été perdu est édité encré mais en noir et blanc, le dernier est à l'état de crayonné et d'esquisses.
Que penser de ces deux derniers albums ? Nous ne sommes certainement pas en présence du meilleur de la bande dessinée. Les histoires ne visent pas l'excellence et n'égalent jamais celle du premier album qui reste le meilleur. Cependant, il est très intéressant et fort instructif de lire le dernier album en cela qu'il permet un peu de voir comment un dessinateur monte ses planches avant de passer au dessin définitif. J'ai compris certaines choses. Il n'est pas dit que cela me permettra de devenir bédéiste mais je pense avoir progressé dans la compréhension de la construction d'une histoire et du placement des dessins.

Jacques Devos - Steve Pops

mardi 11 août 2015

Revue photo qui passe la photo en revue

Parce que je n'aurai pas le loisir de vous préparer quelque chose aujourd'hui, je puise dans mes réserves pour en sortir une nouvelle fausse couverture de magazine. On notera le travail de mise en pages digne des meilleurs cerveaux délirants des années 70 ou 80.

Top Photo

lundi 6 juillet 2015

Il faut oser

Osez les Espagnoles !

jeudi 9 avril 2015

Motocyclettes farfelues

Il n'y a pas si longtemps, je vous disais que surviendrait prochainement un événement qui vaut son pesant de cacahuètes. Nous y sommes, cet instant est arrivé et il m'oblige à procéder à un exercice d'auto-promotion.
Vous le savez peut-être, il m'arrive de dessiner des motocyclettes parfaitement ridicules. Si vous parcourez parfois ce blog, vous n'aurez sans doute pas échappé à cela. Or, il se trouve qu'un éditeur a eu envie de regrouper certains de ces dessins dans un recueil. Oui, c'est une chouette idée. J'ai accepté avec enthousiasme, j'ai mis en couleurs les dessins qui ne l'étaient pas déjà, j'ai mis tout ça en forme, écrit quelques textes pour accompagner les dessins et c'est parti chez l'imprimeur.
Aujourd'hui, j'ai reçu quatre exemplaires de ce petit livre. Il est plutôt pas mal et je vous engage vivement à vous le procurer. D'un point de vue technique, il est au format A5 (la moitié d'un A4), il a une quarantaine de pages et est composé d'un peu plus de trente dessins dont certains parfaitement inédits. Il est vendu au prix doux de 12 euros et est presque tout en couleurs.
Ne vous y trompez pas, vous ne sortirez pas plus intelligent ou instruit après avoir lu ce bouquin. L'éducation des masses n'est pas ce qui a conduit ce projet. Par contre, il est possible que vous vous surpreniez à esquisser un sourire. Prenez garde.

Motocyclettes farfelues
Vous pouvez commander ce livre chez votre libraire préféré ou directement auprès de Tim Buctu Editions.
Motocyclettes farfelues de Michel Loiseau - Tim buctu éditions - ISBN 978-9548909-5-1

vendredi 13 mars 2015

Moi René Tardi, suite

Je vous parlais du premier opus[1] de l'histoire de René Tardi, père de Jacques le 15 décembre 2012. Aujourd'hui, je vais vous causer du deuxième livre qui précède, on nous le laisse entendre, un troisième. Dans ce deuxième épisode, nous retrouvons René Tardi sur la route durant son retour à la liberté depuis la Poméranie orientale jusqu'à Valence.

Moi René Tardi prisonnier de guerre au stalag IIB - Jacques Tar
C'est la fin de la guerre et face à l'avancée de l'Armée rouge, on vide les camps, ceux ordinaires, les stalags, et les camps d'extermination, aussi. Pour les prisonniers, déjà mal en point, c'est une longue marche qui débute sur les routes avec des détours, des haltes plus ou moins longues, la faim, les exécutions. Les jours passent et la guerre est de plus en plus mal engagée pour les Allemands. Les bombardements alliés écrasent des villes, l'armée allemande n'a plus de quoi faire voler ses avions, les camions, les chars d'assaut sont en panne de carburant. Pourtant, certains soldats croient encore en la capacité d'Hitler à gagner la guerre.
En s'appuyant sur le carnet de son père dans lequel il s'est attaché à décrire le plus fidèlement possible sa vie dans ce stalag et la marche jusqu'à la liberté, Jacques Tardi livre une bande dessinée forte en charge émotive et en colère rentrée contre les nazis mais aussi le peuple allemand qui approuvait encore assez largement les idées de Hitler et ses acolytes. Jacques Tardi se représente comme l'enfant qui aurait pu être aux côtés de son père pour lui poser des questions, pour expliciter tel ou tel détail, pour s'interroger et pour critiquer, aussi.
Plus que le premier tome et peut-être parce que plus en contact avec la population civile, cette BD me semble être en colère, avoir un appétit de vengeance. Il faudra que je relise le premier épisode. Apparemment, Jacques Tardi laisse supposer qu'il y aura une suite à l'histoire, après que René est rentré chez lui à Valence et qu'il a été réintégré dans l'armée française, lui qui s'était engagé avant guerre.
L'histoire nous emmène depuis le stalag IIB en Poméranie, en hiver, jusqu'à la rencontre avec les soldats anglais et américains, les libérateurs, puis jusqu'à Valence. En aparté, on assiste au suicide de Hitler dans son bunker et à celui de temps d'autres dignitaires nazis et de leur famille. C'est la débâcle espérée par certains et crainte par d'autres. Pour moi, vraiment, c'est toute la partie qui explique qu'une large partie du peuple allemand était rangée aux idées nazie qui m'a mis en colère. J'imagine que c'est la preuve de la force de cette BD. Je n'ai pas connu la guerre, je n'ai pas eu à en souffrir, je n'étais bien sûr pas dans ce stalag IIB, je n'ai forcément jamais rencontré René Tardi. Et pourtant, à la lecture de ce livre, j'avais le sentiment de le vivre. Etonnant. Je vous conseille la lecture, ça vaut le coup.

Note

[1] j'aime bien quand ça fait un peu pompeux, des fois

samedi 1 novembre 2014

Les inoubliables

Au détour de la découverte de la photo d'un groupe de cinq enfants, l'écrivain Jean-Marc Parisis revient sur les traces de sa propre enfance et enquête sur celle des enfants figés dans leur pose.

Ce sont cinq enfants qui prennent la pose devant l'objectif du photographe. Ils sont frères et sœurs. Ils sont arrivés à la Bachellerie avec leurs parents, Alsaciens réfugiés en Périgord après l'entrée des Allemands en Alsace. Cinq enfants, deux parents, une famille juive déracinée à qui les Allemands interdisent de vivre chez eux, en Alsace. Ils débarquent en Dordogne, dans la partie du département en zone libre. Durant la guerre, la mairie de Strasbourg est transférée à Périgueux. De nombreux réfugiés alsaciens arrivent en Dordogne et les familles sont dispersées dans le département. Plusieurs d'entre elles arrivent à la Bachellerie où elles sont acceptées sinon accueillies.
Jean-Marc Parisis est né en 1962. Il n'a pas connu la guerre. Par contre, il a connu la Bachellerie où il venait durant ses vacances, passer quelques jours chez ses grands-parents. Pour l'auteur, la Bachellerie est le village du bonheur. Il a ses souvenirs d'enfant et d'adolescent. Dans les années 70, il ne sait rien de ce qui s'est déroulé ici. Ses grands-parents taisent la guerre, personne n'en parle. Il ne doit pas non plus questionner. La guerre, c'est loin. Elle est terminée depuis une trentaine d'années. Bien sûr, on lui a dit que le château de Rastignac avait été brûlé par "les Allemands" mais ça ne dit rien de l'histoire. Ce château, il y allait s'amuser comme tous les enfants de l'époque. Un château abandonné, partiellement restauré en façade. Il suffisait de pousser une porte ou une fenêtre pour y entrer et parcourir les étages. Je le sais, je l'ai fait.
Je suis arrivé à la Bachellerie en 1978, avec mes parents et mes frères. Jean-Marc Parisis est mon aîné de deux ans. Il est un peu plus jeune que mon grand-frère. Nous aurions presque pu nous croiser dans le village durant les vacances d'été. Moi non plus je n'ai pas su tout de suite ce qui s'était passé ici. Le château brûlé, d'accord. Bon. Un peu partout, je voyais des plaques commémoratives. Des résistants tués par les Allemands. C'était déjà loin. Les noms ne me disaient rien.
Peu à peu, j'apprenais que le village de Rouffignac avait été intégralement brûlé durant la guerre. Et la mairie de Terrasson. J'ai commencé à entendre parler de la division Brehmer, du nom du général qui la commandait. Cette division avait pour charge de combattre, d'assassiner, de traquer les résistants, les juifs. J'ai commencé à entendre parler de ça et de la division das Reich. Jamais je n'ai entendu parler des Juifs de la Bachellerie avant très récemment, avant, presque, de lire le récit de Jean-Marc Parisis.

Les inoubliables — Jean-Marc Parisis
Jean-Marc Parisis débute son récit, sa plongée dans la mémoire collective tue de la Bachellerie, en racontant ses vacances chez ses grands-parents. Il arrive à la gare de la Bachellerie par l'autorail qui s'y arrête en venant de Brive[1]. Il descend vers la Mule Blanche, prend la départementale qui trace la rue principale du village, coupe à travers les prés et arrive à la maison de la Bachellerie pour un séjour joyeux. Le temps passe, Jean-Marc Parisis vit en région parisienne, je suppose que ses grands-parents meurent, il entreprend une carrière d'écrivain, il oublie un peu le village périgourdin.
Et un jour, un ami le met au défi de trouver la moindre photo prise dans l'enceinte du Vel d'Hiv lors de la rafle de juillet 1942. Il n'en trouve pas mais, en cherchant sur Internet, il tombe sur une photo de cinq enfants. Hasard incroyable, il découvre que la photo a un lien avec le village de son enfance. Il comprend que ces cinq enfants au sourire un peu forcé ont été déportés à Auschwitz où ils sont morts. Il est bouleversé. Le village du bonheur a été celui du malheur pour ces enfants, pour d'autres, beaucoup d'autres. Il se lance dans l'enquête, il rencontre des témoins, fait parler, effectue un devoir de mémoire d'une mémoire qui ne peut pas lui appartenir.
Il ne s'agit pas d'un roman et Jean-Marc Parisis retrace le passé avec beaucoup de retenue, se contentant presque de mettre des mots sur les paroles. Il retrace une sorte d'état des lieux, il explique les forces en présence. Nous avons les habitants de la Bachellerie, les personnes réfugiées là, les résistants nombreux dans la région au sein de diverses organisations, les "collabos", la milice, les salauds, aussi. Et puis, l'arrivée de la division Brehmer et l'enfer. Il base son récit sur les témoignages, parfois de deuxième main, sur les archives trouvées aux archives départementales, sur la parole des historiens qui ont traité la question.
Le résultat est un livre sensible que l'on lit rapidement, dans l'émotion. On ne retiendra pas tous les noms, on ne retiendra pas tous les faits. Pour celles et ceux qui vivent ou ont vécu à la Bachellerie, il y a des noms connus, des lieux marquants. Mais il reste aussi des mystères et des trous dans ce canevas reconstitué d'après des bouts de parole.

Jean-Marc Parisis
Jean-Marc Parisis est revenu à la Bachellerie. Une première fois pour rencontrer des personnes, pour retrouver des endroits, pour écrire son récit. Une nouvelle fois pour la présentation de son livre, devant un public assez nombreux, en présence de Roland Moulinier, maire de la commune. Il s'est prêté au jeu des questions-réponses. Soixante-dix ans après les faits, que reste-t-il de tout cela ? Un monument dressé à la mémoire des Juifs tués par les Allemands, des stèles, des plaques, quelques témoins directs, très peu, de moins en moins. Les cinq enfants Schenkel sont morts en Pologne, dans un camp d'extermination nazi. Combien de temps ont-ils vécu à la Bachellerie et dans quelle condition ? On peut imaginer que les enfants ont la capacité à voir le bon côté. Ils ont peut-être été heureux dans ce village. Ce n'est pas certain. Comment imaginer ce qu'a pu être leur vie ? Le village a changé en soixante-dix ans. La mémoire a passé, le présent s'est fait sa place.

Séance de dédicace
Je me suis demandé ce que signifiait la présentation de ce livre à la salle des fêtes de la Bachellerie. Je me suis demandé si nous étions là pour se glorifier de ce livre écrit par un quasi Bachelier, traitant du village et de son histoire, de ses places, de ses maisons, de ses rues, ou si nous étions là pour la mémoire des enfants Schenkel de la photo. Pour ces enfants, pour leurs parents, pour les autres familles qui avaient trouvé refuge à la Bachellerie et dans les environs. Je me le suis demandé sincèrement. Aurais-je lu le récit d'une semblable histoire qui se serait déroulée à vingt kilomètres de là ? Si l'auteur n'avais pas eu un lointain, très lointain, rapport avec ma vie, aurais-je lu ce livre ? Honnêtement, je ne le sais pas. Pour les habitants de la Bachellerie, il y a cette sorte d'honneur d'habiter une commune qui fait l'objet d'un bouquin, c'est certain. Du reste, et sans qu'il ait jamais été dit que tous les Bacheliers étaient des gens bien, des Justes. Il n'a pas été trop dit non plus qu'il y avait beaucoup de méchantes gens. Pourtant, il devait y avoir là, dans ce village, la même proportion de personnes qui résistaient, qui collaboraient, qui ne s'occupaient pas des affaires des autres, qui étaient sans opinion.
Du côté de la Genèbre, pas loin de la ferme Meekel, un monument existe. Après la lecture du livre de Jean-Marc Parisis, j'ai l'envie de le découvrir. Dans le fond, ce récit, s'il se déroule à la Bachellerie, doit être lu pour son caractère universel. Il ne peut pas être lu ainsi par les gens de la Bachellerie, je le comprends.

Note

[1] Autorail qu'il appelle Micheline par extension

vendredi 24 octobre 2014

Quand lama fâché

Le 20 septembre dernier, je vous parlais de l'ouvrage de Philippe Goddin expliquant la genèse de l'album "Les 7 boules de cristal". Aujourd'hui, je vous présente la suite de cette étude intitulée "La Malédiction de Rascar Capac". L'auteur endosse le costume d'historien et nous plonge dans l'histoire de l'histoire. En route pour les Andes !

"Quand lama fâché, señor, lui toujours faire ainsi...". D'une manière générale, on ne peut pas dire que Hergé ait choisi l'humour dans ses aventures de Tintin, lui préférant l'aventure et le suspense. Toutefois, Hergé devait aimer rire et, à mon avis, c'est la raison pour laquelle il a créé des personnages hilarants qui sont autant de faire-valoir au héros bien trop sérieux et impliqué dans ses aventures. Les deux Dupondt, Tryphon Tournesol, Bianca Castafiore, l'insupportable Séraphin Lampion et, bien entendu, le capitaine Archibald Haddock lui-même. Cette explication sur l'attitude du lama cracheur est donnée par un jeune Péruvien au début de l'album, peu après que Tintin et Haddock ont atterri en Amérique Latine.
Tandis que l'album précédent se termine sur un fond de fin de deuxième guerre mondiale et d'accusations de collaboration, Hergé ayant publié ses planches dans le quotidien "le Soir" dirigé par les occupants allemands, "le Temple du Soleil" va être publié dans le tout nouveau "Journal de Tintin". Parce que la première partie de cette histoire n'a pas encore été éditée en album et que tout le monde n'a pas lu les planches des 7 boules de cristal dans le journal durant la guerre, Hergé va débuter la deuxième partie en résumant à grands traits le contenu de la première partie. Ces premières planches seront bien évidemment absentes de l'album qui sera édité par Casterman par la suite. La lecture de l'ouvrage composé par Philippe Goddin a donc pour premier intérêt de nous montrer ces premières planches inconnues de celles et ceux qui n'ont pas l'âge d'avoir pu lire les premiers numéros du Journal de Tintin. Et ce n'est pas là le seul intérêt que l'on peut trouver dans cette étude historique.

La malédiction de Rascar Capac
La création du Journal de Tintin prive Hergé d'un précieux collaborateur. E.P. Jacobs décide de voler de ses propres ailes et de faire vivre ses Blake et Mortimer. D'un autre côté, Hergé est bien occupé à composer l'album des 7 Boules de Cristal qui va paraître. Si l'on ajoute à cela la lourde blessure que ressent Hergé suite aux accusations de collaboration avec les nazis et la dépression qui s'ensuit, on comprend que la réalisation de ce deuxième épisode de l'aventure avec les Incas va prendre du temps. La pré-publication du Temple du Soleil va s'étaler du 26 septembre 1946 au 22 avril 1948 à un rythme hebdomadaire et avec des périodes de ralentissement dans la production des planches qui conduira à un passage de trois à deux planches publiées chaque semaine.
Philippe Goddin puise dans la riche documentation de la Fondation Hergé pour nous faire découvrir les sources d'inspiration du dessinateur. Comme dans l'ouvrage précédent, le tintinophile plonge dans une phénoménale quantité d'informations plus ou moins passionnantes mais toujours intéressantes. Il nous fait comprendre les étapes de la création de l'album tout en nous éclairant sur la vie plus intime du créateur. Ainsi apprend-on le désir de Hergé de partir s'exiler en Amérique du Sud et le risque d'implosion du ménage. On savait Hergé submergé par la dépression durant une longue partie de sa vie et on pense en comprendre la source à la lecture des explications données par l'historien.

Plus que "Les 7 Boules de Cristal", "Le Temple du Soleil" est l'un de mes albums préférés des aventures de Tintin. Peut-être parce qu'il est celui qui m'a le plus fait voyager ? La découverte de ces paysages andins, de cette civilisation cachée fidèle à ses croyances, les mystères, la condamnation à mort de Tintin, Haddock et Tournesol, le suspense qui tient jusqu'au bout font que cet album me paraît être l'un de ceux qui marche le mieux. Je me souvient de ma rencontre avec cet album. Il m'a réellement tenu en haleine et j'ai eu du mal à le refermer. C'était chez une cousine.
Selon moi, la force de Hergé est de réussir à inscrire profondément les histoires dans la mémoire du lecteur. Je comprends tout à fait que l'on puisse ne pas aimer Tintin et Hergé. Je ne suis pas un inconditionnel de Tintin et Hergé. Il n'en reste pas moins que j'aime à me replonger dans ces aventures et que je prends plaisir à les redécouvrir. Je l'ai déjà dit, je n'aime pas les premières aventures de Tintin. Le premier qui me plaise vraiment est, je pense, "Le Lotus Bleu". Par la suite, il en est quelques uns que je considère comme mineurs et d'autres qui me rendent réellement enthousiaste. Ce "Temple du Soleil" est de ceux-ci et je pense qu'il n'est pas étonnant que Philippe Goddin ait commencé par ces deux albums pour nous expliquer d'une façon aussi poussée le monde de Hergé.

La malédiction de Rascar Capac
Bien qu'il soit sans doute Tintinolâtre encore plus que Tintinophile, l'auteur, Philippe Goddin, ne s'interdit pas de lâcher ses flèches contre Hergé et de mettre le doigt sur des erreurs, des invraisemblances, des approximations. Il les explique, les excuse souvent. Hergé ne connaissait pas l'Amérique Latine, il n'y avait jamais posé les pieds, et devait faire avec la maigre documentation à sa disposition. Qu'importe ! L'histoire fonctionne et je continue et continuerai à la lire avec mes yeux d'enfant, comme dans la petite chambre de la cousine.

jeudi 9 octobre 2014

Trou noir

Je peste et fulmine et dehors, c'est presque la tempête. Il pleut des kilolitres de flotte, une flotte qui s'insinue partout et jusqu'à mon intérieur, en passant par la cheminée qui n'est visiblement pas étanche. Puisque je n'arrive pas bien à faire le dessin sur lequel je sue (ce qui ajoute encore à l'humidité ambiante), je vais vous parler aujourd'hui d'un auteur qui sait ce qu'est le noir, Charles Burns.

J'ai découvert Charles Burns dans le film d'animation "Peurs du noir", une œuvre collective avec des courts métrages d'animation de Blutch, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Lorenzo Mattotti, Richard McGuire et, donc, Charles Burns. De toutes ces personnes, celle que je connaissais le mieux était Blutch. Je connaissais un peu Marie Caillou et ignorais tout des autres. Dont Charles Burns, donc.
Pour dire la vérité, j'ai rencontré Charles Burns à l'occasion de son court métrage et puis je l'ai oublié. Son dessin me faisait penser à celui de Mezzo, artiste français et dessinateur de bandes dessinées. Il y a, selon moi, une réelle similitude d'esprit et de technique entre Mezzo et Charles Burns. A un tel point que, je le reconnais, je les confondais.
Je l'ai déjà dit, me semble-t-il, mes goûts en matière de bande dessinée me guident de préférence vers la BD d'humour. En premier, avant la qualité du dessin, il faut que ça me fasse rire. C'est pour cela que j'aime beaucoup, entre autres, Binet, Lefred Thouron ou Vuillemin et que je déteste (ou presque) toutes les productions de ces merveilleux dessinateurs qui m'ennuient à mourir.
Pour sûr, le livre dont je vous parle aujourd'hui, "Black Hole", n'a pas pour idée de faire rire. Normalement, je n'aurais pas dû m'y intéresser et il est évident que si ce n'avait pas été un copain qui l'avait prêté à mon frangin qui, à son tour, me l'a prêté, je ne l'aurais pas lu. "Black Hole" n'est pas de la BD humoristique et, même, est finalement assez éloigné de la BD. Le livre nous raconte une histoire d'une noirceur sombre (?) et terrifiante d'adolescents atteints d'une étrange maladie. C'est violent. Très.

Charles Burns - Black Hole
Je suis entré dans ce livre sans grand plaisir et en me demandant si j'allais aller au bout. Pour moi, nous sommes plus dans le cadre d'un roman illustré que dans une vraie BD. Charles Burns aurait pu se passer des phylactères et faire comme les ancêtres des bédéistes, mettre du texte sous les dessins. Du coup, la lecture de ce livre n'est pas tout à fait comme la lecture d'une BD plus traditionnelle. Chaque case est indépendante de celle qui suit (et de celle qui précède aussi). Enfin pas tout à fait parce qu'il y a tout de même une histoire que l'on suit de case en case mais je me comprends[1]. L'auteur nous emmène dans un cauchemar qui met réellement mal à l'aise. Il met en scène quelques adolescents à qui il arrive des choses que l'on qualifiera de bizarres. Pour le moins. Très étranges, ces choses. Il y a du sexe, de la drogue, de l'alcool, du sang, des morts, des bouts d'os, des monstres et des mutations inexpliquées. C'est déprimant et dépressif en plus d'être jouissif.

Charles Burns - Black Hole
Mais plus que l'histoire hypothétique[2], c'est l'art et la maîtrise de cet art de l'auteur qui ont retenu mon attention. Charles Burns est un maître incontestable du noir et blanc. C'est un fou furieux de l'encrage. Techniquement, j'arriverais à réaliser ce qu'il fait, je serais heureux ! Par contre, j'espère qu'il a un contrat avec son fournisseur d'encre parce qu'il ne lésine pas à en mettre, de l'encre. Je me suis demandé s'il n'utilisait pas de la carte à gratter mais je ne le pense pas. La précision du trait est impressionnante. Au niveau du dessin, à mon avis, il n'y a jamais rien en trop, jamais rien à ajouter non plus. Rien à jeter, c'est certain. Il n'y a pas un seul passage qui ne soit pas purement en noir ou en blanc. Il n'y a pas de trame, pas de faux-semblant. Que du noir et du blanc, de la nuit et de la lumière. C'est beau !

Charles Burns - Black Hole

Notes

[1] Si vous ne me comprenez pas, dites-vous que ce n'est pas très important.

[2] Je ne suis pas certain qu'elle soit si importante.

samedi 4 octobre 2014

Genre de type

De quoi puis-je donc vous parler ? Il y en a marre des dessins de moto, il y en a marre des photos. Ah tiens ? Ah oui ! Et si je vous parlais d'un bouquin que j'ai lu récemment ?

Ce devait être en 1992. Une connaissance de l'époque m'avait conseillé et prêté un bouquin d'un auteur que je ne connaissais pas. Un auteur américain, John Irving. Le bouquin, c'était "Le monde selon Garp". L'un des meilleurs bouquins que je n'ai jamais lu.
"Le monde selon Garp", je l'ai dévoré. Je ne pouvais pas en sortir, je l'ai lu à toute vitesse et j'ai regretté de n'avoir pas pris le temps de le savourés plus lentement, pour faire durer le plaisir. Par la suite, j'ai cherché les bouquins de John Irving et, sans les avoir tous lus, j'en ai lu tout de même quelques uns. Le problème, c'est que jamais je n'ai retrouvé le plaisir rencontré avec le premier. Ce dernier, "À moi seul bien des personnages", n'arrive certainement pas à surclasser "Le monde selon Garp".

John Irving a ses obsessions. Il aime parsemer ses romans de personnes à qui il arrive des petits soucis conduisant tantôt à une amputation tantôt à un éborgnage. Il aime ça. Il aime aussi placer quelques pages de sexe et caser dans l'histoire des allusions à la lutte greco-romaine.
La lecture de ce dernier roman a été éprouvante. Je me suis ennuyé, pour dire la vérité. Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire parce que vous pourriez avoir l'intention de lire le bouquin mais, sans rien trop dévoiler, je peux expliquer qu'il est question de suivre la vie d'un personnage depuis son enfance jusqu'à un âge déjà bien avancé. Au début, Billy, jeune adolescent, rêve de devenir écrivain. Il se rend compte peu à peu de son attirance pour les filles à poitrine menue et pour les hommes. Voilà. Je n'en dis pas plus. Durant un peu moins de six-cents pages, on va découvrir l'éducation sentimentale de ce jeune homme puis sa vie. On va pouvoir aussi connaître la vie de plusieurs personnages annexes et assister à des histoires tristes ou pas.
Il est question d'homosexualité, dans ce roman. La bi-sexualité du personnage principal, l'homosexualité d'autres personnages. Comme l'action se déroule sur de nombreuses années, on découvre l'arrivée du SIDA, la mort, l'abandon. Il y a aussi la quête d'un père absent, les non-dits familiaux, le théâtre et plein de choses.
Ce roman n'est pas mauvais mais il n'est pas parvenu à me tenir en haleine. Peut-être parce que le sujet ne m'intéresse pas vraiment ? Peut-être parce que je ne me reconnais dans aucun des personnages ? Je ne sais pas trop. Si vous avez l'occasion de le trouver, lisez-le tout de même. Si vous n'avez jamais rien lu de John Irving, j'hésite entre vous conseiller de découvrir son premier roman en premier ou de surtout vous recommander de ne le lire qu'après en avoir déjà lu plusieurs autres.

À moi seul bien des personnages - John Irving

samedi 20 septembre 2014

Les boules de Tintin

La tintinophilie est une curieuse maladie qui, le plus souvent, vous tombe dessus dans l'enfance et dont vous avez le plus grand mal à guérir. En plus d'être chronique, cette maladie est très contagieuse. Je viens de terminer la passionnante lecture de "la Malédiction de Rascar Pacac", ouvrage de Philippe Goddin qui retrace la genèse de l'album "les 7 boules de cristal" en l'expliquant, en le mettant dans le contexte de l'époque, en parlant de Hergé et de sa collaboration avec Edgar P Jacobs.

On aura beau dire ce que l'on voudra, Hergé et son héros principal, Tintin, sont des socles indéboulonnables de la bande dessinée. On peut ne pas aimer ou prétendre ne pas aimer, on ne peut pas nier que l'œuvre de Hergé est un pan majeur de cette forme de narration.
Il est couramment admis que l'on peut mettre à part les trois premiers albums de Tintin. Dans le premier, Hergé faisait sans doute preuve de trop d'anti communisme, dans le deuxième album, il était certainement trop colonialiste. Pour le troisième, celui où Tintin part combattre la maffia aux Etats-Unis d'Amérique, on notera probablement qu'il donne une vision peu compatible avec la "bien pensance" de rigueur depuis bien des années, notamment dans sa description des indiens.
Il y a des tintinophiles, il y a aussi des tintinophobes. On a souvent reproché à Hergé d'avoir représenté les méchants sous des traits caricaturaux trop marqués. De fait, il est bien difficile de prendre la défense de Hergé sur la question du racisme. On lui a aussi fait le procès de sa position vis-à-vis de l'occupant allemand durant la dernière guerre mondiale. Hergé a continué à collaborer avec le journal qui publiait ses planches alors que ce titre était tombé sous le contrôle des nazis. De fait aussi, dans les différents albums qui conduisent Tintin hors d'Europe, on ne peut pas ne pas constater des propos très douteux. On a beaucoup écrit sur Hergé et mon avis est que le personnage n'était pas au-dessus de tout soupçon. Ceci dit, il nous a laissé quelques belles histoires dont celle qui nous occupe aujourd'hui, parue en deux albums. "Les 7 boules de cristal", donc, suivi de "Le temple du soleil".
"Les 7 boules de cristal" est réalisé durant la guerre, sous occupation nazie. Avant d'être un album, il paraît sous la forme de planche de quelques cases quotidiennement ou presque dans le journal "Le Soir". L'ouvrage conçu par Philippe Goddin nous propose de découvrir cette version originale du récit avec beaucoup de détails, d'explications, de commentaires, de documentation. On aura intérêt de se munir le l'album et de lire les deux versions concomitamment afin de comparer. Evidemment, la version parue dans le journal est au trait. Pour la parution en album, les planches seront découpées et remontées, elles seront mises en couleur, le lettrage sera entièrement refait. Des parties seront abandonnées tandis que d'autres seront revues ou créées pour l'album. Ce qui est vraiment très intéressant, c'est de pouvoir se plonger dans la méthode de travail de Hergé. Par exemple, il mettait souvent Edgar P Jacobs à contribution pour croquer une posture ou une position.

La Malédiction de Rascar Capac - Philippe Goddin
Alors voilà, entre un Hergé qui se laisse aller à exprimer des idées antisémites, racistes, anti-bolchéviques, qui aurait collaboré avec les nazis[1] en travaillant pour le journal volé[2] et Tintin qui a tant fait voyager les jeunes et leur à fait découvrir l'Amérique du Sud comme le Tibet, les fonds sous-marins comme les cirques lunaires, qui a rencontré le Yéti et tant d'autres personnages, entre ce dessinateur qui est un homme avec ses faiblesses et ses parts d'ombre et les Dupondt, Tournesol, Haddock, la Castafioire et Séraphin Lampion, Rastapopoulos et Nestor, le bilan est, à mon avis, positif. Aujourd'hui, je ne saurais dire combien d'années après ma première rencontre avec Tintin, je prends toujours un vrai plaisir à lire certains albums.
On m'a communiqué alors que je suis en train d'écrire ce billet[3] un lien vers le site de France Culture qui permet d'écouter une série d'émissions consacrées à Hergé et Tintin.

Notes

[1] Mais il faut aussi reconnaître qu'il lui fallait travailler pour vivre.

[2] Selon les termes mêmes utilisés à l'époque.

[3] Le billet est écrit le vendredi 19 septembre.

vendredi 12 septembre 2014

Durable l'est ? C'est de l'ex !

La revue motocycliste qui voit et boit rouge

Aujourd'hui, vendredi 12 septembre 2014, après cinq années d'arrêt, la MZ a redémarré.
Ça n'a pas été une mince affaire et il reste du travail à faire pour qu'elle puisse rouler. Le pneu avant est crevé, il faut trouver une batterie, le carburateur fuit, mais elle démarre.
Je suis un peu content tout de même.

jeudi 17 juillet 2014

Catastrophique

Affirmer que je suis passé à côté de ce roman relève du doux euphémisme. J'ai été attiré par le titre qui était, à mon sens, plein de promesses d'humour et de rires et il se trouve que je me suis ennuyé comme rarement à sa lecture.

Une putain de catastrophe. Avouez que le titre est accrocheur. Je ne connaissais pas l'auteur, David Carkeet. Je n'en avais jamais entendu parler. Je passe dans une librairie et je vois cette couverture et ce titre. Je feuillette rapidement et j'achète. Et je lis. Et je peine à lire. Les pages passent lentement. Souvent, j'arrête avant la fin du chapitre, je suis à deux doigts d'abandonner.
Et pourtant, malgré tout, il y a de bons moments. Le problème, c'est qu'ils me paraissent noyés dans le tout et que le tout ne me plaît pas. Mais de quoi s'agit-il donc ? Il est question d'un linguiste spécialiste des adverbes kickapoos, Jeremy Cook, qui est embauché par l'agence Pillow, du nom du dirigeant de l'agence, spécialisée dans le sauvetage des couples à la dérive. Jeremy Cook va vivre avec les Wilson, couple avec un enfant au bord de la rupture afin d'analyser et de sauver le couple du divorce.
Et l'humour dans tout ça ? Bah. Oui, bien sûr, M. Pillow est bien bizarre et excentrique, Jeremy Cook est gaffeur, misanthrope, indécis, quelques scènes de la vie du couple Wilson parviennent à faire sourire. Mais dans l'ensemble, ce n'est pas le fou rire non plus.
Je ne suis pas entré dans l'histoire du tout. Dans la mesure où le personnage de Jeremy Cook est apparu dans un précédent roman (et dans un suivant également), je me demande s'il ne me manque pas quelques éléments pour bien comprendre ce roman. Ce n'est pas impossible. Peut-être aussi ce roman s'adresse-t-il plus à des personnes vivant en couple. Ce roman explique combien il est difficile de communiquer au sein du couple, comment un couple peut faire naufrage à cause des mots mal dits, des non-dits, aussi. Il traite aussi des différences entre les hommes et les femmes. Et bon, voilà.
J'ai tellement l'impression d'être passé à côté de ce roman que je me demande si ce ne serait tout simplement pas que je n'ai pas le niveau requis pour le comprendre, pour le savourer. Je ne peux pas vous conseiller cette lecture mais ça m'intéresserait que vous le lisiez et me disiez à l'occasion ce que vous en aurez pensé.

Une putain de catastrophe — David Carkeet

jeudi 1 mai 2014

Trilogie Verhoeven

Pierre Lemaitre, suite et fin. Je viens de terminer la lecture du dernier roman de la trilogie Verhoeven. Une trilogie qu'il me plairait voir se transformer, au moins, en tétralogie.

Comme je l'ai précédemment expliqué ici même, j'ai découvert Pierre Lemaitre avec "Au revoir là-haut". J'ai tellement aimé ce Goncourt 2013 que je me suis mis en tête de lire l'intégralité (ou presque) de l'œuvre de l'auteur. Tâche d'autant moins insurmontable que l'œuvre n'est pas pléthorique. En tout et pour tout, elle peut se résumer à cinq thrillers et au Goncourt. A cela, selon wikipedia, on peut trouver un roman qui aurait été d'abord publié sous forme numérique et qui serait désormais édité sous une forme plus claissique. Celui-ci, je ne l'ai pas trouvé et ne l'ai donc pas lu.
Nous avons donc "Robe de marié", "Cadres noirs" et la trilogie Verhoeven dont je vous ai déjà entretenu avec le premier roman de la série, "Travail soigné". Cinq romans que j'ai avalés avec gourmandise. Pierre Lemaitre parvient à construire des histoires prenantes et angoissantes mais surtout extraordinairement efficaces, superbement bien construites et magnifiquement bien écrites. En fait, mais vous l'aurez sans doute compris, je suis devenu à une vitesse record un inconditionnel de Pierre Lemaitre.

La trilogie Verhoeven

Nous rencontrons le commandant Verhoeven dans "Travail soigné". Il est policier à la brigade criminelle. Sa taille ne va pas lui permettre de jouer les gros bras. On le comprend vite. Donc, ce sera avec la tête qu'il résoudra les affaires auxquelles il va être confronté. Et justement, dès le premier épisode, des affaires, il en a plein les bras. Il faut dire qu'il y a un serial killer qui s'est mis en tête de tuer des femmes en s'inspirant de romans du style thriller d'auteurs qui font référence dans le domaine. Une idée qui peut paraître bien saugrenue mais qui va avoir des conséquences importantes sur la vie du commandant Verhoeven. Je n'explique pas l'histoire parce que je présume que vous ne tarderez pas à vouloir la découvrir par vous même si ce n'est pas déjà fait.

Avec "Alex", deuxième épisode de la trilogie, nous sommes en présence d'une jeune femme, Alex. La construction du roman est remarquable. Dans la première partie, Alex est clairement présentée comme une victime. Elle est enlevée puis séquestrée dans une cage de taille réduite pendue au plafond. Si Pierre Lemaitre suggère que ces cages rappellent les "fillettes" de Louis le onzième, il semble que ce ne soit pas une vérité puisque ces "fillettes" seraient plus probablement un ensemble de lourdes chaînes lestées de masses de fer dont on recouvrait certains prisonniers. Mais passons.
Dans la deuxième partie, après que Alex ait réussi à s'extraire de sa prison inconfortable, elle se découvre sous un autre jour puisque nous la suivons dans ses pérégrinations durant lesquelles elle fait passer de vie à trépas tout un tas de personnes en usant de méthodes peu charitables et, n'ayons pas peur des mots, carrément cruelles. De victime, elle apparaît donc comme coupable et le lecteur ne sait plus vraiment que penser de cette femme jeune et visiblement jolie. La troisième et dernière partie offre un éclairage sur la situation réelle et permet de comprendre l'incroyable esprit de vengeance qui meut Alex. On ne comprend que dans les dernières pages les tenants et les aboutissants et on parvient enfin à tirer le fil de l'écheveau qui dénoue toute l'intrigue. Ce roman est haletant et terriblement prenant.

Dans "Sacrifices", nous retrouvons le commandant Verhoeven quelques mois après qu'il ait réussi à reconstruire sa vie. Il a une nouvelle compagne, il nage de nouveau dans un semblant de bonheur domestique et, si l'un de ses principaux collaborateurs vient de mourir d'un cancer, l'avenir peut paraître promis à la plénitude et à la joie de vivre. Hélas, comme souvent dans la vie, rien ne va tout à fait comme c'était prévu ou attendu. Ne voilà t'il pas que Anne, le nouvel amour du commandant Verhoeven, est passée à tabac dans un passage parisien, à proximité d'une bijouterie qui est en train de se faire braquée par une bande de malfaisants particulièrement violents. Dents cassées, profondes blessures au visage et au corps, doigts brisés, Anne se retrouve aux urgences et le commandant Camille Verhoeven, au mépris de sa direction et au risque de se voir démettre de ses fonctions et de se voir mis au ban de la société va chercher à retrouver les coupables en faisant de cette histoire une affaire personnelle. Il ne voit pas venir le piège qui, peu à peu, se referme sur lui. Des trois romans de la série, c'est peut-être le plus psychologique et le plus noir. On suit avec douleur le parcours de Verhoeven dans un sac de nœud auquel on peine à trouver quelque chose à quoi se raccrocher. On perd pied comme le policier, on ne comprend pas tout, on imagine des choses et enfin vient le dénouement. Magistral !

Trilogie Verhoeven - Pierre Lemaitre

lundi 21 avril 2014

Ça ne cadre pas

Avec "Cadres noirs", Pierre Lemaitre nous donne une vision noire et cruelle du monde de l'entreprise à travers l'incroyable aventure d'un cadre au chômage de cinquante-sept ans qui se lance dans une action désespérée pour se révolter.

Alain Delambre est un cadre au chômage. Il a 57 ans, une femme, deux filles et un moral dans les chaussettes. Depuis quatre ans, depuis son licenciement, il va de désillusion en désillusion. Au début de l'histoire que nous raconte Pierre Lemaitre, il travaille dans un centre de logistique de produits pharmaceutiques. A la marge de la dépression, il pose sa candidature pour un poste de cadre dans une importante entreprise pétrolière.
Le recrutement se fait bizarrement. Dans un premier temps, tout semble parfaitement normal mais, bien vite, ça prend une tournure peu banale. L'idée de la direction est de faire d'une pierre deux coups. D'un côté, on recrute le meilleur candidat pour un poste, de l'autre on évalue des cadres installés dans l'entreprise. Pour cela, on va simuler une prise d'otage durant laquelle l'intégrité et la fidélité de ces cadres seront mises à l'épreuve. Alain Delambre est retenu parmi tous les candidats au poste avec quelques autres personnes. Seulement, à quelques jours de l'ultime épreuve durant laquelle il doit participer au simulacre de prise d'otage et juger les cadres, il apprend quelque chose qui lui fait péter les plombs. Il parvient à se procurer arme et munitions et se lance dans une vraie prise d'otages. La police intervient, il se rend et est envoyé en prison dans l'attente de son jugement. Il risque trente ans de détention.
Seulement, Alain Delambre a réussi à l'occasion de sa prise d'otages à avoir accès au réseau intranet de l'entreprise et à dérober quelques millions d'euros. Le PD-G de l'entreprise tient à récupérer la somme détournée et Alain doit faire face à des menaces et des actes de torture dans l'enceinte de la prison. Pour sa défense, il demande l'aide de l'une de ses filles avocates. En silence, dans le plus grand secret, sans rien dire ni à ses enfants ni à sa femme, il élabore un plan.
Finalement, le procès se déroule plutôt très bien et Alain Delambre est libéré bien vite. Mais alors que l'on pense l'histoire terminée, on constate qu'il reste encore bien des pages à lire. En fait, le roman ne se termine pas là. On exige du quinquagénaire qu'il rende l'argent. C'est bien normal. Moi, ça me dérangerait un peu que l'on me prenne plusieurs millions d'euros. Et même si l'on peut imaginer que pour une multinationale ce n'est qu'une peccadille, on comprend que ça ne fait pas plaisir. Alain Delambre a plus d'un tour dans son sac et réussit le tour de force de rencontrer le PD-G et de le faire chanter avec une histoire de ministre qui aurait touché des pots-de-vin[1]. Mais c'est sans compter avec une sorte de mercenaire patibulaire et vénal qui veut récupérer les millions pour lui ! La vie de Niicole, l'épouse de Alain, est en danger. Elle est menacée par ces méchants et elle a peur. Alain a peur pour son épouse aussi et s'engage une tentative désespérée pour échapper aux malfaisants au cours de laquelle on assiste à une course poursuite dans les rues de Paris.
Heureusement, par bonheur, il y a Charles. Charles, c'est un semi-clodo alcoolique qui travaille dans l'entreprise de logistique de produits pharmaceutiques où travaillait Alain. Ils sont devenus amis. Charles vit dans la rue, dans sa Renault 25 V6 Turbo qui a un joint de culasse défaillant. C'est lui qui va faire don de sa vie pour sauver celles de Alain et Nicole. Un saint, ce Charles. Du coup, plus de méchants. Alain a une grosse somme d'argent. Il en donne à ses filles et à sa femme. Mais l'argent ne fait pas le bonheur, on le sait. Si l'une des filles accepte l'argent et trouve comment l'utiliser, il n'en va pas de même pour l'autre fille (l'avocate pleine de principes) et de Nicole qui en profite pour quitter Alain et s'en aller vivre seule dans un modeste appartement de banlieue.

Pierre Lemaitre - Cadres noirs
Je n'ai pas aimé ce roman de Pierre Lemaitre. Il est très largement en dessous de ceux que j'ai pu lire précédemment. Où est le problème ? La trame aurait pu être intéressante. Un cadre dépressif qui réalise une prise d'otage parce qu'il sent qu'il n'aura pas le poste pour lequel il est candidat aurait pu donner un roman haletant. Là, on a un roman un peu poussif émaillé de ficelles un peu grosses et de rebondissements auxquels on peine à donner crédit. Je suis peut-être un peu chiant mais moi, les histoires de petit génie de l'informatique qui parvient à s'infiltrer dans un système informatique et à trouver en un temps record exactement ce que l'on cherche avec une facilité déconcertante, ça a tendance à m'agacer. Pour moi, ça tient du deux ex machina grossier. Peut-être que ça en épate encore certains mais moi, ça m'agace. C'est trop facile. Dans cette histoire, Alain Delambre, cadre quinquagénaire au chômage, parvient à faire virer une somme conséquente d'un compte secret (il s'agit d'une caisse noire) jusqu'à des comptes situés dans des paradis fiscaux, comme ça, en quelques minutes, juste depuis un vulgaire PC portable connecté à l'intranet d'un grand groupe industriel. Je dis chapeau. Réussir à s'infiltrer dans l'intranet, passe encore. Admettons. Mais pour le reste, rien que l'histoire de tomber sur les comptes, sur les numéros et mot de passe, tout ça. Non, vraiment, très fort cet Alain Delambre. Sur le fond, l'idée aurait pu être bonne. Il s'agit d'un roman psychologique et Pierre Lemaitre aurait pu donner plus de corps à son personnage. Là, on comprend qu'il est dépressif, on le comprend, on se prend un peu de pitié pour lui et on finit par ne plus le trouver si sympathique. On ne le comprend simplement plus. En fait, il me semble que soit la première partie est trop longue, soit la seconde est trop bâclée. Mais surtout, j'ai le sentiment que le roman a pu débuter d'un simple entrefilet dans la rubrique des faits-divers d'un journal. Un cadre au chômage prend en otages son futur employeur et ses futurs collègues. Après, on brode, on se rend compte que l'on ne parvient pas à faire une histoire assez longue et on ajoute des éléments d'intrigue comme ils viennent.
Pour moi, ce roman est globalement peu crédible et c'est bien dommage. J'aurais vraiment aimé me conforter dans l'idée que Pierre Lemaitre est le meilleur auteur du moment. Pour tout dire, il ne m'avait pas déçu jusque là et j'espère juste que je retrouverai cet écrivain au meilleur de sa forme dans le roman que je m'apprête à débuter.

Note

[1] Franchement, ces écrivains imaginent de ces choses !

samedi 19 avril 2014

Robe de marié ou les malheurs de Sophie

Pierre Lemaitre, je vous en ai déjà parlé. Il y a eu le prix Goncourt qui me l'a fait rencontrer et m'a donné l'envie d'en lire plus. Hier soir, je terminais la lecture de "Robe de marié", sans faute d'orthographe.

Pierre Lemaitre est un génie. Un écrivain génial. Après "Travail soigné", son premier roman paru en 2006, je me suis plongé dans son deuxième avec "Robe de marié" datant de 2009. Comment et pourquoi ne l'ai-je pas découvert à l'époque ? Mystère. Pourquoi a-t-il fallu attendre ce prix Goncourt pour "Au revoir là-haut" ? Re-mystère. Et dire que sans ce prix et sans la couverture médiatique qui l'a accompagné, je ne connaîtrais sans doute toujours pas cet auteur qui, pour le moment, est celui que j'ai le plus envie de suivre.
Dans ce thriller diablement efficace, nous rencontrons une jeune trentenaire, Sophie, à un moment de sa vie où tout ne va pas vraiment pour le mieux. Elle est folle. Elle se bat contre sa folie à laquelle elle ne comprend rien. Elle ne se souvient de rien, Sophie. Elle oublie tout et surtout le plus grave. Elle égare des objets, rend des livres à la bibliothèque avant de les avoir lus et ceci sans en avoir le moindre souvenir, elle perd sa voiture, elle ne retrouve pas les cadeaux d'anniversaire, elle perd son travail, sa belle-mère, son mari, sa tête, sa santé. Elle est folle, elle perd pied, elle fuit, change de vie, de nom, de ville.
Le roman est découpé en parties. La première se focalise sur Sophie, meurtrière inconsciente et perturbée. Les autres parties, je ne vous en parle pas. Il vous faudra lire le roman pour savoir.
C'est facile mais voilà. Je ne peux pas éviter d'affirmer que Pierre Lemaitre est un maître. J'ai un peu honte de ne pas avoir résisté à cela mais il n'avait qu'à prendre un pseudonyme. Je n'y suis pour rien. Ce serait-il appelé Pierre Tartempion, ça serait passé comme une lettre à la poste. Ce roman est ce que l'on peut appeler un modèle du genre en matière de thriller psychologique. On entre dès les premières pages dans la tête perturbée, dans le cerveau tourmenté de cette pauvre Sophie qui a bien des malheurs. Elle oublie tout, sent qu'elle devient folle. On compatit et on tourne les pages sans pouvoir lâcher le morceau. On veut savoir où cela va la mener. On se retrouve à avoir un sentiment très mitigé sur sa personne. On la pense folle à lier, dangereuse, bonne à enfermer mais il y a un petit quelque chose qui fait que l'on est tout de même de son côté. Il faut dire qu'elle est attachante, Sophie. Vraisemblablement jolie, visiblement intelligente, elle ne semble pas pleinement responsable de ses actes. Vraiment, on est pris d'une sorte d'empathie pour cette jeune femme et on voudrait pouvoir l'aider.
L'autre personnage clé de l'histoire se prénomme Frantz. Ce n'est pas tout à fait comme Kafka mais on a peine à ne pas y penser. Il me semble impossible de parler plus avant de ce type sans trop en dévoiler sur l'histoire. Ce serait dommage de vendre la mèche. Ceci dit, je peux tout de même vous apprendre qu'il a un rôle primordial dans le roman. Avec lui, on tombe dans le sadisme le mieux étudié. En tant que lecteur, j'ai navigué continuellement dans un mélange de fascination et d'exécration à son sujet. Mais je n'en dis pas plus.
Le roman est écrit dans un style très factuel. C'est l'une des forces de Pierre Lemaitre. Il écrit ce qui est utile à l'histoire, il ne se perd pas dans l'évocation de détails sans importance. Chaque mot est pesé, présent parce que parfaitement nécessaire. C'est un style d'apparence simple, clair et précis mais il est aussi d'une intensité et d'une profondeur remarquables. Pierre Lemaitre est, à mon sens, un écrivain majeur de ces dernières années. Une fois encore, je regrette de ne le découvrir que maintenant. Sitôt ce roman terminé, j'en ai ouvert un autre. Je pense sincèrement que je n'en ai pas fini avec Pierre Lemaitre !

Robe de marié - Pierre Lemaitre

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