Les enquêteurs Dan Ball et Ali Soue étaient partis tôt ce matin là. Ils avaient reçu pour mission de remonter la piste qui devait mener jusqu'au génie des sales pages masqué repéré à Changé, en Mayenne, là-bas, loin, aux limites du monde civilisé, en des terres inhospitalières et désolées. Ils avaient maugréé, ils avaient tenté de transiger avec leurs supérieurs mais ces derniers avaient été fermes et décidés, c'étaient à ces deux enquêteurs d'élite que revenait la difficile affaire. Il dépendait d'eux de faire toute la lumière sur celle-ci. Ils avaient pris la route pour Angoulême en prenant les petites routes dans ce petit matin qui déjà les éloignait du Périgord glorieux.
Après une halte propice à la vidange de leur vessie, les deux fins limiers reprirent la route. Ali avait pris le volant et il conduisait vite en gardant un œil vigilant pour traquer les éventuels radars. On avait quitté la Charente, on était dans le département de la Vienne, on se dirigeait vers les Pays de la Loire et le département du Maine-et-Loire, Angers. Ils y prirent un repas. Dan Ball devait y rencontrer un informateur qui rejoignit les enquêteurs alors que les cafés étaient servis. Discrètement, ils se rendirent dans un pavillon servant de couverture et ils convinrent de la suite de l'affaire pour le lundi suivant au plus tard.
Ali Soue reprit le volant et la petite centaine de kilomètres les séparant de Changé fut avalée rapidement sans problème majeur. Un rendez-vous avait été donné pour 16 heures à la médiathèque municipale. Malgré quelques difficultés pour trouver le lieu et grâce à l'aide bienveillante des indigènes, l'automobile s'arrêtait devant le bâtiment de facture moderne à 15h59. Les deux enquêteurs se précipitaient dans la médiathèque et se dirigeaient d'un pas décidé jusqu'à l'accueil où on leur appris que le génie des sales pages masqué était déjà reparti. C'était un coup dur. Sous l'œil réprobateur de Dan Ball, l'agent spécial Ali affirma avoir pourtant envoyé un courrier électronique au génie des sales pages. Il partit à l'automobile pour y prendre le téléphone portable qu'il avait dans une poche de sa parka militaire pour le cas où il aurait quelqu'un à appeler ou, cela pouvait arriver, répondre à un appel. Il chercha le numéro de téléphone du génie des sales pages qu'il avait réussi à se procurer et attendit que l'on décrochât. L'attente parut longue mais enfin une voix se fit entendre. C'était lui ! Le temps grimper sur son vélo et il arrivait.
L'enquête était délicate et il était question de ramener des preuves photographiques. Chargé de son sac, Ali avait déjà l'appareil photo bien en main et il vérifiait ses réglages. Il n'était pas question de foirer la mission par un manque de préparation.
La bicyclette arriva chargée du corps puissant du génie des sales pages lui-même. Il ne fallait pas paraître impressionné, c'était une des bases du métier de l'enquêteur, ne rien laisser paraître, laisser penser que l'on en avait vu d'autres et pas des moindres. Pensez donc ! Les enquêteurs saluèrent le génie des sales pages et ils entrèrent à sa suite dans la médiathèque. Afin de déstabiliser le génie des sales pages, les enquêteurs décidèrent de le bombarder de questions abruptes dès tout de suite et sans plus attendre. Dan Ball menait l'interrogatoire tandis que Ali Soue faisait des images.
Il s'agissait de ramener un maximum d'éléments de preuve pour accréditer l'existence du génie des sales pages. Il convenait de réussir à ramener une photo de lui et il s'agissait de ne pas se rater sur ce coup. Usant d'un stratagème astucieux, maquillé en touriste japonais, Ali faisait mine de photographier un peu tout et n'importe quoi avec l'espoir que l'on finisse par ne plus faire attention à ses agissements et, surtout, que l'on ne comprenne pas ses buts réels.
Roué, fin psychologue, l'enquêteur Ball avait pensé à se munir de documents capables d'attirer le génie des sales pages dans ses rets. Il les agita à bonne distance du génie des sales pages qui ne put rester insensible à l'appât et s'approcha pour mieux voir ce dont il s'agissait. Non loin de là, Soue mitraillait dans son costume nippon sans discontinuer.
Le piège se refermait sur le génie des sales pages. Les photos se multipliaient, l'identification ne ferait désormais plus aucun doute. Il s'agissait à présent pour le miraculeux Dan Ball de convaincre le génie des sales pages d'accepter de réaliser un dessin de sa main sur un ouvrage précis en échange d'un imprimé illustré amené pour le piéger.
Finalement, le génie des sales pages accepte le marché non sans déclarer qu'il faudra que les enquêteurs acceptent de le suivre dans son repaire. Dan Ball et Ali Soue sentent le piège mais ils se savent assez forts pour s'en sortir la tête haute quitte à user de violence si nécessaire. Avant de suivre le génie des sales pages, Dan Ball vérifie sur un album mis à disposition des visiteurs de la médiathèque que les plans de la bombe à neutrinos corvo-parallèle ne s'y trouvent pas. Rassuré sur ce point, il accepte d'abandonner sa lecture là où il en est.
Mais soudainement, le génie des sales pages s'en vient à se demander s'il ne serait pas en train de tomber dans un traquenard à son insu. Il décide de réfléchir en son for intérieur toute affaire cessante sans plus faire attention à cet imbécile de Japonais qui continue à photographier tout et n'importe quoi.
D'un seul coup, sans que personne ne s'y attende, le génie des sales pages a un coup de génie des sales pages soudain. Il se précipite à l'extérieur de la médiathèque de Changé (Mayenne) et enfourche sa bicyclette. Les enquêteurs n'ont que le temps de rejoindre leur automobile et de se lancer dans une folle course-poursuite. Heureusement, le génie des sales pages est gêné dans sa progression par un véhicule agricole manœuvrant à faible allure. La filature, discrète, permet d'interpeller le génie des sales pages alors qu'il tente de cacher son vélo dans son garage pour le soustraire à la vision des enquêteurs. Il est pris la main dans le sac et il ne peut faire autrement, dès lors, que de se rendre sans condition.
Les enquêteurs s'en doutaient un peu mais à présent c'est une certitude solidement chevillée au corps qui les convainc totalement : le génie des sales pages est droitier et il dessine au Rotring© ! Sous la menace, le génie des sales pages accepte de dessiner gratuitement une 2cv sur une page de son album de bandes dessinées. A présent, il a compris que le Japonais était plutôt un Égyptien déguisé voire un Libanais travesti. Il n'est plus en mesure de lutter, il a baissé les bras, il se laisse photographier la mort dans l'âme. Les forces de l'ordre ont vaincu !
le génie des sales pages essaie de justifier ses actes mais il n'est pas dans les missions de nos enquêteurs d'élite de juger du bien fondé de ses agissements. Se saisissant d'un dossier, le génie des sales pages montre à un Dan Ball et à un Ali Soue impavides ses secrets les plus intimes, la documentation qu'il utilise, les résultats de ses recherches.
Dans une ultime tentative désespérée, le génie des sales pages essaie alors de mettre la main sur un jerrycan d'essence sans plomb qu'il garde toujours par-devers lui pour les cas les plus désespéré afin de s'immoler par le feu. Ainsi, ses plans secrets qui auraient pu lui permettre de conquérir le monde disparaîtraient avec lui dans un incendie spectaculaire et chaleureux. C'était sans compter sur le professionalisme des deux enquêteurs qui, subrepticement, avaient écarté allumettes et briquets. Alors, tout alla très vite. Le coupable était désormais débusqué, il n'y avait plus aucun doute, on le tenait. Le monde libre était sauvé ! Avec un rien de solennité, Dan Ball extirpa une paire de menottes du fond de la poche gauche de son pantalon de velours cotelé et les passa aux poignets du dangereux génie des sales pages du mal. Son sort allait désormais être du ressort de la justice. Les enquêteurs, une fois encore, avaient rempli leur mission avec célérité et ils pouvaient espérer une belle promotion.
1 De Dan Bal - 02/04/2019, 10:55
Hélas, nous sommes mardi et la suite de l'affaire ne semble pas se préciser telle qu'elle avait été présentée par l'informateur au jour de l'enquête...
Les informateurs ne sont plus ce qu'ils étaient... Sûrement un type à la solde du gouvernement !
2 De Inspecteur Latulipe - 02/04/2019, 10:57
Vous avez eu de la chance, le génie s'est laissé prendre "sans bouillir".
Sinon, vous étiez fichus.
3 De arielle - 02/04/2019, 11:19
Excellent. J'ai bien ri ! Bravo aux acteurs visible : Alain et Marc :-)
4 De F mur-mur - 02/04/2019, 11:33
Ce génie, a-t-il un rapport avec le F ?
Ayant été chargé de rédiger un dictionnaire nombriliste autour de cette respectable consonne, je souhaiterais savoir si ce génie a un quelconque rapport avec la lettre F ? Avait-il un pseudonyme pendant la résistance qui pourrait le laisser imaginer ? Se faisait-il appeler le Facteur Fou, ainsi que le relate Félix Fauderche dans son "Anthologie de la résistance en Mayenne à la fin des années 40" publiée aux Éditions Uchroniques (462 pages, 29,99 €) ?
Que de questions soulevées par le post d'aujourd'hui.
5 De Robert Nibard - 02/04/2019, 11:37
@F mur-mur : Avez-vous demandé l'autorisation à rédiger un dictionnaire (cerfa 1358-3) ?
6 De Tournesol - 02/04/2019, 12:03
Prétendument publié chaque mardi,oui :-)))
Sympa ce reportage.
7 De Waldo7624 - 02/04/2019, 13:29
@arielle : Le vrai héros du blog, c'est quand même le génie ici cité !
8 De Liaan - 02/04/2019, 14:10
Le génie des sales pages, c'est comme qui dirait, génial.
9 De Tournesol - 02/04/2019, 16:36
Ce matin l’prefet a dit
A Ferdinand et Camille
« Allez déboulonner l’Génie
Le Génie de la Bastille
Orgueil de notre capitale
Notre Génie est vraiment sale
Portez le vite à l’atelier
Afin de le faire redorer »
Le Génie traversa Paris
Entre Ferdinand et Camille
Mais devant l’atelier ils ont dit
« Zut,c’est fermé jusqu’à lundi
Le Génie nous reste sur les bras
Portons le au commissariat »
« Ah non! »Dit l’agent de service
Pas de Génie dans la police.
Ricet Barrier.
10 De fifi - 02/04/2019, 23:20
Sur la piste du génie, oui mais sans ce beau texte et ces splendides photos, où serait il , encore planquait dans son grenier ;-)))
Un grand merci à vous trois, vous faîtes bien la paire ☻
11 De Le prof Turbled, peuchère! - 03/04/2019, 10:08
C'est sûr, ce publi-reportage est bien réalisé, drôle et fort divertissant. On peut même y apercevoir (!) Liaan.
12 De Liaan - 03/04/2019, 14:14
Ne pas oublier cet article de Ouest-Transe !
Avant que ce ne soit le quatrième âge (article) c'était le troisième qui passait.
@Le prof Turbled, peuchère! : Et une (maigre) partie de mon bazar !
13 De L'I.A. de service - 03/04/2019, 19:38
@Liaan : Le génie ne fait plus recette...
14 De Liaan - 03/04/2019, 20:06
@L'I.A. de service : Vous pensiez qu'il sortait d'une bouteille de Nég'ita ?
15 De Le prof Turbled, aïoli addict - 03/04/2019, 20:59
@Liaan : Justement, où est elle, celle là? Vous l'aviez proprement et prudemment escamotée quand vous avez vu la trombine des envoyés spéciaux?
16 De Liaan - 03/04/2019, 21:31
@Le prof Turbled, aïoli addict : 'fectivement.
Quand j'ai vu leurs dégaines, je me suis dit qu'il n'avaient pas trop des tronches à sucer de la glace, les lascars. Ils ont trop regardé de films américains avec des détectives qui sifflent leur whiskies en veux-tu-en-voilà.
17 De Dan Ball - 03/04/2019, 23:14
@Liaan : les "détectives" se sont quand même tapés un peu plus de 900 bornes aller-retour à une allure moyenne d'environ 75km/h sur des routes secondaires. Avec une goutte de Neg'ita dans le café, ils auraient bien pu gagner un quart d'heure, et se coucher plus tôt !
18 De Inspecteur Latulipe - 04/04/2019, 07:36
@Dan Ball : Une belle publicité pour le Nég'ita !
Mieux que le compresseur Constantin !
19 De Maurice la grammaire - 04/04/2019, 10:35
@Inspecteur Latulipe : à ne pas confondre avec l'empereur Constantin, ou encore le regretté Jean Constantin, qui n'avaient ni l'un, ni l'autre de rapport avec le Nég'ita, ni avec les compresseurs.
Comme quoi...