Dommage, il a du potentiel, ce personnage.
Ce pourrait être un spéléologue, un skieur de championnat régional, un champion de patin à roulettes, un coureur automobile, un aviateur casse-cou, un brave motocycliste ou tout simplement un mythomane qui se la pète.
Cherchons la raison du refus...
Pantalon en accordéon ? Chaussures surdimensionnées ? Sourire Lecanuesque ? Casque non homologué ? Port de lunettes de soudeur sans formation professionnelle ? Ou plus simplement air con ?
On s'interroge...
Refusé pour quel usage? Il pourrait faire une pub pour le dépistage du strabisme.
Je sais pas vous mais moi je trouve qu’il fait un temps à boire du kirsch.
@Liaan : Vous n'y êtes pas du tout, on ne voit qu'une face où il est imprimé : " refusé ", avec l'attirail qu'a notre bonhomme, je songerai plutôt à une planche à roulettes.
Mais où sont les roulettes ? Transparentes aussi ? La technologie fait des merveilles...
Et s'il s'agissait d'un dessin qu'un client malgracieux, inconstant et votant probablement à droite aurait commandé au maître du blog, et qu'il aurait ensuite refusé pour d'inavouables raisons tant obscures que fallacieuses ?
@Maurice la grammaire : Un motard saxophoniste dans l'orchestre philharmonique d'Azerat. Nous voyons ici l'ébauche, à laquelle manque encore le saxophone.
@Le Prof Turbled : pas mal vu ! Mais alors, pourquoi refusé ? L'orchestre philarmonique d'Azerat n'aurait pas les moyens de se payer l'instrument ? Ou bien notre Père Michel ne saurait dessiner que les accordéons, les harmonicas et les binious ?
Le mystère s'épaissit.
@Liaan : En vrai, c'est un type, qui roule en mob, au comptoir du Bar des Amis. Il répète la scène, normalement il tient un verre et va sortir une connerie.
@Le Prof Turbled : Vous qui vivez à la campagne, z'avez dû en voir, des pochtrons qui gardaient leur casque tout en étant accoudés au comptoir, non ?
Revoir les bandes dessinées de Bouzard.
@A. Lebussat : De la campagne, et un temps derrière le comptoir.
Je suis doublement témoin de ces errements éthylico-ruraux.
Sûr que j'en ai vu, des poivrots hauts en couleurs. Et même avec le casque à l'envers! Et même dormant dans le fossé, retour de la fête au village, la mob appuyée au talus, le dimanche après-midi, les forces faisant défaut pour rentrer à la ferme. Tout ça n'était pas bien grave, et faisait partie des habitudes. D'ailleurs, il n'y avait quasiment jamais rien à déplorer.
Oh, il y a bien 40 ans que je suis privé de ce plaisant spectacle.
C'étaient alors les riches heures de la mobilité à la française.
Tout un pan de la population rurale n'avait pas le permis de conduire. Beaucoup de paysans ne quittaient jamais leur lopin de terre, et n'allaient alors guère plus loin que chez le forgeron du bourg. Les épiciers itinérants se chargeaient de l'intendance courante, et pour les transports volumineux, noum di diou! Il y avait l'tracteur. De plus, bon nombre de gros paysans employaient à bon marché des ouvriers agricoles pas bien fûtés, qui avaient besoin d'être encadrés, et qui leurs étaient confiés par je ne sais quelle administration, et qui souvent se déplaçaient en mob ou à vélo. Point commun à tout ce petit monde, une éponge dans le gosier, et la terrible soif des travailleurs, qui ne s'apaise qu'avec du pinard, comme les blogueurs le savent bien.
Ça en faisait, des candidats à la couperose des vins Nicolas et au casque de traviole.
@Le Prof Turbled : Un excellent film Les petites fugues avec Michel Robin, qui joue le rôle d'un valet de ferme s'offre un jour une mob*, lui qui n'avait jamais fait de vélo...
Chef d'œuvre de poésie.
(*) Un cyclomoteur de type Gogo, l'action se passe dans les Alpes suisses.
Sous la plume experte de Pierre Desproges, le portrait d'un de ces personnages emblématiques de la ruralité d'antan.
Cette histoire se passait à Chalus, en Hte-Vienne.
"-Quand j’étais petit garçon il y avait, dans le village limousin où je passais mes vacances, un homme à tout et à ne rien faire qui s’appelait Chaminade. Chaminade tout court. Au reste, il était trop seul au monde pour qu’un prénom lui fût utile.
C’était un homme simple, au bord d’être fruste. Il vivait dans une cabane sous les châtaigniers des bosquets vallonnés de par chez nous. Sur une paillasse de crin, avec un chien jaune, du pain dur et du lard. L’été, il se louait aux moissons, et bricolait l’hiver à de menus ouvrages dans les maisons bourgeoises. À période fixe, comme on a ses règles ou comme on change de lune, Chaminade entrait en ivrognerie, par la grâce d’une immonde vinasse que M. Préfontaines lui-même n’eût pas confiée à ses citernes. Il s’abreuvait alors jusqu’à devenir violet, spongieux, sourd et comateux. Après sept ou huit jours, sa vieille mère, qui passait par là, le tirait de sa litière et le calait dehors sous la pompe à eau, pour le nettoyer d’une semaine de merde et de vomis conglomérés.
La plupart du temps, Chaminade n’avait pas le sou pour se détruire. Les petites gens du bourg se mêlaient alors de l’aider. Il faut chercher autour des stades pour trouver plus con qu’un quarteron de ploucs désœuvrés aux abords d’un bistrot.
– Ah, putain con, les hommes, regardez qui voilà-t-y pas sur son vélo ? Ho, Chaminade, viens-tu causer avec nous autres, fi de garce ? Chaminade ne refusait pas. Quand il rasait ainsi les tavernes à bicyclette, c’est qu’il était en manque.
Alors les hommes saoulaient Chaminade. Parce qu’on s’emmerde à la campagne, surtout l’hiver à l’heure du loup, et je vous parle d’un temps où la télé n’abêtissait que l’élite. Au bout de huit ou dix verres, Chaminade était fin saoul, il prêtait à rire. C’est pourquoi on l’appelait Chaminade tout court, comme on dit Fernandel.
Quoi de plus aimablement divertissant, en effet, pour un pauvre honnête, que le spectacle irrésistible d’un être humain titubant dans sa propre pisse en chantant Le Temps des cerises ?
On s’amusait vraiment de bon cœur, pour moins cher qu’un ticket de loto qui n’existait pas non plus. On lâchait l’ivrogne sur la place du Monument-aux-Morts où il se lançait alors dans un concours de pets avec le poilu cocardier. Parfois, il improvisait sur La Mort du cygne, tenant les pans de sa chemise comme on fait d’un tutu, avant de s’éclater dans la boue pour un grand écart effrayant. Et les hommes riaient comme des enfants.
En apothéose finale, on remettait de force Chaminade sur son vélo et on lui faisait faire le tour du monument. À chaque tour sans tomber, il avait droit à un petit coup supplémentaire, direct au tonnelet.
Un jour, Chaminade s’est empalé sur le pic de la grille métallique, mais il n’en est pas mort. « Il y a un Dieu pour les ivrognes », notèrent avec envie les bigotes aquaphiles, qui voguent à sec dans les bénitiers stériles de leur foi rabougrie. La dernière fois que j’ai vu Serge Gainsbourg en public, il suintait l’alcool pur par les pores et les yeux, et glissait par à-coups incertains sur la scène lisse d’un palais parisien, la bave aux commissures et l’œil en perdition, cet homme était mourant. Un parterre de nantis bagués et cliquetants l’encourageait bruyamment à tourner autour de rien en massacrant les plus belles chansons nées de son génie.
Irrésistiblement, ces cuistres-là m’ont fait penser aux ploucs, et lui à Chaminade.
J'ai l'impression, qu'à une certaine époque pas si lointaine, chaque petit patelin avait ce qu'on appelait son idiot du village. Étant ado, j'en connaissais un, surnommé Fayot. Un brave type. Il succombait très souvent à la dive bouteille étoilée.
@Liaan : son idiot du village
Vu ce que les habitants de petits villages votent lors des élections, ils seraient plusieurs à mériter ce qualitaquif, ce qualicatif, ce qualitatif...
@Le Prof Turbled : Du coup, j'ai ressorti le livre et relu ces pages 59, 60 et 61, et je sens que je vais relire tout le livre...
Un plus court : Jean Giraudoux, de son vrai nom Jean Giraudoux, est né à Bellac le 13 octobre 1882, à deux heures et quart du matin, à six mois près, ne chipotons pas. Il est mort au printemps 1944, alors même que les Allemands tentaient encore d'entrer à Moscou. Giraudoux nous a quittés au moment même où Hitler se demandait si finalement il aurait pas dû se faire peintre. Pour la France des Lettres et des Arts, la perte de Giraudoux fut un coup terrible. Moi-même, je n'arrive pas à m'en remettre. Alors je bois, et pour tuer le temps j'attends l'ouverture du gérant Nicolas.
@Maurice la grammaire : En parlant de littérature, j'aime beaucoup les Brèves de Comptoir de J.M. Gourio, je ne m'en lasse pas.
Desproges, les Fonds de Tiroir, tout pareil. Ça se lit et se relit régulièrement, ne serait-ce que pour enrichir son vocabulaire.
Comme le dit l'autre : C'est tellement vrai. C'est du vécu.
@Maurice la grammaire : Comment ? Vous ne connaissez pas les Brèves de Comptoir ? Saperlipopette ! Si vous avez un Emmaüs ou une Médiathèque bien fournie, trouvez les et lisez, c'est essentiel sur la psychologie et la profondeur abyssale de la bêtise humaine !
J'avais découvert ça dans les années 1985/1986, lorsque Gourio les publiait dans le magazine Zéro (équipe d'Hara-Kiri, Professeur Choron et son équipe)
Existe en livre de poche, je ne sais combien de tome.
@Liaan : J'avoue que "Brèves de comptoir" prenant ça au premier degré, ça ne m'attirait pas spécialement. Maintenant, si c'est pour mesurer la connerie, là c'est différent. Mais c'est un domaine où la documentation ne manque pas. Déjà, il y a les jeux télévisés, par exemple. Et ça, c'est une source inépuisable pour développer une thèse et passer un doctorat sur le sujet.
Sur ce conseil, je vais néanmoins aller voir ça de près...
@Maurice la grammaire : Michel Audiard puisait souvent dans les bistrots ces brèves répliques pleines, parfois, de philosophie profonde, mais plus souvent de bêtises crasses et abyssales des habitués. Une pièce de théâtre en a été faite, des Brèves de Comptoir. Et un film de Jean-Michel Ribes.
@fifi : Sûr qu'on apprécie bien les brèves, lorsqu'on a passé de longs et bons moments au café. On en a peut-être sorties quelques unes lors de ces instants d'imagination débordante et ses réflexions fulgurantes.
On est dopé, en quelque sorte.
@Liaan : @fifi : eh bien merci ! Je vais parfaire ma culture... J'ai aussitôt commandé le tome 1 trouvé sur internet pour 4,50€ port compris ! (Chez recyclivres)
1 De Liaan - 24/11/2019, 12:04
Dommage, il a du potentiel, ce personnage.
Ce pourrait être un spéléologue, un skieur de championnat régional, un champion de patin à roulettes, un coureur automobile, un aviateur casse-cou, un brave motocycliste ou tout simplement un mythomane qui se la pète.
2 De Céleste, de Célesteville - 24/11/2019, 13:39
@Liaan : Sottises! C'est mon gynécologue.
3 De Waldo7624 - 24/11/2019, 14:05
Cherchons la raison du refus...
Pantalon en accordéon ? Chaussures surdimensionnées ? Sourire Lecanuesque ? Casque non homologué ? Port de lunettes de soudeur sans formation professionnelle ? Ou plus simplement air con ?
On s'interroge...
4 De Tournesol - 24/11/2019, 14:21
Refusé pour quel usage? Il pourrait faire une pub pour le dépistage du strabisme.
Je sais pas vous mais moi je trouve qu’il fait un temps à boire du kirsch.
5 De Liaan - 24/11/2019, 14:22
@Waldo7624 : Bravo, il n'y a que vous pour sortir un sourire Lecanuesque.
(ce terme me fait songer au sourire satisfait de Lefuneste, voisin d'Achille T.)
6 De Waldo7624 - 24/11/2019, 14:33
@Tournesol : vu l'épaisseur du brouillard, il fait un temps à boire tout court.
@Liaan : ah, Greg ! Les tirades de Talon...
7 De fifi - 24/11/2019, 18:11
@Liaan : Vous n'y êtes pas du tout, on ne voit qu'une face où il est imprimé : " refusé ", avec l'attirail qu'a notre bonhomme, je songerai plutôt à une planche à roulettes.
8 De Liaan - 24/11/2019, 18:54
@fifi : C'est pas bête, votre truc idiot.
La planche à roulette, le surf terrestre !
9 De Sax/Cat - 24/11/2019, 20:46
@fifi :
Planche à roulettes (décapotable) transparente, c'est du dernier chic
!
10 De Maurice la grammaire - 24/11/2019, 21:04
Mais où sont les roulettes ? Transparentes aussi ? La technologie fait des merveilles...
Et s'il s'agissait d'un dessin qu'un client malgracieux, inconstant et votant probablement à droite aurait commandé au maître du blog, et qu'il aurait ensuite refusé pour d'inavouables raisons tant obscures que fallacieuses ?
11 De fifi - 24/11/2019, 21:07
@Maurice la grammaire : Le Surfer d' Argent, il n'avait pas de roulette non plus ;-)))
12 De Le Prof Turbled - 24/11/2019, 21:52
@Maurice la grammaire : Un motard saxophoniste dans l'orchestre philharmonique d'Azerat. Nous voyons ici l'ébauche, à laquelle manque encore le saxophone.
13 De Liaan - 24/11/2019, 22:34
@Maurice la grammaire : Revoir , 2, je crois...
Avec la planche sans roues.
14 De Liaan - 24/11/2019, 22:38
@Le Prof Turbled : C'était un projet de personnage mobyletteux pour le mag Mob-et-Co pour remplacer la bande dessinée minablos publiée dans le n°2.
15 De Maurice la grammaire - 24/11/2019, 22:39
@Le Prof Turbled : pas mal vu ! Mais alors, pourquoi refusé ? L'orchestre philarmonique d'Azerat n'aurait pas les moyens de se payer l'instrument ? Ou bien notre Père Michel ne saurait dessiner que les accordéons, les harmonicas et les binious ?
Le mystère s'épaissit.
16 De A. Lebussat - 24/11/2019, 22:44
@Liaan : En vrai, c'est un type, qui roule en mob, au comptoir du Bar des Amis. Il répète la scène, normalement il tient un verre et va sortir une connerie.
@Le Prof Turbled : Vous qui vivez à la campagne, z'avez dû en voir, des pochtrons qui gardaient leur casque tout en étant accoudés au comptoir, non ?
Revoir les bandes dessinées de Bouzard.
17 De Le Prof Turbled - 25/11/2019, 05:22
@A. Lebussat : De la campagne, et un temps derrière le comptoir.
Je suis doublement témoin de ces errements éthylico-ruraux.
Sûr que j'en ai vu, des poivrots hauts en couleurs. Et même avec le casque à l'envers! Et même dormant dans le fossé, retour de la fête au village, la mob appuyée au talus, le dimanche après-midi, les forces faisant défaut pour rentrer à la ferme. Tout ça n'était pas bien grave, et faisait partie des habitudes. D'ailleurs, il n'y avait quasiment jamais rien à déplorer.
Oh, il y a bien 40 ans que je suis privé de ce plaisant spectacle.
C'étaient alors les riches heures de la mobilité à la française.
Tout un pan de la population rurale n'avait pas le permis de conduire. Beaucoup de paysans ne quittaient jamais leur lopin de terre, et n'allaient alors guère plus loin que chez le forgeron du bourg. Les épiciers itinérants se chargeaient de l'intendance courante, et pour les transports volumineux, noum di diou! Il y avait l'tracteur. De plus, bon nombre de gros paysans employaient à bon marché des ouvriers agricoles pas bien fûtés, qui avaient besoin d'être encadrés, et qui leurs étaient confiés par je ne sais quelle administration, et qui souvent se déplaçaient en mob ou à vélo. Point commun à tout ce petit monde, une éponge dans le gosier, et la terrible soif des travailleurs, qui ne s'apaise qu'avec du pinard, comme les blogueurs le savent bien.
Ça en faisait, des candidats à la couperose des vins Nicolas et au casque de traviole.
18 De Liaan - 25/11/2019, 07:55
@Le Prof Turbled : Un excellent film avec Michel Robin, qui joue le rôle d'un valet de ferme s'offre un jour une mob*, lui qui n'avait jamais fait de vélo...
Chef d'œuvre de poésie.
(*) Un cyclomoteur de type Gogo, l'action se passe dans les Alpes suisses.
19 De Le Prof Turbled - 25/11/2019, 08:01
Sous la plume experte de Pierre Desproges, le portrait d'un de ces personnages emblématiques de la ruralité d'antan.
Cette histoire se passait à Chalus, en Hte-Vienne.
"-Quand j’étais petit garçon il y avait, dans le village limousin où je passais mes vacances, un homme à tout et à ne rien faire qui s’appelait Chaminade. Chaminade tout court. Au reste, il était trop seul au monde pour qu’un prénom lui fût utile.
C’était un homme simple, au bord d’être fruste. Il vivait dans une cabane sous les châtaigniers des bosquets vallonnés de par chez nous. Sur une paillasse de crin, avec un chien jaune, du pain dur et du lard. L’été, il se louait aux moissons, et bricolait l’hiver à de menus ouvrages dans les maisons bourgeoises. À période fixe, comme on a ses règles ou comme on change de lune, Chaminade entrait en ivrognerie, par la grâce d’une immonde vinasse que M. Préfontaines lui-même n’eût pas confiée à ses citernes. Il s’abreuvait alors jusqu’à devenir violet, spongieux, sourd et comateux. Après sept ou huit jours, sa vieille mère, qui passait par là, le tirait de sa litière et le calait dehors sous la pompe à eau, pour le nettoyer d’une semaine de merde et de vomis conglomérés.
La plupart du temps, Chaminade n’avait pas le sou pour se détruire. Les petites gens du bourg se mêlaient alors de l’aider. Il faut chercher autour des stades pour trouver plus con qu’un quarteron de ploucs désœuvrés aux abords d’un bistrot.
– Ah, putain con, les hommes, regardez qui voilà-t-y pas sur son vélo ? Ho, Chaminade, viens-tu causer avec nous autres, fi de garce ? Chaminade ne refusait pas. Quand il rasait ainsi les tavernes à bicyclette, c’est qu’il était en manque.
Alors les hommes saoulaient Chaminade. Parce qu’on s’emmerde à la campagne, surtout l’hiver à l’heure du loup, et je vous parle d’un temps où la télé n’abêtissait que l’élite. Au bout de huit ou dix verres, Chaminade était fin saoul, il prêtait à rire. C’est pourquoi on l’appelait Chaminade tout court, comme on dit Fernandel.
Quoi de plus aimablement divertissant, en effet, pour un pauvre honnête, que le spectacle irrésistible d’un être humain titubant dans sa propre pisse en chantant Le Temps des cerises ?
On s’amusait vraiment de bon cœur, pour moins cher qu’un ticket de loto qui n’existait pas non plus. On lâchait l’ivrogne sur la place du Monument-aux-Morts où il se lançait alors dans un concours de pets avec le poilu cocardier. Parfois, il improvisait sur La Mort du cygne, tenant les pans de sa chemise comme on fait d’un tutu, avant de s’éclater dans la boue pour un grand écart effrayant. Et les hommes riaient comme des enfants.
En apothéose finale, on remettait de force Chaminade sur son vélo et on lui faisait faire le tour du monument. À chaque tour sans tomber, il avait droit à un petit coup supplémentaire, direct au tonnelet.
Un jour, Chaminade s’est empalé sur le pic de la grille métallique, mais il n’en est pas mort. « Il y a un Dieu pour les ivrognes », notèrent avec envie les bigotes aquaphiles, qui voguent à sec dans les bénitiers stériles de leur foi rabougrie. La dernière fois que j’ai vu Serge Gainsbourg en public, il suintait l’alcool pur par les pores et les yeux, et glissait par à-coups incertains sur la scène lisse d’un palais parisien, la bave aux commissures et l’œil en perdition, cet homme était mourant. Un parterre de nantis bagués et cliquetants l’encourageait bruyamment à tourner autour de rien en massacrant les plus belles chansons nées de son génie.
Irrésistiblement, ces cuistres-là m’ont fait penser aux ploucs, et lui à Chaminade.
Fonds de Tiroir Éditions du Seuil, Points
20 De Tournesol - 25/11/2019, 08:16
@Le Prof Turbled : C’est bô,mais c’est triste...
21 De Le Prof Turbled - 25/11/2019, 08:35
@Tournesol : Oui, c'est triste. Et finalement, Desproges nous a quittés avant Gainsbourg.
22 De Liaan - 25/11/2019, 08:38
J'ai l'impression, qu'à une certaine époque pas si lointaine, chaque petit patelin avait ce qu'on appelait son idiot du village. Étant ado, j'en connaissais un, surnommé Fayot. Un brave type. Il succombait très souvent à la dive bouteille étoilée.
23 De Maurice la grammaire - 25/11/2019, 09:09
@Le Prof Turbled : C'est bien de ressortir de temps à autre de beaux textes de la poussière des tiroirs où ils sommeillent. Merci.
24 De Le Prof Turbled - 25/11/2019, 09:44
@Maurice la grammaire : Mais y a de quoi, cher ami, y a de quoi ;-))
25 De Ah, c'est malin - 25/11/2019, 10:07
@Liaan :
Vu ce que les habitants de petits villages votent lors des élections, ils seraient plusieurs à mériter ce
qualitaquif, cequalicatif, ce qualitatif...26 De Maurice la grammaire - 25/11/2019, 10:42
@Le Prof Turbled : Du coup, j'ai ressorti le livre et relu ces pages 59, 60 et 61, et je sens que je vais relire tout le livre...
Un plus court :
27 De Liaan - 25/11/2019, 11:11
@Maurice la grammaire : En parlant de littérature, j'aime beaucoup les Brèves de Comptoir de J.M. Gourio, je ne m'en lasse pas.
Desproges, les Fonds de Tiroir, tout pareil. Ça se lit et se relit régulièrement, ne serait-ce que pour enrichir son vocabulaire.
Comme le dit l'autre : C'est tellement vrai. C'est du vécu.
28 De Maurice la grammaire - 25/11/2019, 13:45
@Liaan : ah, ben je ne connais pas !... Je vais me documenter...
29 De Liaan - 25/11/2019, 14:26
@Maurice la grammaire : Comment ? Vous ne connaissez pas les Brèves de Comptoir ? Saperlipopette ! Si vous avez un Emmaüs ou une Médiathèque bien fournie, trouvez les et lisez, c'est essentiel sur la psychologie et la profondeur abyssale de la bêtise humaine !
J'avais découvert ça dans les années 1985/1986, lorsque Gourio les publiait dans le magazine Zéro (équipe d'Hara-Kiri, Professeur Choron et son équipe)
Existe en livre de poche, je ne sais combien de tome.
30 De Maurice la grammaire - 25/11/2019, 18:29
@Liaan : J'avoue que "Brèves de comptoir" prenant ça au premier degré, ça ne m'attirait pas spécialement. Maintenant, si c'est pour mesurer la connerie, là c'est différent. Mais c'est un domaine où la documentation ne manque pas. Déjà, il y a les jeux télévisés, par exemple. Et ça, c'est une source inépuisable pour développer une thèse et passer un doctorat sur le sujet.
Sur ce conseil, je vais néanmoins aller voir ça de près...
31 De fifi - 25/11/2019, 18:49
@Maurice la grammaire :https://www.youtube.com/watch?v=hA1...
32 De Liaan - 25/11/2019, 19:00
@Maurice la grammaire : Michel Audiard puisait souvent dans les bistrots ces brèves répliques pleines, parfois, de philosophie profonde, mais plus souvent de bêtises crasses et abyssales des habitués. Une pièce de théâtre en a été faite, des Brèves de Comptoir. Et un film de Jean-Michel Ribes.
33 De Liaan - 25/11/2019, 20:19
@fifi : Sûr qu'on apprécie bien les brèves, lorsqu'on a passé de longs et bons moments au café. On en a peut-être sorties quelques unes lors de ces instants d'imagination débordante et ses réflexions fulgurantes.
On est dopé, en quelque sorte.
34 De Maurice la grammaire - 25/11/2019, 21:02
@Liaan : @fifi : eh bien merci ! Je vais parfaire ma culture... J'ai aussitôt commandé le tome 1 trouvé sur internet pour 4,50€ port compris ! (Chez recyclivres)
35 De Liaan, pilier de bar - 25/11/2019, 22:54
@Maurice la grammaire : Il est des nôôôôtres !