Photographie, mensonge et culte de la personnalité

Aussi vrai qu'il est fallacieux de penser trouver la vérité dans les journaux, la photographie représente tout sauf la vérité. Et si j'écris cela, c'est juste parce que j'ai pensé que c'était amusant. N'allez pas imaginer qu'il y ait la moindre once de vérité dans tout ça. Et puis, il faudrait revenir sur la notion de vérité, déjà. Il y en a des tonnes qui sont morts à vouloir la vérité, à trop la chercher, à la guetter partout et n'importe où et même ailleurs. Vouloir la vérité vraie, c'est ce pourrir la vie durablement et jusqu'à ce que mort s'ensuive. Alors que le mensonge, pardon ! Ah oui, le mensonge, ça met du piment dans la vie, ça vous l'embellit de la plus belle des manières. Ça oui ! Sans mensonge, pas d'art, pas de littérature, pas de cinéma. Le mensonge, c'est l'imagination au pouvoir ; le mensonge, c'est l'humour et peut-être même l'amour du prochain. On ment forcément aux gens qu'on aime. Bon, moi, de ce côté, je n'ai forcément pas trop l'occasion d'exercer. Je n'aime personne.
Il y en a qui raconte que le mensonge est le travestissement de la réalité. Ce sont des bouffons. Ils n'y connaissent rien. Même pas sûr qu'ils comprennent ce qu'ils disent ou répètent sottement. Travestir la réalité, ça implique que la réalité existe et là, c'est un peu comme la question de l'existence de l'être suprême. C'est largement sujet à caution. Si la réalité existe, elle est à chercher dans le domaine de la physique quantique. Elle est dépendante de l'observateur et, donc et de ce fait, est très subjective. Si la vraie véritable réalité existait, on s'en serait aperçu, depuis le temps que la question occupe les esprits. Quoi qu'il en soit, si quand bien même elle existait, elle ne pourrait pas survivre à la transmission. Elle serait fugace et propriété unique d'une unique personne. Le témoignage est déjà du mensonge.
A contrario, le mensonge se partage et se nourrit du partage. Rare sont ceux qui se mentent par plaisir. On peut se mentir pour de bonnes raisons, mais pas par plaisir. Notez que je n'y connais rien et que je dis peut-être des conneries. Je suppose tout de même que l'on peut se mentir et se persuader que ces mensonges valent pour vérité dans bien des circonstances mais qu'alors le plaisir n'est pas de la partie. Par exemple, si l'on échappe à un grave accident, on peut se mentir et se persuader que l'on a eu de la chance d'en réchapper malgré la perte d'un membre ou de quelque chose du genre. Dans la réalité, la chance est à pondérer.
Mentir aux autres crée du plaisir ou, du moins, une certaine satisfaction. Quel bonheur de berner son prochain en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes ! Pour preuve, l'escroc génial aura toujours la sympathie du public et parfois même de ses victimes. J'ai connu des menteurs maladifs que j'écoutais par pur plaisir, juste pour le bonheur de me faire mener par le bout du nez et cela sans jamais être totalement dupe. Je me souviens ainsi d'un mythomane sévère qui voulait m'embarquer dans une aventure incroyable et que je m'amusais à aller toujours plus loin dans son délire jusqu'au moment où, ne pouvant plus aller en arrière et étant allé trop loin, il a préféré disparaître plutôt que d'avouer son mensonge. Echec et mat, j'avais gagné.
J'ai de la sympathie pour les menteurs qui me racontent des histoires. Pas toujours, bien sûr ! Mais en général, je les aime bien. J'aime bien mentir, aussi. Ainsi, je construis un mythe autour de moi. J'ai déjà réussi à faire croire que j'étais quelqu'un d'autre à plusieurs personnes. J'ai réussi à faire croire que j'étais dessinateur et photographe et même un peu réparateur d'ordinateur de l'école "sorcellerie et rites étranges conduisant à faire fonctionner un PC". Et je ne vous dis pas tout. Ce qui m'amuse, parfois, c'est de faire croire que je suis une personne sérieuse qui ne rigole pas et dont il convient de se méfier. J'y parviens assez bien. Et là, j'en arrive à la photo que j'ai eu l'idée de faire ce matin.
Ce matin, je me suis levé après une nuit qui a été meilleure que la précédente. Je me suis fait plein de café et j'ai commencé un dessin. A un moment, et je suis bien incapable d'expliquer ce qui a suscité cette idée, j'ai eu envie de faire une photo. J'aimerais savoir ce qu'il se passe dans ma pauvre cervelle, des fois. J'ai eu comme une image qui m'est apparue. Une idée d'image, quoi. Un truc qui m'a donné l'envie de la réaliser. Alors, je l'ai faite. Et cette photo est un mensonge caractérisé. Dans la vraie vie, je ne suis pas un bûcheron, je n'utilise pas souvent les tronçonneuses, je n'en empoigne pas systématiquement quelques minutes après mon lever. Et puis, je ne suis pas aussi peu souriant que je le montre, non plus. C'est marrant cette propension à toujours faire la gueule lorsque je m'essaie à l'autoportrait. Il ne faut sans doute pas aller chercher trop loin, sans doute que l'on peut expliquer que je cherche à créer une image idéalisée de qui j'aimerais être. Ou quelque chose du genre. A moins que ce ne soit que de l'humour ? Et j'ai conscience que mon humour n'est pas l'humour de tous. Et ça, ça me plaît beaucoup, cette singularité. J'aime trouver des personnes avec qui partager cette forme d'humour et j'aime également trouver des personnes qui ne la partagent pas.

Mc Culloch et moi

autoportrait à la tronçonneuse

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